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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 janvier 2021, n° 18/21833

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Hozelock Exel (SAS)

Défendeur :

DSI Plastics (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Depelley

Avocat :

Me Lallement

T. com. Lyon, du 5 sept. 2018

5 septembre 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La société DG Industries EI avait pour activité l'injection de matières plastiques.

La société Hozelock Exel est spécialisée dans le domaine du matériel d'arrosage de jardin et de protection des végétaux qu'elle assemble et commercialise.

Depuis 1992, la société DG Industries fabriquait pour la société Hozelock Exel des claies de portage dont le moule était fourni par le client.

La relation commerciale entre les deux parties s'est arrêtée lors du premier trimestre 2016, comme suite à l'enlèvement, par la société Hozelock Exel, du moule servant à fabriquer les claies.

S'estimant victime d'un préjudice, la société DG a adressé un courrier de mise en demeure à Hozelock le 5 janvier 2017.

La société DG Industries a fait l'objet d'un redressement judiciaire et par jugement du 12 avril 2017, le tribunal de commerce deLyon a arrêté un plan de redressement.

Le 31 août 2017, la société DG Industries a été absorbée par la société DSI Plastics par transmission universelle du patrimoine.

Par acte extrajudiciaire du 2 février 2017 la société DSI Plastics, venant aux droits de la société DG Industries, a assigné la société Hozelock devant le tribunal de commerce de Lyon en paiement de dommages-intérêts, sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies.

C'est dans ces conditions que par jugement du 5 septembre 2018, le Tribunal de commerce de Lyon a :

Constaté l'extinction de l'instance à l'égard de la SELARL AJ Partenaires en qualité d'administrateur judiciaire et de la SELARL Alliance MJ en qualité de mandataire judiciaire de la société DG Industries E.I ;

Dit recevable et bien fondée la société DSI Plastics, venant aux droits de la société DG Industries, en ses demandes ;

Dit brutale la rupture de la relation commerciale établie entre les sociétés DSI Industries venant au droit de la société DG Industrie et Hozelock Exel ;

Dit que, eu égard à l'ancienneté des relations commerciales entre les deux parties, il y a lieu de fixer le préavis à 24 mois ;

Condamné en conséquence, la société Hozelock Exel à payer à la société DSI Plastics, venant au droit de DG Industries, la somme de 79 656 à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie ;

Débouté la société DSI Plastics de sa demande d'une somme complémentaire de 50 000 à titre de dommages-intérêts du fait d'un comportement déloyal et malveillant de la société Hozelock Exel ;

Condamné la société Hozelock Exel à payer à la société DSI Plastics la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

Débouté les parties de leurs autres demandes, fins et conclusions ;

Condamné la société Hozelock Exel aux entiers dépens de l'instance.

Vu les dernières conclusions de la société Hozelock Exel, appelante, notifiées et déposées le 5 janvier 2019, demandant à la Cour de :

Vu les dispositions de l'article L 442-6 I 5° du Code de commerce,

Vu les dispositions du nouvel article 1240 du Code civil (ancien article 1382),

Réformer la décision querellée en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

1° - Sur la rupture brutale des relations commerciales établies :

Dire et juger que la société DSI Plastics venant aux droits de la société DG Industries ne justifie ni d'une relation commerciale établie au sens de l'article L442-6-I-5° du Code de commerce, ni de l'imputabilité de la rupture à la société Hozelock Exel ;

Débouter en conséquence la Société DSI Plastics venant aux droits de la société DG Industries de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

À titre subsidiaire :

Dire et juger que la société DSI Plastics venant aux droits de la société DG Industries communique des attestations contradictoires et incohérentes concernant son taux de marge ;

Débouter en conséquence la société DSI Plastics venant aux droits de la société DG Industries de ses demandes ;

À titre encore plus subsidiaire :

Dire et juger que la société DSI Plastics venant aux droits de la société DG Industries ne justifie pas d'un taux de marge de 60,50 %, mais au maximum de 58,75 % ;

Dire et juger que le chiffre d'affaires de la société DG Industries antérieur à 2011 ne peut être retenu comme assiette de calcul, et que son chiffre d'affaires moyen mensuel de 2012 à 2015 ne saurait excéder la somme de 5 320 ;

Dire et juger que le préavis de rupture ne saurait excéder 6 mois ;

Dire et juger en conséquence que l'indemnité au titre de la rupture brutale ne saurait excéder la somme maximum de 18 753 ;

Débouter la société DSI Plastics venant aux droits de la société DG Industries de toute demande supérieure.

2° - Sur la rupture fautive :

Dire et juger que la société DSI Plastics ne rapporte la preuve d'aucune faute imputable à la société Hozelock Exel ;

Débouter en conséquence la société DSI Plastics venant aux droits de la Société DG Industries de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

3° - À titre reconventionnel :

Condamner la société DSI Plastics venant aux droits de la société DG Industries à payer la somme de 10 000,00 à la Société Hozelock Exel pour procédure abusive.

4° - En tout état de cause :

Condamner la société DSI Plastics venant aux droits de la société DG Industries à payer à la Société Hozelock Exel la somme de 7 000,00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner la société DSI Plastics venant aux droits de la société DG Industries aux entiers dépens.

Vu sur les dernières conclusions de la société DSI Plastics, notifiées et déposées le 4 avril 2019,

il est demandé à la Cour d'appel de Paris de :

Vu l'article L.442-6 I 5° du Code de commerce,

Vu le nouvel article 1240 du Code civil (ancien article 1382),

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 5 septembre 2018 en ce qu'il a :

Constaté l'extinction de l'instance à l'égard de la SELARL AJ Partenaires en qualité d'administrateur judiciaire de DG Industries et de la SELARL Alliance MJ en qualité de mandataire judiciaire de DG Industries,

Jugé recevable et bien fondée la société DSI Plastics, venant aux droits de DG Industries, en ses demandes,

Jugé brutale la rupture de la relation commerciale établie entre DSI Plastics, venant aux droits de DG Industries et Hozelock Exel,

Jugé, eut égard à l'ancienneté des relations commerciales entre les deux parties, qu'il y a lieu de fixer le préavis à 24 mois,

Condamné la société Hozelock Exel à payer à DSI Plastics, venant aux droits de DG Industries, la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Débouté la société Hozelock Exel de ses demandes, fins et conclusions, condamné la société Hozelock Exel aux entiers dépens de l'instance.

Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 5 septembre 2018 en ce qu'il a :

Condamné la société Hozelock Exel à payer à la société DSI Plastics, venant aux droits de DG Industries, la somme de 79 656 à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture de la relation commerciale établie,

Débouté la société DSI Plastics, venant aux droits de DG Industries de sa demande d'une somme complémentaire de 50 000 à titre de dommages et intérêts du fait d'un comportement déloyal et malveillant de la société Hozelock Exel,

Et, statuant à nouveau :

Condamner la société Hozelock Exel à payer la société DSI Plastics, venant aux droits de DG Industries, la somme de 85 920 à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture de la relation commerciale établie,

Subsidiairement et à tout le moins,

Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Hozelock Exel à payer à la société DSI Plastics, venant aux droits de DG Industries, la somme de 79 656 à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture de la relation commerciale établie,

Condamner la société Hozelock Exel à verser à la société DSI Plastics, venant aux droits de DG Industries, une somme de 50 000 à titre de dommages et intérêts complémentaires compte tenu de son attitude déloyale et malveillante.

En toute hypothèse et y ajoutant :

Condamner la société Hozelock Exel à payer à la société DSI Plastics une somme de 10 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société Hozelock Exel aux entiers dépens.

SUR CE

LA COUR

La société intimée, DSI Plastics, affirme que les relations commerciales entre la société Hozelock Exel et la société DG Industries ont débuté en 1992 et ont duré 24 années. Elle soutient que ces relations étaient stables, régulières et habituelles et qu'elles n'ont pas été interrompues.

Elle énonce que les prétendus défauts de qualité présentés par la société Hozelock ne sont pas démontrés et elle fait observer que le chiffres d'affaires de 2011 à 2015 atteste que leurs relations étaient stables.

Elle ajoute que leurs relations commerciales ne se sont pas précarisées en 2015. Selon elle, le caractère établi ne peut disparaitre au seul motif que les parties auraient renégocié les modalités tarifaires de leur collaboration. Elle ajoute que les échanges intervenus entre la société Hozelock Exel et la société DG Industrie démontrent que celle-ci ne lui a pas imposé une hausse tarifaire et que cela ne traduit pas sa volonté de rompre de leurs relations. La société DSI Plastics énonce également que les parties étaient parvenues à un accord.

La société intimée, DSI Plastics soutient que la société Hozelock Exel a rompu brutalement des relations commerciales établies depuis 24 ans, ce sans préavis écrit ni explication.

La société DSI Plastics expose que la société Hozelock Exel a demandé à la société DG Industrie de lui restituer le moule de claie pour établir son état technique puis que la société DG Industrie a relancé la société Hozelock Exel pour qu'un nouveau moule lui soit livré pour honorer les futures commandes.

La société DSI Plastics soutient que la société Hozelock Exel ne démontre pas que la société DG Industries aurait mal entretenu le moule, dès lors que la seule pièce qu'elle fournit est établie par la société Belli dont tout laisse à penser qu'elle travaille pour elle désormais et qu'il s'agit d'un devis rédigé postérieurement à la rupture.

Elle affirme également que l'argument avancé par société Hozelock Exel selon lequel la société DG Industrie aurait elle-même acté la fin de la relation à l'issue d'un vif entretien téléphonique, est infondé, d'autant plus que leurs échanges démontreraient que la société DG Industrie attendait son retour au sujet du moule afin qu'il n'y ait pas d'interruption de production.

Sur ce s'agissant du caractère établi de la relation au moment de la rupture, la Cour considère que s'il est constant que les parties avaient été en relation commerciale depuis 1993 pour l'approvisionnement de claies en matière plastique, il est également démontré que cette relation avait été caractérisée depuis l'origine par la mise à disposition du fournisseur par le client du moule servant à les fabriquer.

La mise à disposition de ce moule fait d'ailleurs l'objet de dispositions essentielles à la relation contractuelle supportant la relation commerciale, puisque le contrat-cadre de référencement conclu par écrit entre les parties pour la saison 2013/2014 précise que l' outillage de production était la propriété du client et était en dépôt chez le fournisseur qui avait la charge de l'entretenir et de l'assurer, sans possibilité de le déplacer sans l'autorisation écrite du déposant, toute offre d'outillage neuf ou de réparation de l'existant devant être accompagnée d'un descriptif technique détaillé.

Or, il est également établi qu'au mois de juin 2015, le fournisseur a exigé une augmentation du prix unitaire des claies de près de 22%, atteignant 7,842 euros, invoquant à cet égard la nécessité non seulement de tenir compte de l'augmentation du coût de la matière première, mais encore celle de compenser l'usure de l'outillage, en raison d'un problème récurrent rendant celui-ci moins efficace.

Cependant, dans l'économie concrète de la relation commerciale entre les parties, la question de ce moule était tellement essentielle pour le fournisseur que dans le courriel du 12 juin 2015 dans lequel celui-ci entendait justifier du bienfondé de sa demande d'augmentation de prix, il a été le premier à envisager la rupture sans préavis en ces termes : « L'ajustement de prix n'est pas une augmentation de marge de DSI Plastics, elle prend en compte l'évolution des composants, l'usure de l'outillage...Nous avons une dernière production pour Juillet, après celle-ci, votre outillage sera à disposition dans le cas où vous ne changeriez pas d'avis ».

Rien ne démontre d'ailleurs que le fournisseur, avant de prendre une telle position, ait proposé au client une réparation de l'outillage.

Le fournisseur a alors seulement indiqué, sans descriptif technique détaillé, que le moule présentait une anomalie de refroidissement entraînant un ralentissement de la cadence de production, de nature à influer sur le coût de production des claies.

Par ce courriel, le fournisseur s'est placé hors la situation de croire légitimement que la relation commerciale serait maintenue avec stabilité après juillet 2015, dès lors que lui-même en avait subordonné la poursuite à des conditions tarifaires compensant les défectuosité du moule, ce alors qu'il était le mieux placé pour connaître l'état du matériel dont il était dépositaire et seul utilisateur, et que lui seul savait que de lourdes réparations étaient nécessaires pour y remédier.

C'est donc dans des conditions précaires - et non plus dans le cadre de la relation commerciale établie qui avait prévalu jusqu'au courriel du 12 juin 2015 déjà mentionné - que le cycle de production du premier trimestre 2016 a été conclu et entrepris, sur la base d'une négociation tarifaire adaptée à la cadence de production altérée permise par le moule. Une telle négociation n'a manifestement valu qu'à titre provisoire dans l'attente et sous les aléas du règlement de la défaillance du moule.

Significativement, alors que le fournisseur avait lui-même fait rentrer la relation commerciale en voie de précarité en juin 2015, au motif essentiel que le moule était devenu inefficace par défaut de refroidissement, il est établi que ce fournisseur a attendu le 26 février 2016 pour faire parvenir au client le descriptif technique et le coût des réparations du moule, éléments qu'il n'a pas spontanément fournis, puisqu'ils lui avaient été préalablement demandés par le client qui a procédé à une relance par courriel, le 24 février 2016.

Or, précisément, la relation commerciale s'est interrompue à la suite de l'enlèvement du moule par le client en mars 2016.

Par conséquent, la rupture de la relation commerciale établie n'est en l'espèce pas imputable à la société Hozelock Exel.

Le jugement entrepris sera donc réformé en ce qu'il a alloué à la société DSI Plastics une indemnité au titre de la rupture brutale de relations commerciales établies.

En revanche, le jugement entrepris doit être confirmé en ce que, par de justes motifs que la Cour adopte, il a débouté la société DSI Plastics de sa demande pour comportement déloyal et malveillant.

En effet, compte tenu de ce qui précède, il n'est nullement établi que la société Hozelock Exel a commis une faute pour avoir :

- récupéré le moule pour de prétendues analyses internes,

- prétendu ensuite que le moule avait été endommagé dans le cadre de ces analyses,

- sollicité le fournisseur pour qu'il lui soit communiqué le coût et les délais de livraison pour un nouveau moule,

- fait procédé à l'insu de la société DG Industries à d'autres analyses préparant le changement de fournisseur.

La sciété DSI Plastics sera donc déboutée de toutes ses demandes.

La société Hozelock Exel n'établissant aucun abus de procédure, ni en première instance ni en appel, elle sera déboutée de toute demande à ce titre, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

En équité, la société DSI Plastics versera à la société Hozelock Exel une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel, dont le montant sera précisé au dispositif du présent arrêt, le jugement entrepris devant être réformé sur ce point.

Semblablement, le jugement sera réformé sur les dépens, qui seront mis à la charge de la société DSI Plastics venant aux droits de la société DG Industries EI.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à la société DSI Plastics une indemnité au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et en ce qu'il a statué sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile,

Pour le surplus, le confirme,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute la société DSI Plastics de sa demande au titre de la rupture brutale de relations commerciales établies,

Condamne la société DSI Plastics à payer à la société Hozelock Exel une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance et en appel

Condamne la société DSI Plastics en tous les dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.