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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1e ch. sect. 1, 19 janvier 2021, n° 18/11459

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brue

Conseillers :

Mme Dampfhoffer, Mme Demont

TGI Draguignan, du 27 avr. 2018

27 avril 2018

EXPOSE DU LITIGE

Le 11 juillet 2015 les époux D. ont vendu à M. J., par l'entremise de la Sarl Frédéric A. Camping-Car-Conseil (ccc) auquel les époux D. vendeurs ont donné mandat de dépôt-vente le 31 mars 2015, un camping-car immatriculé 257 BVH 83 au prix de 18 500 € présentant un kilométrage de 93 800 km, mis en circulation pour la première fois le 30 avril 2001.

M. J. avait préalablement signé un contrat de réservation le 6 juin 2015 avec la Sarl Frédéric A. ccc « camping-car de particulier à particulier » après un essai de l'engin.

Par exploits des 5 janvier et 12 février 2016, M. J. a fait assigner les époux D. et la Sarl Frédéric A. ccc (ci-après : la société A.) en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, du manquement à l'obligation de délivrance, et du dol.

Il expose que suite à des défauts du véhicule, liés à l'ouverture de la porte de la cellule et du marchepied, à des disques de freins voilés, à l'impossibilité de redémarrer le véhicule, au défaut de délivrance de la carte électronique nécessaire au redémarrage du véhicule, et à l'impossibilité de se procurer un double des clés auprès du constructeur Fiat, il a appris que le numéro de série figurant sur le châssis et sur la carte grise ne correspondant à aucun numéro répertorié chez Fiat où il est inscrit sous le numéro ZFA23 ('), et non ZFA2B(...), et que le véhicule ressort sous son véritable numéro de série, avoir été volé et maquillé.

Par jugement en date du 27 avril 2018, le tribunal de grande instance de Draguignan a :

. débouté M. J. de son action en résolution de la vente du camping-car de marque Burster immatriculé 257-BVH-83 devenu DY-825-DP, ainsi que de son action estimatoire ;

. débouté M. D. et Mme née P. de leurs demandes reconventionnelles tendant à l'octroi de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral ;

. condamné M. J. à payer aux époux D. la somme de 1 500 € et à la Sarl Frédéric A. la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et intérêts outre les dépens.

Le 9 juillet 2018 M. Philippe J. a relevé appel de cette décision

Par conclusions du 8 août 2019 il demande à la cour :

. de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

. de prononcer la résolution de la vente du 11 juillet 2015 aux torts des consorts D. et de la Sarl Frédéric A. ;

. de dire que le fait d'avoir vendu un engin dont le numéro de série du moteur ne correspond pas à celui du châssis ni davantage à celui de la carte grise, rendant le véhicule non assurable, constitue un manquement à l'obligation de délivrance du vendeur ; que le fait de vendre un véhicule volé constitue un dol qui justifie l'annulation de la vente ;

. de dire que le mandataire du vendeur a manqué à son devoir de conseil et de vérification en effectuant pas les recherches nécessaires ;

. de dire qu'en sa qualité de professionnelle de l'automobile, la société A. a engagé sa responsabilité de mandataire du vendeur, étant présumée de mauvaise foi ;

. de condamner solidairement les consorts D. et la Sarl Frédéric A. à restituer l'intégralité du prix de vente, soit la somme de 18 500 € outre la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions du 19 octobre 2018 M. Serge D. et Mme née Chantal P. demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf le rejet de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, statuant à nouveau, de condamner M. J. à leur payer la somme de 3 000 € à ce titre, et de condamner tout succombant à leur payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

Par assignation en intervention forcée le 20 février 2019, délivrée à Mme B. née P. à la requête de M. Serge D. et Mme née Chantal P. ces époux D., ont demandé la condamnation de Mme B., à laquelle ils avaient eux-mêmes acheté le véhicule, à les relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre et à leur payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par conclusions en date du 12 novembre 2020 Mme Éliane B. née P. demande à la cour, à titre principal de débouter les époux D. de toutes leurs demandes, de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, à titre subsidiaire, de dire que sa condamnation au titre de l'appel en garantie des époux D. ne saurait excéder la somme de 14 472 €, de rejeter toutes demandes de dommages intérêts compte tenu de sa bonne foi, et de condamner les époux D. à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par conclusions du 20 septembre 2019 la Sarl Frédéric A. ccc demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, et de condamner tout succombant à lui payer la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.

Motifs

Attendu que l'appelant fait valoir que la discordance entre les numéros du véhicule lui avait été présentée comme étant mineure puisqu'elle ne nécessitait pas de contre-visite, selon le procès-verbal de contrôle technique du 19 mars 2015 qui lui a été remis lors de la vente ; que voulant faire un double des clés et étant dépourvu de la carte du véhicule, il s'est rapproché du fournisseur- fabricant, le concessionnaire Fiat, lequel lui a répondu que le véhicule sous le numéro de série figurant sur la carte grise n'était pas référencé ; que M. J. a déposé plainte, ce qui a donné lieu à une enquête de gendarmerie qui a établi qu'il s'agissait d'un véhicule volé et faussement immatriculé ; qu'il verse en cause d'appel les procès-verbaux d'enquête ; que le constructeur n'indiquait que le bon n° était ZDFA 23... et non ZDFA 2B..., les numéros portés sur le châssis et le moteur ayant été falsifiés ; que ses réclamations auprès du vendeur sont demeurées vaines, alors que ce dernier a manqué à son obligation de délivrance et que les conséquences du vice sont cachées ; qu'il s'agit en cela d'un dol et d'une tromperie; que le véhicule ne peut fonctionner normalement : que le système d'antivol du véhicule a été trafiqué et ne fonctionne pas ce qui empêche le fonctionnement normal de l'engin, et que sur le plan administratif ce véhicule ne peut bénéficier d'aucune garantie ; que son action en garantie des vices cachés a été intentée dans les délais légaux tout comme son action fondée sur le défaut de conformité du bien ; qu'il y a eu tromperie sur les qualités substantielles du bien vendu ; et que la mention vendue « en l'état » n'exonère pas le vendeur de sa responsabilité et de son obligation de délivrance conforme ;

Attendu qu'en effet l'expert automobile mandaté par les services de gendarmerie a conclu :

« Nous sommes en présence d'un camping-car volé et maquillé :

- le numéro de série frappé d'origine a été meulé partiellement afin de refrapper en lieu et place un autre n° de série « inventé » ;

- la plaque signalétique d'identification du constructeur est une plaque contrefaite ;

- les plaques d'immatriculation ont été remplacées ;

A l'issue de nos opérations nous pouvons affirmer que le véhicule examiné s'avère formellement identifiable sous le n° de série suivant ZFA23000005829978 signalé volé par M. P. Maurice demeurant La Chanaie 78 150 (fichier Argos) auprès de la société d'assurance Macif le 22 avril 2001 sous l'immatriculation 754 BMZ 78 » ;

Attendu que constitue un manquement à l'obligation de délivrance conforme de la chose vendue au sens des articles 1603 et suivants du code civil , et non un vice caché, la vente d'un véhicule volé et maquillé ; que le camping-car acquis est supposé avoir un kilométrage de 93 800 km et censé avoir été mis en circulation pour la première fois le 30 avril 2001, alors que le véhicule à cette date était déjà signalé volé le 22 avril 2001 sous son véritable numéro de série ; que le véhicule litigieux ne correspond pas aux caractéristiques de l'engin commandé ;

Attendu que les mentions du contrôle technique ne permettaient pas de soupçonner que le camping -car provenait d'un délit, le contrôle technique laissant entendre à tort qu'il s'agissait d'une mauvaise frappe du numéro de série pouvant être simplement « corrigée », sans contre-visite, et d'un défaut mineur, alors que la situation administrative du véhicule aurait dû conduire à le classifier comme non roulant, et devant être immobilisé ;

Que la bonne ou mauvaise foi des parties et leur connaissance ou non de la situation administrative de l'engin, ou encore la mention qui est apposée « vendue dans l'état le 11 juillet 2015 » sont inopérants à l'égard de la non-conformité du véhicule relevée ;

Attendu que M. J. est fondé à obtenir la résolution de la vente et la restitution du prix qu'il a versé contre la restitution du bien au vendeur, à charge pour ce dernier de le restituer à son légitime propriétaire, le véhicule étant la propriété d'un sieur P. ou de son assureur suite à indemnisation de l'assuré ;

Attendu que M. J. a souffert divers tracas et qu'il a été privé de la jouissance de l'engin acquis, dommage qui sera réparé par l'octroi de la somme de 3 000 € à titre de dommages intérêts ;

Attendu, s'agissant des demandes qu'il dirige contre la société A. que l'acquéreur fait valoir que cette société est spécialisée dans la vente et l'achat de camping-car d'occasion entre particuliers ; qu'il a contracté sur un site Internet ; que cette société se propose « de mettre à la disposition des clients son expertise et son savoir-faire pour les accompagner dans la vente et l'achat de camping-cars d'occasion et tire argument commercial de ce que « Tous nos véhicules sont révisés soumis un contrôle afin que l'achat ou la vente de votre camping-car se déroule dans les meilleures conditions. » ; que le contrat de réservation du 6 juin 2015 ne fait pas mention de ce que la société agissait en qualité d'intermédiaire mais évoque une vente ferme et définitive au prix de 18 500 € ; que le garagiste professionnel de l'automobile engage sa responsabilité du fait des vices cachés affectant le véhicule en dissimulant sa qualité de mandataire et en se comportant comme le vendeur du véhicule ; que la facture est au nom de la société ; et que la société A. a commis un dol par réticence ;

Mais attendu que la faute du mandataire n'est pas établie ; qu'il a pu ignorer le défaut de la chose mise en dépôt entre ses mains et qu'il était chargé de vendre au nom de son mandant ; qu'il a vérifié la régularité apparente de la situation administrative de l'engin doté d'une carte grise et qu'il plaide utilement que comme M. J., il n'avait pas de raison de douter de sa provenance compte tenu des mentions du contrôle technique ; que la faute du mandataire n'est pas suffisamment caractérisée et que les demandes dirigées contre la société A. ne peuvent donc prospérer ;

Attendu que les époux D. vendeurs ont appelé en garantie en la cause d'appel leur propre vendeur, Mme B. née P. ; qui a conclu en affirmant ne pas se souvenir du nom de celui qui a vendu l'engin à son mari, décédé depuis lors, et qui le lui a offert, ni posséder aucun document concernant la transaction ;

Qu'il est à relever que Mme B. née P. soulève dans le corpus de ses écritures une fin de non-recevoir tirée de la prescription qui n'est pas reprise au dispositif de ses écritures et dont la cour n'est pas saisie et qui au demeurant ne pourrait qu'être écartée, le délai, de recours en garantie ne courant qu'à compter de la connaissance que les époux D. ont eu du vol et du recours à diligenter contre leur propre vendeur ;

Attendu que Mme B. née P. est tenue aux mêmes obligations contractuelles et de la même obligation de délivrance envers ses propres acquéreurs, les époux D.; qu'elle fait valoir exactement qu'elle ne peut être condamnée au titre du remboursement du prix à restituer plus que le prix de 14 472 € qu'elle a reçu de ces époux ; qu'elle est redevable envers les époux D. du montant de 3 000 € au titre des dommages-intérêts dus par ses propres acquéreurs qui subissent un préjudice de ce chef, soit un total de 17 472 €, étant observé que la bonne foi alléguée de Mme B. née P. est tout aussi inopérante à cet égard ;

Attendu en définitive que le jugement déféré sera entièrement réformé en ce sens ;

Et attendu qu'aucun abus du droit d'ester en justice de M. J. dont l'action prospère ne peut être relevé ; que la demande tendant à l'octroi de dommages et intérêts présentée par les époux D. sera rejetée ;

Attendu que M. D. et Mme née P. succombant devront supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, et verser en équité la somme de 2 000 € à M. Philippe J. au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ne pouvant eux-mêmes, ni davantage la société A. prétendre au bénéfice de ce texte ; et que Mme B. devra également relever les époux D. du montant de ces condamnations ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant

Rejette les demandes de M. J. dirigées contre la Sarl Frederic A. ccc,

Prononce la résolution de la vente du camping-car de marque Burster immatriculé faussement 257-BVH-83, et dont l'immatriculation réelle est 754-BMZ-78, intervenue entre M. Serge D. et Mme née Chantal P., vendeurs et M. Philippe J., acquéreur ;

Condamne in solidum M. Serge D. et Mme née Chantal P. à payer à M. Philippe J. la somme de 18 500 € à titre de restitution du prix de vente et celle de 3 000 € à titre de dommages intérêts ;

Dit que Mme Eliane B. née P. garantira les époux D. du montant de ces condamnations à hauteur de la somme totale de 17 472 €, la condamne en conséquence à payer cette somme à M. D. et à Mme née P., ensemble, et dit qu'elle les relèvera également du montant de leur condamnation infra au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne la restitution du camping-car de marque Burster faussement immatriculé 257-BVH-83 et dont l'immatriculation réelle est 754-BMZ-78 par M. J. à M. D. et à Mme née P., à charge pour ces derniers de le restituer à son légitime propriétaire,

Déboute la Sarl A. ccc, M. D. et Mme née P. de leurs demandes reconventionnelles indemnitaires ;

Condamne in solidum M. Serge D. et Mme née Chantal P. à payer à M. Philippe J. la somme de 2 000 € à M. D. et Mme née P., ensemble, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et intérêts outre les entiers dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.