CA Lyon, 6e ch., 21 janvier 2021, n° 19/01346
LYON
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseillers :
Mme Allais, Mme Delaby
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
Le 19 mai 2016, Mme Mauricette B. a acheté à Mme Eliane B., éleveur canin, une chienne d'apparence caniche Toy de trois mois, dénommée Monia, moyennant le prix de 800 euros toutes taxes comprises.
Par acte d'huissier de justice du 9 avril 2018, Mme B. a fait assigner devant le tribunal d'instance de Lyon Mme B. aux fins de voir condamner celle-ci à lui payer des dommages et intérêts en raison d'un défaut de conformité de l'animal et à titre subsidiaire d'un manquement de la venderesse à son obligation d'information.
Par jugement du 11 décembre 2018, le tribunal d'instance de Lyon a :
- dit que Mme B., en sa qualité de vendeur professionnel à la vente intervenue le 19 mai 2016 d'un animal de compagnie, en l'espèce, un chien d'apparence caniche, devait la garantie légale de conformité à Mme B., acheteur consommateur,
- condamné Mme B. à payer à Mme B. les sommes suivantes :
. 2 234,4O euros au titre des soins vétérinaires nécessités par les anomalies physiologiques diagnostiquées chez l'animal,
. 600 euros au titre de son préjudice moral,
- condamné Mme B. à payer à Mme B. la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme B. aux dépens de l'instance,
Par déclaration du 21 février 2019, Mme B. a interjeté appel de la décision.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 22 mai 2020, Mme B. demande à la Cour, au visa des articles L. 213-1 et suivants et R. 213-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime (dénommé ci-après code rural), L. 217-4 et suivants du code de la consommation, de :
- réformer le jugement en toutes ses dispositions,
- la recevoir en ses écritures, l'en dire bien fondée, et par conséquent :
- juger que la présomption de l'article L. 217-12 du code de la consommation peut trouver application en matière de cession d'animaux domestiques,
- juger que Mme B. ne rapporte pas la preuve du défaut de conformité à date de la livraison,
- débouter Mme B. ses demandes principales,
sur la demande subsidiaire de Mme B.,
- juger qu'elle a parfaitement rempli son devoir d'information,
- débouter Mme B. de ses demandes subsidiaires fondées sur ce motif,
sur la demande relative au non-respect de la vie privée :
- constater le retrait du débat des photographies litigieuses,
- débouter Mme B. de ses demandes fondées sur ce motif,
sur la demande relative aux caractères abusif et dilatoire de la procédure d'appel :
- débouter Mme B. de ses demandes fondées sur ce motif,
- à titre infiniment subsidiaire, juger que les dommages et intérêts consécutifs à l'indemnisation de frais vétérinaires devront être cantonnés à la somme de 812 euros.
- en tout état de cause, condamner Mme B. à payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 outre les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 janvier 2020, Mme B. demande à la Cour, au visa des articles L. 213-1 et suivants du code rural, L. 211-1 et suivants du code de la consommation, de :
- confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a condamné Mme B. à lui payer la somme de 600 euros au titre de son préjudice moral,
et statuant de nouveau sur ces points,
- débouter Mme B. de l'ensemble de ses prétentions,
par conséquent,
à titre principal,
- juger que son animal de compagnie est affecté d'un défaut de conformité,
- juger que le défaut de conformité est antérieur à la vente de l'animal, intervenue le 19 mai 2016, - juger que la garantie légale de conformité s'applique à son animal de compagnie,
à titre subsidiaire, juger que Mme B. a manqué à son devoir d'information envers elle, acheteur consommateur,
en tout état de cause,
- lui allouer une provision de 1 500 euros au titre des frais futurs certains à venir,
- surseoir à statuer aux fins de la liquidation de l'indemnisation définitive à compter du décès de l'animal « Monia »,
- condamner Mme B. à lui rembourser la somme de 345 euros au titre des frais médicaux engagés à ce jour,
- condamner Mme B. à lui verser la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral subi,
- ordonner le rejet de la pièce 12 produite par Mme B. pour non-respect de sa vie privée,
- condamner Mme B. à la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour non-respect de sa vie privée,
- condamner Mme B. à une amende civile de 3 000 euros pour procédure abusive et dilatoire,
- condamner Mme B. à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 septembre 2020.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION :
sur le respect de l'obligation de conformité :
Les parties sont d'accord pour reconnaître que l'obligation de conformité invoquée par Mme B. est soumise aux dispositions du code de la consommation, Monia n'étant pas atteinte d'un vice rédhibitoire au sens des articles L. 213-1 et suivants, R. 213-1 et suivants du code rural.
Mme B. fait valoir que :
- informée par Mme B., cliente de longue date, de ce que Monia avait une faiblesse rotulienne, elle a proposé à titre commercial de reprendre le chiot et de restituer le prix de vente, puis de payer les frais vétérinaires et le coût d'une éventuelle opération mais Mme B. a refusé du fait que ces frais pouvaient lui être remboursés par une assurance ; aussi, elle a été surprise de recevoir en février 2018 une lettre l'enjoignant de payer une somme de 6 433 euros en réparation du dommage subi, alors qu'elle n'a jamais reconnu être responsable de celui-ci, y compris dans ses écritures,
- le chien vendu ne présentait pas de défaut de conformité à la date de la vente, la luxation médiale bilatérale des rotules dont Monia est atteinte pouvant avoir différentes causes et n'ayant pas été relevée dans le certificat vétérinaire préalable à la cession ; au surplus, Mme B. ne prouve pas que Monia souffre encore à ce jour de cette pathologie, ne produisant aucune pièce quant aux soins prodigués à l'animal depuis la fin de l'année 2017.
Mme B. réplique que :
- elle a découvert seulement 11 jours après la vente que Monia souffrait d'une luxation médiale bilatérale des rotules et cette pathologie est toujours d'actualité, un traitement d'entretien ayant été mis en place et une intervention chirurgicale n'étant pas à exclure,
- Mme B., qui reconnaît dans ses écritures lui avoir fait différentes propositions suite à la découverte de la pathologie de Monia, a fait un aveu judiciaire et ne peut revenir sur celui-ci en violation du principe d'estoppel,
- la luxation médiale bilatérale des rotules dont est atteinte Monia a dans la grande majorité des cas une cause génétique, a pu ne pas être détectée du fait qu'elle apparaît avec la croissance de l'animal et était déjà à un stade avancé onze jours après la vente ; en outre, cette pathologie n'a pas une cause traumatique résultant de ce qu'elle aurait trop tiré sur la laisse de l'animal ; aussi, le défaut de conformité de Monia existait bien avant la vente.
Le contrat de vente datant du 19 mai 2016, les articles du code de la consommation applicables sont ceux qui étaient en vigueur à la date de ce contrat, soit avant le 1er juillet 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016. L'obligation de conformité de Mme B. est donc régie par les articles L. 211-4 et suivants du code de la consommation et non L .217-4 et suivants du même code, cités par les parties dans leurs écritures.
Aux termes des articles L. 211-4 et L. 211-5 du code de la consommation, le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
Pour être conforme au contrat, le bien doit :
1°) Être propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant :
- correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;
- présenter les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ;
2°) Ou présenter les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.
L'article L. 211-7 du code de la consommation dispose que les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire. Toutefois, il ressort de l'article L. 213-1 du code rural dans sa rédaction applicable du 15 octobre 2014 au 1er juillet 2016 que cette présomption ne s'applique pas aux ventes d'animaux domestiques.
Aussi, il incombe à Mme B. d'établir que Monia avait un défaut de conformité au moment de sa délivrance.
Un certificat du docteur B., vétérinaire, du 18 décembre 2017, relate que Monia présente une luxation médiale bilatérale des rotules. Il ajoute qu'il a constaté cette faiblesse rotulienne la première fois le 30 mai 2016, qu'il a traité le 21 novembre 2016 une boiterie consécutive à cette faiblesse et qu'il préconise depuis cette date un traitement d'entretien pour éviter des lésions cartilagineuses. Il précise qu'au jour de son certificat, le postérieur gauche est gradé stade III et le postérieur droit stade II (sur une échelle de I à IV, le stade IV étant le plus grave) et qu'il se peut que dans l'avenir une intervention chirurgicale soit à prévoir particulièrement sur le postérieur gauche. Un certificat du même vétérinaire en date du 14 juin 2019 fait état de ce que Monia est sous traitement continu de chondroprotecteurs afin de prévenir une dégradation qui conduirait à la nécessité d'une intervention chirurgicale orthopédique.
Si Mme B. indique dans ses conclusions avoir fait différentes propositions à Mme B. pour remédier aux difficultés générées par la pathologie de Monia découverte après la vente, elle ne reconnaît pas dans ces écritures que la chienne était atteinte d'un défaut de conformité lors de sa délivrance à Mme B.. Aussi, elle n'a pas fait d'aveu judiciaire dans le cadre de la présente procédure.
La luxation de la rotule chez le chien peut parfois résulter d'un traumatisme mais découle le plus souvent d'une cause en partie génétique. Les signes cliniques qui en résultent sont très variables et peuvent aller d'une absence totale de symptôme à une boiterie sévère avec suppression de l'appui.
Le certificat vétérinaire obligatoire avant cession du 27 avril 2016 ne fait état d'aucun problème de santé particulier de Monia notamment quant à l'appareil locomoteur. Le docteur B. ne précise pas dans ses certificats la cause de la luxation médiale bilatérale des rotules de Monia. En outre, il ne procède à une gradation de cette affection que le 18 décembre 2017, de telle sorte que l'importance de celle-ci le 30 mai 2016, date de son premier examen, n'est pas connue. Enfin, Mme B. ne s'est prévalue d'un défaut de conformité de Monia que par lettre recommandée du 1er mars 2018, soit plus d'un an et demi après la vente.
Aussi, les pièces versées aux débats ne prouvent pas que Monia était atteinte d'une luxation médiale bilatérale des rotules avant la vente. Mme B. ne démontrant pas que Monia présentait un défaut de conformité au moment de la délivrance de l'animal, elle sera déboutée de ses demandes en remboursement des frais vétérinaires engagés, de provision à valoir sur une indemnisation définitive à fixer au décès de l'animal, de sursis à statuer jusqu'à la date de ce décès ainsi que de réparation d'un préjudice moral, fondées sur l'obligation de conformité de Mme B.. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que la vendeuse professionnelle devait la garantie légale de conformité à l'acquéreuse et a condamné Mme B. à payer à Mme B. les soins vétérinaires nécessités par les anomalies physiologiques de l'animal ainsi que des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral.
sur le respect de l'obligation d'information :
Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, différentes informations dont les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné.
Mme B. fait valoir qu'elle a remis à Mme B. un document d'information sur les caractéristiques et les besoins de l'animal conformément à l'article L. 214-8 du code rural mais qu'il ne lui incombait pas d'expliquer au titre de son obligation d'information toutes les pathologies dont l'animal pouvait souffrir et notamment celle dont Monia a été atteinte et qui n'était pas spécifique au caniche.
Mme B. réplique que la pathologie dont est atteinte Monia est une anomalie génétique propre au caniche et qu'il appartenait à Mme B. de l'informer de cette pathologie au titre des éventuels problèmes que cette race de chien pouvait présenter.
L'article L. 214-8 du code rural précise que toute vente d'animaux de compagnie réalisée dans le cadre d'une activité d'élevage doit s'accompagner, au moment de la livraison à l'acquéreur, de la délivrance de différents documents dont un document d'information sur les caractéristiques et les besoins de l'animal contenant également, au besoin, des conseils d'éducation. Mme B. a remis à Mme B. ce document d'information, consistant en un guide pratique pour bien vivre avec son chien et des recommandations quant à l'alimentation, le toilettage et au vermifuge. Par ailleurs, la pathologie affectant Monia n'est pas spécifique au caniche et ne nécessitait pas de précaution particulière à prendre par son propriétaire pour l'éviter. Aussi, Mme B. n'était pas tenue d'une information particulière sur cette pathologie au titre des caractéristiques essentielles de l'animal. Mme B. ne démontre donc pas le manquement à l'obligation d'information de Mme B. dans le cadre de la vente. Elle sera déboutée de ses demandes sur ce fondement, lesquelles demandes sont identiques à celles formées au titre de l'obligation de conformité.
sur l'atteinte à la vie privée de Mme B. :
Mme B., qui avait communiqué en cause d'appel une pièce n°12, consistant en des photographies de Mme B. en compagnie de Monia, a retiré cette pièce des débats. Aussi, la demande de Mme B. afin de voir rejeter cette pièce pour atteinte à sa vie privée est désormais sans objet.
Mme B. a expliqué que les photographies de Mme B. avec Monia étaient uniquement destinées à établir que cette dernière était en bonne santé. Les photographies litigieuses n'étant pas produites aux débats, Mme B. n'établit pas avoir subi un préjudice particulier du fait de celles-ci. Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
sur les autres demandes :
Mme B. obtenant gain de cause dans le cadre de son recours, Mme B. sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif. En outre, aucune amende civile n'est encourue par Mme B..
Compte tenu de la solution apportée au litige, le jugement sera infirmé quant aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
Mme B., partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Elle sera condamnée en outre à payer à Mme B. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles que celle-ci a dû engager tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
STATUANT A NOUVEAU,
Dit que Mme B., en sa qualité de vendeuse professionnelle, n'a pas manqué à ses obligations de conformité et d'information à l'égard de Mme B. ;
Déboute Mme B. de ses demandes en remboursement des frais vétérinaires engagés, de provision à valoir sur une indemnisation définitive à fixer au décès de l'animal, de sursis à statuer jusqu'à la date de ce décès ainsi que de réparation d'un préjudice moral ;
Y AJOUTANT,
Constate que la demande de Mme B. afin de voir rejeter la pièce n°12 est sans objet ;
Déboute Mme B. de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à sa vie privée ;
Déboute Mme B. de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;
Condamne Mme B. à payer à Mme B. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme B. aux dépens de première instance et d'appel.
Rejette le surplus des demandes.