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Décisions

CJUE, 4e ch., 27 janvier 2021, n° C-764/18

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ayuntamiento de Pamplona

Défendeur :

Orange España SAU

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Vilaras

Juges :

M. Piçarra, M. Šváby, M. Rodin (rapporteur), Mme Jürimäe

Avocat général :

M. Tanchev

Avocats :

Me Guijarro Salvador, Me Huelin Martínez de Velasco, Me de Vicente Benito, Me Muñoz Pérez, Me García Turrión

CJUE n° C-764/18

27 janvier 2021

LA COUR (quatrième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 12 et 13 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive « autorisation ») (JO 2002, L 108, p. 21), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO 2009, L 337, p. 37) (ci-après la « directive « autorisation » »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Ayuntamiento de Pamplona (municipalité de Pampelune, Espagne) à Orange España SAU au sujet de la taxe pour l’utilisation privative ou l’exploitation spéciale du sous-sol et de la surface du domaine public municipal ainsi que de l’espace surplombant celui-ci par des entreprises fournissant des services d’approvisionnement (ci-après la « taxe pour l’exploitation du domaine public ») à laquelle cette société a été assujettie.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive-cadre

3 Le cadre réglementaire commun aux services et aux réseaux de communications électroniques ainsi qu’aux ressources et aux services associés est composé de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO 2002, L 108, p. 33), telle que modifiée par la directive 2009/140 (ci-après la « directive-cadre »), ainsi que de quatre directives spécifiques, dont la directive 2002/20.

4 L’article 2 de la directive-cadre, intitulé « Définitions », énonce, à ses points a) et c) :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a) « réseau de communications électroniques » : les systèmes de transmission et, le cas échéant, les équipements de commutation ou de routage et les autres ressources, y compris les éléments de réseau qui ne sont pas actifs, qui permettent l’acheminement de signaux par câble, par voie hertzienne, par moyen optique ou par d’autres moyens électromagnétiques, comprenant les réseaux satellitaires, les réseaux terrestres fixes (avec commutation de circuits ou de paquets, y compris l’internet) et mobiles, les systèmes utilisant le réseau électrique, pour autant qu’ils servent à la transmission de signaux, les réseaux utilisés pour la radiodiffusion sonore et télévisuelle et les réseaux câblés de télévision, quel que soit le type d’information transmise ;

[...]

c) « service de communications électroniques » : le service fourni normalement contre rémunération qui consiste entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques, y compris les services de télécommunications et les services de transmission sur les réseaux utilisés pour la radiodiffusion, mais qui exclut les services consistant à fournir des contenus à l’aide de réseaux et de services de communications électroniques ou à exercer une responsabilité éditoriale sur ces contenus ; il ne comprend pas les services de la société de l’information tels que définis à l’article 1er de la directive 98/34/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO 1998, L 204, p. 37),] qui ne consistent pas entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques ».

La directive « autorisation »

5 Aux termes de l’article 1er de la directive « autorisation » :

« 1. La présente directive vise à mettre en place un marché intérieur des réseaux et des services de communications électroniques en harmonisant et en simplifiant les règles et les conditions d’autorisation, afin de faciliter leur fourniture dans l’ensemble de la Communauté.

2. La présente directive s’applique aux autorisations portant sur la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques. »

6 L’article 2, paragraphe 2, de la directive « autorisation » dispose :

« La définition suivante est également d’application :

« autorisation générale » : un cadre juridique mis en place par l’État membre, qui garantit le droit de fournir des réseaux ou des services de communications électroniques et qui fixe les obligations propres au secteur pouvant s’appliquer à tous les types de réseaux et de services de communications électroniques, ou à certains d’entre eux, conformément à la présente directive. »

7 L’article 12 de la directive « autorisation », intitulé « Taxes administratives », est libellé comme suit :

« 1. Les taxes administratives imposées aux entreprises fournissant un service ou un réseau au titre de l’autorisation générale ou auxquelles un droit d’utilisation a été octroyé :

a) couvrent exclusivement les coûts administratifs globaux qui seront occasionnés par la gestion, le contrôle et l’application du régime d’autorisation générale, des droits d’utilisation et des obligations spécifiques visées à l’article 6, paragraphe 2, qui peuvent inclure les frais de coopération, d’harmonisation et de normalisation internationales, d’analyse de marché, de contrôle de la conformité et d’autres contrôles du marché, ainsi que les frais afférents aux travaux de réglementation impliquant l’élaboration et l’application de législations dérivées et de décisions administratives, telles que des décisions sur l’accès et l’interconnexion, et

b) sont réparties entre les entreprises individuelles d’une manière objective, transparente et proportionnée qui minimise les coûts administratifs et les taxes inhérentes supplémentaires.

2. Lorsque les autorités réglementaires nationales imposent des taxes administratives, elles publient un bilan annuel de leurs coûts administratifs et de la somme totale des taxes perçues. Les ajustements nécessaires sont effectués en tenant compte de la différence entre la somme totale des taxes et les coûts administratifs. »

8 L’article 13 de la directive « autorisation », intitulé « Redevances pour les droits d’utilisation et les droits de mettre en place des ressources », prévoit :

« Les États membres peuvent permettre à l’autorité compétente de soumettre à une redevance les droits d’utilisation des radiofréquences ou des numéros ou les droits de mettre en place des ressources sur ou sous des biens publics ou privés, afin de tenir compte de la nécessité d’assurer une utilisation optimale de ces ressources. Les États membres font en sorte que ces redevances soient objectivement justifiées, transparentes, non discriminatoires et proportionnées eu égard à l’usage auquel elles sont destinées et tiennent compte des objectifs fixés à l’article 8 de la [directive-cadre]. »

Le droit espagnol

9 Aux termes de l’article 2, premier alinéa, de l’Ordenanza Fiscal no 22 del Ayuntamiento de Pamplona, reguladora de las tasas por aprovechamientos especiales del suelo, vuelo y subsuelo del dominio público local por las empresas explotadoras de servicios de suministros (ordonnance fiscale no 22 de la municipalité de Pampelune, régissant la taxe pour l’exploitation spéciale du sous-sol et de la surface du domaine public municipal, ainsi que de l’espace surplombant celui‑ci, par des entreprises fournissant des services d’approvisionnement), du 28 novembre 2013 (BO de Navarre no 240, du 16 décembre 2013, p. 12766) (ci-après l’« ordonnance fiscale no 22/2014 ») :

« Constitue le fait générateur de la taxe l’utilisation privative ou l’exploitation spéciale du sous-sol et de la surface du domaine public municipal, ainsi que de l’espace surplombant celui-ci, au moyen de câbles, de conduites et de galeries destinés aux raccordements d’énergie électrique, d’eau, de gaz ou de tout autre fluide, de téléphonie fixe, de téléphonie mobile et d’autres services de communication électronique, y compris les poteaux, câbles, raccordements aériens, boîtiers de fixation, de distribution ou d’enregistrement, transformateurs, glissières, bascules, antennes, appareils de vente automatique et autres appareils similaires liés à la fourniture du service ».

10 L’article 4, point 3, de l’ordonnance fiscale no 22/2014 dispose :

« Ne sont pas tenus au paiement de la taxe les opérateurs de téléphonie mobile qui ne sont pas propriétaires des réseaux au moyen desquels ce service est fourni, bien qu’étant titulaires de droits d’utilisation, d’accès ou d’interconnexion à ces réseaux.

Dans les autres cas de services d’approvisionnement, sont assujettis tant les propriétaires des réseaux ou des infrastructures utilisés que les titulaires d’un droit d’utilisation, d’accès ou d’interconnexion à ces derniers. »

11 L’article 5, point 1, de l’ordonnance fiscale no 22/2014 prévoit que la base imposable de la taxe annuelle est déterminée par les revenus bruts découlant du chiffre d’affaires annuel que les assujettis réalisent dans la municipalité et que les critères de détermination de cette base ne s’appliquent pas aux « opérateurs de téléphonie mobile ».

12 Conformément à l’article 6 de cette ordonnance fiscale, le taux de la taxe est fixé à 1,5 % des revenus bruts d’exploitation facturés par les opérateurs.

13 L’article 24 du Real Decreto Legislativo 2/2004, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley Reguladora de las Haciendas Locales (décret royal législatif 2/2004, portant refonte du texte de la loi régissant les finances locales), du 5 mars 2004 (BOE no 59, du 9 mars 2004, p. 10284), et l’article 105, paragraphe 1, troisième alinéa, de la Ley Foral 2/1995 de Haciendas Locales de Navarra (loi forale 2/1995, sur les finances locales de Navarre), du 10 mars 1995 (BO de Navarre no 36, du 20 mars 1995), prévoient que, s’agissant des taxes pour l’utilisation privative ou l’exploitation spéciale du sol, du sous-sol ou de l’espace surplombant la voirie publique municipale, qui sont dues par les entreprises fournissant des services qui concernent la totalité ou une partie importante des habitants, le montant de ces taxes représente 1,5 % du revenu brut découlant du chiffre d’affaires annuel desdites entreprises dans chaque municipalité.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

14 Orange España a présenté à la municipalité de Pampelune une « autoliquidation » de la taxe pour l’exploitation du domaine public prévue par l’ordonnance fiscale no 22/2014, au titre du deuxième trimestre de l’année 2014 en raison de son activité de téléphonie fixe et d’accès à Internet exercée sur le territoire de cette municipalité.

15 Considérant néanmoins que ladite taxe est contraire à la réglementation de l’Union régissant le secteur des télécommunications, en particulier à la directive « autorisation », telle qu’interprétée par la Cour, Orange España a demandé à la municipalité de Pampelune la rectification de l’« autoliquidation » et le remboursement du trop-perçu.

16 À l’appui de sa demande de rectification, Orange España a fait valoir, tout d’abord, qu’elle était non pas propriétaire des réseaux qu’elle exploitait sur le territoire de la municipalité de Pampelune, mais utilisatrice de ceux-ci en vertu de droits d’interconnexion. Elle a précisé, ensuite, que les services de téléphonie fixe et d’accès à Internet relèveraient du champ d’application de la directive « autorisation », telle qu’interprétée par la Cour en ce qui concerne l’imposition de taxes et de redevances aux entreprises qui exercent leurs activités dans le secteur de la téléphonie mobile. Enfin, elle a soutenu qu’il était contraire aux articles 12 et 13 de cette directive d’imposer une taxe dont le montant était exclusivement déterminé sur la base d’un pourcentage fixe des recettes brutes de l’entreprise.

17 La municipalité de Pampelune a rejeté cette demande, considérant que le montant de la taxe due n’était entaché ni d’erreur de fait ni d’erreur de droit. Orange España a formé un recours contre cette décision devant le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo n° 1 de Pamplona (tribunal administratif au niveau provincial n° 1 de Pampelune, Espagne). Ce dernier a été rejeté par jugement du 4 décembre 2015, au motif que, d’une part, Orange España était propriétaire des réseaux d’infrastructures et ne pouvait en conséquence être exonérée du paiement de la taxe et, d’autre part, que le montant de la taxe avait été déterminé conformément à l’article 105, paragraphe 1, troisième alinéa, de la loi forale 2/1995.

18 Orange España a interjeté appel de ce jugement devant le Tribunal Superior de Justicia de Navarra (Cour supérieure de justice de Navarre, Espagne). Cette juridiction a confirmé qu’Orange España était, en sa qualité de propriétaire de réseaux et d’infrastructures occupant le domaine public municipal, redevable du paiement de la taxe en cause. Elle a cependant fait partiellement droit au recours, en jugeant que la méthode de détermination du montant de cette taxe était contraire aux articles 12 et 13 de la directive « autorisation » et qu’Orange España avait, de ce fait, droit à la rectification de son « autoliquidation ». Ladite juridiction a considéré qu’il convenait de fixer le montant de ladite taxe au regard des principes d’objectivité et de proportionnalité énoncés à ces articles, et non pas en fonction des recettes brutes ou du chiffre d’affaires d’une entreprise, le montant obtenu dans ce cas allant au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer une utilisation optimale des ressources rares.

19 La municipalité de Pampelune a formé un pourvoi en cassation devant le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), par lequel elle soutient que le Tribunal Superior de Justicia de Navarra (Cour supérieure de justice de Navarre) a méconnu la jurisprudence de la Cour applicable aux opérateurs de téléphonie mobile, issue de l’arrêt du 12 juillet 2012, Vodafone España et France Telecom España (C‑55/11, C‑57/11 et C‑58/11, EU:C:2012:446), en l’étendant aux opérateurs fournissant des services de téléphonie fixe et d’accès à Internet. En défense, Orange España soutient que la directive « autorisation » ne distingue pas entre les opérateurs de services de téléphonie mobile et les opérateurs de services de téléphonie fixe. L’interprétation de l’article 13 de cette directive, effectuée par la Cour dans cet arrêt, serait dès lors transposable à toute situation dans laquelle des fournisseurs de services de communications électroniques se voient imposer des taxes aux fins de pouvoir utiliser des radiofréquences ou des numéros ou de mettre en place des ressources. Orange España souligne par ailleurs que la Cour ne s’est pas prononcée dans ledit arrêt sur la méthode de calcul du montant d’une telle taxe.

20 Dans ces conditions, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) La directive « autorisation », telle qu’interprétée par la Cour en rapport avec des entreprises exerçant leurs activités dans le secteur des télécommunications mobiles, et, plus particulièrement, les limitations à l’exercice du pouvoir d’imposition des États membres qui découlent des articles 12 et 13 de ladite directive s’appliquent-elles aux entreprises fournissant des services de téléphonie fixe et d’accès à Internet ?

2) Dans l’affirmative (et s’il était considéré que ladite directive s’applique aux fournisseurs de services de téléphonie fixe et d’accès à Internet), les articles 12 et 13 de la directive « autorisation » permettent-ils aux États membres d’imposer une taxe ou une redevance dont le montant est exclusivement déterminé en fonction des recettes brutes obtenues annuellement par l’entreprise, propriétaire des ressources installées, à l’occasion de la fourniture du service de téléphonie fixe et d’accès à Internet sur le territoire concerné ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

21 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive « autorisation » doit être interprétée en ce sens qu’elle s’applique aux entreprises fournissant des services de téléphonie fixe et d’accès à Internet.

22 Il ressort de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive « autorisation » qu’elle s’applique aux « autorisations portant sur la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques ».

23 L’article 2, paragraphe 1, de la directive « autorisation » prévoit que, aux fins de cette dernière, « les définitions visées à l’article 2 de la [directive-cadre] s’appliquent ».

24 Par conséquent, afin de déterminer le champ d’application de la directive « autorisation », il convient de se référer aux définitions des termes « réseaux de communications électroniques » et « services de communications électroniques » figurant dans la directive-cadre.

25 L’article 2, sous a), de la directive-cadre définit le « réseau de communications électroniques » comme étant « les systèmes de transmission et, le cas échéant, les équipements de commutation ou de routage et les autres ressources, y compris les éléments de réseau qui ne sont pas actifs, qui permettent l’acheminement de signaux par câble, par voie hertzienne, par moyen optique ou par d’autres moyens électromagnétiques, comprenant les réseaux satellitaires, les réseaux terrestres fixes (avec commutation de circuits ou de paquets, y compris l’internet) et mobiles, les systèmes utilisant le réseau électrique, pour autant qu’ils servent à la transmission de signaux, les réseaux utilisés pour la radiodiffusion sonore et télévisuelle et les réseaux câblés de télévision, quel que soit le type d’information transmise ».

26 Aux termes de l’article 2, sous c), de la directive-cadre, un « service de communications électroniques » est un « service fourni normalement contre rémunération qui consiste entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques, y compris les services de télécommunications et les services de transmission sur les réseaux utilisés pour la radiodiffusion ».

27 En l’occurrence, dans l’affaire au principal, est en cause la fourniture de services d’accès à Internet et de téléphonie fixe au moyen de réseaux câblés et d’autres ressources techniques.

28 Il résulte des dispositions susmentionnées que cette directive ne distingue pas, aux fins de définir la notion de « services de communications électroniques », entre les services de téléphonie fixe et les services de téléphonie mobile. Ainsi que M. l’avocat général l’a constaté au point 26 de ses conclusions, le considérant 10 de la directive-cadre indique, sans aucune distinction entre la téléphonie fixe et la téléphonie mobile, que « les services de téléphonie vocale et de transmission de courrier électronique sont couverts par la présente directive ».

29 Concernant l’accès à Internet, l’article 2, sous a), de la directive-cadre s’y réfère explicitement et, ainsi que M. l’avocat général l’a également constaté au point 27 de ses conclusions, le considérant 10 de cette directive précise que l’« accès à Internet » est un service de communications électroniques.

30 Il convient donc de constater que les « services de communications électroniques », au sens de la directive-cadre, sont des services qui consistent à transmettre des signaux sur des réseaux de communications électroniques, que ces réseaux soient fixes ou mobiles et qu’ils couvrent des services de téléphonie, fixe ou mobile, ainsi que des services d’accès à Internet. Le champ d’application de la directive « autorisation » étant déterminé en fonction des définitions figurant dans la directive-cadre, il résulte de ce qui précède que la directive « autorisation » s’applique aux autorisations portant sur la fourniture de réseaux ainsi que de services d’accès à Internet et de téléphonie fixe.

31 Par conséquent, il convient de répondre à la première question que la directive « autorisation » doit être interprétée en ce sens qu’elle s’applique également aux entreprises fournissant des services de téléphonie fixe et d’accès à Internet.

Sur la seconde question

32 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, dans le cas où il serait répondu par l’affirmative à la première question, si les articles 12 et 13 de la directive « autorisation » doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui impose, aux entreprises propriétaires d’infrastructures ou de réseaux nécessaires aux communications électroniques et qui utilisent ceux-ci pour fournir des services de téléphonie fixe et d’accès à Internet, une taxe dont le montant est exclusivement déterminé en fonction des recettes brutes obtenues annuellement par ces entreprises sur le territoire de l’État membre concerné.

33 En vertu de son article 1er, paragraphe 2, la directive « autorisation » s’applique aux autorisations portant sur la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques (voir arrêt du 17 décembre 2015, Proximus, C‑517/13, EU:C:2015:820, point 25).

34 La directive « autorisation » prévoit non seulement des règles relatives aux procédures d’octroi des autorisations générales ou des droits d’utilisation des radiofréquences ou des numéros et au contenu de celles‑ci, mais également des règles relatives à la nature, voire à l’ampleur, des charges pécuniaires liées auxdites procédures, que les États membres peuvent imposer aux entreprises dans le secteur des services de communications électroniques (arrêts du 4 septembre 2014, Belgacom et Mobistar, C‑256/13 et C‑264/13, EU:C:2014:2149, point 29 ; du 6 octobre 2015, Base Company, C‑346/13, EU:C:2015:649, point 15, ainsi que du 17 décembre 2015, Proximus, C‑517/13, EU:C:2015:820, point 26).

35 Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la directive « autorisation », les États membres ne peuvent percevoir d’autres taxes ou redevances sur la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques que celles prévues par cette directive (arrêt du 17 décembre 2015, Proximus, C‑517/13, EU:C:2015:820, point 27 et jurisprudence citée).

36 Il s’ensuit que, pour que les dispositions de la directive « autorisation » soient applicables à un prélèvement tel que celui en cause au principal, le fait générateur de celui‑ci doit être lié à la procédure d’autorisation générale, qui garantit, selon l’article 2, paragraphe 2, sous a), de cette directive, le droit de fournir des réseaux ou des services de communications électroniques (arrêt du 17 décembre 2015, Proximus, C‑517/13, EU:C:2015:820, point 28 et jurisprudence citée).

37 À cet égard, il y a lieu de rappeler que les taxes administratives que les États membres peuvent imposer, en vertu de l’article 12 de la directive « autorisation », aux entreprises fournissant des réseaux ou des services de communications électroniques au titre de l’autorisation générale ou auxquelles un droit d’utilisation a été octroyé, afin de financer les activités d’une autorité réglementaire nationale, doivent être exclusivement destinées à couvrir les coûts administratifs globaux afférents aux activités mentionnées à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de cette directive (arrêt du 30 janvier 2018, X et Visser, C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, point 64).

38 En outre, la Cour a déjà relevé que l’article 13 de la directive « autorisation » ne vise pas toutes les redevances auxquelles sont soumises les infrastructures permettant la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques (arrêts du 4 septembre 2014, Belgacom et Mobistar, C‑256/13 et C‑264/13, EU:C:2014:2149, point 34, ainsi que du 17 décembre 2015, Proximus, C‑517/13, EU:C:2015:820, point 30 et jurisprudence citée).

39 En effet, cet article porte sur les modalités de la soumission à des redevances pour les droits d’utilisation des radiofréquences ou des numéros ou les droits de mettre en place des ressources sur ou sous des biens publics ou privés (arrêt du 17 décembre 2015, Proximus, C‑517/13, EU:C:2015:820, point 31 et jurisprudence citée).

40 En l’occurrence, l’article 2, premier alinéa, de l’ordonnance fiscale no 22/2014 dispose que « [l]e fait générateur de la taxe est constitué par l’utilisation privative ou l’exploitation spéciale du sous-sol et de la surface du domaine public municipal, ainsi que de l’espace surplombant celui-ci, au moyen de câbles, de conduites et de galeries destinés aux raccordements d’énergie électrique, d’eau, de gaz ou de tout autre fluide, de téléphonie fixe, de téléphonie mobile et d’autres services de communication électronique [...] ». En outre, aux termes de l’article 4, point 3, de cette ordonnance, tant les propriétaires des réseaux ou des infrastructures utilisés que les titulaires d’un droit d’utilisation, d’accès ou d’interconnexion à ces derniers, autres que les opérateurs de téléphonie mobile, sont assujettis à ladite taxe.

41 S’agissant de l’interprétation de l’article 12 de la directive « autorisation », il ressort du dossier dont dispose la Cour ainsi que des réponses apportées par les parties à une question posée par la Cour lors de l’audience que la taxe pour l’exploitation du domaine public ne relève pas du champ d’application de cet article, dès lors qu’elle ne vise pas à couvrir les coûts administratifs globaux afférents aux activités de l’autorité réglementaire nationale. Partant, elle ne peut être qualifiée de « taxe administrative », au sens dudit article.

42 Par conséquent, l’article 12 de la directive « autorisation » ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit une telle taxe.

43 S’agissant de l’interprétation de l’article 13 de cette directive, la Cour a jugé que les termes « ressources » et « mettre en place » qui y sont employés renvoient, respectivement, aux infrastructures matérielles permettant la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques et à leur mise en place matérielle sur les propriétés publiques ou privées concernées (arrêt du 17 décembre 2015, Proximus, C‑517/13, EU:C:2015:820, point 34 et jurisprudence citée).

44 Cependant, ainsi que cela a été exposé au point 38 du présent arrêt, l’article 13 de la directive « autorisation » ne vise pas toutes les redevances auxquelles sont soumises les infrastructures permettant la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques (arrêt du 4 septembre 2014, Belgacom et Mobistar, C‑256/13 et C‑264/13, EU:C:2014:2149, point 34).

45 Or, ainsi qu’il ressort du point 40 du présent arrêt, le fait générateur de la taxe pour l’exploitation du domaine public est constitué par l’utilisation privative ou l’exploitation spéciale du sous-sol et de la surface du domaine public municipal, ainsi que de l’espace surplombant celui-ci, au moyen de différentes infrastructures, les redevables de cette taxe étant dès lors les opérateurs de réseaux ou de services d’énergie électrique, d’eau, de gaz ou de tout autre fluide, de téléphonie fixe, de téléphonie mobile et d’autres services de communications électroniques qui utilisent ou exploitent ces infrastructures.

46 Par ailleurs, l’article 4, point 3, de l’ordonnance fiscale no 22/2014 prévoit que sont assujettis à ladite taxe non seulement les titulaires d’un droit d’utilisation, d’accès ou d’interconnexion aux réseaux ou aux infrastructures utilisés, mais également les propriétaires de ces derniers, y compris, donc, ceux qui n’exploitent pas personnellement ces réseaux ou ces infrastructures.

47 Il en découle que le champ d’application de la taxe pour l’exploitation du domaine public n’est pas limité aux seuls opérateurs fournissant des réseaux ou des services de communications électroniques ou à ceux bénéficiant de droits prévus à l’article 13 de la directive « autorisation », ce qu’il appartiendra toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2014, Belgacom et Mobistar, C‑256/13 et C‑264/13, EU:C:2014:2149, point 36).

48 En outre, l’ordonnance fiscale no 22/2014 ne prévoit aucunement que, s’agissant de l’utilisation privative ou de l’exploitation spéciale des éléments du domaine public au moyen de différentes infrastructures, il y aurait lieu de déterminer à cet effet la personne physique ou morale qui aurait mis en place de telles infrastructures, comme cela résulte nécessairement de l’article 13 de la directive « autorisation ».

49 Dès lors, la taxe pour l’exploitation du domaine public, imposée par cette ordonnance fiscale, ne peut être considérée comme imposée aux entreprises fournissant des réseaux et des services de communications électroniques en contrepartie du droit de mettre en place des ressources (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2015, Proximus, C‑517/13, EU:C:2015:820, point 35).

50 Par conséquent, le fait générateur de la taxe pour l’exploitation du domaine public étant lié, conformément à ladite ordonnance fiscale, à l’octroi du droit d’utiliser les ressources mises en places sur ou sous le domaine public municipal, il ne dépend pas du droit de mettre en place de telles ressources au sens de l’article 13 de la directive « autorisation », rappelé au point 43 du présent arrêt.

51 Il s’ensuit que la taxe prévue par l’ordonnance fiscale no 22/2014 ne relève pas du champ d’application de l’article 13 de la directive « autorisation ».

52 Par conséquent, l’article 13 de la directive « autorisation » ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit une taxe telle que la taxe pour l’exploitation du domaine public.

53 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que les articles 12 et 13 de la directive « autorisation » doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui impose, aux entreprises propriétaires d’infrastructures ou de réseaux nécessaires aux communications électroniques et qui utilisent ceux-ci pour fournir des services de téléphonie fixe et d’accès à Internet, une taxe dont le montant est exclusivement déterminé en fonction des recettes brutes obtenues annuellement par ces entreprises sur le territoire de l’État membre concerné.

Sur les dépens

54 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

1) La directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive « autorisation »), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’applique également aux entreprises fournissant des services de téléphonie fixe et d’accès à Internet.

2) Les articles 12 et 13 de la directive 2002/20, telle que modifiée par la directive 2009/140, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui impose, aux entreprises propriétaires d’infrastructures ou de réseaux nécessaires aux communications électroniques et qui utilisent ceux-ci pour fournir des services de téléphonie fixe et d’accès à Internet, une taxe dont le montant est exclusivement déterminé en fonction des recettes brutes obtenues annuellement par ces entreprises sur le territoire de l’État membre concerné.