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Décisions

Cass. com., 13 janvier 2021, n° 18-21.253

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Mme Urbanski, Beauté Concept (SARL)

Défendeur :

M. Boillin, Mme Bottemer, Liberty Gym France (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocat :

SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Dijon, 2e ch. civ., du 7 juin 2018

7 juin 2018

Faits et procédure  

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 7 juin 2018), rendu en matière de référé, la société Liberty gym France (la société Liberty gym), devenue la société Franchise Fitness LTD, exploite un réseau de centres de remise en forme sous l'enseigne Liberty gym. L'un des actionnaires, Mme Urbanski, a créé une société concurrente, la société Defi gym concept, pour développer et exploiter un réseau de clubs de « fitness ». Pour régler le litige les opposant et organiser la sortie de Mme Urbanski du capital de la société Liberty gym, celle-ci, ainsi que ses associés, Mme Bottemer, M. Boillin, d'une part, et Mme Urbanski et les sociétés Beauté concept et Defi gym concept, d'autre part, ont conclu, le 16 juin 2016, un protocole d'accord transactionnel.

2. Cette convention comportait une clause réciproque de non-concurrence, stipulant, notamment, que les sociétés du groupe Bottemer et leurs associés s'interdisaient, pendant sept années, d'implanter, de quelque manière que ce soit, en direct ou par personne physique ou morale interposée, sous forme de franchise ou autres, un centre de « fitness » à l'enseigne Liberty gym ou Like Fitness sur diverses communes, et Liberty gym exclusivement sur la commune de Vesoul, et dans un rayon de 10 kilomètres autour des différentes villes. Il était acté par les parties qu'à la date de la conclusion de cet accord, la société Liberty gym avait d'ores et déjà ouvert, à l'enseigne Liberty gym, un centre de fitness situé à Delle (90), exploité par la société Delle Fitness sous contrat de licence de marque.

3. Reprochant à la société Liberty gym, à Mme Bottemer et à M. Boillin d'avoir manqué à leur engagement de non-concurrence en autorisant le gérant de la société Delle Fitness à ouvrir de nouveaux centres Liberty gym dans le secteur géographique visé par la clause, Mme Urbanski et la société Beauté concept les ont assignés en référé afin qu'il soit mis fin, sous astreinte, à cette violation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. Mme Urbanski et la société Beauté concept font grief à l'arrêt, infirmant en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des référés, de rejeter les demandes de Mme Urbanski et de la société Beauté concept, alors « que, tenu de respecter les termes du contrat, loi des parties, le juge ne peut créer de toute pièce une exception à l'obligation envisagée par celui-ci ; qu'il en va notamment ainsi s'agissant des termes d'un protocole d'accord transactionnel ayant pour objet de faire naître une obligation de non-concurrence ; qu'en l'espèce, le protocole d'accord transactionnel du 16 juin 2016 prévoyait que les sociétés du groupe Bottemer, Mme Bottemer et M. Boillin s'interdisaient, sur une durée de 7 années, à implanter, de quelque manière que ce soit, en direct ou par personne physique ou morale interposée, sous forme de franchise ou autres, un centre de Fitness à l'enseigne de Liberty gym ou Like Fitness dans les communes de Montbéliard, Audincourt, Belfort, Héricourt et Liberty gym exclusivement dans la commune de Vesoul, et ce également dans un rayon de 10 kms autour de ces différentes villes ; qu'en précisant que les parties actaient qu'à la date de sa signature, Liberty gym avait déjà ouvert un centre de fitness à Delle (90), ce contrat n'envisageait aucunement que, de manière générale, par-delà le cas de ce centre d'ores et déjà ouvert, M. Frezard, s'étant vu concéder la marque Liberty gym par contrat de licence du 22 février 2016, pouvait librement ouvrir d'autres centres dans la zone visée par l'obligation de non-concurrence sans être tenu de solliciter l'accord préalable du concédant ni, corrélativement, que les sociétés du groupe Bottemer, Mme Bottemer et M. Boillin pouvaient, par exception, légitimement ignorer leur engagement de non-concurrence par le biais de ce contrat de licence de marque conclu avec M. Frezard ; qu'en considérant cependant le contraire, au prétexte que le centre de Fitness de Delle, qui aurait été évoqué à titre exceptionnel, avait été ouvert dans le cadre de ce contrat de licence de marque, que Mme Urbanski ne pouvait l'ignorer et que ce contrat avait été conclu le 22 février 2016, soit antérieurement au protocole d'accord transactionnel, la cour a ajouté aux termes de ce dernier et a violé les articles 1134 et 2044 et suivants du code civil le premier dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour  

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

5. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

6. Pour infirmer l'ordonnance du juge des référés et rejeter les demandes de Mme Urbanski et de la société Beauté concept, l'arrêt retient que le protocole transactionnel prévoit une exception à l'interdiction faite aux sociétés du groupe Bottemer, à Mme Bottemer et à M. Boillin d'ouvrir de nouveaux centres de « fitness » dans un secteur géographique déterminé, les parties ayant acté qu'à la date de la signature de l'accord, Liberty gym avait d'ores et déjà ouvert un centre de « fitness » à Delle. Il retient encore que Mme Urbanski savait que ce centre avait été ouvert dans le cadre d'un contrat de licence de marque, lequel, signé par le franchisé avec la société Liberty gym le 22 février 2016, antérieurement au protocole transactionnel, autorisait expressément le licencié à ouvrir et gérer des clubs sous l'enseigne Liberty gym dans la zone visée par l'obligation de non-concurrence.

7. En statuant ainsi, alors que le protocole stipulait une interdiction d'implanter de quelque manière que ce soit, en direct ou par personne physique ou morale interposée, sous forme de franchise ou autres, un centre de « fitness » à l'enseigne Liberty gym ou Like fitness dans une zone géographique déterminée, pendant une durée limitée, et que, s'il relevait l'ouverture antérieure d'un centre exploité sous franchise à Delle situé dans cette zone, il n'en demeure pas moins que le concédant ne pouvait, sans violer cette interdiction, accorder au franchisé l'autorisation prévue par le contrat de licence de marque d'ouvrir de nouveaux centres dans la zone concernée, la cour d'appel, qui a méconnu la volonté exprimée par les parties dans la clause litigieuse, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs,  

La Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des référés, il déboute Mme Urbanski et la société Beauté concept de leurs demandes et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.