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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 janvier 2021, n° 19/01275

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Alphyr (SAS)

Défendeur :

Egekip RH (SARL), Egekip Solutions (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Depelley

Avocats :

Me Delay Peuch, Me Gouache, Me Regnier, Me Benoit

T. com. Paris, du 12 déc. 2018

12 décembre 2018

FAITS ET PROCEDURE

Le 1er juin 2010, la société Alphyr, franchiseur, a signé un contrat de franchise pour une activité de travail temporaire avec la société Egekip RH, franchisé, créée par Mme X par le biais de la société holding Egekip Solutions. Le contrat était conclu pour 7 ans sans tacite reconduction.

Le 1er juin 2010, la société Alphyr a également signé un contrat accessoire à la franchise avec la société Egekip RH, Madame X, gérante de la société Egekip RH et présidente de la société Egekip Solutions, et la société Egekip Solutions, comprenant notamment des garanties de paiement des sommes éventuellement dues par la société Egekip RH.

A l'approche du terme du contrat de franchise qui devait intervenir le 31 mai 2017, les parties ont échangé sur le contenu d'un éventuel nouveau contrat de franchise.

Le 22 mai 2017, le terme du contrat de franchise a été prolongé jusqu'au 30 juin 2017.

Par lettre du 20 juin 2017, la société Egekip RH a informé la société Alphyr de sa décision de ne pas signer un nouveau contrat de franchise Lynx RH.

Le 18 juillet 2017, la société Egekip RH a cédé son fonds de commerce de travail temporaire et d'activité de placement à un tiers, la société Partenaire Industrie Pharmaceutique.

Les 9 et 10 août 2017, la société Alphyr a assigné la société Egekip RH, Madame X et la société Egekip Solutions, devant le tribunal de commerce de Paris, notamment en paiement de sommes à titre d'indemnisation de dommages causés par un abus de ne pas renouveler le contrat de franchise et rupture abusive des pourparlers, par une rupture brutale des relations commerciales établies, ainsi que de voir ordonner sous astreinte le respect de clauses contractuelles et post-contractuelles et la condamnation de diverses indemnités à ce titre. La société Egekip RH a formulé diverses demandes reconventionnelles.

A la suite d'un traité de fusion du 11 janvier 2018, la société Egekip Solutions est venue aux droits de la société Egekip RH.

Par jugement du 12 décembre 2018, le tribunal de commerce de Paris, a :

- dit que la société Egekip RH n'a pas abusé de son droit de ne pas renouveler le contrat de franchise du 1er juin 2010,

- débouté la société Alphyr de sa demande de condamner la société Egekip RH à lui payer la somme de 233 000 euros à ce titre,

- dit que la société Egekip RH n'a pas rompu abusivement les pourparlers,

- débouté la société Alphyr de sa demande de condamner la société Egekio RH à lui payer la somme de 45 000 euros à ce titre,

- dit que la société Egekip RH n'a pas rompu brutalement une relation commerciale établie,

- débouté la société Alphyr de sa demande de condamner la société Egekip RH à lui payer la somme de 37 500 euros à ce titre,

- débouté la société Alphyr de sa demande d'ordonner à la société Egekip RH de cesser de se prévaloir de la qualité de franchisé Lynx RH sous astreinte judiciaire de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir et compte tenu de la mauvaise foi de la société Alphyr, fera droit à la demande de la société Egekip RH de condamner la société Alphyr à payer à la société Egekip RH les frais du constat d'huissier dressé le 31 août 2017 soit la somme de 489,20 euros,

- débouté la société Egekip RH de sa demande de nullité de la clause de non-concurrence post-contractuelle,

- dit que la société Egekip RH, Mme X et la société Egekip Solutions n'ont pas violé les clauses de non-concurrence post contractuelles,

- débouté la société Alphyr de sa demande de condamner solidairement la société Egekip RH, la société Egekip Solutions et Mme X, à payer à la société Alphyr, la somme de 1 000 000 euros en application de l'article 16.2 du contrat de franchise et de l'article 5 du contrat accessoire à la franchise,

- débouté la société Alphyr de sa demande d'ordonner à la société Egekip RH, à la société Egekip Solutions et à Mme X de cesser, directement ou indirectement, sur le territoire couvert par les clauses de non-concurrence post-contractuelles, pendant une 1 année à compter de la cessation des effets du contrat de franchise et du contrat accessoire à la franchise, soit jusqu'au 30 juin 2018, toute activité de services de placement et de recrutement en interim, et ce, sous astreinte judiciaire de 10 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

- débouté la société Alphyr de sa demande de condamner solidairement la société Egekip RH, la société Egekip solutions et Mme X, à payer à la société Alphyr, la somme de 1 087 875 euros en réparation du préjudice subi suite à la violation du droit de préemption du franchiseur prévu à l'article 6 du contrat accessoire à la franchise,

- débouté la société Egekip RH de sa demande de condamner la société Alphyr à payer à la société Egekip RH la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du caractère disproportionné et déséquilibré de la clause de non-concurrence post-contractuelle,

- débouté la société Alphyr de sa demande de paiement de la somme de 1 euros pour abus d'agir en justice,

- débouté la société Egekip RH de sa demande de condamner la société Alphyr à payer à la société Egekip RH, la société Egekip Solutions et Mme X la somme de 10 000 euros chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société Alphyr à payer à la société Egekip RH, Mme X et la société Egekip Solutions la somme de 10 000 euros en principal,

- condamné la société Alphyr aux dépens de la présente instance, en ce promis les frais de constat d'huissier de justice qui ont dû être engagé par les défenderresses, soit la somme de 489,20 euros, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 159,37 euros dont 26,35 euros de TVA.

Le 18 janvier 2019, la société Alphyr a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris.

Vu les dernières conclusions de la société Alphyr, notifiées et déposées le 26 octobre 2020, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu les articles 1134, 1147 anciens du Code civil, ensembles les articles 1103 et 1231-1 nouveaux du Code civil (depuis la réforme des obligations par l'ordonnance du 10 février 2016),

Vu l'article 1240 du code civil,

Donner acte à la société Egekip Solutions de son intervention à la présente instance aux droits de la société Egekip RH, à la suite d'une opération de fusion-absorption, entraînant une transmission universelle du patrimoine de la société Egekip RH à la société Egekip Solutions,

Recevoir la société Alphyr en son appel limité à certains chefs du jugement,

Réformer le jugement entrepris en ce :

- qu'il a décidé que la société Egekip RH n'a pas abusé de son droit de ne pas renouveler le contrat de franchise du 1er juin 2010,

- qu'il a débouté la société Alphyr de sa demande de condamnation de la société Egekip RH à lui payer la somme de 233 000 euros à ce titre,

- qu'il a décidé que la société Egekip RH n'avait pas rompu abusivement les pourparlers,

- qu'il a débouté la société Alphyr de sa demande de condamnation de la société Egekip RH à lui payer la somme de 45 500 euros à ce titre,

- qu'il a débouté la société Alphyr de sa demande de condamnation solidaire de la société Egekip RH, Egekip Solutions, et de Mme X de la somme de 1 087 875 euros en réparation du préjudice subi suite à la violation du droit de préemption du franchiseur prévu à l'article 6 du contrat accessoire à la franchise.

Statuant à nouveau de ces chefs :

- juger que la société Egekip RH a abusé de son droit de ne pas renouveler le contrat de franchise,

En conséquence,

- condamner la société Egekip Solutions, venant aux droits de la société Egekip RH à payer à la société Alphyr la somme de 233 000 en réparation du préjudice subi par elle au titre de l'indemnisation du dommage causé par l'abus du droit de ne pas renouveler le contrat.

Subsidiairement,

- juger que la société Egekip RH a rompu abusivement les pourparlers pour conclure un nouveau contrat ;

- condamner la société Egekip Solutions, venant aux droits de la société Egekip RH à payer à la société Alphyr la somme de la somme de 45 500,00 au titre de l'indemnisation du dommage qui lui a été causé par la rupture abusive des dits pourparlers

En toute hypothèse :

- condamner solidairement la société Egekip Solutions, venant aux droits de la société Egekip RH, la société Egekip Solutions et Mme X, à payer à la société Alphyr, la somme de 1 087 875 euros en réparation du préjudice subi suite à la violation du droit de préemption du franchiseur prévu à l'article 6 du contrat accessoire à la franchise.

- débouter la société Egekip Solutions, venant aux droits de la société Egekip RH, la société Egekip Solutions et Mme X de leurs demandes reconventionnelles et plus généralement de toute demande,

- condamner solidairement la société Egekip Solutions, venant aux droits de la société Egekip RH, la société Egekip Solutions et Mme X à payer à la société Alphyr la somme de 15.000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement la société Egekip Solutions, venant aux droits de la société Egekip RH, la société Egekip Solutions et Mme X aux entiers dépens en application de l'article 699 du Code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions de la société Egekip Solutions venant aux droits de la société Egekip RH, de la société Egekip Solution et de Madame X, notifiées et déposées le 23 octobre 2020, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu les articles 1131, 1134, 1147 et 1152 du Code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats,

Vu l'article 1240 du Code civil,

Vu l'article L. 442-6-I, 2° et 5° du Code de commerce,

Donner acte à la société Egekip Solutions de son intervention à la présente instance aux droits de la société Egekip RH, à la suite d'une opération de fusion-absorption, entraînant une transmission universelle du patrimoine de la société Egekip RH à la société Egekip Solutions,

Confirmer le jugement du 12 décembre 2018 en intégralité sauf en ce qu'il a :

- débouté la société Egekip RH de sa demande de condamner la société Alphyr à lui payer la somme de 90.000 à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du caractère disproportionné et déséquilibré de la clause de non-concurrence post-contractuelle,

- débouté les intimées de leur demande de condamner la société Alphyr à leur payer la somme de 10.000 chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Infirmer ces deux chefs du jugement du 12 décembre 2018, Et, statuant à nouveau,

Dire et juger que la société Alphyr a commis une faute en imposant à la société Egekip RH une clause de non-concurrence post-contractuelle disproportionnée et déséquilibrée,

Dire et juger que la société Alphyr a agi de manière abusive en introduisant cette action,

Condamner la société Alphyr à payer à la société Egekip Solutions, venant aux droits de la société Egekip RH, la somme de 90 000 à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du caractère disproportionné et déséquilibré de la clause de non-concurrence post-contractuelle,

Condamner la société Alphyr à payer à la société Egekip Solutions, venant aux droits de la société Egekip RH, à la société Egekip Solutions et à Madame X la somme de 10 000 chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Débouter la société Alphyr de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la société Alphyr à payer à la société Egekip Solutions, venant aux droits de la société Egekip RH, à la société Egekip Solutions et à Madame X la somme de 10 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l'intervention volontaire de la société Egekip Solutions venant aux droits de la société Egekip RH

Il convient de recevoir la société Egekip Solutions, venant aux droits de la société Egekip RH à la suite du traité de fusion du 11 janvier 2018, en son intervention volontaire à ce titre.

Sur la demande de la société Alphyr au titre de l'indemnisation d'un dommage causé par l'abus du droit de ne pas renouveler le contrat de franchise et subsidiairement au titre d'une rupture abusive des pourparlers

La société Alphyr prétend que la société Egekip RH a abusé de son droit de ne pas renouveler le contrat de franchise en l'entretenant dans l'illusion que le contrat serait renouvelé et pensant qu'elle n'avait pas à rechercher un autre candidat, en ce que la société Egekip RH a mené les négociations pour l'empêcher de rechercher un autre franchisé et pour se donner le temps de négocier avec le repreneur de son fonds de commerce.

Elle demande alors la réparation d'un préjudice à hauteur de 233 000 euros, comprenant les frais de la négociation du nouveau contrat pour 8 000 euros et la perte du chiffre d'affaires auquel elle aurait eu le droit évalué à 3 années de redevances, soit 225 000 euros.

A titre subsidiaire, la société Alphyr soutient que la société Egekip RH a rompu abusivement les pourparlers au titre de l'article 1104 du code civil en ce que la société Egekip RH a continué de négocier alors qu'elle n'avait plus l'intention de conclure le nouveau contrat de franchise dès lors qu'elle avait d'ores et déjà résilié le contrat de bail. La société Alphyr demande la réparation des préjudices qu'elle a subi, comprenant les frais de la négociation du nouveau contrat, à hauteur de 8 000 euros et la perte de chance de contracter plus vite avec un nouveau franchisé, à hauteur de 37 500 euros, représentant 6 mois de redevances.

La société Egekip Solutions soutient que la demande de la société Alphyr relative à l'abus dans l'exercice de son droit de ne pas renouveler le contrat n'est pas fondée dès lors que l'article 13 du contrat de franchise prévoit qu'il n'est pas renouvelable, ainsi un nouveau contrat doit être négocié pour être signé pour que les relations entre les parties perdurent. Elle précise que le renouvellement de contrat implique la signature du même contrat.

Elle soutient que la société Egekip RH n'a commis aucun abus que ce soit sur le terrain du droit de ne pas renouveler le contrat ou sur le terrain de la rupture des pourparlers dès lors qu'elle n'a pas entretenu l'illusion qu'elle signerait le nouveau contrat de franchise Lynx RH puisqu'elle a toujours été claire sur le fait qu'elle arrêterait de travailler avec la société Alphyr si le nouveau contrat qui lui était proposé ne correspondait pas à ses attentes.

Cela étant exposé, il n'est pas contesté par les parties que suivant l'article 13 du contrat de franchise signé le 1er juin 2010, celui-ci a été conclu pour une durée de 7 années sans renouvellement possible par tacite reconduction. Ce même article précisait qu'à l'expiration de la durée du contrat initial, les parties étaient libres de négocier un nouveau contrat en faisant connaître leur intention quant à la renégociation éventuelle d'un nouveau contrat six mois au moins avant l'arrivée du terme initial par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée à l'autre partie.

Par des motifs pertinents que la Cour adopte, le tribunal a justement considéré qu'il ressort du contenu de la correspondance échangée entre les parties dans la période précédant le terme du contrat initial, notamment du couriel du 20 septembre 2016 de la société Egekip RH souhaitant connaître les conditions de la société Alphyr pour une éventuelle renégociation du contrat avant le terme de celui-ci, des courriels de la société Egekip RH du 23 novembre 2016 à la suite d'une réunion entre les parties, du 28 février 2017 à la suite de la lettre d'intention du 13 janvier 2017 de la société Alphyr, du 5 mai 2017 à la suite du projet de contrat de la société Alphyr du 28 mars 2017 et enfin du 8 juin 2017 que la position de la société Egekip RH par l'intermédiaire de Mme X a été constante en ce que la signature d'un nouveau contrat n'était qu'éventuelle au regard de l'analyse des propositions de la société Alphyr et que les réponses telles que formulées par la société Egekip RH aux propositions successives de la société Alphyr n'étaient pas de nature à faire naître chez cette dernière une croyance légitime dans la pérennité de la relation contractuelle ou dans l'illusion de la signature d'un nouveau contrat.

Il sera ajouté qu'il ressort des éléments de la négociation que la société Egekip RH a constamment reproché à la société Alphyr de ne pas tenir compte dans ses propositions du fait d'être dans une situation de renouvellement de contrat et non de candidature à une franchise. Dès le courrier du 23 novembre 2016 la société Egekip RH a fait connaître à la société Alphyr des points bloquants dans la négociation relative à la durée du contrat, le taux de redevance et les conditions de sortie de la franchise en cas de cession de fonds de commerce. Dans un premier temps, la société Alphyr à soumis à la société Egekip RH, non pas un contrat, mais une lettre d'intention du 13 janvier 2017 sur des conditions éventuelles d'un nouveau contrat de franchise notamment sur la redevance, la durée du contrat et la cession à un tiers. La société Egekip RH y a répondu dans un courrier précis du 28 février 2017 soulignant le manque d'avancée par rapport aux points précédents et des propositions n'étant que la reprise des conditions du contrat initial. Le 6 mars 2017, la société Alphyr acceptait de renoncer sur le point de la clause de non-concurrence.

Dans un second temps, le 28 mars 2017, la société Egekip RH a été destinataire d'un projet de contrat de franchise élaboré par la société Alphyr. Par courrier du 5 mai 2017, la société Egekip RH a transmis à la société Alphyr une note de son avocat conseil et a sollicité la modification de nombreuses clauses de ce projet de contrat révélant, selon elle, un déséquilibre dans la protection des intérêts de chacun. Au regard des pièces relatives aux échanges ayant donné lieu à la lettre d'intention du 13 janvier 2017 et le contenu de celle-ci, il n'est pas établi que les nouveaux points de désaccords soulevés par la société Egekip RH aient été préalablement évoqués mais ont plutôt été générés par le projet de contrat de franchise lui-même transmis le 28 mars 2017 tels que l'engagement solidaire de Mme X et de la société Egekip Solutions, la facilité pour le franchiseur de modifier unilatéralement le contrat, les services vendus par le franchiseur à partir de son site internet, un engagement de caution de Mme X de 500 000 euros, une clause non-affiliation post-contractuelle au lieu et place d'une clause de non-concurrence, la clause pénale de 1 million d'euros.

Avant la réponse sur ces points par la société Alphyr, les parties ont signé le 22 mai 2017 la prolongation du contrat initial jusqu'au 30 juin 2017.

Dans son courriel du 8 juin 2017, la société Alphyr a annoncé l'acceptation de la quasi totalité des points soulignés par le conseil de la Société Egekip RH. Toutefois, la société Egekip RH a relevé dans son courrier du 12 juin 2017 que si de "nombreux points de rédaction juridique" ont été acceptés "les gros éléments de fond restent entiers et vous ne faites aucune avancée sur ceux-là". Comme l'a justement relevé le tribunal, et sans être utilement contredit par la société Alphyr notamment en pièce 11 sur le détail de ses acceptations, à cette date subsistaient effectivement les désaccords suivants : l'engagement solidaire de Mme X et de la société Egekip Solutions, la facilité pour le franchiseur de modifier unilatéralement le contrat, le taux de redevance trop élevé, les services vendus par le franchiseur à partir de son site internet, l'engagement de caution de Mme X de 200 000 euros et le montant de la clause pénale.

Dans ce contexte, malgré les tentatives de poursuites des négociations par la société Alphyr par courriel du 14 juin 2017, la société Egekip RH a manifesté le choix d'interrompre les négociations par courrier du 20 juin 2017 reçu le 24 juin par la société Alphyr, après avoir notifié le 9 juin 2017 le non-renouvellement de son bail commercial suivant les prévisions contractuelles au 1er décembre 2017 avec un délai de préavis de 6 mois.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, qu'il ne peut être déduit ni du déroulement de cette négociation ni du contenu des échanges entre les parties une intention de nuire ou un comportement déloyal de la part de la société Egekip RH et en particulier une stratégie de la part de cette dernière de "faire traîner" les négociations sans aucune intention de signer un nouveau contrat.

La société Alphyr échouant à démontrer un abus dans le droit de ne pas poursuivre les relations contractuelles et dans la rupture des pourparlers, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Alphyr de ses demandes de dommages-intérêts à ces titres de 233 000 euros et subsidiairement de 45500 euros.

Sur la demande de la société Alphyr au titre de la réparation d'un préjudice subi pour la violation du droit de préemption du franchiseur

Selon la société Alphyr, la société Egekip RH a agi en fraude de son droit de préemption en ce qu'elle a tout fait pour que la vente semble avoir eu lieu après l'expiration du contrat de franchise alors que plusieurs indices démontrent que l'accord de volonté des parties sur une cession, non formalisé, a eu lieu, lorsque le contrat de franchise était en cours. Elle demande la condamnation solidaire de la société Egekip Solutions venant aux droits de la société Egekip RH et Madame X au paiement de la somme de 1 087 875 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi, une perte de chance de tirer profit du fonds de commerce et de développer son réseau.

La société Egekip Solutions venant aux droits de la société Egekip RH, et Mme X soutiennent qu'elles n'ont pas violé la clause de préemption en faveur de la société Alphyr, franchiseur, et qu'aucun des indices avancés par la société Alphyr ne permettent de déduire qu'un accord avec le cessionnaire sur la chose cédée et le prix soit intervenu, notamment un compromis de vente, avant la fin du contrat de franchise. Les intimées font valoir que les négociations pour le rachat du fonds de commerce n'ont débuté qu'après la fin du contrat de franchise. Elles précisent que la cession d'un fonds de commerce d'agence de travail temporaire n'est pas complexe, qu'il n'existe pas de droit de préemption communal, que la société Partnaire Industrie Pharmaceutique et Cosmétique a la capacité de mener une telle opération de rachat rapidement, que le cessionnaire n'a pas eu à obtenir de prêt bancaire, que l'immatriculation du cessionnaire a été réalisée après la cession, que Mme X souhaitait céder rapidement son fonds en raison de la clause pénale attachée aux clauses de non-concurrence.

Cela étant exposé, l'article 6 du contrat accessoire du 1er juin 2010 dispose que :

« Dans l'hypothèse où un ou plusieurs Actionnaires envisageraient la cession ou la mise en location-gérance du fonds de commerce du Franchisé, ou des titres représentant le capital de la société franchisée, ces Actionnaires s'engagent à en informer le Franchiseur, par lettre recommandée avec accusé de réception à laquelle est joint le dossier suivant :

- une présentation et les références du candidat proposé par les Actionnaires,

- un dossier de candidature à la franchise comprenant notamment l'engagement écrit du candidat de reprendre l'intégralité des stipulations du Contrat de Franchise ainsi que du présent Contrat,

- l'accord de principe du ou des organismes financiers pour financer l'opération,

- le contrat par lequel les Actionnaires et le candidat ont manifesté leur consentement sous condition suspensive de l'accord du Franchiseur, y compris les conditions financières.

Et l'article 6.1 « droit de préemption du Franchiseur » dispose que :

Le Franchiseur disposera d'un délai de deux (2) mois, à compter de la réception de la lettre visée ci-dessus, pour faire savoir aux Actionnaires s'il entend ou non exercer son droit de préemption.

Le défaut de réponse du Franchiseur dans le délai requis vaut renonciation au bénéfice du droit de préemption pour l'opération projetée.

En cas d'exercice par le Franchiseur de son droit de préemption, le contrat sera conclu aux conditions, notamment financières, prévues par les Actionnaires devant respecter pour ce faire la procédure d'agrément décrite au paragraphe 6.2. »

Il résulte de ces dispositions que pour que le franchiseur puisse exercer son droit de préemption aux conditions financières prévues par les actionnaires, le franchisé doit être en mesure de présenter un projet de cession avancé, tel que le contrat par lequel les Actionnaires et le candidat ont manifesté leur consentement sous condition suspensive de l'accord du Franchiseur, y compris les conditions financières.

Or, en l'espèce les éléments avancés par la société Alphyr, à savoir la purge du droit de préemption des salariés en application de l'article L. 141-23 du code du travail devant avoir lieu deux mois avant la vente, la délivrance du congé au bailleur dès le 9 juin 2017, l'extrait Kbis en annexe 1 de l'acte de cession daté du 25 juin 2017 et l'extrait d'endettement de la société Egekip RH daté du lundi 3 juillet 2017 ainsi qu'un chiffre d'affaires de l'exercice en cours arrêté au 31 mai 2017 et non au 30 juin 2017 sur l'acte de cession, s'ils pourraient révéler à tout le moins une négociation en cours quelques jours avant la fin du contrat de franchise, ne sont cependant pas suffisants pour établir des manoeuvres frauduleuses de la part de la société Egekip RH pour tromper son franchiseur et contourner le droit de préemption de celui-ci.

D'une part, il a été constaté dans les motifs qui précèdent l'absence de démonstration d'un comportement déloyal de la part de la société Egekip RH dans le déroulement des négociations sur l'éventuelle poursuite du contrat de franchise, Mme X n'ayant d'ailleurs pas caché au cours des négociations sur les clauses du contrat et en particulier sa durée, ses intentions d'arrêter son activité à moyen terme et de cession du fonds de commerce.

D'autre part, comme l'a relevé à juste titre le tribunal, des éléments sont également avancés par la société Egikip RH pour expliquer que cette cession de fonds de commerce, dans sa négociation et sa formalisation a pu se dérouler postérieurement à la fin du contrat de franchise, dans un temps très court, pour ne pas perdre la clientèle, dès lors que :

- l'acte de cession du 18 juillet 2017 ne fait état d'aucun compromis de vente,

- l'acquéreur est un groupe important habitué à l'acquisition de fonds de commerce ayant ses propres capacités de financement,

- le fonds a été cédé à un prix inférieur à sa valorisation

- selon l'annexe 8 de l'acte de cession les salariés ont été informés de la cession par lettres du 11 juillet 2017, soit 11 jours après la fin du contrat, et ont renoncé à leur droit dès le 12 juillet

- le bail a été résilié le 9 juin 2017, mais il ressort du K bis produit par la société Partnaire Industrie Pharmaceutique que celle-ci a finalement renouvelé le bail et est toujours dans les mêmes locaux,

- le fait que la societe Egekip RH ait signé le 12 juin 2017 des contrats de licence informatique est contradictoire dès lors que la société Partnaire Industrie Pharmaceutique disposait de ses propres systèmes informatiques,

En l'état des éléments produits aux débats, une fraude au droit de préemption du franchiseur prévu à l'article 6 du contrat liant les parties n'est pas démontrée, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Alphyr de sa demande de dommages-intérêts à ce titre à hauteur de 1 087 875 euros.

Sur la demande de la société Egekip Solutions à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère disproportionné et déséquilibré de la clause de non-concurrence post-contractuelle

Selon la société Egekip Solutions les clauses de non-concurrence stipulées dans le contrat de franchise et dans le contrat accessoire à l'encontre de la société Egekip RH, de la société Egekip Solutions et de Madame X sont disproportionnées par rapport à l'objet des contrats, dès lors que leur application revient à la perte du fonds de commerce pour le franchisé. Elle affirme que ces clauses ne sont pas indispensables à la protection du savoir-faire de la société Alphyr dès lors que celui-ci est protégé par l'obligation de confidentialité stipulée à l'article 18 du contrat de franchise et que ce savoir-faire n'a pas évolué pendant les sept années de leurs relations. Elle ajoute que la société Alphyr ne démontre pas l'existence d'un savoir-faire identifié, secret et substantiel. Ensuite, elle soutient qu'un déséquilibre significatif est institué par les clauses de non-concurrence post-contractuelle, dès lors que leur application entraîne la dépossession de sa clientèle qui lui appartient et lui interdit d'exercer toute activité pendant un an puisqu'en application de l'article L.1251-2 du code du travail une entreprise de travail temporaire ne peut exercer aucune autre activité. Elle précise que les clauses lui ont été imposées. Elle ajoute que la clause pénale prévue à l'article 16.2 applicable en cas de violation de l'obligation de non-concurrence prévoit un montant excessif de 1 million d'euros et paralysant puisque son montant représente plus de 20 fois son résultat sur un an.

Ainsi, la société Egekip Solutions demande à la cour de condamner la société Alphyr à lui verser la somme de 90 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, correspondant au montant auquel elle a dû renoncer sur le prix de cession du fonds de commerce.

La société Alphyr fait valoir que les clauses de non-concurrence post-contractuelles contenues dans le contrat de franchise et dans le contrat accessoire étaient valides, qu'elles ne produisaient pas de déséquilibre significatif et qu'elles n'ont causé aucun préjudice à la société Egekip RH. Elle précise notamment que la condition de soumission n'est pas remplie dès lors que Mme X, rompue à la pratique des affaires et jouissant d'une solide expérience dans le domaine pharmaceutique, a négocié le contrat de franchise et qu'elle ne constituait pas un contractant incontournable. Elle ajoute que la condition d'avance excessif n'est pas remplie dès lors que la clause pénale attachée aux clauses de non-concurrence post-contractuelle ne s'applique que si l'ancien franchisé persiste à ne pas les respecter après une mise en demeure de s'y conformer dans un délai de 8 jours et que son montant a un caractère préventif pour éviter toute faute lucrative.

En premier lieu, sur la demande de la société Egekip RH de voir constater la nullité de la clause de non-concurrence post-contractuelle, le tribunal a constaté que la clause était limitée dans le temps à un an, ainsi que dans l'espace aux 12e et 13e arrondissements de Paris et au département du Val de Marne à l'exception de quelques communes précisément nommées. Il a également relevé qu'il n'était pas démontré que la clause n'avait pas pour but de protéger un savoir-faire existant et substantiel ni son caractère disproportionné. Il a précisé que le montant de la clause pénale, même s'il était important, n'avait pas à être pris en compte pour apprécier la disproportion de la clause par rapport à l'objet du contrat de franchise qu'est la protection du savoir-faire et l'intérêt légitime du franchiseur. En l'état de ces constatations, le tribunal a débouté la société Egekip RH de sa demande de nullité de la clause de non-concurrence post-contractuelle.

Ce chef du jugement n'est pas critiqué par la société Egekip Solutions, venant aux droits de la société Egekip RH, au soutien de son appel incident.

Celle-ci se borne à alléguer au soutien de son appel et de sa demande de 90 000 euros de dommages-intérêts une faute de la société Alphyr en lui imposant une clause de non-concurrence post-contractuelle disproportionnée et déséquilibrée.

Outre le fait que la clause de non-concurrence a été jugée licite, et comme l'a justement relevé par ailleurs le tribunal par des motifs pertinents, non utilement contredits par la société Egekip RH au soutien de son appel, et que la Cour adopte, qu'il n'est pas rapporté la preuve par cette dernière, dont la gérante est une professionnelle aguerrie, d'une absence de négociation effective du contrat initial et d'un rapport de force inégal entre les partenaires suggérant une soumission, de sorte que la société Egekip RH a accepté de signer le contrat avec la clause de non-concurrence post-contractuelle et la clause pénale de 1 million d'euros de son plein consentement.

A défaut de démontrer une faute imputable à la société Alphyr, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Egekip RH, aux droits de laquelle se trouve la société Egekip Solutions, de sa demande de dommages-intérêts à ce titre à hauteur de 90 000 euros.

Sur la demande de la société Egekip Solutions et de Mme X à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle des intimées pour procédure abusive, dès lors que si la société Alphyr s'est méprise sur l'étendue de ses droits, nulle faute n'a entaché l'exercice de leur action en justice ni en première instance ni en appel.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile en appel

La société Alphyr, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile en appel, la société Alphyr sera déboutée de sa demande et condamnée à verser à la société Egekip Solutions et à Mme X la somme globale de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Reçoit la société Egekip Solutions, venant aux droits de la société Egekip RH, en son intervention volontaire,

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement,

Y ajoutant

Condamne la société Alphyr aux dépens d'appel,

Condamne la société Alphyr à payer à la société Egekip Solutions et Mme X la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.