CJUE, 1re ch., 27 janvier 2021, n° C-229/19
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Dexia Nederland BV
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Bonichot
Juges :
M. Bay Larsen, Mme Toader, M. Safjan, M. Jääskinen (rapporteur)
Avocat général :
M. Pitruzzella
Avocats :
Me de Bie Leuveling Tjeenk, Me Cornegoor, Me Post, Me Maliepaard
LA COUR (première chambre),
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
2 Ces demandes ont été introduites dans le cadre de deux litiges opposant Dexia Nederland BV (ci-après « Dexia ») à des consommateurs au sujet du refus de paiement des décomptes finals établis par cette société, à la suite de la résiliation des contrats de leasing d’actions conclus entre ces consommateurs et une société à laquelle Dexia a succédé.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Le treizième considérant de la directive 93/13 est ainsi libellé :
« considérant que les dispositions législatives ou réglementaires des États membres qui fixent, directement ou indirectement, les clauses de contrats avec les consommateurs sont censées ne pas contenir de clauses abusives ; que, par conséquent, il ne s’avère pas nécessaire de soumettre aux dispositions de la présente directive les clauses qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des principes ou des dispositions de conventions internationales dont les États membres ou [l’Union européenne] sont parti[e]s ; que, à cet égard, l’expression “dispositions législatives ou réglementaires impératives” figurant à l’article 1er paragraphe 2 couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu ».
4 L’article 1er de cette directive dispose :
« 1. La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.
2. Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou [l’Union] sont partis, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »
5 L’article 3, paragraphes 1 et 3, de ladite directive prévoit :
« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.
[...]
3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. »
6 Parmi les clauses qui sont énumérées dans cette annexe figurent, notamment, au point 1, sous e), de celle-ci, celles ayant pour objet ou pour effet « d’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé ».
7 L’article 4, paragraphe 1, de la même directive précise :
« Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. »
8 Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 :
« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
9 L’article 7, paragraphe 1, de cette directive dispose :
« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »
Le droit néerlandais
10 L’article 6:271 du Burgerlijk Wetboek (code civil), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le « BW »), dispose :
« La résiliation d’un contrat libère les parties des engagements pris en vertu de celui-ci. Dans la mesure où ces engagements ont déjà été remplis, le fondement juridique pour le respect de ces engagements est maintenu, mais il y a naissance, pour les parties, d’une obligation à restituer ou compenser les prestations déjà reçues. »
11 L’article 6:277 du BW se lit comme suit :
«1. En cas de résiliation totale ou partielle d’un contrat, la partie dont le manquement a constitué un motif de résiliation est tenue d’indemniser l’autre partie pour le préjudice que celle-ci subit du fait que le contrat n’est pas poursuivi par les deux parties, mais qu’il fait l’objet d’une résiliation.
[...] »
12 L’article 7A:1576e du BW est ainsi libellé :
« 1. L’acheteur est toujours autorisé à procéder au paiement anticipé d’une ou de plusieurs tranches de remboursement du prix de vente à échoir.
2. En cas de paiement anticipé unique de la totalité du solde restant dû, il a droit à une déduction calculée à un taux de 5 % l’an sur chaque tranche de remboursement ainsi payée par anticipation.
3. Les parties peuvent déroger aux dispositions du présent article en faveur de l’acheteur. »
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
13 Les litiges au principal trouvent leur origine dans le refus de XXX et de Z de régler les soldes figurant aux décomptes finals établis par Dexia à la suite de la résiliation des contrats de leasing d’actions, qui avaient été conclus entre ceux-ci et le prédécesseur en droit de Dexia, en raison des retards dans le paiement des mensualités dues à cette dernière.
14 Dans le cadre de ce type de contrats, le preneur, qui est habituellement un consommateur, emprunte auprès d’une banque, pour une période déterminée, une somme d’argent, désignée comme étant le « principal », avec laquelle cette banque acquiert des actions pour le compte et au profit du preneur. Ladite banque reste propriétaire de ces actions jusqu’au remboursement intégral de la somme ainsi empruntée, mais les dividendes éventuels sont versés au preneur. Pendant toute la durée du contrat de leasing, le preneur paie une mensualité, correspondant aux intérêts à valoir sur le principal et, dans certains cas, au remboursement de ce dernier. Au terme du contrat, les actions sont cédées et le preneur perçoit le revenu de la cession de ces actions, déduction faite du solde du principal et des mensualités éventuellement encore dues à la banque.
15 Il ressort du dossier dont dispose la Cour que Dexia a résilié les contrats de leasing de manière anticipée, en raison de retards de paiement, conformément aux conditions particulières des contrats en cause au principal. Lors de la résiliation de ces contrats, Dexia a établi les décomptes finals, en application des articles 6 et 15 de ces conditions particulières. Ces articles se lisent comme suit :
« 6. Si (a), malgré une lettre de mise en demeure, le preneur persiste dans le non-paiement d’une ou de plusieurs mensualités ou dans la non-exécution de toute autre obligation résultant du contrat ou de tout autre contrat de leasing similaire au contrat en cause en l’espèce, ou si (b) le preneur demande la mise en règlement judiciaire ou s’il est déclaré en faillite, la banque est autorisée à mettre immédiatement fin au contrat et à tous les contrats de leasing similaires et à exiger le paiement de l’intégralité du solde impayé de la totalité du (des) montant(s) de leasing convenu(s) au titre de tous les contrats de leasing en cours, similaires au présent contrat, et à vendre les valeurs mobilières en bourse ou autrement à un moment déterminé par la banque. La banque devra déduire le produit de la vente de la somme que lui doit le preneur. Un éventuel solde positif sera versé au preneur par la banque.
15. [...] En cas de résiliation du contrat, la créance du preneur consistera en un montant égal à la valeur vénale des titres à la date de la résiliation, déduction faite d’un montant correspondant à la valeur actualisée du solde impayé du montant total convenu en leasing. La valeur actualisée est calculée conformément à la disposition de l’article 7A:1576e, paragraphe 2, du BW. »
16 Les juridictions de renvoi précisent que le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays–Bas) a été récemment amené à se prononcer sur la compatibilité de ces clauses avec la directive 93/13 et a jugé, dans un arrêt du 21 avril 2017 (NL:HR:2017:773, Dexia/Tijhuis), que l’article 6 des conditions particulières des contrats en cause au principal créait, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat.
17 En outre, il résulte des décisions de renvoi que, selon le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays–Bas), la méthode de calcul du montant de la somme que Dexia est en droit de réclamer, en application de l’article 6 des conditions particulières des contrats en cause au principal, ne prend pas en considération l’avantage que celle-ci tire d’une résiliation, dans la mesure où le montant qu’elle perçoit est à nouveau productif d’intérêts, et le fait que Dexia, en application de l’article 15 des conditions particulières, actualiserait le montant des mensualités encore dues par une déduction de 5 % l’an ne compenserait cet avantage que dans une proportion très réduite. En effet, cette méthode de calcul a pour conséquence que le bénéfice que Dexia pourrait réaliser en réinvestissant les fonds de manière anticipée sur le marché des capitaux a été fixé à 5 % l’an. Ainsi, tant que le taux du marché est supérieur à 5 %, la différence entre le taux forfaitaire et le taux réel du marché profite à Dexia. Le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays–Bas) souligne que, selon le taux d’intérêt et la date de cessation ou de résiliation du contrat, l’avantage que Dexia tire d’une résiliation anticipée peut être en effet très important.
18 Enfin, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays–Bas) aurait relevé que, en cas de défaut de paiement, Dexia conserve la possibilité de procéder à la résiliation du contrat et qu’elle peut alors, en application de l’article 6:277 du BW, prétendre à des dommages-intérêts.
L’affaire C‑229/19
19 Au cours de l’année 1999, XXX a conclu deux contrats de leasing avec une société à laquelle a succédé Dexia.
20 Le 6 juin 2005, en raison de retards de paiement, après avoir mis en demeure XXX de payer, Dexia a mis fin aux contrats de leasing concernés de manière anticipée et établi des décomptes finals.
21 Il ressort du dossier dont dispose la Cour que Dexia a établi les décomptes finals en application des articles 6 et 15 des conditions particulières des contrats en cause au principal et a facturé à XXX le solde débiteur figurant sur ces décomptes.
22 XXX a introduit des actions en justice afin que, notamment, les deux contrats de leasing soient annulés ou résiliés et que les sommes versées à Dexia lui soient remboursées. Cette dernière a introduit une demande reconventionnelle tendant à ce que XXX soit condamné à payer une somme correspondant au montant total, augmentée des intérêts de retard, dont ils seraient encore redevables en vertu des deux contrats de leasing.
23 Par un jugement du 19 novembre 2008, le kantonrechter (juge cantonal, Pays-Bas) a condamné Dexia à payer à XXX la somme de 2 507,69 euros par contrat de leasing, sous la forme d’une indemnité, augmentée des intérêts légaux, et a rejeté la demande reconventionnelle de Dexia.
24 Les deux parties dans l’affaire C‑229/19 ont interjeté appel de ce jugement devant le Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam, Pays-Bas). Dexia conclut au rejet de la demande de XXX et à l’accueil de sa demande reconventionnelle. XXX tend à obtenir une indemnité plus élevée que celle qui lui a été octroyée en première instance.
25 Dans ce contexte, le Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam) souligne que, dès lors que le litige dont il est saisi concerne des contrats conclus entre un prestataire de services financiers et des consommateurs, il doit examiner d’office si une clause des conditions particulières des contrats en cause au principal est abusive eu égard aux critères prévus dans la directive 93/13 et, dans l’affirmative, procéder d’office à l’annulation de cette clause. Or, à la suite de l’arrêt du Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays–Bas), cité aux points 16 à 18 du présent arrêt, dans lequel l’article 6 des conditions particulières des contrats en cause au principal a été considéré comme constituant une clause abusive, au sens de la directive 93/13, le Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam) a des doutes quant à l’application de ces critères.
26 En effet, selon la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑229/19, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays–Bas) s’est limité à examiner de manière abstraite si, par rapport à la législation nationale, une clause pouvait avoir des conséquences défavorables pour le consommateur et a conclu que la simple possibilité de l’existence d’un désavantage pour ce dernier suffisait pour qu’une telle clause soit considérée comme abusive, au sens de la directive 93/13.
27 Toutefois, cette juridiction de renvoi estime qu’il conviendrait de tenir compte, notamment, du fait que les contrats de leasing d’actions sont des contrats à exécution successive conclus pour une durée pouvant aller jusqu’à 20 ans, ce qui implique que, en principe, lors de la conclusion de ces contrats, il n’est pas encore certain qu’un prestataire de services financiers, tel que Dexia, retirera un quelconque avantage en cas de résiliation anticipée. En effet, l’importance de cet avantage varierait selon le taux en vigueur à la date de la cessation anticipée du contrat concerné et auquel le montant perçu de manière anticipée pourrait être placé pendant la période résiduelle de ce contrat.
28 En l’occurrence, l’article 15 des conditions particulières des contrats en cause au principal fixe par avance l’avantage potentiel du créancier, en cas de résiliation anticipée du contrat, à 5 % l’an du solde impayé du montant convenu au contrat de leasing, pendant la période résiduelle du contrat. Ainsi, selon ladite juridiction de renvoi, il conviendrait de vérifier, tout d’abord, si, à la lumière de toutes les circonstances de l’espèce, à la date de la conclusion des contrats en cause au principal, la fixation de cet avantage potentiel de Dexia est abusive ou non, par exemple, en comparant cette clause avec celles qui sont normalement utilisées dans des cas similaires de vente à tempérament ou bien avec le taux d’intérêt appliqué, dans le cadre des procédures juridictionnelles, lors de l’actualisation des montants pour des contrats avec un capital et une durée comparables à ceux des contrats concernés.
29 Ensuite, conformément à la jurisprudence de la Cour, il y aurait lieu de déterminer si le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, aurait pu accepter, lors de la conclusion du contrat concerné, que, en cas de résiliation anticipée de celui-ci, l’avantage de Dexia soit, par dérogation à la réglementation applicable, fixé par application des articles 6 et 15 des conditions particulières des contrats en cause au principal, en tenant compte de l’expertise et des connaissances de cette banque s’agissant de l’évolution potentielle des taux d’intérêt et en ayant conscience que, en cas d’application des dispositions de l’article 6:277 du BW, il n’y aurait pas eu fixation d’un tel avantage (voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2013, Aziz, C‑415/11, EU:C:2013:164, points 68 et 69, ainsi que du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, points 57 et 58).
30 Par ailleurs, selon la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑229/19, l’arrêt du Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays–Bas), cité aux points 16 à 18 du présent arrêt, serait contraire à l’arrêt du 7 août 2018, Banco Santander et Escobedo Cortés (C‑96/16 et C‑94/17, EU:C:2018:643). En effet, dans cet arrêt, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays–Bas) ne fixerait pas des critères déterminés permettant aux juridictions nationales d’apprécier si l’article 6 des conditions particulières des contrats en cause au principal est abusif et considérerait, au contraire, que cette disposition est, dans tous les cas, incompatible avec la directive 93/13 dans la mesure où elle pourrait avoir des conséquences défavorables pour le consommateur, en fonction de certaines circonstances au cours de la période contractuelle.
31 Enfin, la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑229/19 se demande quelles seraient les conséquences à tirer d’une annulation des articles 6 et 15 des conditions particulières des contrats en cause au principal. Dans ce contexte, elle relève que, d’une part, le contrat de leasing d’actions demeurerait contraignant pour les parties, même après l’annulation de ces articles, dans la mesure où celui-ci peut subsister sans ceux-ci. D’autre part, selon cette juridiction de renvoi, Dexia ne devrait pas pouvoir faire valoir les dispositions du BW qui seraient, dans les circonstances de l’espèce, encore plus défavorables à l’égard du consommateur.
32 C’est dans ces conditions que le Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Convient-il d’interpréter la directive 93/13 en ce sens qu’une clause doit, du point de vue des critères prévus par cette directive, être considérée comme abusive, du simple fait que, appréciée au regard de toutes les circonstances entourant la conclusion du contrat, cette clause est susceptible de créer un déséquilibre significatif en fonction des circonstances survenant au cours de la durée du contrat, en particulier parce que l’avantage potentiel dont bénéficie le professionnel au moment d’une cessation anticipée du contrat est fixé à l’avance par la clause à un pourcentage déterminé du montant résiduel du leasing, par dérogation aux règles applicables de la législation nationale, en vertu desquelles cet avantage n’est pas fixé à l’avance, mais doit être déterminé à partir des circonstances qui entourent la cessation du contrat, et notamment au regard du taux auquel le montant perçu de manière anticipée peut être placé pendant le reste de la durée du contrat ? »
L’affaire C‑289/19
33 Le 17 mars 2000, Z a signé, en tant que preneur, deux contrats de leasing d’actions avec une société à laquelle a succédé Dexia.
34 Au cours de l’année 2006, en raison d’un retard de paiement, Dexia a mis fin de manière anticipée aux contrats de leasing d’actions conclus avec Z et a établi, en application des articles 6 et 15 des conditions particulières des contrats en cause au principal, des décomptes finals sur lesquels figurent des soldes débiteurs que Z a refusé de régler.
35 En outre, il résulte de la demande de décision préjudicielle que, au cours du litige entre Dexia et Z, Dexia a reconnu que la situation financière de Z était telle que les obligations de paiement découlant de ces contrats représentaient une charge financière excessivement lourde pour l’intéressé et que, de ce fait, en application de la jurisprudence nationale concernant les conséquences du non-respect par une banque de ses obligations de diligence, elle devait lui verser des dommages-intérêts. D’après Dexia, selon cette jurisprudence, ces dommages-intérêts se chiffraient à deux tiers des mensualités déjà payées, déduction faite des dividendes déjà versés, et à deux tiers de la dette résiduelle, mais elle estimait avoir encore droit au paiement d’un tiers des mensualités qui n’avaient pas encore été réglées.
36 Par un jugement du 21 mai 2013, le kantonrechter (juge cantonal) a condamné Dexia, sur demande reconventionnelle de Z, au paiement à ce dernier d’un montant de 18 804,60 euros. Dexia a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑289/19.
37 Par arrêt du 29 novembre 2016, cette juridiction de renvoi a ajourné l’affaire jusqu’à la décision du Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays–Bas) dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt cité aux points 16 à 18 du présent arrêt.
38 Compte tenu des réponses apportées par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays–Bas), Z et Dexia s’opposeraient désormais devant ladite juridiction de renvoi sur la question de savoir si, à défaut de pouvoir se prévaloir de l’article 6 des conditions particulières des contrats en cause au principal, Dexia peut néanmoins prétendre à une indemnisation en vertu des dispositions de la réglementation nationale applicable.
39 La même juridiction de renvoi relève que la question de savoir si le juge national peut substituer à une clause abusive une disposition du droit interne à caractère supplétif a déjà été abordée dans les conclusions de l’avocat général Wahl dans les affaires jointes Banco Santander et Escobedo Cortés (C‑96/16 et C‑94/17, EU:C:2018:216), où il a été conclu que cette possibilité devrait être limitée aux hypothèses dans lesquelles l’invalidation d’une clause abusive obligerait le juge à annuler le contrat dans son ensemble, exposant ainsi le consommateur à des conséquences telles que ce dernier en serait pénalisé. Néanmoins, la Cour ayant estimé dans ces affaires jointes qu’il n’y avait pas lieu de répondre à la question portant sur ce point, une clarification demeurerait nécessaire.
40 C’est dans ce contexte que le Gerechtshof Den Haag (cour d’appel de La Haye, Pays-Bas) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le stipulant d’une clause abusive annulée qui tendait au paiement d’une indemnité lorsque le consommateur ne respecte pas ses obligations peut-il réclamer l’indemnité légale applicable au titre du droit supplétif ?
2) Pour la réponse à cette question, importe-t-il encore de savoir si l’indemnité à laquelle il peut être prétendu en application du régime d’indemnisation légale est soit égale, soit inférieure ou supérieure à l’indemnité prévue par la clause annulée ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la question préjudicielle dans l’affaire C‑229/19
41 Par sa question préjudicielle, le Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam) demande à la Cour, en substance, si, conformément aux dispositions de la directive 93/13, dans un contrat aléatoire, tel que les contrats de leasing d’actions en cause au principal, une clause fixant par avance l’avantage dont le professionnel bénéficie en cas de résiliation anticipée du contrat doit être considérée comme abusive du seul fait que, appréciée uniquement au regard des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, cette clause est susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat au cours de l’exécution de ce contrat.
42 En l’occurrence, ainsi qu’il a été rappelé au point 15 du présent arrêt, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, en application de l’article 6 des conditions particulières des contrats en cause au principal, en cas de cessation anticipée de ces contrats, Dexia a le droit, à compter de la date de résiliation, aux intérêts impayés jusqu’à la date de cessation anticipée du contrat concerné, ainsi qu’au principal et aux intérêts qui auraient été dus pendant la période allant de cette cessation anticipée au terme convenu initialement de ce contrat. L’article 15 de ces conditions particulières prévoit une actualisation de 5 % l’an sur ce principal et ces intérêts, fixant par conséquent par avance l’avantage dont Dexia bénéficie en cas de résiliation anticipée, dans la mesure où celle-ci récupère plus rapidement ledit principal et lesdits intérêts et peut les réinvestir.
43 À titre liminaire, il y a lieu de relever que la question posée par le Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam) repose sur le postulat que les articles 6 et 15 des conditions particulières des contrats en cause au principal doivent être interprétés ensemble, bien qu’il n’y ait pas de consensus entre les parties sur ce point.
44 À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la juridiction de renvoi est seule compétente pour constater et apprécier les faits du litige dont elle est saisie ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national (arrêt du 8 juin 2016, Hünnebeck, C‑479/14, EU:C:2016:412, point 36). Il incombe à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre cette dernière et les juridictions nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions préjudicielles, tel que défini par la décision de renvoi (arrêt du 6 décembre 2018, Preindl, C‑675/17, EU:C:2018:990, point 24).
45 Par ailleurs, il importe de préciser que, selon une jurisprudence constante, la compétence de la Cour en la matière porte sur l’interprétation de la notion de « clause abusive », visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 et à l’annexe de celle-ci, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de cette directive, étant entendu qu’il appartient à ce juge de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce. Il en ressort que la Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée (arrêt du 3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C‑84/19, C‑222/19 et C‑252/19, EU:C:2020:631, point 91 et jurisprudence citée).
46 En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, une clause est considérée comme « abusive » lorsqu’elle crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat conclu entre ce consommateur et un professionnel.
47 En faisant référence aux notions de « bonne foi » et de « déséquilibre significatif » au détriment du consommateur entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne définit toutefois que de manière abstraite les éléments qui donnent un caractère abusif à une clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle (arrêt du 14 mars 2013, Aziz, C‑415/11, EU:C:2013:164, point 67 et jurisprudence citée).
48 La Cour a ainsi jugé que, afin de déterminer si une clause crée, au détriment du consommateur, un « déséquilibre significatif » entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, il convient notamment de tenir compte des règles applicables dans le droit national en l’absence d’accord des parties en ce sens. C’est à travers une telle analyse comparative que le juge national pourra évaluer si et, le cas échéant, dans quelle mesure, le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue dans le droit national en vigueur. De même, il apparaît pertinent, à cette fin, de procéder à un examen de la situation juridique dans laquelle se trouve ce consommateur au vu des moyens dont il dispose, selon la réglementation nationale, pour faire cesser l’utilisation de clauses abusives (arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus, C‑421/14, EU:C:2017:60, point 59 et jurisprudence citée).
49 Par ailleurs, l’examen de l’existence d’un éventuel « déséquilibre significatif » ne saurait se limiter à une appréciation économique de nature quantitative, reposant sur une comparaison entre le montant total de l’opération ayant fait l’objet du contrat, d’une part, et les coûts mis à la charge du consommateur par cette clause, d’autre part. En effet, un déséquilibre significatif peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle le consommateur, en tant que partie au contrat concerné, est placé en vertu des dispositions nationales applicables, que ce soit sous la forme d’une restriction au contenu des droits que, selon ces dispositions, il tire de ce contrat ou d’une entrave à l’exercice de ceux–ci ou encore de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 51).
50 En outre, la Cour a jugé que le contrat doit exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel la clause concernée fait référence ainsi que, le cas échéant, la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses, de telle sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, point 45 ainsi que jurisprudence citée).
51 L’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 précise que le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou des services qui font l’objet du contrat concerné et de toutes les circonstances qui ont entouré la conclusion de ce contrat, ainsi que de toutes les autres clauses dudit contrat ou d’un autre contrat dont il dépend.
52 Il découle de cette disposition, ainsi que de l’article 3 de cette directive, tels qu’interprétés par la Cour, que l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle doit se faire par référence à la date de la conclusion du contrat concerné (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C‑452/18, EU:C:2020:536, point 48).
53 En effet, selon une jurisprudence constante, les circonstances visées à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive sont celles dont le professionnel pouvait avoir connaissance à la date de la conclusion du contrat concerné et qui étaient de nature à influer sur l’exécution ultérieure de celui–ci, une clause contractuelle pouvant être porteuse d’un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat qui ne se manifeste qu’en cours d’exécution de ce contrat (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, point 54, du 5 juin 2019, GT, C‑38/17, EU:C:2019:461, point 40, ainsi que du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C‑452/18, EU:C:2020:536, point 48).
54 Ainsi, il ressort de cette jurisprudence que, en application de la directive 93/13, le juge national doit, dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif d’une clause, se placer uniquement à la date de la conclusion du contrat concerné et évaluer, à l’aune de l’ensemble des circonstances entourant cette conclusion, si cette clause était par elle-même porteuse d’un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties au profit du professionnel. Si une telle appréciation peut tenir compte de l’exécution du contrat, elle ne peut, en aucun cas, dépendre de la survenance d’évènements postérieurs à la conclusion du contrat qui sont indépendants de la volonté des parties.
55 Partant, s’il est incontestable que, dans certains cas, le déséquilibre visé à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne peut se manifester qu’en cours d’exécution du contrat, il y a lieu de vérifier si, dès la date de la conclusion de ce contrat, les clauses dudit contrat étaient porteuses de ce déséquilibre, et ce alors même que ledit déséquilibre ne pourrait se produire que si certaines circonstances se réalisaient ou que, dans d’autres circonstances, ladite clause pourrait même bénéficier au consommateur.
56 D’une part, le raisonnement inverse reviendrait à subordonner l’appréciation du caractère abusif d’une clause aux conditions dans lesquelles se déroule l’exécution du contrat et aux éventuelles évolutions futures des circonstances qui ont une influence sur ce dernier, de telle sorte que les professionnels pourraient spéculer sur cette exécution et ces évolutions ainsi qu’inclure une clause potentiellement abusive, en misant sur le fait que cette clause échappera à la qualification de clause abusive dans certaines circonstances.
57 D’autre part, il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs et doivent, partant, être réputées ne jamais avoir existé. Or, si l’appréciation du caractère abusif d’une clause pouvait dépendre de la survenance d’évènements postérieurs à la conclusion du contrat qui sont indépendants de la volonté des parties, le juge national pourrait se borner à écarter l’application de la clause litigieuse uniquement pour ces périodes où la clause en question doit être qualifiée d’abusive.
58 Par ailleurs, il convient également de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que le juge national doit, afin de porter une appréciation sur le caractère éventuellement abusif de la clause contractuelle qui sert de base à la demande dont il est saisi, tenir compte de toutes les autres clauses du contrat concerné [arrêt du 10 septembre 2020, A (Sous-location d’un logement social), C‑738/19, EU:C:2020:687, point 25].
59 Ainsi, dans l’hypothèse où le contrat conclu entre un professionnel et un consommateur est, par nature, aléatoire, comme c’est le cas des contrats de leasing d’actions en cause au principal, le juge national doit également vérifier qu’une clause, compte tenu de l’interaction avec les autres stipulations qui font partie du contrat, n’ait pas pour conséquence un partage très inégal des risques supportés par les parties à ce contrat.
60 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la question posée dans l’affaire C‑229/19 que les dispositions de la directive 93/13 doivent être interprétées en ce sens qu’une clause figurant dans un contrat aléatoire conclu entre un professionnel et un consommateur, tel que des contrats de leasing d’actions, doit être considérée comme abusive dès lors que, eu égard aux circonstances entourant la conclusion du contrat concerné et en se plaçant à la date de sa conclusion, cette clause est susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au cours de l’exécution de ce contrat, et ce alors même que ce déséquilibre ne pourrait se produire que si certaines circonstances se réalisaient ou que, dans d’autres circonstances, ladite clause pourrait même bénéficier au consommateur. Dans ces conditions, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si une clause fixant par avance l’avantage dont le professionnel bénéficie en cas de résiliation anticipée du contrat, eu égard aux circonstances entourant la conclusion de ce contrat, était, dès la conclusion dudit contrat, susceptible de créer un tel déséquilibre.
Sur les questions préjudicielles dans l’affaire C‑289/19
61 Par ses deux questions préjudicielles, qu’il convient d’examiner ensemble, le Gerechtshof Den Haag (cour d’appel de La Haye) demande, en substance, si un professionnel qui, en tant que vendeur, a imposé au consommateur une clause déclarée abusive, et, par conséquent, nulle, par le juge national, peut prétendre à l’indemnité prévue par une disposition du droit national à caractère supplétif qui aurait été applicable en l’absence de cette clause.
62 Selon une jurisprudence constante, il incombe au juge national, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, d’écarter l’application des clauses abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur, sauf si le consommateur s’y oppose (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 58 et jurisprudence citée). Cependant, le contrat doit subsister, en principe, sans aucune autre modification que celle résultant de la suppression des clauses abusives, dans la mesure où, conformément aux règles du droit interne, une telle persistance du contrat est juridiquement possible (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2019, GT, C‑38/17, EU:C:2019:461, point 42 et jurisprudence citée).
63 Par conséquent, lorsque le juge national constate la nullité d’une clause abusive dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, ce juge ne saurait compléter le contrat en révisant le contenu de cette clause (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 59 et jurisprudence citée).
64 En effet, la Cour a jugé que, s’il était loisible au juge national de réviser le contenu des clauses abusives figurant dans un tel contrat, une telle faculté serait susceptible de porter atteinte à la réalisation de l’objectif à long terme visé à l’article 7 de la directive 93/13. Cette faculté contribuerait à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de ces clauses, dans la mesure où ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser lesdites clauses, en sachant que, même si celles-ci devaient être invalidées, le contrat pourrait néanmoins être complété, dans la mesure nécessaire, par le juge national de sorte à garantir ainsi l’intérêt de ces professionnels (arrêts du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito, C‑618/10, EU:C:2012:349, point 69 ; du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 79 ; du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 54, ainsi que du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 60).
65 En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que les contrats de leasing d’actions en cause au principal peuvent subsister sans la clause abusive.
66 À cet égard, il convient de relever qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 62 à 64 du présent arrêt que, dans un cas tel que celui de l’affaire C‑289/19, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, le juge national n’a pas le pouvoir de substituer à la clause abusive une disposition du droit national à caractère supplétif dès lors que l’invalidation de cette clause n’obligerait pas le juge à annuler le contrat dans son ensemble, exposant ainsi le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, de telle sorte que ce dernier en serait pénalisé.
67 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre aux questions posées dans l’affaire C‑289/19 que les dispositions de la directive 93/13 doivent être interprétées en ce sens qu’un professionnel, qui, en tant que vendeur, a imposé à un consommateur une clause déclarée abusive, et, par conséquent, nulle, par le juge national, lorsque le contrat peut subsister sans cette clause, ne peut prétendre à l’indemnité légale prévue par une disposition du droit national à caractère supplétif qui aurait été applicable en l’absence de ladite clause.
Sur les dépens
68 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
1) Les dispositions de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétées en ce sens qu’une clause figurant dans un contrat aléatoire conclu entre un professionnel et un consommateur, tel que des contrats de leasing d’actions, doit être considérée comme abusive dès lors que, eu égard aux circonstances entourant la conclusion du contrat concerné et en se plaçant à la date de sa conclusion, cette clause est susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au cours de l’exécution de ce contrat, et ce alors même que ce déséquilibre ne pourrait se produire que si certaines circonstances se réalisaient ou que, dans d’autres circonstances, ladite clause pourrait même bénéficier au consommateur. Dans ces conditions, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si une clause fixant par avance l’avantage dont le professionnel bénéficie en cas de résiliation anticipée du contrat, eu égard aux circonstances entourant la conclusion de ce contrat, était, dès la conclusion dudit contrat, susceptible de créer un tel déséquilibre.
2) Les dispositions de la directive 93/13 doivent être interprétées en ce sens qu’un professionnel, qui, en tant que vendeur, a imposé à un consommateur une clause déclarée abusive, et, par conséquent, nulle, par le juge national, lorsque le contrat peut subsister sans cette clause, ne peut prétendre à l’indemnité légale prévue par une disposition du droit national à caractère supplétif qui aurait été applicable en l’absence de ladite clause.