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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 19 janvier 2021, n° 18/07991

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohée

TGI Paris, du 8 mars 2018

8 mars 2018

EXPOSÉ DU LITIGE

Entre les années 1982 et 1990, le groupe « Gipsy Kings » (initialement dénommé « Gipsy Kings Los R. ») a été progressivement constitué entre :

- les cinq frères R. : Paul, Nicolas, Patchaï, André et François dit C.,

- leurs trois cousins B. : Tonino, Maurice et Jacques,

- leur beau-frère, Jaloul dit Chico B. (ci-après Chico B.), à l'époque conjoint de leur sœur Marthe.

Une convention du 28 octobre 1982 avait entériné la création du groupe (auquel n'appartenaient pas alors André et François) et avait confié des pouvoirs d'administration à Chico B..

Le 8 février 1991, les consorts R. et B., imputant à Chico B. des fautes de gestion commises à leur préjudice, ont révoqué le mandat qui lui avait été confié et prononcé son expulsion du groupe.

En 1992, Chico B., qui a quitté le groupe, en a créé un nouveau, dénommé « Chico and the Gypsies ».

Le 25 janvier 2000, la Cour de cassation, statuant sur le pourvoi formé contre un arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du16 février 1995, a jugé :

« Que la Cour d'appel a exactement retenu que l'appellation « Gipsy Kings » constituait la dénomination collective de l'ensemble du groupe de musiciens, qu'elle a justement décidé que cette dénomination, qui était indissociable de l'existence du groupe qu'elle désignait et de son expression artistique originale et appartenait indivisément aux membres de ce groupe, ne pouvait faire l'objet d'une quelconque appropriation au titre de la propriété intellectuelle ; A défaut d'accord entre les co-indivisaires sur l'usage du nom indivis par chacun dans la mesure compatible avec le droit des autres, la Cour d'appel a pu décider, pour régler l'exercice de ce droit indivis, que les membres demeurant dans le groupe d'origine, qui assuraient la permanence du projet artistique qui servait de support à cette désignation, avaient conservé le droit d'user de la dénomination collective, y compris avec de nouveaux membres qui s'y intégreraient, cependant que monsieur B., avait, du fait de son éviction légitime, perdu le droit d'user de cette appellation, si ce n'est pour se prévaloir de sa qualité d'ancien membre du groupe Gipsy Kings ».

Le groupe a poursuivi son existence, composé des seuls MM. R. et B. mais en 2014, à l'occasion d'une tournée des « Gypsy Kings » aux Etats-Unis, de nouvelles dissensions sont apparues entre MM. Nicolas R. et Tonino B. d'une part et les autres membres du groupe d'autre part.

Les 7 et 22 décembre 2016, Paul, François et Patchaï R., ainsi que Chico B., ont signifié à Nicolas R., Tonino B. et André R. leur intention de produire un nouvel album pour célébrer les 30 ans de l'album « Gipsy Kings », en leur proposant de participer à ce projet. Le 20 février 2017, Nicolas R. et Tonino B. ont refusé cette proposition, cependant qu'André R. n'y a pas donné suite.

Nicolas R. et Tonino B., qui continuaient à se produire en concert sous la dénomination « Gipsy Kings » et estimaient assurer seuls la continuité artistique du groupe, ont constaté que Paul, Patchaï et François R. avaient, avec Chico B. :

- organisé un concert, le 7 juin 2017, à l'Olympia sous la dénomination « Chico & the Gypsies » featuring « la légende gitane anciens et historiques Gipsy Kings, Bamboleo 30 ans déjà, Pablo R., « C. » R., Patchaï R. et Chico, 1987 – 2017 »,

- enregistré un nouveau titre dénommé « La Guapa » sous le nom de « Gipsy Kings feat Chico », « Gipsy Kings et Chico », commercialisé le 13 juillet 2017, avant de donner différents concerts sous cette appellation.

Après plusieurs mises en demeure, Nicolas R. et Tonino B. ont, les 25 et 26 octobre 2017, fait citer Paul R., Patchaï R., François R. et Chico B. devant le tribunal de grande instance de Paris, notamment :

- pour se voir attribuer l'usage exclusif de la dénomination « Gipsy Kings »,

- pour voir interdire à François, Paul et Patchaï R. d'utiliser la dénomination « Gipsy Kings », à quelque titre que ce soit, sauf le droit de se prévaloir de leur qualité d'anciens membres du groupe,

- pour voir juger qu'en utilisant les vocables « Gipsy Kings », « anciens et historiques Gipsy Kings » et « Gipsy Kings & Chico », ils ont tous quatre commis des actes de concurrence déloyale,

- pour voir juger qu'en qualifiant le groupe « Gipsy Kings » de Nicolas R. et Tonino B. de « tromperie » et de « hold'up » dans le quotidien La Provence du 27 mars 2017 et sur son compte Facebook, Chico B. a commis des actes de dénigrement.

Les défendeurs ont soulevé divers moyens de nullité et d'irrecevabilité et se sont portés eux-mêmes demandeurs reconventionnels, notamment en déchéance de Nicolas R. et de Tonino B. de leur droit d'usage de la dénomination « Gipsy Kings ».

Dans un jugement contradictoire rendu le 8 mars 2018, le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Paris, notamment :

- a rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par M. Chico B.,

- a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en diffamation formée par MM. Nicolas R. et Tonino B. à l'encontre de M. Chico B.,

- a rejeté la demande de sursis à statuer formée par MM. Paul, François et Patchaï R.,

- a déclaré irrecevable la demande de MM. Nicolas R. et Tonino B. tendant à ce que leur soit attribué l'usage exclusif de la dénomination « Gipsy Kings », faute de mise en cause de MM. André R., Jacques B. et Maurice B.,

- a dit que MM. Paul, François et Patchaï R., qui n'assurent pas la continuité du projet artistique du groupe « Gipsy Kings » depuis sa séparation en 2014, ont perdu le droit d'user de cette appellation,

- en conséquence, a interdit à MM. Paul, François et Patchaï R. de faire usage de la dénomination « Gipsy Kings » pour désigner leurs activités artistiques, sauf pour faire état de leur qualité d'ancien membre de ce groupe, et ce sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée, l'astreinte prenant effet dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision et courant pendant un délai de 6 mois,

- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

- a rejeté la demande de MM. Paul, François et Patchaï R. tendant à ce que MM. Tonino B. et Nicolas R. soient déchus de leur droit d'usage de la dénomination « Gipsy Kings »,

- a rejeté la fin de non-recevoir opposée par M. Chico B. tirée d'une renonciation du droit de M. Nicolas R. d'agir à son encontre au sujet de l'usage de la dénomination « Gipsy Kings »,

- a rejeté les demandes de concurrence déloyale formées à l'encontre de MM. Paul, François et Patchaï R.,

- a dit qu'en faisant usage de la dénomination « Gipsy Kings & Chico » pour désigner le groupe de musiciens, composé notamment de M. Chico B. et de MM. Paul, François et Patchaï R., M. Chico B. a commis une faute de concurrence déloyale à l'encontre de MM. Nicolas R. et Tonino B.,

- a condamné M. Jahloul dit Chico B. à payer à MM. Nicolas R. et Tonino B. la somme de 25 000 € chacun à ce titre,

- a ordonné la publication du communiqué judiciaire suivant dans trois journaux ou revues au choix de MM. Nicolas R. et Tonino B. et aux frais solidairement assumés par M. Chico B. et MM. Paul, François et Patchaï R. sans que le coût de chaque insertion ne puisse être supérieur à 5 000 euros HT : « Par décision en date du 08 mars 2018 le tribunal de grande instance de Paris a condamné monsieur Jahloul dit « Chico » B. pour avoir commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de messieurs Nicolas R. et Tonino B. en faisant usage de la dénomination « Gipsy Kings & Chico » et a interdit à messieurs Paul, François et Patchaï R. de faire usage de la dénomination « Gipsy Kings » pour désigner leurs activités artistiques, sauf pour faire état de leur qualité d'ancien membre de ce groupe »,

- a rejeté l'intégralité des demandes reconventionnelles en dommages et intérêts de M. Chico B. et de MM. Paul, François et Patchaï R.,

- a condamné in solidum M. Chico B. et MM. Paul, François et Patchaï R. aux dépens et au paiement à MM. Nicolas R. et Tonino B. de la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a ordonné l'exécution provisoire, à l'exception de la mesure de publication.

M. Chico B., le 16 avril 2018, puis MM. François, Paul et Patchaï R., le 18 avril 2018, ont interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 16 octobre 2018, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.

André R., Maurice B. et Jacques B., qui n'ont pas été mis en cause en première instance, ne le sont pas non plus en cause d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2019.

L'affaire a été plaidée le 7 janvier 2020 et à l'issue des débats, la cour a proposé aux parties une mesure de médiation.

Par un arrêt du 18 février 2020, la cour, au vu de l'accord donné par toutes les parties, a ordonné une mesure de médiation.

Par courrier du 8 juillet 2020, la médiatrice a informé la cour de ce que la médiation n'avait pas permis aux parties de trouver un accord mettant fin au litige.

L'affaire a été plaidée de nouveau le 25 novembre 2020, la composition de la cour ayant été modifiée depuis l'arrêt ordonnant la médiation.

Dans ses dernières conclusions numérotées 6 transmises le 28 octobre 2019, M. Chico B. demande à la cour de :

- in limine litis :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- requalifié l'action de MM. Nicolas R. et Tonino B. au titre des propos argués de « dénigrement » en action en diffamation,

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action en diffamation formée par MM. Nicolas R. et Tonino B. à l'encontre de M. Chico B.,

- pour le surplus, d'infirmer le jugement et :

- de prononcer la nullité de l'ensemble de l'assignation introductive d'instance, faute de respect des dispositions de la loi du 29 juillet 1881,

- surabondamment, de juger prescrite l'ensemble de l'action de MM. Tonino B. et Nicolas R.,

- y ajoutant, de juger irrecevable la renonciation, en appel, de MM. Nicolas R. et Tonino B. à leur demande portant sur le dénigrement,

- à titre principal :

- d'infirmer le jugement et de juger que M. Nicolas R. est irrecevable à agir contre M. Chico B. en vertu de sa renonciation à toute action à son égard pour l'usage du nom « Gipsy Kings »,

- de confirmer le jugement en ce qu'il déclaré irrecevable la demande de MM. Nicolas R. et Tonino B. tendant à ce qu'il leur soit attribué l'usage exclusif de la dénomination « Gipsy Kings », faute de mise en cause de MM. André R., Jacques B. et Maurice B.,

- pour le surplus, d'infirmer le jugement et :

- de juger irrecevables MM. Nicolas R. et Tonino B. en leur demande d'interdiction d'utiliser la dénomination « Gipsy Kings » à l'encontre de MM. Paul, Patchai et François R.,

- en conséquence, de juger irrecevable l'action de MM. Tonino B. et Nicolas R., faute de mise en cause tous les coindivisaires,

- à titre subsidiaire :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a attribué la permanence du projet artistique du groupe « Gipsy Kings » à MM. Nicolas R. et Tonino B. et condamné M. Chico B. pour actes de concurrence déloyale,

- de juger MM. Nicolas R. et Tonino B. irrecevables et mal fondés en leurs demandes à l'encontre de M. Chico B.,

- de juger que M. Chico B. n'a commis aucune faute à l'encontre de MM. Tonino B. et Nicolas R., ni avant ni après la signification du jugement du 8 mars 2018 dont appel,

- à titre encore subsidiaire :

- de juger que le pseudonyme « Gipsy Kings » ne remplit plus sa fonction d'identification, aux yeux du public, du projet artistique qu'il désigne et des membres qui le poursuivent,

- de prononcer l'interdiction à toute formation musicale d'exploiter le pseudonyme « Gipsy Kings », sauf pour faire état, le cas échéant, de la qualité d'ancien membre de ce groupe, et dans un délai de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 5 000 € par infraction constatée,

- en tout état de cause :

- de débouter MM. Nicolas R. et Tonino B. de l'ensemble de leurs demandes, en ce compris la demande de condamnation financière formulée en appel à l'encontre de M. Chico B. au titre de la concurrence déloyale,

- subsidiairement, à supposer l'existence d'un préjudice découlant d'une faute de M. Chico B., de ramener l'évaluation du préjudice à une réparation symbolique,

- de juger qu'en écrivant aux partenaires commerciaux de M. Chico B., MM. Tonino B. et Nicolas R. ont commis une faute causant à celui-ci un préjudice,

- en conséquence, de condamner solidairement MM. Tonino B. et Nicolas R. à verser à M. Chico B. la somme de 50 000 euros, en réparation des préjudices subis,

- de condamner solidairement MM. Tonino B. et Nicolas R. à verser à M. Chico B. la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner solidairement MM. Tonino B. et Nicolas R. aux dépens, dont distraction au profit de Me Laurence G. qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions numérotées 5 transmises le 28 octobre 2019, MM. François, Paul et Patchaï R. demandent à la cour de :

- in limine litis :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer formée par MM. Paul, François et Patchaï R., et statuant à nouveau de ce chef, de sursoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ouverte sur la plainte déposée par MM. Paul, François et Patchaï R.,

- à titre principal :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de MM. Tonino B. et Nicolas R. tendant à ce que leur soit attribué l'usage exclusif de la dénomination « Gipsy Kings », faute de mise en cause de MM. André R., Jacques et Maurice B.,

- pour le surplus, d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté MM. Paul, François et Patchaï R. de leur demande tendant à voir déclarer irrecevable l'ensemble des demandes de MM. Tonino B. et Nicolas R., et statuant à nouveau de ce chef, de déclarer irrecevables toutes les demandes de MM. Tonino B. et Nicolas R. à défaut de mise en cause de l'intégralité des indivisaires,

- à titre subsidiaire :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de concurrence déloyale formées à l'encontre de MM. Paul, François et Patchaï R.,

- pour le surplus, d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau, de débouter MM. Tonino B. et Nicolas R. de l'intégralité de leurs demandes,

- en tout état de cause :

- de juger que MM. Paul, François et Patchaï R. ont le droit d'utiliser la dénomination collective « Gipsy Kings »,

- de juger que MM. Tonino B. et Nicolas R. sont déchus de leur droit d'usage de la dénomination « Gipsy Kings »,

- d'interdire à MM. Tonino B. et Nicolas R. de céder, transmettre ou autoriser l'usage de la dénomination « Gipsy Kings » à des tiers à l'indivision, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée, dans un délai de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt,

- subsidiairement, s'il était jugé que MM. Paul, François et Patchaï R. n'ont plus le droit d'utiliser la dénomination « Gipsy Kings », de juger que le pseudonyme « Gipsy Kings » ne correspond plus à l'identification du projet artistique qu'il désigne, et par conséquent d'interdire à toute formation musicale d'utiliser ce pseudonyme, sauf à se prévaloir de la qualité d'ancien membre, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée, dans un délai de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt,

- de débouter MM. Tonino B. et Nicolas R. de leurs demandes de condamnation de MM. Paul, François et Patchaï R. au titre de la concurrence déloyale ; subsidiairement, de limiter l'évaluation du préjudice subi de ce chef à un montant symbolique,

- de juger qu'en utilisant l'image de MM. Paul, François et Patchaï R. sans leur autorisation, MM. Tonino B. et Nicolas R. ont porté atteinte à cette image,

- en conséquence, de les condamner in solidum à leur verser la somme de 20 000 euros à chacun à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi de ce chef,

- de juger qu'en utilisant l'image de MM. Paul, François et Patchaï R. sans leur autorisation pour exploiter leurs propres activités musicales, MM. Tonino B. et Nicolas R. ont porté atteinte à leurs droits d'artistes interprètes,

- en conséquence, de les condamner in solidum à leur verser la somme de 20 000 euros à chacun à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi de ce chef,

- de juger qu'en tentant d'évincer MM. Paul, François et Patchaï R. du groupe « Gipsy Kings », MM. Tonino B. et Nicolas R. ont commis une faute à leur encontre,

- en conséquence, de les condamner in solidum à leur verser la somme de 100 000 euros à chacun à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi de ce chef,

- de juger qu'en écrivant aux partenaires commerciaux de MM. Paul, François et Patchaï R., MM. Tonino B. et Nicolas R. ont commis une faute à leur encontre,

- en conséquence, de les condamner in solidum à leur verser la somme de 50 000 euros à chacun à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi de ce chef,

- à supposer qu'il soit mis fin à l'indivision entre les parties, d'ordonner la liquidation de l'indivision,

- à défaut de liquidation, de désigner un expert avec pour mission d'établir les comptes entre les parties au titre des fruits de la dénomination collective appartenant en indivision aux membres historiques du groupe « Gipsy Kings »,

- de condamner solidairement MM. Tonino B. et Nicolas R. à verser à MM. Paul, François et Patchaï R. la somme de 10 000 euros à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner solidairement MM. Tonino B. et Nicolas R. aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SELARL BDL AVOCATS qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions numérotées 4 transmises le 23 octobre 2019, MM. Nicolas R. et Tonino B. demandent à la cour de :

- sur le dénigrement :

- de déclarer recevable leur renonciation à agir en dénigrement,

- de déclarer sans objet les demandes de M. Chico B. en requalification des poursuites pour dénigrement, en nullité de l'assignation et en prescription de ces poursuites compte tenu de leur renonciation à poursuivre les actes de dénigrement,

- subsidiairement, de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité,

- sur le sursis à statuer :

- de déclarer irrecevables MM. François « C. », Paul et Patchaï R. en leur demande de sursis à statuer du 30 septembre 2019 fondée sur le dépôt le 27 septembre 2019 d'une plainte avec constitution de partie civile,

- subsidiairement, de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer formée par MM. François « C. », Paul et Patchaï R.,

- sur l'attribution et l'usage de la dénomination « Gipsy Kings » :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de MM. Nicolas R. et Tonino B. tendant à ce que leur soit attribué l'usage exclusif de la dénomination « Gipsy Kings »,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable leur demande formée à l'encontre de MM. François « C. », Paul et Patchaï R. tendant à voir constater leur perte du droit d'usage sur cette dénomination,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que MM. Paul, François et Patchaï R. n'assurent pas la continuité du projet artistique du groupe « Gipsy Kings » et ont ainsi perdu le droit d'user de cette appellation,

- de confirmer le jugement en ce qu'il leur a interdit à de faire usage de la dénomination « Gipsy Kings » pour désigner leurs activités artistiques, sauf pour faire état de leur qualité d'ancien membre de ce groupe,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de MM. Paul, François et Patchaï R. tendant à ce que MM. Tonino B. et Nicolas R. soient déchus de leur droit d'usage de la dénomination « Gipsy Kings »,

- sur la concurrence déloyale :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir opposées par M. Chico B.,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que Chico B. a commis une faute de concurrence déloyale à l'encontre de MM. Nicolas R. et Tonino B. en faisant usage de la dénomination « Gipsy Kings & Chico » pour désigner le groupe de musiciens composé notamment de M. Chico B. et de MM. Paul, François et Patchaï R.,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à leur verser la somme de 25 000 euros chacun à ce titre,

- le confirmer en ce qu'il a ordonné la publication de communiqués judiciaires,

- et y ajoutant, compte tenu de la poursuite des agissements fautifs postérieurement au jugement, de condamner :

- M. Chico B. à leur verser la somme de 100 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,

- in solidum MM. Paul, François et Patchaï R. à hauteur de la moitié des condamnations prononcées à l'encontre de Chico B., soit la somme de 50 000 euros à chacun des intimés,

- sur les demandes reconventionnelles de MM. Chico B., Paul, François et Patchaï R. :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes reconventionnelles en dommages et intérêts de M. Chico B. et de MM. Paul, François et Patchaï R.,

- y ajoutant, de débouter MM. Paul, François et Patchaï R. de leur demande d'interdiction formée à l'encontre de MM. Nicolas R. et Tonino B. de céder, transmettre ou autoriser l'usage de la dénomination Gipsy Kings à des tiers à l'indivision,

- sur la nouvelle demande formée par MM. Chico B., Paul, François et Patchaï R. d'interdiction à toute formation musicale d'utiliser le pseudonyme « Gipsy Kings » :

- de déclarer cette demande irrecevable compte de l'interdiction des prétentions nouvelles en appel et du principe de concentration des prétentions ; subsidiairement, de la déclarer mal-fondée,

- en conséquence et en tout état de cause, débouter MM. Chico B., Paul, François et Patchaï R. de leur demande d'interdiction à toute formation musicale d'utiliser le pseudonyme « Gipsy Kings »,

- en tant que de besoin, d'inviter les parties à mettre en cause tout intéressé que la cour estimerait nécessaire à la solution du litige,

- en tout état de cause :

- de condamner in solidum M. Chico B. et de MM. Paul, François et Patchaï R. à payer à MM. Nicolas R. et Tonino B. la somme de 20 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris l'ensemble des procès-verbaux de constat établis les 28 mars, 29 juillet et 4 octobre 2017.

Le 23 novembre 2020, M. Patchaï R. a transmis des conclusions de désistement, demandant à la cour de lui donner acte de ce désistement et de constater, en conséquence, le dessaisissement partiel de la cour.

A l'audience du 25 novembre 2020, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture du 12 novembre 2019 et prononcé une nouvelle ordonnance de clôture afin de rendre recevables, avec l'accord de l'ensemble de parties, les conclusions de désistement de M. Patchaï R., ce désistement étant accepté par les intimés.

MOTIFS,

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur le désistement de M. Patchaï R.

Il y a lieu de constater le désistement d'appel de M. Patchaï R. accepté par les intimés et le dessaisissement partiel de la cour.

Le désistement d'appel emportant acquiescement au jugement, il sera constaté que le jugement n'est plus contesté en ses dispositions concernant M. Patchaï R..

Sur la renonciation de MM. Tonino B. et Nicolas R. à leur action en dénigrement, l'exception de nullité de l'assignation à l'encontre de M. Chico B. et la prescription de l'action en diffamation

Le tribunal a requalifié les faits de dénigrement allégués par MM. Tonino B. et Nicolas R. à l'encontre de M. Chico B. en diffamation, constaté que l'assignation ne répondait pas aux prescriptions de forme prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse mais que, M. B. ne justifiant pas d'un grief, il n'y avait pas lieu de prononcer la nullité de cette assignation, l'action en diffamation étant en revanche prescrite en application des dispositions de la loi précitée.

En cause d'appel, M. B. demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté son exception de nullité de l'assignation, sollicite le prononcé de la nullité de l'ensemble de l'assignation faute de respect des dispositions de la loi du 29 juillet 1981 et de l'irrecevabilité de la renonciation de MM. B. et R. à leur demande relative au dénigrement, faisant valoir à cet égard que la cour est tenue de statuer sur sa demande de nullité de l'assignation indépendamment du maintien ou non de la demande en dénigrement et qu'il n'accepte pas le désistement des intimés quant à cette demande au sens de l'article 395 code de procédure civile (« Le désistement n'est parfait que par l'acceptation du défendeur »).

MM. Tonino B. et Nicolas R., qui en cause d'appel renoncent à poursuivre leur action en dénigrement, demandent à la cour de déclarer sans objet les demandes de M. B. en requalification des poursuites pour dénigrement, en nullité de l'assignation et en prescription de ces poursuites compte tenu de cette renonciation.

Ceci étant exposé, aux termes de l'article 396 du code de procédure civile, le juge déclare le désistement parfait si la non-acceptation du défendeur ne se fonde sur aucun motif légitime.

Les demandes formées par voie d'assignation par MM. Tonino B. et Nicolas R. tendaient, d'une part, à voir juger qu'en qualifiant leur groupe « Gipsy Kings » de « tromperie » et de « hold'up » dans le quotidien La Provence du 27 mars 2017 et sur son compte Facebook, M. B. avait commis des actes de dénigrement et, d'autre part, à se voir attribuer l'usage exclusif de la dénomination « Gipsy Kings », à voir interdire à MM. François, Paul et Patchaï R. l'utilisation de cette dénomination à quelque titre que ce soit, sauf le droit de se prévaloir de leur qualité d'anciens membres du groupe, et à voir juger qu'en utilisant les vocables « Gipsy Kings », « anciens et historiques Gipsy Kings » et « Gipsy Kings & Chico », MM. B., François, Paul et Patchaï R. avaient tous quatre commis des actes de concurrence déloyale.

Alors que la non-acceptation par M. B. de la renonciation de MM. B. et R. à leur action en dénigrement ne repose sur aucun motif légitime, en tout état de cause, l'éventuelle nullité de l'assignation en ce qu'elle concernerait une action en diffamation, résultant du non-respect des dispositions de la loi du 29 juillet 1981, ne saurait s'étendre à l'assignation en ce qu'elle porte sur les demandes relatives à la dénomination « Gipsy Kings » et aux actes de concurrence déloyale, ces demandes n'étant pas soumises aux règles procédurales particulières prévues par la loi de 1881 découlant de la protection accordée par cette loi à la liberté de la presse.

La renonciation MM. Tonino B. et Nicolas R. à leur action en dénigrement sera déclarée recevable et les demandes de M. B. en requalification de la demande en dénigrement, en nullité de l'assignation et en prescription de ces poursuites seront déclarées, en conséquence, sans objet.

Sur la demande de sursis à statuer de MM. François et Paul R.

En première instance, MM. Paul, François et Patchaï R. ont sollicité le sursis à statuer à raison d'une plainte déposée par eux auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Tarascon. Le tribunal a rejeté cette demande, relevant notamment qu'une plainte simple n'avait pas pour effet de déclencher l'action publique au sens de l'article 4 du code de procédure pénale. Le 31 mai 2019, cette plainte a été classée sans suite. MM. Paul et François R., qui se sont constitués parties civiles le 27 septembre 2019 devant le doyen des juges d'instruction du même tribunal, sollicitent à nouveau le sursis à statuer.

Les intimés soulèvent l'irrecevabilité de cette demande, faute d'avoir été soumise au conseiller de la mise en état, et à défaut son rejet, le sursis à statuer étant facultatif, alors que les frères R. ne justifient pas de la mise en mouvement effective de l'action publique par le paiement de leur consignation de partie civile et que les faits dénoncés dans la plainte n'ont pas d'incidence sur la présente affaire.

La cour d'appel dispose en l'espèce du pouvoir discrétionnaire d'ordonner le sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et le fait que la demande n'ait pas été soumise au conseiller de la mise en état ne la rend pas de ce fait irrecevable devant la cour.

Pour autant, MM. Paul et François R., qui ne procèdent à aucune analyse comparative précise des faits faisant l'objet de la plainte avec ceux faisant l'objet du présent litige, ne mettent pas la cour en mesure d'apprécier l'identité d'objet, de cause et de parties qui justifierait que le pénal tienne le civil en état.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a écarté la demande de sursis à statuer et la demande présentée devant la cour sera également rejetée.

Sur l'utilisation de la dénomination « Gipsy Kings »

Sur les demandes de MM. Nicolas R. et Tonino B.

Sur la recevabilité

Le tribunal, qui a déclaré irrecevable la demande de MM. Nicolas R. et Tonino B. tendant à ce que leur soit attribué l'usage exclusif de la dénomination « Gipsy Kings », faute de mise en cause de André R., Jacques B. et Maurice B., a déclaré recevable leur autre demande visant à voir interdire à Paul, François et Patchaï R. de faire usage de cette même dénomination, requalifiant cette demande en demande tendant à voir constater la perte, par ces indivisaires, de leur droit d'usage sur la dénomination collective « Gipsy Kings ».

Les parties appelantes, qui soutiennent que l'absence de mise en cause de tous les co-indivisaires rend irrecevables toutes les demandes formées par MM. Nicolas R. et Tonino B., demandent l'infirmation du jugement. Elles font valoir, au visa de l'article 815-3 du code civil, qu'une action en justice est un acte grave qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et requiert l'unanimité des indivisaires, que le tribunal a exactement jugé que la demande d'attribution de l'usage exclusif de la dénomination indivise par Nicolas R. et Tonino B. était irrecevable et que la demande d'interdiction à certains indivisaires d'user de la dénomination doit être déclarée également irrecevable. Elles font valoir, sur ce dernier point, que la demande tendant à l'interdiction pour certains indivisaires d'utiliser la dénomination collective s'analyse nécessairement, en négatif, en une demande de reconnaissance de droits exclusifs sur cette dénomination, ce qui dépasse la simple exploitation normale de la dénomination indivise, que le tribunal a dénaturé les termes du litige, Tonino B. et Nicolas R. n'ayant jamais prétendu que Paul et François R. auraient perdu leur droit d'usage, et qu'il n'a pas justifié en quoi la demande en justice tendant à voir constater la perte du droit d'usage de certains indivisaires sur la dénomination commune constituerait un acte normal d'exploitation que certains indivisaires pourraient accomplir sans que tous aient été appelés à l'instance, rien ne permettant de présumer que MM. André R., Maurice et Jacques B. souhaiteraient priver Paul et François R. de leur droit d'user de la dénomination « Gipsy Kings » tandis qu'ils bénéficient eux-mêmes de la part des intimés d'une tolérance totale et inexplicable pour l'utilisation qu'ils en font de manière constante. Ils ajoutent que la question de la permanence du projet artistique, à laquelle est liée l'interdiction prononcée par le tribunal à leur encontre, ne peut se régler sans que soient mis en cause l'ensemble des indivisaires.

MM. Nicolas R. et Tonino B. concluent à l'irrecevabilité des moyens développés par M. B. relatifs à l'attribution et l'usage de la dénomination « Gipsy Kings », faute d'intérêt à agir. Nonobstant l'absence de mise en cause d'André R., Jacques et Maurice B., ils estiment toutes leurs demandes recevables, notamment celle tendant à ce que leur soit attribué l'usage exclusif de la dénomination « Gipsy Kings ». A cette fin, ils font valoir que la dénomination d'un groupe est la propriété indivise des membres du groupe qui ont continué l'œuvre commune et qui assurent la permanence du projet artistique et soutiennent que André R., Maurice et Jacques B. n'appartiennent plus au groupe « Gipsy Kings », menant d'autres projets artistiques sous d'autres dénominations, de sorte qu'ils ne peuvent être qualifiés d'indivisaires. Ils demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a reçu leur demande d'interdiction de l'usage de la dénomination à l'encontre de Paul et François R. consistant en ce que soit constatée leur perte du droit d'usage sur cette appellation, soulignant que l'action introduite contre un seul indivisaire est recevable, la décision rendue sur celle-ci étant seulement inopposable aux autres indivisaires (Civ. 1ère, 12 juin 2013, pourvoi n° 11-23137). Ils indiquent qu'en tout état de cause, la cour pourra ordonner la mise en cause de tous les intéressés dont la présence lui paraîtrait nécessaire à la solution du litige en application des articles 332 alinéa1 et 552 du code de procédure civile.

Ceci étant exposé, c'est à juste raison que les intimés soutiennent que l'argumentation développée par M. Chico B., relative à l'attribution et l'usage de la dénomination « Gipsy Kings », est irrecevable, faute d'intérêt à agir de ce dernier qui n'est plus membre du groupe depuis 1991 et qui, conformément à l'arrêt précité rendu le 25 janvier 2000 par la Cour de cassation, a depuis cette date perdu le droit d'user de l'appellation « Gipsy Kings », si ce n'est pour se prévaloir de sa qualité d'ancien membre du groupe.

C'est pour des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont déclaré irrecevable la demande de MM. Nicolas R. et Tonino B. tendant à se voir attribuer l'usage exclusif de la dénomination indivise « Gipsy Kings », faute d'avoir appelé en la cause MM. André R., Maurice et Jacques B., lesquels ne peuvent être considérés comme ayant renoncé à leurs droits sur cette dénomination, même s'il est justifié qu'ils se consacrent à des projets artistiques personnels depuis 2014 sous d'autres dénominations. Il sera ajouté qu'une telle demande en justice, qui pourrait aboutir à priver les indivisaires qui ne sont pas dans la cause de leurs droits éventuels sur la dénomination indivise, ne peut être considérée comme un acte relevant de l'exploitation normale de cette dénomination indivise ne nécessitant pas le consentement de tous les indivisaires, en application de l'avant dernier alinéa de l'article 815-3 du code civil (« (...) le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3° [3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision] » . Enfin, si l'article 332 alinéa 1 du code de procédure civile prévoit que « Le juge peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige », la cour n'entend pas user de cette possibilité, estimant que MM. Nicolas R. et Tonino B. ont eu tout loisir de mettre en cause, en appel, MM. André R., Maurice et Jacques B..

En ce qui concerne la demande de MM. Nicolas R. et Tonino B. tendant à voir interdire à MM. Paul, François et Patchaï R. de faire usage de la dénomination « Gipsy Kings », c'est à juste raison que le tribunal l'a requalifiée de demande tendant à voir constater la perte du droit d'usage de ces derniers sur cette dénomination et l'a déclarée recevable nonobstant l'absence de mise en cause d'André R., Jacques et Maurice B.. Il résulte en effet de l'article 815-9 du code civil qu'en cas de désaccord entre les co-indivisaires, il revient au juge de régler l'exercice des droits des intéressés. En l'occurrence, la dénomination collective de l'ensemble d'un groupe de musiciens est la propriété indivise des membres du groupe et à défaut d'accord entre les co-indivisaires sur l'usage du nom indivis par chacun dans la mesure compatible avec le droit des autres, l'exercice de ce droit indivis doit être réglé par le juge au profit de ceux qui assurent la permanence du projet artistique. La permanence du projet artistique du groupe peut être appréciée au vu des pièces soumises au juge, indépendamment de la présence de l'ensemble des membres de ce groupe. La sanction du défaut de mise en cause de MM. André R., Jacques et Maurice B. sera l'inopposabilité de la présente décision aux trois intéressés. De ce fait, il ne peut être soutenu que la demande de MM. Nicolas R. et Tonino B. équivaut à une demande de reconnaissance de droits exclusifs sur la dénomination indivise à leur profit ou qu'elle est liée de façon indivisible à la demande d'attribution de l'usage exclusif de la dénomination indivise.

Pour ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de MM. Nicolas R. et Tonino B. tendant à ce que leur soit attribué l'usage exclusif de la dénomination « Gipsy Kings », faute de mise en cause de MM. André R., Jacques B. et Maurice B., et complété en ce sens qu'il sera ajouté que la demande de MM. Nicolas R. et Tonino B. tendant à ce qu'il soit interdit à MM. Paul, François et Patchaï R. de faire usage de la dénomination « Gipsy Kings » est recevable, la décision rendue étant toutefois inopposable à MM. André R., Jacques B. et Maurice B..

Sur le bien fondé

MM. Paul et François R. prétendent conserver le droit d'user de la dénomination « Gipsy Kings », groupe au sein duquel ils affirment avoir incontestablement leur place, alors que Nicolas R. et Tonino B. n'incarnent pas, selon eux, la permanence du projet artistique des « Gipsy Kings » et ont même perdu le droit d'user de la dénomination litigieuse en raison de fautes commises dans cet usage. Ils font valoir que leurs droits sur la dénomination indivise résultent de leur qualité de membres du groupe originel composé, dans l'esprit du public, des frères R. et de leurs cousins B., ce qui ressort au demeurant de l'arrêt rendu par la Cour de cassation en janvier 2000, que leurs absences épisodiques sur une période d'une trentaine d'années ne peuvent exclure leur qualité de membres du groupe ni le maintien qu'ils ont assuré de la continuité du projet artistique, que leur participation occasionnelle à des projets annexes ne leur fait pas perdre la qualité de membres du groupe ni leur droit sur la dénomination « Gipsy Kings », les intimés ayant eux-mêmes poursuivi des projets musicaux en dehors du groupe, qu'ils n'ont jamais renoncé à leur droit sur la dénomination ni à leur qualité de membres du groupe, que le fait de s'associer à Chico B. sur un projet ne peut remettre en cause leur droit d'usage de la dénomination, enfin que leurs activités récentes (le titre « La Guapa » enregistré, commercialisé et interprété en public) s'inscrivent dans la continuité du projet artistique des « Gipsy Kings ». Ils soutiennent que les éléments retenus par les premiers juges pour considérer que Nicolas R. et Tonino B. assurent la continuité du projet artistique des « Gipsy Kings » ne sont pas suffisants, que les intimés ne justifient d'aucune actualité musicale et ont fait de la dénomination collective un usage qui la dénature et la déprécie par l'usage impropre du terme « featuring », l'utilisation fautive de l'image de l'ensemble des membres du groupe, la dissimulation volontaire des membres du groupe et des cessions injustifiables qu'ils ont opérées sur cette dénomination.

MM. Nicolas R. et Tonino B. demandent la confirmation du jugement, soutenant que depuis 2014 ce sont eux qui assurent la permanence du projet artistique du groupe musical alors que les frères R., depuis 1982, n'ont jamais assuré cette permanence, en ne participant pas aux enregistrements des albums du groupe et aux tournées réalisées pour développer et promouvoir la carrière de ce groupe, ce que la sortie du single « La Guapa » ne saurait compenser.

Ceci étant exposé, le tribunal a relevé à juste raison que le groupe « Gipsy Kings », dans sa formation existant au moins depuis les années 1990, composée des cinq frères R. (Nicolas, Paul, François, Patchaï et André) et des trois frères B. (Tonino, Jacques et Maurice) est séparé au moins depuis fin 2014, lorsque à l'occasion d'une tournée aux Etats-Unis, à laquelle participaient seulement cinq membres du groupe (Nicolas, André et Paul R., Tonino et Jacques B.), Nicolas R. et Tonino B. ont signifié à Jacques B., André et Paul R. leur intention d'achever seuls la tournée. Depuis cette date, les membres originels du groupe ne se sont plus réunis : Nicolas R. et Tonino B. ont continué, avec d'autres musiciens, à donner des concerts sous l'appellation « Gipsy Kings » et ont enregistré, en 2017, un nouvel album « Evidence » sous cette appellation ; André, Paul et Patchaï R. ont, de leur côté, lancé en 2015 un nouveau groupe sous l'appellation « Gipsy Royale » et se sont également produits dans une formation intitulée « Gipsy nouveau » aux côtés de François R. qui a ensuite rejoint le groupe « Chico & the Gypsies » de Chico B. ; François dit « C. » et Patchaï R. n'ont pas manifesté leur souhait de continuer de faire usage de la dénomination « Gipsy Kings » avant leur courrier du 7 décembre 2016, commun à Chico B., proposant la production d'un « album anniversaire » du groupe avant d'enregistrer, toujours avec M. B. le single « La Guapa » sous le nom de « Gipsy Kings et Chico » ou « Gipsy Kings feat. Chico ».

Le groupe « Gipsy Kings » originel est donc, depuis 2014, scindé en au moins deux formations distinctes qui revendiquent chacune le droit d'utiliser la dénomination « Gipsy Kings » à son seul profit. Dans ces circonstances, à défaut d'accord entre les co-indivisaires sur l'usage du pseudonyme indivis, il convient de rechercher laquelle des formations assure la permanence du projet artistique servant de support au pseudonyme collectif.

Si aucune des parties n'a expressément défini le projet artistique du groupe « Gipsy Kings », il ressort des éléments versés et de l'histoire de cette formation que ce projet artistique peut s'entendre non seulement du style musical dans lequel s'inscrivent les compositions du groupe depuis son origine, à savoir la musique flamenca-gitane, mais aussi de leur mode d'interprétation organisé autour d'un guitariste et d'un chanteur solistes accompagnés de plusieurs musiciens.

Nicolas R. et Tonino B. démontrent à cet égard leur présence permanente dans le groupe depuis 1982, le premier comme chanteur soliste et guitariste, le second comme guitariste soliste, l'intervention de François R. comme chanteur soliste apparaissant marginale, ne concernant que 14 titres répartis sur 6 albums, alors que les « Gipsy Kings » comptent 14 albums comprenant chacun une quinzaine de titres. En outre, si certaines chansons ont été écrites et composées par plusieurs membres du groupe - parmi lesquels Paul, François et Patchaï R., Nicolas R. et Tonino B. (extraits du répertoire SACEM fournies par les appelants) -, Nicolas R. et Tonino B. ont la qualité, non sérieusement contestée, d'auteurs-compositeurs de la plupart des titres du groupe, notamment de l'album Savor Flamenco ayant obtenu en 2014 le Grammy Awards du meilleur album de musique du monde (ex-aequo), ce qui leur assure, ainsi que le tribunal l'a retenu, un rôle prépondérant dans l'activité créatrice du groupe et une visibilité accrue auprès du public, ainsi qu'en témoignent les affiches de concert, couvertures d'albums, articles de presse (un article de Libération de décembre 2013 les qualifie de « porte-parole » de la formation) et site internet du groupe www.gipsykings.com produits aux débats. La reconnaissance de ce rôle prépondérant est encore attestée par les anciens membres du groupe leur ayant donné mandat, le 23 janvier 2008, de signer tous les contrats d'édition, d'enregistrement ou autorisations ou licences relatifs aux œuvres et prestations du groupe.

MM. Nicolas R. et Tonino B. établissent par ailleurs, en produisant notamment la liste des concerts publiée sur le site www.gipsykings.com, les Tour books des années 2015 à 2018, la liste des concerts 2019/2020, leur participation, après la séparation du groupe, à des concerts sous la dénomination « Gipsy Kings » en France et dans le monde, certes avec d'autres musiciens, mais dans une formation similaire comprenant les mêmes chanteur soliste et guitariste soliste. Nicolas R. et Tonino B. se sont ainsi produits en octobre 2015 et juillet 2016 à l'Olympia de Paris, les affiches des concerts faisant apparaître leurs deux noms de façon très apparente, et au cours des années 2015 à 2017, dans de nombreux pays d'Europe (Pays-Bas, Slovénie, Royaume-Uni, Allemagne, Suisse), aux Etats-Unis, en Australie et en Thaïlande. En 2017, Nicolas R. et Tonino B. ont réalisé un album intitulé Evidence qui n'a pas connu une véritable commercialisation (en dehors de sa remise sous forme numérique aux acheteurs de billets de concerts - pièce 108 intimés), mais dont la presse (Paris Match) s'est fait l'écho. En 2018, ils ont poursuivi leur tournée en Camargue, aux Etats-Unis et au Brésil et participé à un concert donné à l'occasion du Grand prix du photo-reportage étudiant organisé par Paris Match à la mairie de Paris en juin. En 2019, ils se sont produits à l'Olympia, au Royal A. Hall à Londres et aux Etats-Unis, la tournée américaine faisant l'objet d'un reportage sur France 2.

De leur côté, comme le tribunal l'a retenu, MM. Paul et François R., avec Patchaï R., ont cessé, après la séparation du groupe, toute prestation sous le nom « Gipsy Kings », poursuivant leur carrière d'interprètes au sein d'autres formations – « Gipsy nouveau », « Gipsy Royale », « Chico & The Gypsies »... -, sans émettre pendant plus de deux ans la moindre protestation à l'égard des activités des demandeurs sous la dénomination collective ni revendiquer l'usage de cette dénomination à leur profit, avant la sortie en juillet 2017 du single « La Guapa » sous la dénomination « Gipsy Kings feat Chico » et « Gipsy Kings et Chico ». Ce morceau, interprété par Rio S. « sur un air de reggaeton », selon le communiqué de presse qui a accompagné sa sortie (pièce 69-1 des intimés), outre qu'il paraît ainsi éloigné de l'influence musicale d'origine des « Gipsy Kings », associe M. Chico B., exclu du groupe en 1991 et sans droit depuis cette date sur la dénomination collective, et ne s'inscrit donc, ainsi qu'en ont décidé les premiers juges, pas dans la continuité du projet artistique du groupe « Gipsy Kings ».

La continuation des « Gipsy Kings » par Nicolas R. et Tonino B. après la séparation du groupe en 2014 avait d'ailleurs été commentée dans un article du journal La Provence, daté du 9 octobre 2015, sous le titre « Bisbille chez les Gipsy » : « ... depuis octobre dernier, « les historiques » se sont scindés en deux formations. Sous le nom « Gipsy Kings », depuis cette date « y compris à l'Olympia le 2 octobre dernier en faisant salle comble » reste le chanteur Nicolas R. et le soliste Tonino B., les deux piliers, ceux que l'on retrouve dans toutes les compositions... mais ça grince du côté d'André, Paco, Pablo et Patchaï, là aussi depuis longtemps (comme « C. ») « pas question d'arrêter « sous le nom Gipsy Royale, j'ai recréé un groupe avec Poulet Patchaï en associant Thomas mon fils qui assurait les premières parties des Gipsy Kings, Tambo le fils de Poulet, « C. » le fils de Pablo et Mario R. le fils de Bik !. ».

De tous ces éléments, il ressort que Nicolas R. et Tonino B. assurent la continuité du projet artistique des « Gipsy Kings » tel que conçu par ses membres fondateurs.

Les manquements imputés par les appelants à Nicolas R. et Tonino B. (utilisation sur leurs affiches promotionnelles du terme « featuring » révélant qu'ils se présentent comme extérieurs au groupe « Gipsy Kings », utilisation non autorisée de l'image des appelants, autorisation donnée à leurs enfants d'utiliser la dénomination indivise, volonté de dissimuler l'identité des membres du groupe, éviction fautive de Paul, François et Patchaï), dont la réalité n'est pas démontrée et/ou qui sont sans incidence sur celle de la continuité du projet artistique des « Gipsy Kings », ainsi que le tribunal l'a estimé au terme d'une motivation (pages 15 et 16 du jugement) que la cour reprend à son compte, ne sont pas susceptibles de remettre en cause cette analyse.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que MM. Paul, François et Patchaï R., qui n'assurent pas la continuité du projet artistique du groupe « Gipsy Kings » depuis sa séparation en 2014, ont perdu le droit d'user de cette appellation, et qu'il leur a fait, en conséquence, interdiction de faire usage de la dénomination, sous astreinte.

Sur les demandes de MM. François et Paul R.

Sur la demande tendant à la déchéance de MM. Nicolas R. et Tonino B. de leur droit d'usage de la dénomination « Gipsy Kings »

C'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a rejeté la demande de MM. François et Paul R. tendant à ce que MM. Nicolas R. et Tonino B. soient déchus de leur droit d'usage de la dénomination « Gipsy Kings ».

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande tendant à ce qu'il soit fait interdiction à Nicolas R. et Tonino B. de transmettre leurs droits sur la dénomination « Gipsy Kings » à des tiers à l'indivision

MM. François et Paul R. demandent à la cour d'interdire à MM. Nicolas R. et Tonino B. toute cession, transmission ou autorisation d'utiliser la dénomination « Gipsy King » aux éventuels nouveaux membres du groupe, notamment à leurs enfants qui n'ont jamais fait partie du groupe tel qu'identifié par le public.

MM. Nicolas R. et Tonino B. s'opposent en soulevant l'irrecevabilité de la demande en ce MM. R. ont perdu leur droit d'usage de la dénomination « Gipsy Kings » et en arguant qu'ils assurent la permanence artistique du groupe et doivent par conséquent pouvoir continuer à user de cette dénomination en intégrant de nouveaux musiciens.

C'est à juste raison que le tribunal a rappelé que seuls les membres « historiques » du groupe « Gipsy Kings » peuvent revendiquer des droits sur cette dénomination collective intransmissible et incessible, à l'exclusion de leurs enfants ou de tout tiers et qu'il a estimé en même temps que Nicolas R. et Tonino B., qui justifient assurer la continuité du projet artistique du groupe « Gipsy Kings », doivent par conséquent pouvoir continuer à user de cette dénomination, le cas échéant en intégrant de nouveaux musiciens.

En l'absence de toute démonstration de la réalité d'une cession ou transmission par Nicolas R. et Tonino B. à leurs enfants et petit cousin, qui ne peut résulter du fait que Mickaël B., fils de Tonino, ait pu utiliser la dénomination collective pour son usage personnel ou pour l'organisation de concerts sans aucun rapport avec les « Gipsy Kings » comme il est soutenu, ou que Tony Patchaï R., neveu de Nicolas, ait créé un groupe « Gipsy Kings Family » avec l'autorisation de son oncle, ce qui est contesté par ce dernier, ou encore que Maurice et Mickaël B. aient déposé des marques déclinées à partir de l'appellation « Gipsy Kings », il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'interdiction de céder ou transmettre l'usage de la dénomination à des tiers à l'indivision formée à l'encontre de Nicolas R. et Tonino B. , étant cependant rappelé que la dénomination collective « Gipsy Kings » est intransmissible et incessible.

La demande sera en conséquence rejetée.

Sur la demande subsidiaire de MM. François et Paul R. et de M. B. tendant à ce qu'il soit fait interdiction à toute formation musicale d'exploiter le pseudonyme « Gypsy Kings »

Au soutien de cette demande, MM. François et Paul R. soutiennent que s'il était jugé qu'ils ne représentent plus la continuité du projet artistique du groupe « Gipsy Kings », il devrait être constaté que cette continuité n'existe plus au bénéfice d'aucune formation musicale et que le pseudonyme « Gipsy Kings » ne peut plus être utilisé par quiconque.

M. Chico B. présente la même demande, arguant que de nombreuses formations se produisent sous le nom de « Gipsy Kings » ou une appellation incluant cette expression, avec la tolérance, voire l'autorisation, de MM. R. et B., ce qui induit une grande confusion et démontre que l'appellation ne remplit plus sa fonction d'identification du projet artistique qu'elle désigne.

MM. Nicolas R. et Tonino B. concluent à l'irrecevabilité de la demande compte tenu de l'interdiction des demandes nouvelles en appel et du principe de concentration des moyens et, subsidiairement, au débouté alors qu'ils assurent la permanence du projet artistique des « Gipsy Kings ».

Les motifs qui précèdent, qui ont conduit à retenir que Nicolas R. et Tonino B., au contraire de Paul, François et Patchaï R., assurent la permanence du projet artistique du groupe « Gypsy Kings » et peuvent continuer à user de cette dénomination, le cas échéant en intégrant de nouveaux musiciens, entraînent nécessairement le rejet de la demande.

Sur les demandes en concurrence déloyale de MM. Nicolas R. et Tonino B.

MM. Paul et François R. soulèvent en premier lieu l'irrecevabilité de la demande en concurrence déloyale à défaut de mise en cause des co-indivisaires, arguant que la preuve d'un péril imminent menaçant la dénomination collective, qui seul permettrait à un indivisaire d'agir seul, n'est pas rapportée. Ils soutiennent par ailleurs que la demande n'est pas fondée dès lors qu'ils ont respecté les dispositions du jugement entrepris et n'ont pas poursuivi leurs activités artistiques sous la dénomination « Gipsy Kings et Chico » ni entretenu de confusion entre leur projet et le groupe des intimés. Ils ajoutent que Nicolas R. et Tonino B. ne justifient d'aucun préjudice réel, actuel et certain, en rapport avec les actes reprochés, ni du quantum des sommes demandées.

M. Chico B. soulève l'irrecevabilité de la demande formée à son encontre aux motifs, d'une part, que M. Nicolas R. s'est engagé, aux termes d'un document en date du 28 décembre 2006, à renoncer à son égard à toute action future relative à l'usage de la dénomination « Gipsy Kings » et, d'autre part, que MM. Nicolas R. et Tonino B. n'ont pas appelé en la cause l'ensemble des co-indivisaires. Sur le fond, il conteste avoir personnellement exploité l'appellation « Gipsy Kings », faisant valoir que Paul, François et Patchaï, qui utilisaient cette dénomination, l'ont seulement invité à collaborer pour le nouveau titre « La Guapa », et que les appellations alors utilisées – « Gipsy Kings & Chico » ou « Gipsy Kings feat Chico » - indiquaient clairement la collaboration entre deux entités distinctes - les « Gipsy Kings » d'un côté, Chico de l'autre -, l'utilisation d'une police plus petite pour le nom de Chico étant par ailleurs conforme à l'usage lorsqu'est mentionné un invité en featuring. M. Chico B. conteste de même avoir poursuivi les actes de concurrence déloyale retenus par le tribunal ou entretenu une quelconque confusion entre les groupes musicaux postérieurement au jugement, expliquant que lui-même, Paul, François et Patchaï R. ont fait le nécessaire, à compter de la signification du jugement, pour cesser toute utilisation de la dénomination « Gipsy Kings & Chico » et être désormais désignés sous le vocable « The Original Gypsies » ou « The New Gypsies », que si l'expression « Gipsy Kings & Chico » a été maintenue quelques semaines sur des sites ou par des annonceurs, cela ne leur est pas imputable, que les pièces produites par les intimés ne sont pas probantes (image extraite d'une vidéo non communiquée, captures d'écran, documents non datés...) et que les intimés laissent depuis des années des tiers utiliser le nom « Gipsy Kings », parfois même avec leur accord exprès.

MM. Nicolas R. et Tonino B. soutiennent que leur demande est recevable et demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu que Chico B. a commis une faute de concurrence déloyale à leur encontre et soutiennent que ce comportement a persisté, Chico B., avec Paul et François R., ayant continué postérieurement au jugement à se présenter sous la dénomination « Gipsy Kings & Chico », à tout le moins à créer et entretenir la confusion entre leur formation musicale et les « Gipsy Kings ».

Sur la recevabilité de l'action en concurrence déloyale

C'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir de M. Chico B. en retenant que l'engagement de M. Nicolas R. du 28 décembre 2006, contesté dans sa teneur par ce dernier, n'est pas valable, s'agissant d'une renonciation unilatérale portant sur toute action future et ne concernant donc pas un droit né et actuel.

C'est également par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a par ailleurs rejeté la fin de non-recevoir de MM. Paul, François et Patchaï R., retenant que MM. Nicolas R. et Tonino B. avaient qualité à agir seuls en concurrence déloyale, dès lors qu'ils invoquaient un préjudice résultant de fautes commises à leur préjudice, tenant au risque de confusion généré avec leur propre groupe musical.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur le bien fondé de l'action

C'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a jugé qu'en faisant usage de la dénomination « Gipsy Kings & Chico » pour désigner le groupe de musiciens, composé notamment de Chico B., Paul, François et Patchaï R., M. B. a commis une faute de concurrence déloyale à l'encontre de MM. Nicolas R. et Tonino B., et qu'il a écarté la demande de concurrence déloyale en ce qu'elle était dirigée contre MM. Paul, François et Patchaï R., ces derniers ayant pu, sans commettre de faute, faire usage de l'appellation jusqu'à la date du jugement.

Il sera ajouté que l'argumentation de M. B. selon laquelle il n'aurait été que l'invité des frères R. est démentie par le fait que la lettre du 7 décembre 2016 adressée à Nicolas R. et Tonino B. pour leur proposer de produire ensemble le nouvel album est cosignée par Paul, François et Patchaï R. et par Chico B., ce qui montre que ce dernier est, autant que les trois autres, à l'initiative de cette proposition. Un article de La Provence du 25 mars 2017 présente au demeurant Chico B. comme le « porte-parole » des trois frères R. et indique que « Pour les 30 ans de la sortie du tube Bamboléo, Chico a invité Patchaï, C. et Paul R. pour enregistrer un nouvel album sous l'appellation « Anciens et historique Gipsy Kings » avec des compositions originales... ». Il sera encore relevé que l'usage litigieux de la dénomination « Gipsy Kings & Chico » par M. Chico B. a été faite en toute connaissance de cause de l'opposition de MM. Nicolas R. et Tonino B. (le courrier de leur conseil à M. B. en date du 20 février 2017 - pièce 38). Enfin, la tolérance de MM. R. et B. quant à l'utilisation de l'appellation collective par des tiers, à la supposer avérée, serait sans incidence sur l'existence des faits de concurrence déloyale.

Pour soutenir que Chico B., avec Paul et François R., a persisté dans ces agissements postérieurement au jugement, Nicolas R. et Tonino B. font état d'annonces sur internet de concerts des « Gipsy Kings & Chico » à l'été et l'automne 2018, de même que de la parution sur les sites internet www.pleins-feux.com et www.marschall-ats.com, producteurs des spectacles de Chico B., d'articles présentant le groupe « Gipsy Kings & Chico ». Ces faits ont donné lieu à un courrier au conseil de Chico B., lequel a répondu le 3 août 2018, notamment, que Chico B., Paul, C. (François) et Patchaï R. avaient fait le nécessaire pour cesser toute utilisation de la dénomination « Gipsy Kings & Chico » et être désormais désignés sous le vocable « The Originals Gypsies » ou « The New Gypsies » et a fourni un certain nombre d'éléments pour en justifier.

La circonstance qu'en octobre 2018, les sites www.universalmusic.fr (producteur du single « La Guapa ») et www.carrementrod.com contiennent toujours des pages consacrées au groupe « Gipsy Kings & Chico » ne peut être imputée aux appelants qui n'ont pas la maîtrise de ces sites et ne peuvent être astreints à une veille desdits sites. Il en est de même de l'annonce sur le site www.fondationhopitaux.fr de la participation des « Gipsy Kings » à une émission spéciale « + de vie » le 5 octobre 2018, de la présentation d'une émission sur France 3 « La vie secrète des chansons - Sous le soleil exactement » indiquant pour présenter Chico B. : « Avec des titres flamenco comme « Bamboleo », ou « Djobi Djoba », les Gipsy Kings font partie intégrante de nos soirées d'été. Rencontre avec le roi de la musique andalouse et gitane, Chico B. » et encore du sous-titrage d'une photographie sur le site www.alamyimages.fr présentant le groupe constitué par MM. Paul, François et Patchaï R. et Chico B. sous l'appellation de « Gipsy Kings ».

En revanche, la communication, le 8 décembre 2018, sur le site You Tube du groupe « The Originals Gypsies », selon l'énoncé suivant (traduction) : « Les membres originaux du célèbre groupe des années 80, The Gipsy Kings, se sont réunis après plus de 20 ans pour ramener leurs rumbas fougueuses et leur flamenco furieux », communication qui émane du groupe « The Originals Gypsies » lui-même, est fautive, étant susceptible de générer une confusion entre le groupe « Gipsy Kings » et le groupe « The Originals Gypsies ». Est également fautive l'émission de billets de concert pour la tournée allemande du groupe en octobre 2018 sous l'appellation « Gipsy Kings & Chico », M. B. affirmant, mais sans le prouver, que ces billets ont été mis en vente et achetés avant le prononcé du jugement du 8 mars 2018, ce qui ne serait pas en soi une circonstance suffisante. Tous ces faits qui montrent une persistance des actes de concurrence déloyale sont imputables non seulement à M. Chico B. mais également à MM. Paul et François R..

Le jugement sera donc confirmé en ses dispositions relatives aux faits de concurrence déloyale commis par M. Chico B. et il sera jugé que ce dernier, avec MM. Paul et François R., a commis de nouveaux faits de concurrence déloyale postérieurement au jugement assorti de l'exécution provisoire.

Sur les mesures réparatrices

Sur la demande indemnitaire

Le tribunal a retenu à juste raison que les faits de concurrence déloyale, commis en ce qui concerne M. B. en violation de l'interdiction définitivement ordonnée par la cour d'appel d'Aix en Provence du 16 février 1995, générait nécessairement un préjudice à MM. Nicolas R. et Tonino B. qui utilisent légitimement la dénomination « Gipsy Kings » pour leurs propres concerts, en raison du risque de détournement du public de ce groupe musical.

Le tribunal a procédé à une exacte appréciation de leur préjudice en condamnant M. Chico B. à leur payer à chacun la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts.

Le préjudice subi du fait de la continuation des actes de concurrence déloyale postérieurement au jugement sera réparé par l'allocation à chacun des intimés de la somme complémentaire de 10 000 €, MM. Paul et François R. étant condamnés in solidum à payer ces sommes à hauteur de la moitié seulement (soit 10 000 €) comme il est demandé.

Sur la publication

Le jugement est confirmé en ce qu'il a ordonné une mesure de publication.

Sur les demandes indemnitaires de MM. François et Paul R. et de M. B.

MM. François et Paul R. ainsi que M. B. soutiennent que les courriers adressés par MM. Tonino B. et Nicolas R. à leurs partenaires commerciaux pour leur faire interdiction d'exploiter la dénomination « Gipsy Kings », ainsi que leur communiqué de presse du 15 novembre 2017, sont fautifs et ont généré pour eux un préjudice moral lié à l'atteinte à leur réputation. MM. Paul et François R. ajoutent que leur éviction brutale et sans motif du groupe est également fautive, de même que l'usage qui a été fait sans leur autorisation de leur image pour promouvoir les activités musicales des intimés, ce qui porte en outre atteinte à leurs droits d'artistes-interprètes.

MM. Tonino B. et Nicolas R. répondent que l'envoi de mises en demeure était légitime, que les supports et clichés invoqués par MM. R. au titre de l'atteinte alléguée à leur image et à leur droit d'artiste-interprètes concernent soit des sites gérés par des tiers qui leur sont inopposables, soit le site www.gipsykings.com qui publie des images d'archives du groupe qu'ils sont en droit de maintenir dès lors qu'ils assurent la permanence artistique du groupe. Ils arguent que les frères R. n'ont pas été évincés du groupe qu'ils ont quitté de leur propre chef en 2013 et 2014 pour participer à de nouveaux projets artistiques.

La cour partage l'analyse du tribunal selon laquelle les lettres de mises en demeure adressées aux partenaires commerciaux des appelants, comme le communiqué de presse, ont été rédigés en des termes mesurés, rappelant notamment à juste raison, l'interdiction prononcée à l'encontre de M. B. d'utiliser la dénomination collective « Gipsy Kings ».

Le tribunal a retenu à juste raison que le départ de François et Paul R. du groupe « Gipsy Kings » n'a pas procédé d'une éviction mais de leur décision, dans un contexte de dissensions, de quitter le groupe pour se consacrer à d'autres projets artistiques.

Au titre du grief relatif à l'usage sans autorisation de l'image de François et Paul R. pour promouvoir les activités musicales des intimés et de l'atteinte aux droits d'artistes-interprètes, les intéressés versent 8 procès-verbaux de constat d'huissier effectués sur divers sites internet. Les intimés font valoir à juste raison que ces sites qui comportent des images ou des vidéos montrant les deux artistes sont, soit des sites de tiers (www.evous.fr, www.stereoboard.com, www.bandsintown.com...), dont Tonino B. et Nicolas R. n'ont pas la maîtrise et dont le contenu ne peut leur être imputé, soit le site des « Gipsy Kings » sur lequel le fait de montrer des images d'archives faisant apparaître François et Paul R. et leurs prestations passées, réalisées dans le cadre de ce groupe quand ils en étaient encore les membres, ne peut être fautif, d'autant que les intéressés ne justifient pas avoir demandé la suppression de ces images et vidéos après leur départ du groupe.

Les demandes de MM. François et Paul R. et de M. Chico B. seront en conséquence rejetées et le jugement confirmé de ces chefs.

Sur les demandes de MM. François et Paul R. relatives à la fin de l'indivision

Les demandes de MM. François et Paul R. tendant à ce que soit ordonnée la fin de l'indivision et désigné un expert aux fins d'établir les comptes entre les parties au titre des fruits de la dénomination collective sont sans objet puisqu'il n'a pas été fait droit à la demande tendant à interdire à toute formation musicale l'usage de la dénomination collective et que l'indivision perdure entre MM. Tonino B., Nicolas R., André R., Maurice B. et Jacques B..

Sur les dépens et les frais irrépétibles

MM. Chico B., François, Paul et Patchaï R. seront condamnés aux dépens d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de MM. Chico B., François, Paul et Patchaï R. in solidum au titre des frais non compris dans les dépens exposés par MM. Nicolas R. et Tonino B. peut-être équitablement fixée à 5 000 €, pour chacun, en ce compris les frais des procès-verbaux des 28 mars, 29 juillet et 4 octobre 2017.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Constate le désistement d'appel de M. Patchaï R., accepté par MM. Tonino B. et Nicolas R., et le dessaisissement partiel de la cour,

Déclare recevable la renonciation de MM. Tonino B. et Nicolas R. à leur action en dénigrement visant M. J. dit Chico B.,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf à préciser que du fait de la renonciation de MM. Tonino B. et Nicolas R. à leur action en dénigrement, les demandes de M. Chico B. de requalification de l'action, de nullité de l'assignation et de prescription sont sans objet,

Y ajoutant,

Rejette la demande de sursis à statuer de MM. Paul et François R.,

Déclare recevable la demande de MM. Nicolas R. et Tonino B. tendant à ce qu'il soit interdit à MM. Paul, François et Patchaï R. de faire usage de la dénomination « Gipsy Kings », étant précisé que la décision rendue sera inopposable à MM. André R., Jacques B. et Maurice B.,

Rejette la demande de MM. François et Paul R. tendant à ce qu'il soit fait interdiction à MM. Nicolas R. et Tonino B. de transmettre leurs droits sur la dénomination « Gipsy Kings » à des tiers à l'indivision,

Rejette la demande de MM. François et Paul R. et de M. Chico B. tendant à ce qu'il soit fait interdiction à toute formation musicale d'exploiter le pseudonyme « Gipsy Kings »,

Dit que M. Chico B., MM. Paul et François R., ont commis de nouveaux faits de concurrence déloyale postérieurement au jugement,

Condamne M. Chico B. à payer à MM. Nicolas R. et Tonino B. la somme de 10 000 € à chacun (soit 2 x 10 000 €) en réparation du préjudice résultant de ces nouveaux faits de concurrence déloyale,

Condamne in solidum MM. Paul et François R. à hauteur de la moitié de cette condamnation prononcée à l'encontre de M. Chico B. (soit 10 000 €),

Dit sans objet les demandes de MM. François et Paul R. relatives à la fin de l'indivision,

Condamne in solidum MM. Chico B., François, Paul et Patchaï R. aux dépens d'appel et au paiement à MM. Nicolas R. et Tonino B. de la somme de 5 000 €, à chacun, en ce compris les frais des procès-verbaux des 28 mars, 29 juillet et 4 octobre 2017, en application de l'article 700 du code de procédure civile.