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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 14 janvier 2021, n° 18/07055

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pays'mage (SARL)

Défendeur :

Easy Drive France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Me Lallement, Me Chassin

T. com. Melun, du 30 mai 2016

30 mai 2016

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La sarl PAYS'MAGE, gérée et animée par Monsieur X, prétend que le 4 janvier 2010, la Sarl EASY DRIVE FRANCE (société EASY), spécialisée dans l'installation de systèmes électriques d'assistance de direction pour équiper les voitures anciennes dépourvues de direction assistée, a signé un contrat d'agent commercial avec elle, et qu'elle l'a rompu par lettre datée du 3 septembre 2013, mais reçue le 16 septembre suivant.

Le 27 février 2014, et dans des écritures subséquentes, invoquant un contrat d'agent commercial au sens des articles L. 134-1 et L. 134-4 du code de commerce, la société PAYS'MAGE a attrait la société EASY devant le tribunal de commerce de Melun aux fins (dans le dernier état des demandes formulées en première instance) :

- à titre principal, de la faire condamner à lui payer les sommes de :

1 528,50 euros, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, en application de l'article L. 134-11 du code de commerce,

30 000 euros au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial, en application de l'article L. 134-12 du code de commerce,

3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- subsidiairement, de la condamner à lui payer la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts en application des articles 1134 du code civil et L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

La société EASY a, à titre principal, soulevé l'irrecevabilité des demandes de la société PAYS'MAGE en invoquant un défaut de qualité à agir, puis, subsidiairement, s'est opposée aux demandes en soutenant qu'elle n'était pas liée par un contrat d'agence commerciale et en demandant de fixer à hauteur de la somme de 538,20 euros, le montant de l'indemnisation de la société PAYS'MAGE sur la base du dernier mois facturé, outre l'allocation d'une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Par jugement contradictoire du 30 mai 2016, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal, après avoir essentiellement retenu qu'en dépit des incohérences apparentes du document écrit, du défaut initial de déclaration de l'entreprise intéressée au registre spécial des agents commerciaux et des erreurs dans la déclaration subséquente de régularisation, il s'agissait d'un contrat d'agent commercial souscrit entre les sociétés PAYS'MAGE et EASY, dont les indemnités sur préavis de trois mois courant à partir du 16 septembre 2013, avaient déjà été réglées par le paiement de la somme de 2.100 euros, et que l'indemnité compensatrice de rupture de l'agence commerciale devait s'évaluer sur la base annuelle estimée à hauteur de la somme de 14 925 euros, mais en tenant compte du préavis de trois mois déjà indemnisé, a

- déclaré recevable l'action de la société PAYS'MAGE,

- rejeté l'ensemble des prétentions de la société EASY,

- débouté la société PAYS'MAGE de sa demande au titre de l'indemnité de préavis,

- condamné la société EASY à payer à la société PAYS'MAGE les sommes de :

11 193,75 euros au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial,

1 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Appelante (en dernier lieu) le 5 avril 2018, la société PAYS'MAGE réclame, aux termes de ses dernières écritures (n° 2) télé-transmises le 3 décembre 2018, la somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuit la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité de préavis et a limité le montant de son indemnité de rupture à hauteur de la somme de 11 193,75 euros, tout en demandant, au visa de l'article L. 134-12 du code de commerce, de fixer cette dernière à hauteur de la somme de 30 000 euros.

Intimée, la société EASY réclame, aux termes de ses dernières écritures (N° 1) télétransmises le 12 septembre 2018, la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuit l'infirmation du jugement :

- à titre principal, en soulevant à nouveau l'irrecevabilité à agir de la société PAYS'MAGE,

- subsidiairement, en ce qu'il a qualifié le contrat litigieux en contrat d'agent commercial, et en sollicitant de qualifier la société PAYS'MAGE « d'apporteur d'affaire », de rejeter toute demande de paiement d'une commission et de fixer l'indemnisation de cette dernière à la somme de 538,20 euros, sur la base du dernier mois facturé à la société EASY,

Tout en poursuivant plus subsidiairement la confirmation du jugement et le rejet des demandes plus amples ou contraires de la société PAYS'MAGE.

SUR CE,

Sur la qualité à agir de la société PAYS'MAGE

Précisant avoir spontanément exécuté le jugement le 15 juin 2016, soit dès avant la déclaration d'appel, la société EASY prétend que le contrat, dont la société PAYS'MAGE se prévaut a été signé avec Monsieur X personnellement, pour en déduire que la société PAYS'MAGE est irrecevable à agir, dès lors qu'elle n'est pas l'agent commercial désigné au contrat, tout en soutenant que la relation contractuelle ayant existé avec la société PAY'MAGE relève d'un contrat d'apporteur d'affaires rémunéré à la commission. La société PAYS'MAGE soutient au contraire être titulaire d'un contrat d'agent commercial signé par son gérant, Monsieur X, justifiant sa qualité à agir, tout en s'opposant à la demande de la société EASY de re-qualification du contrat en contrat d'apporteur d'affaires.

Il convient liminairement de relever que :

- si le contrat du 4 janvier 2010 versé aux débats indique d'abord formellement être conclu entre la société EASY et Monsieur X, son exposé préalable avant la description des accords en 14 articles, précise cependant que Monsieur X est gérant de la sarl PAYS'MAGE, et la signature du contrat comporte le tampon de la sarl PAYS'MAGE,

- il n'est pas contesté que toutes les factures subséquentes afférentes aux commissions sur affaires, s'échelonnant du 2 mars 2010 au 9 août 2013 ont toutes été émises, non par Monsieur X personnellement, mais par la société PAYS'MAGE, laquelle a été réglée par la société EASY,

Et qu'il se déduit de ces constatations qu'en dépit des ambiguïtés des termes du contrat litigieux, la pratique ultérieure des parties est venue conforter leur véritable intention au moment de l'échange de leur consentement, que le contrat du 4 janvier 2010 a en réalité été conclu entre les société EASY et PAYS'MAGE, rendant cette dernière recevable à agir, le jugement devant être confirmé de ce chef.

Sur la qualification du contrat

La société EASY soutient ensuite qu'il s'agirait d'un simple contrat d'apporteur d'affaires et fait valoir que la société PAYS'MAGE n'aurait jamais été inscrite sur le Registre spécial des agents commerciaux. Cependant, l'inscription obligatoire sur ce Registre est une formalité de police n'ayant aucune incidence sur les rapports de droit privé et l'application du statut d'agent commercial n'y est pas subordonnée, le défaut de justification d'immatriculation ne permettant pas, à lui seul, d'écarter l'existence d'un contrat d'agent. Par ailleurs, le statut d'agent commercial dépend des conditions dans lesquelles l'activité revendiquée est effectivement exercée et il convient de relever qu'il résulte de l'article 1er du contrat litigieux que la société EASY a confié la présentation de ses produits auprès de la clientèle, sur un territoire non limité en vue de la négociation et de la conclusion de leur vente pour son compte. Il s'en déduit que la société PAYS'MAGE était mandataire de la société EASY, exerçant son activité en permanence et en toute indépendance, de représentation de son mandant pour la vente des produits de ce dernier. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont qualifié le contrat du 4 janvier 2010, de contrat d'agent commercial.

Sur l'indemnité de préavis et l'indemnité de rupture

Le contrat litigieux a été souscrit pour une durée indéterminée (article 11), sa rupture devant faire l'objet d'un préavis de trois mois à partir du commencement de sa troisième année. En adressant la lettre du 3 septembre 2013 à « PAYS'MAGE Dominique X », demandant d'accepter la rupture du contrat en raison d'une restructuration, la société EASY a notifié la rupture du contrat à effet immédiat. Aucune faute de l'agent n'est alléguée. La cessation du contrat d'agence commerciale ouvre droit au versement d'une indemnité compensatrice de fin de contrat au bénéfice de la société PAYS'MAGE, en application de l'article L. 134-12 du code de commerce.

La société PAYS'MAGE indique avoir émis quatre factures (n° 45 à 48) entre les 9 août et 5 décembre 2013, totalisant la somme de 3.551,12 euros, correspondant à des ventes intervenues durant les mois de juillet à novembre, selon les informations que lui ont directement données les clients. Cependant :

- d'une part, elle demandait initialement la somme de 1 528,50 euros, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- d'autre part, elle n'a pas démenti le jugement qui a retenu que, durant cette période, elle avait déjà été réglée de la somme de 2 100 euros couvrant les indemnités de préavis,

De sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il ne lui a pas attribué d'indemnité supplémentaire de préavis. Il sera en outre relevé que les conclusions de la société PAYS'MAGE ne comportent aucune demande de ce chef dans leur dispositif sur lequel la cour est tenue de statuer.

L'appelante critique aussi le jugement en ce qu'il a limité le montant de son indemnité de rupture à hauteur de la somme de 11 193,75 euros et demande, au visa de l'article L. 134-12 du code de commerce, de fixer cette dernière à hauteur de la somme de 30 000 euros. Cette indemnité se calcule sur la totalité des rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties, intégrant toutes les commissions brutes perçues par l'agent. La société EASY n'a pas démenti la société PAYS'MAGE indiquant que celle-ci était son seul client. L'appelante a versé aux débats les liasses de ses comptes annuels des exercice sociaux 2010/2011, 2011/2012 et 2012/2013 desquels il ressort que son chiffre d'affaires moyen au cours de trois exercices sociaux précédant la rupture était d'un montant de 14 924,33 euros par exercice (19 417 + 13 071 + 12 285 = 44 773/3). En fonction de la durée des relations (environ 3 ans et 8 mois) et des éléments disponibles dans le dossier, la cour évaluera à hauteur de deux années de commissions le montant de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial, sans qu'il n'y ait lieu d'y imputer les rémunérations versées durant le préavis. Le recours de l'appelante est ainsi fondé à hauteur de la somme de 29 848,66 euros (14 924,33 x 2), arrondie à la somme de 29 850 euros.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société EASY succombant essentiellement en appel supportera les dépens et ne peut pas prospérer dans sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles. En outre, en fonction des circonstances de l'exercice du recours, il apparaît équitable de laisser à la charge définitive de la société PAYS'MAGE, ceux que celle-ci a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Réforme le jugement uniquement du chef du montant de l'indemnité compensatrice de fin de contrat d'agence et statuant à nouveau,

Condamne la sarl EASY DRIVE FRANCE à verser à la sarl PAYS'MAGE la somme globale de 29 850 euros à titre d'indemnité de rupture,

Confirme le jugement pour le surplus,

Déboute les parties de leur demande d'indemnisation de leur frais irrépétibles d'appel,

Condamne la sarl EASY DRIVE FRANCE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.