TUE, 3e ch., 27 janvier 2021, n° T-691/18
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
KPN BV
Défendeur :
Commission européenne, VodafoneZiggo Group Holding BV, Vodafone Group plc, Liberty Global Europe Holding BV
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Collins (rapporteur)
Juges :
M. Kreuschitz, M. Csehi
Avocats :
Me van Ginneken, Me Béquet, Me Knibbeler, Me Raedts, Me Pliego Selie, Me Lulof
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
Antécédents du litige
Sur les entités en cause et sur la procédure administrative
1 La requérante, KPN BV, est active dans le secteur des réseaux câblés pour des services de télévision, d’Internet haut débit, de téléphonie fixe et de télécommunications mobiles aux Pays-Bas.
2 Liberty Global Europe Holding BV (ci-après « Liberty Global »), appartenant au groupe international Liberty Global plc, est un câblo-opérateur qui possède et gère des réseaux câblés pour des services de télévision, d’Internet haut débit et de téléphonie fixe aux Pays-Bas.
3 Ziggo NV possédait et exploitait un réseau câblé haut débit aux Pays-Bas. Cette entreprise fournissait des services vidéo analogiques et numériques par câble ainsi que des services d’Internet haut débit, de télécommunications mobiles et de téléphonie numérique.
4 Le 14 mars 2014, Liberty Global a notifié à la Commission européenne, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1), un projet de concentration consistant dans l’acquisition du contrôle exclusif de Ziggo, dont elle détenait déjà 28,5 % du capital.
5 Le 10 octobre 2014, la Commission a adopté la décision C(2014) 7241 final, déclarant compatible avec le marché intérieur et l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) l’opération de concentration visant à l’acquisition par Liberty Global du contrôle exclusif de Ziggo, à la lumière des engagements définitifs présentés par les parties (affaire COMP/M.7000 – Liberty Global/Ziggo), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2015, C 145, p. 7) (ci-après la « décision Liberty Global/Ziggo de 2014 »). En particulier, compte tenu du fait que Ziggo et HBO Inc. détenaient chacune 50 % de HBO Nederland, une chaîne de cinéma premium payante, Liberty Global s’est engagée à céder Film1, la seule autre chaîne de cinéma premium payante aux Pays-Bas, afin de supprimer le chevauchement horizontal entre les activités des parties dans ce marché.
6 Le 21 novembre 2014, à la suite de la décision Liberty Global/Ziggo de 2014, l’opération envisagée a été finalisée.
7 Par son arrêt du 26 octobre 2017, KPN/Commission (T‑394/15, non publié, EU:T:2017:756), le Tribunal a annulé la décision Liberty Global/Ziggo de 2014 pour défaut de motivation concernant l’absence d’effets verticaux dans l’éventuel marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes sportives premium payantes.
8 Le 4 avril 2018, à la suite de l’annulation de la décision Liberty Global/Ziggo de 2014 par le Tribunal, Liberty Global et Vodafone Group plc, les parties notifiantes, ont déposé une notification complémentaire à la Commission, fournissant des informations supplémentaires sur l’opération et sur les changements dans les conditions du marché depuis cette décision.
9 À cet égard, il convient d’ajouter que, le 3 août 2016, la Commission a adopté la décision C(2016) 5165 final, déclarant compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE l’opération de concentration visant à l’acquisition par Vodafone et Liberty Global du contrôle conjoint d’une entreprise commune de plein exercice, sous réserve du respect des engagements proposés (affaire COMP/M.7978 – Vodafone – Liberty Global – Dutch JV) (ci-après la « décision Vodafone/Liberty Global »). Par le biais de cette opération, Vodafone et Liberty Global ont combiné leurs activités aux Pays-Bas, affectant un certain nombre de marchés le long de la chaîne de distribution de contenu télévisuel et de la fourniture de services de télécommunications (téléphonie fixe et mobile et Internet haut débit) dans ce pays. Liberty Global a apporté Ziggo à l’entreprise commune de plein exercice.
10 Par arrêt du 23 mai 2019, KPN/Commission (T‑370/17, EU:T:2019:354), le Tribunal a rejeté le recours formé contre la décision Vodafone/Liberty Global.
Sur la décision attaquée
11 Le 30 mai 2018, à la suite de la notification complémentaire mentionnée au point 8 ci-dessus, la Commission a adopté la décision C(2018) 3569 final, déclarant compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE l’opération de concentration visant à l’acquisition par Liberty Global du contrôle exclusif de Ziggo (affaire COMP/M.7000 – Liberty Global/Ziggo) (ci-après la « décision attaquée »).
Sur la définition des marchés en cause
12 Il ressort de la décision attaquée que la Commission a considéré que l’opération envisagée donnait lieu à certains chevauchements horizontaux et à des relations verticales entre les activités des parties sur un certain nombre de marchés en cause le long de la chaîne de distribution de contenu de télévision audiovisuel et de la fourniture de services de télécommunications (téléphonie fixe et mobile et Internet haut débit) aux Pays-Bas.
13 Aux fins de la délimitation des marchés en cause, s’agissant des marchés liés aux services de télévision, la Commission a établi une distinction entre les marchés suivants, tous considérés comme étant géographiquement de portée nationale :
– le marché de la concession de licences et de l’acquisition de droits pour la télédiffusion de contenu télévisuel ;
– le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision ;
– le marché de la fourniture au détail de services de télévision.
14 Premièrement, en ce qui concerne le marché de la concession de licences et de l’acquisition de droits pour la télédiffusion de contenu télévisuel, la Commission a, au considérant 79 de la décision attaquée, établi une segmentation additionnelle concernant les droits de télédiffusion pour le contenu sportif, les films et séries et, enfin, tout autre type de contenu. La question de savoir si ces marchés devaient faire l’objet d’une segmentation additionnelle, notamment s’agissant des droits de télévision en clair et des droits de télévision payante, des droits de télédiffusion linéaire et non linéaire, du contenu premium et non premium, de la segmentation par fenêtre d’exploitation (vidéo à la demande par souscription, vidéo à la demande par transaction, « pay per view », première fenêtre de télévision payante, seconde fenêtre de télévision payante et télévision en clair), a été laissée en suspens parce que l’opération envisagée ne soulevait pas de problème de concurrence, quelle que fût la segmentation du marché retenue (voir également considérant 79 de la décision attaquée).
15 Deuxièmement, en ce qui concerne le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision, la Commission a considéré, aux considérants 112 et 115 de la décision attaquée, qu’il y avait lieu d’effectuer des segmentations additionnelles, à savoir, d’une part, entre chaînes de télévision payantes de base et chaînes de télévision payantes premium et, d’autre part, concernant ces dernières, entre chaînes de cinéma premium payantes et chaînes de sport premium payantes. Cependant, en ce qui concerne une autre segmentation possible, notamment celle des chaînes de télévision en clair et des chaînes de télévision payantes, la Commission a considéré que la question pouvait rester en suspens étant donné que l’opération envisagée ne soulevait pas de problème de concurrence, quelle que fût la segmentation du marché retenue (considérants 111 et 115 de la décision attaquée). Enfin, en ce qui concerne une segmentation possible selon l’infrastructure de distribution, la Commission a conclu, aux considérants 114 et 115 de la décision attaquée, qu’à tout le moins le câble, la télévision sur Internet par le biais d’une ligne d’abonné numérique à très haut débit (TVIP via DSL), la fibre optique et, éventuellement, le satellite étaient interchangeables.
16 Troisièmement, en ce qui concerne le marché de la fourniture au détail des services de télévision, la Commission a considéré que la question d’une segmentation additionnelle entre services de télévision en clair et services de télévision payante ou entre services de télévision payante linéaire et non linéaire pouvait être laissée en suspens étant donné que l’opération envisagée ne posait aucun problème de concurrence, quelle que fût la définition du marché retenue. S’agissant en particulier de la télévision linéaire et non linéaire (avec ses diverses modalités de vidéo à la demande), la Commission a conclu, au considérant 135 de la décision attaquée, qu’il s’agissait davantage de compléments que de substituts. Par ailleurs, aux considérants 136 et 137 de la décision attaquée, elle a considéré qu’une segmentation selon les technologies de distribution était inappropriée en raison de la substituabilité du côté de la demande.
17 En outre, la Commission a formulé une série de considérations concernant les marchés de services de téléphonie fixe et d’accès à Internet, de services de téléphonie mobile et de services « multiple play » (à savoir des packs incluant normalement trois ou quatre types de services parmi les services de téléphonie mobile, de téléphonie fixe, d’accès à Internet et de télévision), qui sont sans pertinence pour le présent litige.
Sur les effets de la concentration sur la concurrence
18 En ce qui concerne l’analyse concurrentielle de l’opération envisagée, la Commission a examiné les effets horizontaux et verticaux ainsi que les effets coordonnés sur la concurrence.
– Sur le marché de la concession de licences et de l’acquisition de droits pour la télédiffusion de contenu télévisuel
19 S’agissant du marché de la concession de licences et de l’acquisition de droits pour la télédiffusion de contenu télévisuel, aux considérants 256 à 262 de la décision attaquée, la Commission a relevé que la majorité des propriétaires de contenu avaient indiqué lors de l’enquête de marché qu’ils ne considéraient pas que l’entité issue de l’opération se trouverait dans une meilleure position de négociation après l’opération. Par ailleurs, la Commission a remarqué que la plupart des propriétaires de contenu cinématographique et de séries premium étaient de grands studios de Hollywood (Californie, États-Unis) dont la position de négociation envers l’entité issue de l’opération ne serait pas affaiblie par celle‑ci. La Commission a ajouté que l’acquisition de films et de séries pour la distribution par vidéo à la demande était un segment très concurrentiel, compte tenu notamment de l’entrée sur le marché de nouveaux opérateurs, tels que Apple, YouTube, Google Play ou Pathé Thuis. Quant aux droits sur les événements sportifs, la Commission a observé qu’ils faisaient régulièrement l’objet d’appels d’offres et que l’entité issue de la concentration était soumise à une concurrence effective de la part de nombreuses chaînes de télévision et de grands fournisseurs de services « over-the-top » (ci-après les « services OTT »), à savoir des services audiovisuels non linéaires sur Internet, tels que Amazon et Facebook. Dès lors, la Commission a conclu que l’opération ne soulevait aucun problème de concurrence concernant le marché de la concession de licences et de l’acquisition de droits pour la télédiffusion de contenu télévisuel aux Pays-Bas.
– Sur le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de cinéma premium payantes (du côté de l’offre)
20 S’agissant des effets horizontaux sur le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de cinéma premium payantes (du côté de l’offre), la Commission a constaté, aux considérants 290 à 292 de la décision attaquée, que, en raison de la cession de Film1 à Sony résultant des engagements proposés dans le cadre de la décision Liberty Global/Ziggo de 2014 (voir point 5 ci-dessus) de même que de la dissolution de l’entreprise commune de plein exercice HBO Nederland, les parties notifiantes n’étaient plus actives sur ce marché. Dès lors, l’opération n’avait aucun effet horizontal sur ce marché. Afin de préserver les effets structurels de la cession de Film1 à Sony, les parties notifiantes se sont engagées à nouveau à ne pas acquérir directement ou indirectement Film1 pour la période de dix ans restant depuis la décision Liberty Global/Ziggo de 2014 (à savoir jusqu’à octobre 2024).
21 S’agissant des effets verticaux sur le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de cinéma premium payantes (du côté de l’offre), la Commission a relevé, aux considérants 293 à 298 de la décision attaquée, qu’il est indispensable que l’entité issue de l’opération ait un pouvoir de marché significatif sur le marché en amont pour qu’elle puisse jouir de la capacité de verrouiller ses concurrents sur le marché en aval. À cet égard, compte tenu de la cession de Film1 et de la dissolution de HBO Nederland, la Commission a observé que les parties notifiantes n’étaient plus actives sur le marché en amont en tant que fournisseurs en gros de chaînes de cinéma premium payantes. Par ailleurs, la Commission a examiné les raisons ayant conduit à la dissolution de HBO Nederland et, ultérieurement, à la conclusion de l’accord de licence exclusive pour la distribution de contenu de HBO par le service de vidéo à la demande « Movies & Series » de VodafoneZiggo Group Holding BV (ci-après « VodafoneZiggo »). La Commission a relevé que, selon les parties notifiantes, les raisons étaient en substance les suivantes : HBO Nederland n’était pas économiquement viable, l’acquisition du contrôle exclusif de Ziggo par Liberty Global à la suite de la décision Liberty Global/Ziggo de 2014 donnait à HBO la faculté d’exercer une option de vente figurant dans l’accord de création de l’entreprise commune et, dans ce contexte, les parties ont négocié un accord de dissolution de HBO Nederland ; ultérieurement, HBO et VodafoneZiggo ont négocié un accord de licence exclusive pour la distribution du contenu de HBO, qui était mutuellement avantageux. La Commission s’est montrée satisfaite de ces explications.
22 Malgré le constat selon lequel les parties notifiantes n’étaient plus actives sur le marché en amont en tant que fournisseurs en gros de chaînes de cinéma premium payantes, la Commission a examiné, aux considérants 299 et 300 de la décision attaquée, si l’entité issue de l’opération aurait la capacité de verrouiller ses concurrents en aval grâce à la distribution exclusive de contenu de HBO par son service de vidéo à la demande « Movies & Series ». Selon la Commission, ce service n’était pas un intrant suffisamment important pour produire des effets de verrouillage sur les concurrents en aval pour plusieurs raisons.
23 Premièrement, aux considérants 301 à 303 de la décision attaquée, la Commission a relevé que le marché des services de vidéo à la demande aux Pays-Bas n’était pas concentré et que le service « Movies & Series » avait une part de marché inférieure à 30 % en termes de revenu et d’abonnés dans ce segment. Par ailleurs, même si les fournisseurs de services de télévision au détail peuvent proposer certains services de vidéo à la demande avec leurs abonnements à la télévision payante, la Commission a observé que les services de vidéo à la demande étaient généralement offerts de manière indépendante. Dès lors, les clients peuvent compléter leur abonnement avec le fournisseur de services de vidéo à la demande de leur choix, indépendamment de leur fournisseur de télévision payante. Dans ce contexte, il existait une série de fournisseurs qui n’étaient pas verticalement intégrés, tels que Netflix, Videoland ou Film1 (qui proposait aussi des services de vidéo à la demande, en plus de sa chaîne de cinéma premium payante).
24 Deuxièmement, la Commission a relevé, au considérant 304 de la décision attaquée, que de nouveaux fournisseurs de services de vidéo à la demande continuaient à arriver sur le marché néerlandais, comme Amazon Prime.
25 Troisièmement, il ressort des considérants 305 et 306 de la décision attaquée que le marché de la concession de licences et de l’acquisition de droits pour la télédiffusion de contenu télévisuel était hautement compétitif et que l’entité issue de l’opération avait une part de marché inférieure à 20 % dans l’acquisition de contenu pour des services de vidéo à la demande. Par ailleurs, au-delà du contenu de HBO, l’entité issue de l’opération possède peu de contenu exclusif pour distribution dans « Movies & Series ». De surcroît, les personnes ayant répondu à l’enquête de marché se sont principalement référées à la popularité d’une série de HBO, à savoir Game of Thrones, dont la saison finale était prévue pour 2019.
26 À la lumière des considérations qui précèdent, la Commission a conclu, au considérant 312 de la décision attaquée, que l’opération envisagée ne soulevait pas de problèmes verticaux de concurrence sur le marché de la fourniture au détail de services de télévision payante en raison d’un éventuel verrouillage des intrants concernant le contenu de HBO diffusé par le service de vidéo à la demande « Movies & Series ».
– Sur le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de sport premium payantes (du côté de l’offre)
27 S’agissant du marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de sport premium payantes (du côté de l’offre), il ressort des considérants 321, 325 et 345 de la décision attaquée que la Commission a considéré qu’il n’y avait pas d’effets horizontaux en raison de l’absence de chevauchement des activités des parties notifiantes, compte tenu du fait que Sport1 (devenue Ziggo Sport Totaal en 2015) appartenait déjà à Liberty Global avant l’opération envisagée.
28 En ce qui concerne les effets verticaux concernant ce même marché, la Commission a examiné, aux considérants 344 et 345 de la décision attaquée, si l’entité issue de la concentration aurait la capacité et l’incitation de produire des effets de verrouillage des intrants en refusant de donner accès à ses concurrents sur le marché au détail en aval et si des effets négatifs significatifs pourraient affecter la concurrence sur le marché en aval. À cet égard, la Commission a relevé que le seul changement résultant de l’opération était l’addition de la clientèle en aval de Ziggo à celle de Vodafone/Liberty Global.
29 Premièrement, bien que les parties notifiantes aient techniquement la possibilité de verrouiller l’accès à Ziggo Sport Totaal aux concurrents en aval de l’entité issue de l’opération, la Commission a conclu, aux considérants 348 à 389 de la décision attaquée, qu’elles n’auraient pas la capacité de produire un effet de verrouillage dès lors qu’elles ne possédaient aucun pouvoir de marché en amont. La Commission a considéré que Ziggo Sport Totaal n’était pas un intrant indispensable compte tenu en particulier de son faible nombre d’abonnés, de 20 à 30 % sur le marché des chaînes de sport premium payantes, alors que Fox Sports avait une part de marché de 70 à 80 %. De plus, Ziggo Sport Totaal ne représentait que 5 à 10 % du nombre total des abonnés à la télévision payante aux Pays-Bas. Par ailleurs, la Commission a relevé que Fox Sports avait une offre de contenu tout aussi attractive – voire plus attractive – que celle de Ziggo Sport Totaal. De surcroît, les parties notifiantes étaient soumises aux pressions des propriétaires des droits sportifs pour assurer une diffusion maximale de ces événements. Dès lors, une stratégie de verrouillage pourrait nuire à la capacité des parties notifiantes d’acquérir à nouveau ces droits à l’avenir. Enfin, la Commission a constaté que la position des parties notifiantes sur le marché pour l’obtention des droits de télédiffusion de contenu sportif était contestable, ainsi que le démontrait le changement de titulaire de nombreux droits de télédiffusion au cours des dernières années.
30 Deuxièmement, s’agissant de l’incitation à s’engager dans une stratégie de verrouillage, la Commission a observé, aux considérants 390 à 398 de la décision attaquée, que la concentration étendait l’empreinte géographique en aval de l’entité issue de la concentration, ce qui augmenterait la profitabilité d’une stratégie de verrouillage concernant Ziggo Sport Totaal. Bien que les parties notifiantes aient continué à fournir l’accès à Ziggo Sport Totaal aux concurrents de l’entité issue de l’opération, la Commission a constaté qu’elles avaient procédé à une évaluation interne de l’impact du verrouillage dans le contexte de leurs négociations avec la requérante. À cet égard, la Commission a observé que, selon cette évaluation interne, une stratégie de verrouillage serait économiquement profitable, mais serait également assortie de certains risques pour leur réputation et leurs relations avec les propriétaires de contenu sportif ainsi que de risques réglementaires. La Commission a conclu qu’il ne pouvait pas être exclu que l’entité issue de l’opération ait l’incitation à s’engager dans une stratégie de verrouillage.
31 Troisièmement, aux considérants 399 à 405 de la décision attaquée, la Commission a conclu que, eu égard aux considérations l’ayant menée à constater que l’entité issue de l’opération n’aurait pas la capacité de s’engager dans une stratégie de verrouillage, une telle stratégie ne saurait être susceptible d’avoir un impact négatif significatif et aurait des effets très limités sur la concurrence en aval. En particulier, la Commission a constaté que, selon un rapport commandé par la requérante, seul 1,5 % des abonnés à la télévision payante aux Pays-Bas changeraient de fournisseur si Ziggo Sport Totaal n’était plus disponible auprès de leur fournisseur habituel et seuls 2,5 % des abonnés à la télévision payante n’envisageraient pas une offre de télévision n’incluant pas Ziggo Sport Totaal.
32 Compte tenu de l’incapacité de s’engager dans une stratégie de verrouillage total, aux considérants 406 à 425 de la décision attaquée, la Commission a considéré que l’entité issue de la concentration n’aurait pas non plus la capacité de s’engager dans une stratégie de verrouillage partiel (que ce soit par le biais d’une augmentation du prix de fourniture en gros ou d’une dégradation de la qualité de l’intrant fourni). En réponse aux arguments avancés par certaines personnes ayant répondu à l’enquête de marché, premièrement, la Commission a considéré que l’augmentation du prix de gros pour la fourniture de Ziggo Sport Totaal était due à l’augmentation du prix du contenu et à l’extension du contenu offert. Deuxièmement, la Commission a relevé que les clients de tout fournisseur de services de télévision au détail pouvaient obtenir l’application Ziggo Sport Totaal Go directement auprès des parties notifiantes. De plus, tout fournisseur de services de télévision au détail pouvait offrir cette application dans le cadre de son abonnement. Troisièmement, la Commission a observé que les parties notifiantes offraient Ziggo Sport Basic à leurs abonnés avec le bouquet de base, sans coût additionnel. Cependant, Ziggo Sport Basic était la seule chaîne qui offrait une partie du contenu disponible sur les six chaînes de Ziggo Sport Totaal, soit moins de contenu, mais aussi un contenu moins attractif que Ziggo Sport Totaal. Dès lors, selon la Commission, si l’entité issue de l’opération n’avait pas la capacité de s’engager dans une stratégie de verrouillage concernant Ziggo Sport Totaal, elle l’aurait encore moins concernant Ziggo Sport Basic.
– Sur le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de sport payantes de base et premium (du côté de la demande)
33 S’agissant du marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de sport payantes de base et premium (du côté de la demande), la Commission a examiné, aux considérants 427 et suivants de la décision attaquée, si l’opération augmenterait la puissance d’achat de l’entité issue de l’opération et réduirait significativement la concurrence. À cet égard, elle a relevé que l’opération envisagée combinerait les activités de distribution au détail des deux principaux opérateurs de câble aux Pays-Bas. L’entité issue de l’opération aurait une part de marché de 50 à 60 % dans le marché de l’acquisition de chaînes de télévision payantes. De plus, dans le marché en aval pour la distribution de services de télévision au détail, les parties issues de l’opération auraient une part de marché en valeur et en nombre d’abonnés de 50 à 60 %. Dans ce contexte, la Commission a considéré, ainsi qu’elle l’avait fait dans la décision Liberty Global/Ziggo de 2014, que l’opération envisagée serait susceptible d’entraver de manière significative une concurrence effective sur le marché de l’acquisition en gros de chaînes de télévision payantes ainsi que sur le marché en aval de la fourniture au détail de services de télévision payante et sur l’éventuel marché en aval de la fourniture au détail de services « multiple play ». En particulier, ainsi que la Commission l’avait constaté dans la décision Liberty Global/Ziggo de 2014, l’entité issue de la concentration aurait la capacité de restreindre les possibilités qu’ont les télédiffuseurs d’offrir de manière non linéaire sur Internet par le biais de services OTT le contenu qu’ils lui fournissaient et serait incitée à le faire.
34 Nonobstant ce qui précède, la Commission a conclu, aux considérants 809 à 839 de la décision attaquée, que les engagements définitifs présentés par les parties à la concentration permettaient de corriger les problèmes de concurrence identifiés au point 33 ci-dessus, notamment en ce qu’elles s’engageaient à ne pas restreindre les possibilités des télédiffuseurs d’offrir leur contenu par le biais de services OTT par des moyens contractuels ou techniques.
35 Par ailleurs, la décision attaquée contient une série d’appréciations des effets de l’opération sur la concurrence sur un certain nombre de marchés qui sont sans pertinence aux fins du présent litige.
36 Au vu de ce qui précède, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement no 139/2004, la Commission a décidé de déclarer compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE l’opération de concentration envisagée, sous réserve du respect intégral des engagements proposés.
Procédure et conclusions des parties
37 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 novembre 2018, la requérante a introduit le présent recours.
38 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 février 2019, Eredivisie Media & Marketing CV a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.
39 Par ordonnance du 6 mai 2019, KPN/Commission (T‑691/18, non publiée, EU:T:2019:321), le président de la huitième chambre du Tribunal a rejeté cette demande.
40 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 février 2019, VodafoneZiggo, Vodafone et Liberty Global ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.
41 Par ordonnance du 8 avril 2019, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Les intervenantes ont déposé leur mémoire en intervention et la requérante a déposé ses observations sur celui-ci dans les délais impartis.
42 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
43 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 15 septembre 2020.
44 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
45 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
46 Les intervenantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
47 Au soutien du recours, la requérante soulève en substance quatre moyens, tirés, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation concernant la définition du marché en cause, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation concernant les effets verticaux de la concentration relatifs au marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation concernant les effets verticaux de la concentration liés au contenu de HBO et, le quatrième, d’une violation de l’obligation de motivation.
Sur l’erreur manifeste d’appréciation concernant la définition du marché en cause
48 Par son premier moyen, la requérante fait valoir que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation concernant la définition du marché en cause relatif à la fourniture et à l’acquisition en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes d’une part et de celui relatif à la fourniture et à l’acquisition en gros de chaînes de cinéma premium payantes d’autre part. Il en découle que le premier moyen est divisé en deux branches.
49 En premier lieu, s’agissant du marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes, la requérante fait remarquer, à titre liminaire, l’importance du contenu sportif pour attirer les clients sur le marché de la fourniture au détail de services de télévision.
50 La requérante soutient qu’il existe seulement deux chaînes de télévision sportives premium payantes aux Pays-Bas, à savoir Ziggo Sport Totaal, qui appartient à VodafoneZiggo, et Fox Sports, qui appartient à Fox. Selon la requérante, Ziggo Sport Totaal et Fox Sports possèdent du contenu unique et exclusif, qui est un vecteur majeur des abonnements. Certains contenus seraient essentiels aux consommateurs et ne pourraient pas être substitués par d’autres contenus. Par exemple, pour un amateur de ces sports, la Formule 1 et le football ne seraient pas substituables.
51 Par conséquent, il n’y aurait pas de substituabilité entre les chaînes de télévision sportives premium payantes Ziggo Sport Totaal et Fox Sports en raison de l’absence de substituabilité du contenu sportif. Selon la requérante, ces chaînes sont complémentaires et il s’agit d’intrants essentiels pour les fournisseurs de services de télévision au détail dès lors que les clients souhaitent jouir de la possibilité de s’abonner à ces deux chaînes et sont prêts à se tourner vers un fournisseur qui les offre. La requérante soutient que, compte tenu du fait que les droits de télédiffusion des événements sportifs changent fréquemment d’une chaîne à l’autre, les fournisseurs de services de télévision au détail sont obligés d’offrir les deux chaînes s’ils veulent rester compétitifs.
52 La requérante relève que, d’après le considérant 374 de la décision attaquée, selon tous les fournisseurs de services de télévision payante ayant répondu à l’enquête de marché, Ziggo Sport Totaal était un intrant essentiel pour exercer une concurrence effective sur le marché de la fourniture de services de télévision au détail.
53 Dès lors, la requérante soutient que chacune des chaînes de télévision sportives premium payantes, Ziggo Sport Totaal et Fox Sports, constituait un marché distinct.
54 En second lieu, s’agissant du marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de cinéma premium payantes, la requérante reproche à la Commission d’avoir omis de définir le marché des contenus de HBO en tant que marché de produits distinct.
55 Dans les observations sur le mémoire en intervention, la requérante soutient que la raison pour laquelle elle a invoqué assez sommairement l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation concernant la définition dudit marché est que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée à cet égard.
56 La Commission, soutenue par les intervenantes, conteste les arguments de la requérante.
57 Par ailleurs, la Commission, soutenue par les intervenantes, soutient que, dans la mesure où il est suggéré incidemment dans la requête que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que le contenu de HBO n’est pas considéré comme un marché distinct, ce grief doit être rejeté comme irrecevable, en vertu de l’article 76 du règlement de procédure. En effet, ce grief ne serait pas développé, ce qui empêcherait la Commission de se défendre. En tout état de cause, il devrait être rejeté comme non fondé.
58 Le Tribunal estime opportun de commencer par examiner la seconde branche du premier moyen, relative à une erreur manifeste d’appréciation concernant la définition du marché relatif à la fourniture et à l’acquisition de chaînes de cinéma premium payantes.
59 À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir les moyens et les arguments soulevés ainsi qu’un exposé sommaire des moyens en cause.
60 Selon une jurisprudence constante, indépendamment de toute question de terminologie, cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans avoir à solliciter d’autres informations. Il faut, en effet, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même, et ce afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice. Tout moyen qui n’est pas suffisamment articulé dans la requête introductive d’instance doit être considéré comme irrecevable. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (voir arrêt du 6 octobre 2015, Corporación Empresarial de Materiales de Construcción/Commission, T‑250/12, EU:T:2015:749, point 101 et jurisprudence citée).
61 Force est de constater que, comme le relèvent à juste titre la Commission et les intervenantes, bien que la requérante annonce un grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation concernant la définition du marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de cinéma premium payantes, elle ne développe aucun argument visant à contester le bien-fondé de cette définition. En effet, comme elle l’indique dans les observations sur le mémoire en intervention, elle considère que l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée sur ce point l’empêche de développer une argumentation visant à en contester le bien-fondé.
62 Dès lors, sans préjudice de l’analyse du grief tiré d’un défaut de motivation sur ce point, il y a lieu de rejeter la seconde branche du premier moyen comme irrecevable, puisque celle-ci ne satisfait pas aux exigences minimales de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, au sens de la jurisprudence citée au point 60 ci-dessus.
63 En ce qui concerne l’examen du bien-fondé de la première branche du premier moyen, il convient de rappeler que, s’agissant de l’application des règles concernant le contrôle des concentrations, la définition adéquate du marché en cause est une condition nécessaire et préalable à l’appréciation des effets sur la concurrence de la concentration notifiée (arrêts du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, EU:C:1998:148, point 143 ; du 6 juin 2002, Airtours/Commission, T‑342/99, EU:T:2002:146, point 19, et du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 51).
64 Selon une jurisprudence constante, les règles de fond concernant le contrôle des concentrations, et en particulier celles concernant l’appréciation des concentrations telles que l’article 2 du règlement no 139/2004, confèrent à la Commission un certain pouvoir discrétionnaire, notamment pour ce qui est des appréciations d’ordre économique. En conséquence, le contrôle par le juge de l’Union européenne de l’exercice d’un tel pouvoir, qui est essentiel dans la définition des règles en matière de concentrations, doit être effectué compte tenu de la marge d’appréciation que sous-tendent les normes à caractère économique faisant partie du régime des concentrations (arrêts du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, EU:C:1998:148, points 223 et 224 ; du 6 juin 2002, Airtours/Commission, T‑342/99, EU:T:2002:146, point 64, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 85).
65 En particulier, la définition du marché en cause, dans la mesure où elle implique des appréciations économiques complexes de la part de la Commission, ne saurait faire l’objet que d’un contrôle restreint de la part du juge de l’Union (arrêts du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 482, et du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 53).
66 Cependant, si la Commission dispose d’une marge d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêts du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 482, et du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 54).
67 Aux termes de la section 6 du formulaire CO relatif à la notification d’une concentration conformément au règlement no 139/2004, figurant à l’annexe I du règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 139/2004 (JO 2004, L 133, p. 1), qui renvoie à la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5, ci-après la « communication sur la définition du marché en cause »), le marché des produits en cause « comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme étant interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés ».
68 Il ressort du paragraphe 15 de la communication sur la définition du marché en cause que l’appréciation de la substituabilité de la demande entraîne une détermination de l’éventail des produits perçus comme substituables par le consommateur.
69 Selon le paragraphe 17 de la communication sur la définition du marché en cause, la question posée est de savoir si les clients des parties se tourneraient vers des produits de substitution facilement accessibles ou vers des fournisseurs implantés ailleurs, en cas d’augmentation légère, de 5 à 10 %, mais permanente, des prix relatifs des produits considérés dans les territoires concernés.
70 C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les arguments avancés par la requérante dans le cadre de la première branche du premier moyen, relative à la définition du marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes.
71 Ainsi qu’il ressort du point 53 ci-dessus, en substance, la requérante critique l’absence de segmentation additionnelle du marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes. Selon elle, les chaînes Ziggo Sport Totaal et Fox Sports ne sont pas substituables en raison de l’absence de substituabilité du contenu sportif qu’elles diffusent et, dès lors, devraient être considérées comme constituant des marchés distincts. En réalité, chacune de ces chaînes constituerait en elle-même un marché distinct, comme la requérante l’a indiqué explicitement lors de l’audience en réponse aux questions du Tribunal.
72 À cet égard, il convient de rappeler que, selon les considérants 36 et 99 à 115 de la décision attaquée, le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes est composé, du côté de l’offre, par les fournisseurs de chaînes de télévision qui acquièrent ou produisent du contenu audiovisuel et l’assemblent en chaînes de télévision et, du côté de la demande, par les fournisseurs au détail de services de télévision qui acquièrent des droits sur les chaînes afin de les diffuser aux consommateurs finaux.
73 Il ressort des considérants 125 et 126 de la décision attaquée que l’entité issue de la concentration est active sur ce marché tant du côté de l’offre, en fournissant Ziggo Sport Totaal à des tiers, que du côté de la demande, en acquérant des droits sur des chaînes afin de les inclure dans son offre de services de télévision au détail.
74 Comme cela a été indiqué aux points 67 à 69 ci-dessus, la question de savoir si deux produits ou services font partie du même marché implique de déterminer s’ils sont considérés comme étant interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés, et ce en premier lieu du point de vue du client.
75 En l’espèce, la demande ou, en d’autres termes, la clientèle, dans le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes, est composée par les fournisseurs au détail de services de télévision, qui incorporent ces chaînes dans leur offre aux consommateurs finaux, comme il ressort du point 72 ci-dessus.
76 Au considérant 112 de la décision attaquée, la Commission a conclu qu’il n’y avait pas lieu de segmenter davantage le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes afin d’isoler certaines chaînes « essentielles ». Il importe de rappeler que les personnes ayant répondu à l’enquête de marché ont indiqué trouver tout autant attractives une série de chaînes de télévision sportives premium payantes, ce qui doit être compris comme une référence notamment à Ziggo Sport Totaal et Fox Sports, qui sont les deux seules chaînes de ce type aux Pays-Bas (voir note en bas de page no 47 figurant au considérant 112 de la décision attaquée). Selon ce considérant de la décision attaquée, même si ces chaînes peuvent attirer des abonnés et engendrer des revenus, les différentes chaînes de télévision sportives premium payantes sont des alternatives pour les fournisseurs au détail de services de télévision, qui peuvent différencier leurs offres par d’autres moyens. Lors de l’audience, la Commission et les intervenantes ont souligné que ces considérations reposaient sur le caractère interchangeable de Ziggo Sport Totaal et de Fox Sports, sans préjudice du fait que d’autres chaînes qui ne faisaient pas partie du marché pertinent diffusaient également certains contenus sportifs attrayants.
77 À cet égard, force est de constater que la requérante ne conteste pas que, ainsi qu’il ressort, notamment, du considérant 112, lu en combinaison avec les considérants 353 et 361 de la décision attaquée, Ziggo Sport Totaal et Fox Sports sont des chaînes premium payantes proposant des contenus sportifs et, par conséquent, des offres à tout le moins similaires du point de vue des fournisseurs de services au détail de télévision.
78 La requérante ne remet pas non plus en question le fait que, ainsi qu’il ressort du considérant 380 de la décision attaquée, ces deux chaînes se font concurrence pour l’acquisition des droits sur les événements sportifs, comme le démontre le fait que les droits de diffusion sportifs ont changé de mains à de nombreuses reprises ces dernières années, passant de l’une à l’autre. Dès lors, leurs contenus, variables au fil du temps, étaient comparables.
79 En substance, il ressort notamment des considérants 361, 374 et 380 de la décision attaquée que l’acquisition des droits exclusifs sur certains événements sportifs par ces chaînes implique nécessairement qu’elles ne proposent pas des contenus sportifs identiques sur le marché en aval, mais des contenus sportifs substituables du point de vue des fournisseurs de services au détail de télévision. Il en est, a fortiori, ainsi dans la mesure où Ziggo Sport Totaal et Fox Sports ne se limitent pas à diffuser un sport en particulier, mais diffusent une série d’événements sportifs variables selon les droits de télédiffusion qu’elles remportent.
80 Par ailleurs, la décision attaquée a relevé, au considérant 361, que les clients disposaient d’une alternative attractive à Ziggo Sport Totaal, à savoir Fox Sport, vers laquelle au moins certains d’entre eux se tourneraient dans l’hypothèse où Ziggo Sport Totaal ne serait plus disponible. De surcroît, ce même considérant rappelait que ces constatations étaient en conformité avec les résultats de l’enquête de marché dans le cadre de la décision Vodafone/Liberty Global, qui révèlent que, selon la majorité des personnes ayant répondu, Fox Sports avait une offre de contenu tout aussi – voire plus – attractive que celle de Ziggo Sport Totaal.
81 Il résulte de ces considérations que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission n’a pas segmenté davantage, dans la décision attaquée, le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes, compte tenu de la substituabilité des chaînes, notamment Ziggo Sport Totaal et Fox Sports, du côté de la demande, à savoir du point de vue des fournisseurs au détail de services de télévision.
82 Les arguments avancés par la requérante ne sauraient infirmer la conclusion mentionnée au point 81 ci-dessus.
83 Premièrement, il semble que, selon la requérante, chaque chaîne de télévision sportive premium payante diffusant des contenus premium ou indispensables, comme le championnat de football néerlandais, les principales compétitions de football nationales et internationales ou la Formule 1, devrait appartenir à un marché distinct, ces différents types de contenus n’étant pas substituables aux yeux d’un amateur de sports.
84 Cependant, comme cela a été indiqué aux points 76 à 81 ci-dessus, ce qui est décisif est la substituabilité de ces chaînes du côté de la demande dans ce marché, composée par les fournisseurs au détail de services de télévision. De plus, à supposer même que, comme le soutient la requérante, pour le consommateur final, un contenu sportif ne soit pas parfaitement interchangeable avec un autre, il convient de rappeler que, selon les considérants 135 à 137 de la décision attaquée, le marché en cause en aval est celui de la fourniture au détail de services de télévision payante, et non celui de la fourniture au détail de services de télévision payante de contenus sportifs, et encore moins celui de la fourniture de services de télévision payante de contenus footballistiques. En effet, les contenus sportifs diffusés par des chaînes comme Ziggo Sport Totaal et Fox Sports font partie d’une offre globale de services de télévision proposés aux consommateurs finaux comportant divers éléments, dont le contenu sportif n’est qu’une composante parmi d’autres aux fins d’attirer des clients. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon le considérant 373 de la décision attaquée, en général, les facteurs déterminants du choix du consommateur final moyen sont le prix et la rapidité de connexion à Internet (pour les packs « multiple play »), plutôt que l’offre de contenu sportif. Dès lors, du point de vue du consommateur final moyen de services de télévision en général, rien n’indique qu’une offre globale de services de télévision incorporant la chaîne Ziggo Sport Totaal ne soit pas substituable à une offre globale de services de télévision incorporant la chaîne Fox Sports, en dépit de la différence de contenu sportif de ces deux chaînes.
85 Par ailleurs, même s’il peut se révéler souhaitable d’un point de vue commercial pour un fournisseur au détail de services de télévision d’être en mesure de proposer à ses abonnés les chaînes Ziggo Sport Totaal et Fox Sports parallèlement, il ressort de la note en bas de page no 47 au considérant 112 de la décision attaquée que les personnes ayant répondu à l’enquête de marché, à savoir des fournisseurs en gros de chaînes et des fournisseurs au détail de services de télévision, considéraient ces chaînes de télévision sportives premium payantes comme étant tout autant attractives (voir point 76 ci-dessus). Il en découle que la Commission pouvait à juste titre considérer Ziggo Sport Totaal et Fox Sports comme interchangeables aux fins de la définition du marché en cause.
86 Deuxièmement, la requérante soutient qu’il ressort du considérant 374 de la décision attaquée que tous les fournisseurs au détail de services de télévision payante ont indiqué que Ziggo Sport Totaal était indispensable à l’exercice d’une concurrence effective sur le marché des services de télévision. À cet égard, il y a lieu de relever que les considérations auxquelles se réfère la requérante se rattachent en réalité à la question de savoir si Ziggo Sport Totaal constitue un intrant indispensable pour les concurrents en aval plutôt qu’à la question de la définition du marché pertinent en amont. Ainsi que la Commission l’a fait observer dans ses écritures et en réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, la question posée dans le questionnaire était libellée comme suit : « Pensez-vous que Ziggo Sport Totaal est indispensable pour permettre aux fournisseurs de services de télévision au détail d’être concurrentiels en proposant une offre attrayante aux téléspectateurs ? » C’est également dans ce contexte qu’il convient d’interpréter le constat figurant au même considérant 374 de la décision attaquée selon lequel la majorité des personnes ayant répondu à l’enquête de marché ont indiqué que Fox Sports était complémentaire à Ziggo Sport Totaal étant donné que son offre de contenu sportif premium n’était pas identique à celle de cette dernière. En effet, à cet égard, la Commission a rappelé au considérant 375 de la décision attaquée qu’il n’y avait pas lieu d’effectuer une segmentation additionnelle du marché en cause pour les raisons indiquées en substance au point 76 ci-dessus. Dès lors, force est de constater que l’argument de la requérante concernant la définition du marché en cause repose sur une lecture erronée du considérant 374 de la décision attaquée.
87 Au vu de ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté comme en partie irrecevable et en partie non fondé.
Sur l’erreur manifeste d’appréciation concernant les effets verticaux relatifs à la fourniture en gros de chaînes sportives premium payantes
88 Par le deuxième moyen, la requérante invoque une erreur manifeste d’appréciation concernant les effets verticaux de la concentration résultant du verrouillage des intrants sur le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes. L’argumentation de la requérante au soutien du deuxième moyen peut se diviser en deux branches.
89 Dans le cadre de la première branche, la requérante soutient que l’entité issue de la concentration aurait la capacité de s’engager dans une stratégie de verrouillage des intrants. Par ailleurs, elle relève que la décision attaquée reconnaît elle-même que l’entité issue de la concentration aurait la capacité technique de s’engager dans une telle stratégie, ainsi que l’incitation de le faire. Dans le cadre de la seconde branche, elle fait valoir que cette dernière aurait des effets négatifs significatifs sur la concurrence.
90 S’agissant de la première branche, relative à la capacité de s’engager dans une stratégie de verrouillage des intrants, la requérante fait valoir que la décision attaquée est contradictoire en ce qu’elle considère que l’entité issue de la concentration aurait l’incitation financière de s’engager dans une telle stratégie, mais n’en aurait pas la capacité économique.
91 Par ailleurs, la requérante fait valoir que, selon la jurisprudence, la seule présence d’un concurrent important sur le marché n’exclut pas en soi qu’un autre opérateur ait un pouvoir de marché en amont sur le segment en cause (arrêt du 26 octobre 2017, KPN/Commission, T‑394/15, non publié, EU:T:2017:756, point 64). Dès lors, selon elle, le fait que Fox Sports ait une part de marché plus importante que Ziggo Sport Totaal n’exclut pas que celle-ci ait un pouvoir de marché. De surcroît, la requérante souligne que Fox Sports et Ziggo Sport Totaal sont complémentaires et non substituables.
92 La Commission aurait ignoré le fait que Fox Sports devait être mise à la disposition des fournisseurs au détail de services de télévision payante en vertu des engagements présentés à l’autorité néerlandaise de la concurrence dans le cadre de la concentration Fox/Eredivisie Media & Marketing, alors que l’entité issue de la concentration n’est pas soumise à une telle obligation. De plus, l’entité issue de la concentration est verticalement intégrée et est présente sur l’ensemble du territoire des Pays-Bas, ce qui lui permettrait de s’engager dans une stratégie de verrouillage et d’en tirer profit sans risque.
93 La requérante soutient également que la propre enquête de marché menée par la Commission indique que Ziggo Sport Totaal est un intrant indispensable à l’exercice d’une concurrence effective sur le marché en aval de la fourniture de services de télévision au détail, ainsi qu’il ressort du considérant 374 de la décision attaquée.
94 La requérante souligne qu’un fournisseur au détail doit offrir Ziggo Sport Totaal et Fox Sports dès lors que les abonnés choisissent l’offre de services de télévision la plus complète, étant donné qu’il n’est pas aisé de changer de fournisseur régulièrement. Par conséquent, le fait que les droits de télédiffusion de contenu sportif changent de titulaire régulièrement viendrait à l’appui de la thèse de la requérante.
95 La requérante conteste l’idée figurant au considérant 366 de la décision attaquée selon laquelle les fournisseurs au détail de services de télévision payante disposent de contre-stratégies pour faire face à une éventuelle stratégie de verrouillage, telles que la possibilité d’acquérir du contenu sportif eux-mêmes. Selon la requérante, des opérateurs modestes comme elle-même ont un pouvoir de négociation très faible face aux propriétaires des droits sportifs.
96 La requérante soutient que la Commission tente de minimiser l’importance de Ziggo Sport Totaal lorsqu’elle indique que celle-ci a une part de marché de 20 à 30 % en termes d’abonnés aux chaînes de télévision sportives premium payantes, dès lors qu’elle ignore l’effet de Ziggo Sport Basic, qui est regardée par 65 % des abonnés à VodafoneZiggo.
97 S’agissant de la seconde branche, relative aux effets négatifs significatifs sur la concurrence de l’éventuelle stratégie de verrouillage, la requérante soutient que, même à supposer que seul 1,5 % des abonnés aux services de télévision payante fussent prêts à changer de fournisseur si Ziggo Sport Totaal n’était plus disponible auprès de leur fournisseur, cela représenterait pour elle au moins 36 millions d’euros de pertes annuelles de revenus pour les abonnements aux services « multiple play », ce qui ne serait pas négligeable.
98 La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur en appréciant les effets négatifs de la stratégie de verrouillage sur l’ensemble des abonnés aux services de télévision payante, au lieu de circonscrire son analyse aux abonnés aux chaînes de télévision sportives premium payantes ou, plus spécifiquement, aux abonnés à Ziggo Sport Totaal. À cet égard, elle relève que, selon un rapport, environ 40 % des téléspectateurs de Ziggo Sport Totaal n’envisageraient pas facilement une offre de services de télévision n’incluant pas cette chaîne. En outre, 26 % des téléspectateurs de Ziggo Sport Totaal ont indiqué qu’ils changeraient de fournisseur si leur fournisseur n’offrait plus cette chaîne. Ces pourcentages seraient significativement plus élevés que le taux de 1,5 % pris en compte par la Commission. Par ailleurs, selon le rapport en question, 60 % du nombre total des téléspectateurs considèrent que l’offre de chaînes sportives est un facteur important ou déterminant dans leur choix de services de télévision (plus précisément, ce facteur est déterminant pour 17 % d’entre eux et il est important pour 43 %). Compte tenu du fait que les téléspectateurs peuvent inclure et exclure des chaînes sportives spécifiques de leur abonnement chaque mois, l’absence de Ziggo Sport Totaal dans le choix des chaînes auxquelles ils peuvent s’abonner serait susceptible d’avoir un impact au-delà des téléspectateurs déjà abonnés à cette chaîne.
99 La requérante ajoute que les constatations relatives aux effets d’une stratégie de verrouillage figurant dans la décision attaquée sont contraires à celles figurant dans la décision Liberty Global/Ziggo de 2014 relatives aux chaînes de cinéma premium payantes, qui seraient pertinentes par analogie. En particulier, elle considère qu’il en découle qu’une stratégie de verrouillage aurait des effets négatifs sur la concurrence en aval.
100 Dans les observations sur le mémoire en intervention, la requérante fait remarquer que VodafoneZiggo a mis fin unilatéralement à l’accord conclu avec elle pour la distribution de Ziggo Sport Totaal à partir du 31 décembre 2019.
101 La Commission, soutenue par les intervenantes, conclut au rejet des arguments de la requérante.
102 Par le deuxième moyen, la requérante prétend, en substance, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la concentration envisagée ne soulevait pas de problèmes verticaux de concurrence sur le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes, et en particulier des effets de verrouillage des intrants concernant Ziggo Sport Totaal.
103 Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, les concentrations qui n’entraveraient pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées compatibles avec le marché intérieur. À l’inverse, selon l’article 2, paragraphe 3, du même règlement, les concentrations qui entraveraient de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées incompatibles avec le marché intérieur.
104 Par ailleurs, selon l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, lorsque la Commission constate qu’une concentration notifiée, après les modifications apportées par les entreprises concernées, satisfait au critère défini à l’article 2, paragraphe 2, de ce règlement, elle prend une décision déclarant la concentration compatible avec le marché intérieur.
105 Ainsi que cela a été indiqué au point 64 ci-dessus, selon une jurisprudence constante, les règles de fond concernant le contrôle des concentrations et, en particulier, celles concernant l’appréciation des concentrations, telles que l’article 2 du règlement no°139/2004, confèrent à la Commission un certain pouvoir discrétionnaire, notamment pour ce qui est des appréciations d’ordre économique. En conséquence, le contrôle par le juge de l’Union de l’exercice d’un tel pouvoir, qui est essentiel dans la définition des règles en matière de concentrations, doit être effectué compte tenu de la marge d’appréciation que sous-tendent les normes de caractère économique faisant partie du régime des concentrations.
106 En particulier, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (arrêt du 7 juin 2013, Spar Österreichische Warenhandels/Commission, T‑405/08, non publié, EU:T:2013:306, point 51).
107 Cependant, comme cela a été indiqué au point 66 ci-dessus, si la Commission dispose d’une marge d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, il doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées.
108 Le contrôle des opérations de concentration par la Commission nécessite une analyse prospective qui consiste à examiner en quoi une telle opération pourrait modifier les facteurs déterminant l’état de la concurrence sur un marché donné afin de vérifier s’il en résulterait une entrave significative à une concurrence effective. Cette analyse prospective requiert d’imaginer les divers enchaînements de cause à effet afin de retenir celui dont la probabilité est la plus forte (arrêts du 19 juin 2009, Qualcomm/Commission, T‑48/04, EU:T:2009:212, point 88, et du 9 mars 2015, Deutsche Börse/Commission, T‑175/12, non publié, EU:T:2015:148, point 62).
109 Il appartient donc à la Commission de démontrer, avec une probabilité suffisante, dans sa décision déclarant une opération de concentration compatible avec le marché intérieur, que cette opération, telle qu’elle a été modifiée par les engagements proposés par les parties à l’opération, ne va pas entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Il incombe donc au tiers intéressé dont le recours a pour objet l’annulation d’une décision déclarant une opération de concentration assortie d’engagements compatible avec le marché intérieur de démontrer que la Commission a erronément apprécié l’opération de telle façon que sa compatibilité avec le marché intérieur est remise en cause (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2009, Qualcomm/Commission, T‑48/04, EU:T:2009:212, points 89 et 90).
110 Par ailleurs, il ressort du paragraphe 20 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2008, C 265, p. 6, ci-après les « lignes directrices sur les concentrations non horizontales ») que, dans le cadre de son appréciation des effets anticoncurrentiels d’une opération de concentration, la Commission compare les conditions de concurrence telles qu’elles résulteraient de l’opération notifiée avec celles que connaîtrait le marché si la concentration n’avait pas lieu.
111 Aux termes du paragraphe 31 des lignes directrices sur les concentrations non horizontales, le verrouillage du marché des intrants se produit quand, à l’issue de la concentration, la nouvelle entité est susceptible de restreindre l’accès aux produits ou aux services qu’elle aurait fournis si la concentration n’avait pas eu lieu. Aux termes du paragraphe 32 de ces lignes directrices, lors de l’évaluation de la probabilité d’un scénario de verrouillage anticoncurrentiel du marché des intrants, la Commission examine, premièrement, si l’entité issue de la concentration aurait, à l’issue de l’opération de concentration, la capacité de verrouiller l’accès aux intrants de manière significative, deuxièmement, si elle aurait l’incitation à le faire et, troisièmement, si une stratégie de verrouillage du marché aurait une incidence négative significative sur la concurrence en aval.
112 Il convient de relever, comme la Commission le fait valoir à juste titre, que ces trois conditions sont cumulatives, de sorte que l’absence de l’une d’elles est suffisante pour exclure le risque de verrouillage des intrants anticoncurrentiel (arrêt du 23 mai 2019, KPN/Commission, T‑370/17, EU:T:2019:354, point 119).
113 Il résulte des considérants 343 à 426 de la décision attaquée que la Commission a examiné ces trois conditions en l’espèce, sans que cette approche soit critiquée par la requérante.
114 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’analyser le deuxième moyen.
115 À titre liminaire, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel les erreurs lors de la définition du marché pertinent impliquent nécessairement des erreurs manifestes d’appréciation concernant les effets verticaux relatifs à la fourniture en gros de chaînes sportives premium payantes. À cet égard, il suffit de rappeler que la première branche du premier moyen a été rejetée pour les raisons indiquées aux points 63 à 87 ci-dessus.
116 En ce qui concerne la première des conditions mentionnées au point 111 ci‑dessus, à savoir la capacité de s’engager dans une stratégie de verrouillage des intrants, il ressort du paragraphe 35 des lignes directrices sur les concentrations non horizontales et du considérant 352 de la décision attaquée que la société verticalement intégrée issue de l’opération de concentration doit avoir un pouvoir substantiel sur le marché situé en amont, à savoir le marché de la fourniture en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes en l’espèce.
117 Aux termes des considérants 353 à 356 de la décision attaquée, l’entité issue de la concentration avait une part de marché de 20 à 30 % en termes de nombre total d’abonnés à Ziggo Sport Totaal (et de 10 à 20 % lorsque seuls les abonnés à cette chaîne en gros, c’est-à-dire sur les réseaux de tiers, étaient comptabilisés), alors que Fox Sports, son seul autre concurrent, avait une part de marché de 70 à 80 % en termes de nombre total d’abonnés (et de 80 à 90 % lorsque seuls les abonnés en gros étaient comptabilisés). Dès lors, la Commission a observé que Fox Sports était de loin le principal opérateur sur l’éventuel marché de la fourniture de chaînes de télévision sportives premium payantes, qui était la segmentation du marché envisagée la plus étroite, avec une part de marché plus de deux fois plus élevée en termes de nombre total d’abonnés. Par ailleurs, la Commission a noté que la part de marché de Ziggo Sport Totaal était en baisse depuis 2014.
118 De surcroît, selon le considérant 357 de la décision attaquée, un pourcentage très important des téléspectateurs qui regardent Ziggo Sport Totaal par le biais du réseau de VodafoneZiggo reçoivent l’accès à cette chaîne gratuitement comme partie de leur pack de services « multiple play », ce qui suggère qu’au moins certains de ces téléspectateurs ne seraient pas nécessairement disposés à payer pour cette chaîne si elle n’était pas offerte gratuitement. Par voie de conséquence, ce constat suggère que la position de Ziggo Sport Totaal sur le marché pourrait être en réalité encore moins significative que ses 20 à 30 % de parts de marché en termes de nombre total d’abonnés ne le laissent entendre.
119 Au considérant 358 de la décision attaquée, la Commission ajoute que Ziggo Sport Totaal avait un faible taux de pénétration aux Pays-Bas, au vu de son faible nombre d’abonnés (de 5 à 10 % du nombre total d’abonnés à la télévision payante), alors que Fox Sports avait un taux de pénétration de 16 %. Au considérant 361 de la décision attaquée, la Commission a relevé que Fox Sports avait une offre de contenu tout aussi attractive – voire plus attractive – que celle de Ziggo Sport Totaal.
120 Enfin, au-delà de ces considérations relatives aux rapports concurrentiels entre Ziggo Sport Totaal et Fox Sports, la Commission s’est appuyée sur une série d’éléments additionnels, tels que le fait que les parties notifiantes étaient soumises aux pressions des propriétaires des droits sportifs pour assurer une diffusion maximale de ces événements, que la position des parties notifiantes sur le marché pour l’obtention des droits de télédiffusion de contenu sportif était contestable, puisque de nombreux droits de télédiffusion avaient changé de titulaire au cours des dernières années, que les fournisseurs de services de télévision au détail disposaient de certaines contre-stratégies pour rendre leur offre attractive (acquisition de contenus sportifs, concurrence en termes de prix, offre de packs de services et meilleure vitesse de connexion à Internet), ainsi que le fait qu’un certain nombre de chaînes sportives de base payantes et de chaînes généralistes diffusaient des contenus sportifs attractifs.
121 Il résulte de ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a conclu, dans la décision attaquée, que l’entité issue de la concentration n’aurait pas la capacité de s’engager dans une stratégie de verrouillage des intrants concernant Ziggo Sport Totaal.
122 Aucun des arguments avancés par la requérante dans la première branche du deuxième moyen n’est susceptible d’infirmer cette conclusion.
123 En premier lieu, il convient de constater qu’il n’existe pas de contradiction dans la décision attaquée entre la conclusion selon laquelle l’entité issue de l’opération pourrait avoir l’incitation financière à s’engager dans une stratégie de verrouillage alors qu’elle n’avait pas la capacité de s’engager dans une telle stratégie (voir considérants 389 et 397 de la décision attaquée). Ainsi qu’il ressort des points 111 et 112 ci-dessus, il s’agit de conditions distinctes, même si, souvent, un même élément peut être pertinent afin d’examiner plusieurs des conditions nécessaires. En principe, rien ne s’oppose à ce qu’une entité puisse avoir une incitation à s’engager dans une stratégie de verrouillage sans pour autant avoir la capacité de le faire en raison de son absence de pouvoir de marché en amont. Par ailleurs, ainsi que le relève la Commission à juste titre, en l’espèce, la décision attaquée s’est limitée à constater, au considérant 397, qu’il ne pouvait pas être exclu que l’entité issue de l’opération ait l’incitation à s’engager dans une stratégie de verrouillage, sans pour autant conclure qu’elle avait cette incitation dans la mesure où la stratégie comportait également des risques, notamment des risques pour sa réputation et dans ses relations et des risques réglementaires.
124 En deuxième lieu, force est de constater que la requérante fait une lecture erronée de l’arrêt du 26 octobre 2017, KPN/Commission (T‑394/15, non publié, EU:T:2017:756, point 64). Contrairement à ce que fait valoir la requérante, cet arrêt n’établit nullement qu’un opérateur puisse avoir un pouvoir de marché en amont bien qu’il existe un concurrent avec une part de marché beaucoup plus importante sur le marché en cause. En réalité, l’arrêt en question suggère plutôt le contraire lorsqu’il indique qu’il convient d’analyser la position concurrentielle respective des opérateurs sur le marché. Selon cet arrêt, il ne saurait être exclu qu’un opérateur ait un pouvoir de marché malgré la présence d’un concurrent sur le même marché, par exemple lorsque le premier opérateur a une part de marché de 70 %.
125 En troisième lieu, il convient de rejeter l’argument selon lequel la Commission aurait ignoré le fait que l’entité issue de l’opération n’était soumise à aucune obligation de fournir Ziggo Sport Totaal, à la différence de Fox Sports qui devait être fournie de manière non discriminatoire en vertu des engagements présentés dans le cadre de la concentration Fox/Eredivisie Media & Marketing. Toutefois, c’est précisément parce que l’entité issue de l’opération pourrait décider de ne plus fournir Ziggo Sport Totaal à ses concurrents en aval que la Commission a examiné s’il y avait des risques de verrouillage des intrants. Dans son analyse, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a pris en compte le fait que l’entité issue de la concentration était verticalement intégrée et disposait d’un réseau en aval présent sur l’ensemble du territoire des Pays-Bas.
126 En quatrième lieu, en ce qui concerne l’argument tiré du considérant 374 de la décision attaquée selon lequel les fournisseurs au détail de services de télévision auraient indiqué que Ziggo Sport Totaal était un intrant indispensable, il convient de rappeler que, ainsi que cela ressort du point 86 ci-dessus, la question posée par la Commission était formulée comme suit : « Pensez-vous que Ziggo Sport Totaal est indispensable pour permettre aux fournisseurs de services de télévision au détail d’être concurrentiels en proposant une offre attrayante aux téléspectateurs ? » Dans ce contexte, après avoir pris note de la réponse des fournisseurs au détail de services de télévision, la Commission a conclu, au considérant 376 de la décision attaquée, que, même si Ziggo Sport Totaal pouvait être importante, elle n’était pas suffisamment importante pour l’exercice d’une concurrence effective sur le marché en aval pour une série de raisons détaillées aux considérants 377 et suivants de la décision attaquée. Parmi ces raisons figurent, en particulier, le faible taux de pénétration de Ziggo Sport Totaal, la pression des propriétaires des droits sportifs pour assurer une diffusion maximale des événements sportifs et le caractère contestable de la position des parties notifiantes sur le marché pour l’obtention des droits de télédiffusion de contenu sportif, car les droits de télédiffusion ont souvent changé de titulaire au cours des dernières années (voir points 117 à 120 ci-dessus). À cet égard, il y a lieu d’ajouter que le fait que les droits de télédiffusion du contenu sportif changent de titulaire régulièrement infirme en réalité la thèse de la requérante. En effet, cela démontre que Ziggo Sport Totaal n’a pas de pouvoir de marché, puisque d’autres opérateurs peuvent obtenir régulièrement les contenus en question.
127 En cinquième lieu, s’agissant des prétendues difficultés des fournisseurs au détail de services de télévision pour développer des contre-stratégies, telles que la possibilité d’acquérir du contenu sportif eux-mêmes, il convient de relever que l’acquisition de contenu sportif n’est qu’une des contre-stratégies mentionnées par la Commission, aux considérants 366 à 373 de la décision attaquée, telles que des offres de prix ou des packs de services, avec éventuellement une meilleure vitesse de connexion à Internet.
128 En sixième lieu, il convient de rejeter l’argument selon lequel la Commission tenterait de minimiser l’importance de Ziggo Sport Totaal en indiquant que celle‑ci a une part de marché de 20 à 30 % dans la mesure où elle aurait ignoré que 65 % des abonnés à VodafoneZiggo regardent Ziggo Sport Basic. À cet égard, il suffit de relever que Ziggo Sport Basic n’est pas une chaîne de télévision sportive premium payante et n’est dès lors pas pertinente lorsqu’il s’agit de déterminer si l’entité issue de l’opération aurait un pouvoir de marché sur le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes.
129 En septième lieu, en réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, la requérante a fait valoir qu’il ne saurait être exclu que l’entité issue de la concentration ait un pouvoir substantiel sur le marché situé en amont avec des parts de marché de 20 à 30 %. Cette affirmation, qui n’est nullement étayée, doit être rejetée. À cet égard, il est utile de rappeler, par analogie, que, selon l’article 2, paragraphe 1, et l’article 3, paragraphe 1, du règlement (UE) no 330/2010 de la Commission, du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, [TFUE] à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées (JO 2010, L 102, p. 1), sont exemptées les restrictions de concurrence contenues dans les accords verticaux lorsque « la part de marché détenue par le fournisseur ne dépasse pas 30 % du marché en cause sur lequel il vend les biens ou services contractuels ». Par ailleurs, il ressort du considérant 23 des lignes directrices sur les restrictions verticales (JO 2010, C 130, p. 1) que ce seuil de part de marché est fondé sur la présomption qu’une entreprise ayant des parts de marché ne dépassant pas 30 % ne dispose pas en principe d’un pouvoir de marché substantiel.
130 En huitième lieu, en réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, la requérante a contesté les considérations figurant au point 118 ci-dessus. En particulier, elle a fait valoir qu’il ne saurait être exclu que tous les téléspectateurs qui regardent gratuitement Ziggo Sport Totaal dans le cadre du pack de services « multiple play » de VodafoneZiggo aient décidé de souscrire ce pack précisément afin de pouvoir regarder cette chaîne gratuitement. Au-delà du fait que cette affirmation n’est pas étayée et qu’elle semble peu vraisemblable, il suffit de constater que, même à supposer qu’elle soit vraie, l’entité issue de la concentration ne semblerait pas avoir de pouvoir substantiel de marché avec des parts de marché de 20 à 30 % pour les raisons exposées ci-dessus.
131 Dès lors, il y a lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen, relative à la capacité de s’engager dans une stratégie de verrouillage des intrants concernant Ziggo Sport Totaal.
132 Par conséquent, compte tenu du caractère cumulatif des trois conditions relatives à l’existence d’un risque de verrouillage des intrants, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.
133 Partant, c’est uniquement dans un souci d’exhaustivité que le Tribunal examine ci‑après la deuxième branche du deuxième moyen, relative aux effets de la stratégie de verrouillage.
134 En ce qui concerne la troisième condition, relative aux éventuels effets de la stratégie de verrouillage, il ressort du paragraphe 47 des lignes directrices sur les concentrations non horizontales qu’une opération de concentration posera des problèmes de concurrence pour cause de verrouillage du marché des intrants lorsqu’elle entrave de manière significative la concurrence effective sur le marché situé en aval.
135 En l’espèce, selon le considérant 400 de la décision attaquée, une éventuelle stratégie de verrouillage aurait des effets limités sur la concurrence en aval, notamment sur le marché de la fourniture de services de télévision au détail, en particulier en raison du fait que Ziggo Sport Totaal n’était pas un intrant suffisamment important. À cet égard, la décision attaquée a rappelé au considérant 402 que Ziggo Sport Totaal avait un taux de pénétration de 5 à 10 % du nombre total des abonnés à la télévision payante aux Pays-Bas. En outre, le considérant 403 relève que seule une partie des abonnés à Ziggo Sport Totaal changerait probablement de fournisseur si cette chaîne n’était plus disponible auprès de leur fournisseur habituel, au motif qu’existaient des alternatives comme Fox Sports et que les fournisseurs de services de télévision au détail disposaient de contre-stratégies pour attirer les consommateurs. Même si la Commission émet des réserves quant à la fiabilité du rapport commandé par la requérante, le considérant 404 de la décision attaquée relève que les résultats du rapport indiquent que, d’une part, seul 1,5 % des abonnés à la télévision payante seraient prêts à changer de fournisseur si Ziggo Sport Totaal n’était plus disponible auprès dudit fournisseur et, d’autre part, seuls 2,5 % des abonnés à la télévision payante n’envisageraient pas une offre n’incluant pas Ziggo Sport Totaal.
136 Dès lors, il résulte de ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a conclu dans la décision attaquée qu’une éventuelle stratégie de verrouillage n’aurait pas d’effets négatifs significatifs sur la concurrence en aval.
137 Aucun des arguments avancés par la requérante n’est susceptible d’infirmer cette conclusion.
138 En premier lieu, en ce qui concerne l’estimation de 36 millions d’euros de pertes annuelles de revenus pour les abonnements « multiple play » pour la requérante, résultant d’une éventuelle stratégie de verrouillage, il convient de constater que ce sont les effets sur une concurrence effective en aval, et non l’hypothétique préjudice financier pour la requérante, qui comptent aux fins de l’analyse des effets de verrouillage. Il n’en demeure pas moins que, selon les données fournies par le rapport commandé par la requérante, une éventuelle stratégie de verrouillage relative à Ziggo Sport Totaal serait susceptible d’affecter seulement 1,5 % des abonnés aux services de télévision de la requérante, indépendamment de l’impact financier en termes absolus.
139 En deuxième lieu, il convient de rejeter l’argument selon lequel la Commission a commis une erreur en appréciant les effets négatifs de la stratégie de verrouillage sur l’ensemble des abonnés aux services de télévision payante, au lieu de circonscrire son analyse aux abonnés aux chaînes de télévision sportives premium payantes ou même aux abonnés à Ziggo Sport Totaal. Il est utile de rappeler que, selon le rapport commandé par la requérante, 26 % du nombre total des abonnés à Ziggo Sport Totaal seraient prêts à changer de fournisseur. À cet égard, il y a lieu de relever que les effets de verrouillage sur la concurrence doivent être appréciés sur le marché en aval, à savoir le marché de la fourniture au détail de services de télévision, où les effets de verrouillage sembleraient concerner uniquement 1,5 % du nombre total des abonnés, eu égard au taux de pénétration de 5 à 10 % de Ziggo Sport Totaal. En tout état de cause, même si l’analyse des effets était circonscrite aux abonnés aux chaînes de télévision sportives premium payantes, ainsi que le soutient la requérante, les effets de verrouillage seraient également limités dans la mesure où Ziggo Sport Totaal a une part de marché qui se situe entre 20 et 30 % en nombre d’abonnés, ce qui implique que les effets de verrouillage affecteraient entre 5 et 8 % du nombre total des abonnés aux chaînes de télévision sportives premium payantes. Dès lors, ces effets seraient encore très limités. Enfin, il convient d’ajouter que les effets de verrouillage ne doivent pas être appréciés au regard des seuls abonnés à Ziggo Sport Totaal, car cette chaîne ne constitue pas un marché distinct.
140 En troisième lieu, la décision Liberty Global/Ziggo de 2014 ne saurait soutenir la thèse de la requérante. Les passages cités par cette dernière concernent le marché des chaînes de cinéma premium payantes, et non le marché des chaînes sportives premium payantes. De plus, la situation examinée dans cette décision, où l’entité issue de la concentration contrôlerait les deux seules chaînes opérant sur le marché en cause, à savoir Film1 et HBO Nederland, est différente de celle de l’espèce, où l’entité issue de la concentration doit faire face à un concurrent ayant une part de marché significativement plus importante que la sienne.
141 En quatrième lieu, indépendamment des raisons qui ont pu mener VodafoneZiggo à mettre fin à l’accord conclu avec la requérante pour la distribution de Ziggo Sport Totaal à partir du 31 décembre 2019 et qui ne doivent pas nécessairement être anticoncurrentielles, selon une jurisprudence constante, la légalité d’une décision en matière de concurrence doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 81 et jurisprudence citée). Partant, sont sans pertinence aux fins de l’appréciation de la légalité de la décision attaquée des événements postérieurs à l’adoption de celle-ci. De surcroît, il y a lieu de relever que les intervenantes ont contesté lors de l’audience le fait que VodafoneZiggo avait mis fin à l’accord de distribution et ont affirmé que VodafoneZiggo continuait à fournir sa chaîne Ziggo Sport Totaal à la requérante. Dès lors, l’argument avancé par la requérante doit être rejeté.
142 Au vu de ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.
Sur l’erreur manifeste d’appréciation concernant les effets verticaux relatifs à la fourniture en gros de chaînes de cinéma premium payantes
143 Par son troisième moyen, la requérante invoque une erreur manifeste d’appréciation relative aux effets verticaux de la concentration résultant d’un verrouillage des intrants sur le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de cinéma premium payantes. À cet égard, elle suggère que le refus de l’entité issue de la concentration de fournir sa chaîne de cinéma premium payante est susceptible de désavantager ses concurrents en aval de manière significative. Elle observe que, selon la Commission, le retrait de HBO était lié spécifiquement à la concentration.
144 En particulier, la requérante conteste le fait que l’entité issue de la concentration ne dispose pas d’un pouvoir de marché en amont. D’une part, même si la décision attaquée se limite à constater que l’entité issue de la concentration avait une part de marché inférieure à 30 % sans pour autant préciser le pourcentage exact, la requérante avance que le chiffre de 30 % représente une part de marché significative aux fins de l’analyse des effets verticaux. D’autre part, les alternatives mentionnées aux considérants 301 et 304 de la décision attaquée ne seraient pas véritablement des alternatives à HBO, étant entendu que leur contenu correspondait davantage à des productions de niche qu’à des productions pour le grand public, qu’elles comptaient un nombre limité d’abonnés et qu’elles ne ciblaient pas le marché néerlandais (notamment Amazon Prime). En outre, la prétendue alternative à la série Game of Thrones mentionnée au considérant 305 de la décision attaquée, à l’exemple de la série Brussel produite par la requérante, ne constituerait pas une véritable alternative, compte tenu de sa durée limitée en termes d’heures et du fait qu’elle attirait principalement un public néerlandophone.
145 La Commission, soutenue par les intervenantes, conclut au rejet des arguments de la requérante.
146 Par son troisième moyen, la requérante invoque une erreur manifeste d’appréciation relative aux effets verticaux de la concentration résultant d’un verrouillage des intrants concernant la fourniture et l’acquisition en gros de chaînes de cinéma premium payantes, en particulier concernant le contenu de HBO.
147 Compte tenu du fait que ce moyen porte également sur les effets verticaux de l’opération, il y a lieu de l’examiner à la lumière des principes rappelés notamment aux points 103 à 116 ci-dessus.
148 À titre liminaire, il convient de relever que l’entité issue de l’opération n’est plus active sur le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes, puisque, ainsi qu’il a été indiqué au point 20 ci-dessus, HBO Nederland a été dissoute à la suite de la décision Liberty Global/Ziggo de 2014. Aux considérants 294 et 295 de la décision attaquée, la Commission relève les raisons ayant conduit à la dissolution de HBO Nederland et à la conclusion ultérieure d’un accord pour la distribution exclusive du contenu de HBO par VodafoneZiggo, sans soulever d’objections à cet égard.
149 Compte tenu de ces constats, la concentration ne serait en principe pas susceptible de donner lieu à des effets verticaux résultant d’un verrouillage des intrants concernant la fourniture et l’acquisition en gros de chaînes de cinéma premium payantes, puisque l’entité issue de l’opération n’est plus active sur ce marché.
150 Malgré ce qui précède, il convient de relever que, aux considérants 299 à 312 de la décision attaquée, la Commission a examiné les effets résultant du refus de fournir le service de vidéo à la demande « Movies & Series », qui proposait le contenu de HBO en exclusivité, sur la concurrence en aval sur le marché de la fourniture au détail de services de télévision payante et de services « multiple play ». Après avoir examiné en particulier si l’entité issue de l’opération avait un pouvoir de marché en amont grâce à son service de vidéo à la demande « Movies & Series », la Commission a conclu que tel n’était pas le cas. Elle a observé que le marché des services de vidéo à la demande aux Pays-Bas n’était pas concentré et que le service « Movies & Series » avait une part de marché inférieure à 30 % en termes de revenus et d’abonnés. Selon la décision attaquée, il existe une série de fournisseurs de services de vidéo à la demande non intégrés verticalement, tels que Netflix, Videoland, Film1 (qui fournit également des services de vidéo à la demande, au-delà de sa chaîne de cinéma premium payante) et Pathé Thuis. Par ailleurs, la Commission a noté que de nouveaux entrants continuaient à arriver sur le marché néerlandais, comme Amazon Prime. Enfin, elle a constaté que le marché de la concession de licences et de l’acquisition de droits pour la télédiffusion de contenu télévisuel était hautement compétitif et que l’entité issue de l’opération avait une part de marché inférieure à 20 % dans l’acquisition de contenu pour des services de vidéo à la demande. De surcroît, la Commission a observé que les personnes ayant répondu à l’enquête de marché s’étaient référées principalement à une série populaire de HBO, à savoir Game of Thrones, dont la saison finale était prévue pour 2019.
151 Il résulte de ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a conclu dans la décision attaquée qu’une éventuelle stratégie de verrouillage n’aurait pas d’effets négatifs significatifs sur la concurrence en aval.
152 Aucun des arguments avancés par la requérante n’est susceptible d’infirmer cette conclusion.
153 En premier lieu, il convient de constater que l’affirmation de la requérante selon laquelle une part de marché de 30 % serait significative aux fins de l’analyse des effets verticaux résultant de la concentration n’est nullement étayée. De plus, pour les raisons exposées au point 129 ci-dessus, il ne saurait être accepté qu’une part de marché ne dépassant pas 30 % puisse en principe indiquer l’existence d’un pouvoir substantiel de marché en amont susceptible de donner lieu à des effets verticaux négatifs significatifs sur la concurrence en aval.
154 En deuxième lieu, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel les alternatives mentionnées dans la décision attaquée ne seraient pas de véritables alternatives, car les fournisseurs mentionnés n’offriraient que des productions de niche, compteraient peu d’abonnés ou ne cibleraient pas le marché néerlandais. En effet, l’application de ces objections à Netflix n’apparaît pas clairement. Par ailleurs, la Commission a fait valoir dans ses écritures, sans être contredite par la requérante, qu’Amazon Prime était disponible aux Pays-Bas par le biais d’une application en néerlandais. Enfin, la requérante a erronément interprété la décision attaquée, qui ne soutient pas que la série Game of Thrones de HBO soit une alternative comparable à la série Brussel, produite par la requérante, mais s’est limitée à considérer que les opérateurs pouvaient également lancer leurs propres services de vidéo à la demande en obtenant des droits pour la télédiffusion de contenu ou en produisant leur propre contenu, à l’exemple de la série populaire Brussel de la requérante.
155 Au vu de ce qui précède, le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.
Sur la violation de l’obligation de motivation
156 Dans le cadre de son quatrième moyen, la requérante soutient que, dans la décision attaquée, la Commission a violé l’obligation de motivation en ce qui concerne la définition du marché en cause et l’absence de risque de verrouillage des intrants concernant Ziggo Sport Totaal et le contenu de HBO à l’égard de ses concurrents sur le marché en aval. Elle fait valoir, en substance, trois griefs.
157 Premièrement, la décision attaquée n’expliquerait pas pourquoi la Commission n’a pas défini plus étroitement les marchés pour la fourniture et l’acquisition en gros de chaînes de cinéma et de sport premium payantes. S’agissant des chaînes de sport, la requérante soutient que la conclusion de la Commission selon laquelle Ziggo Sport Totaal et Fox Sports seraient substituables exigeait des explications détaillées dès lors que cette conclusion est contraire aux résultats de l’enquête de marché, à la pratique décisionnelle antérieure de la Commission et au sens commun. S’agissant des chaînes de cinéma et de séries, la requérante fait valoir que la motivation fait entièrement défaut dans la décision attaquée.
158 Deuxièmement, la décision attaquée ne serait pas suffisamment motivée quant à l’absence de risque de verrouillage des intrants concernant Ziggo Sport Totaal à l’égard des concurrents de l’entité issue de la concentration sur le marché en aval. En particulier, la requérante relève que l’enquête de marché réalisée par la Commission indiquait que Ziggo Sport Totaal devait être considérée comme un intrant indispensable, alors que la décision attaquée se limite, au considérant 375, à rejeter cet argument sans fournir d’explications suffisantes.
159 Troisièmement, la requérante fait valoir que la décision attaquée est insuffisamment motivée s’agissant de la capacité de l’entité issue de la concentration à verrouiller l’accès au contenu de HBO en ce qu’elle n’explique pas pourquoi les différents types de contenu sont substituables et pourquoi une segmentation additionnelle du marché en cause n’était pas appropriée.
160 La Commission, soutenue par les intervenantes, conclut au rejet des arguments de la requérante.
161 Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 166 et jurisprudence citée).
162 Toutefois, l’auteur d’un tel acte n’est pas tenu de prendre position sur des éléments clairement secondaires ou d’anticiper des objections potentielles. De plus, le degré de précision de la motivation d’une décision doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles elle doit intervenir. Ainsi, la Commission ne viole pas son obligation de motivation si, lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration, elle n’inclut pas dans sa décision de motivation précise quant à l’appréciation d’un certain nombre d’aspects de la concentration qui lui semblent manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires pour l’appréciation de cette dernière. Une telle exigence serait en effet difficilement compatible avec l’impératif de célérité et les brefs délais de procédure qui s’imposent à la Commission lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration et qui font partie des circonstances particulières d’une procédure de contrôle de ces opérations (arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 167).
163 À cet égard, s’il est vrai que la Commission n’est pas obligée, dans la motivation des décisions adoptées en application du règlement no 139/2004, de prendre position sur tous les éléments et arguments invoqués devant elle, y compris ceux clairement secondaires pour l’appréciation à livrer, il n’en demeure pas moins qu’elle doit exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. En outre, la motivation doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne (arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169).
164 De plus, il ressort de la jurisprudence que le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant que tel, du moyen pris de l’inexactitude des motifs de la décision, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision (arrêt du 19 juin 2009, Qualcomm/Commission, T‑48/04, EU:T:2009:212, point 175).
165 C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner le quatrième moyen invoqué par la requérante.
166 Premièrement, la requérante fait valoir que la décision attaquée méconnaît l’obligation de motivation en ce qu’elle n’explique pas pourquoi elle n’a pas procédé à une définition plus étroite des marchés pour la fourniture et l’acquisition en gros de chaînes de cinéma et de sport premium payantes.
167 Cet argument ne saurait être accueilli.
168 D’une part, ainsi que cela ressort en particulier des points 72 à 80 ci-dessus, dans la décision attaquée, la Commission a fondé sa conclusion relative à la définition du marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes sportives premium payantes sur diverses considérations. Tout d’abord, les personnes ayant répondu à l’enquête de marché ont indiqué qu’il y avait une série de chaînes de télévision sportives premium payantes qu’ils considéraient tout aussi attractives. Il ressort de la décision attaquée qu’il s’agissait bien de Ziggo Sport Totaal et de Fox Sports, les deux seules chaînes de ce type aux Pays-Bas. Ces chaînes étaient des alternatives pour les fournisseurs au détail de services de télévision, qui pouvaient différencier leurs offres par d’autres moyens. De plus, ces constatations étaient en conformité avec les résultats de l’enquête de marché dans le cadre de la décision Vodafone/Liberty Global. Par ailleurs, Ziggo Sport Totaal et Fox Sports étaient en concurrence pour un contenu similaire.
169 Il convient d’ajouter que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas manqué à son obligation de motivation en n’indiquant pas les raisons pour lesquelles elle n’entérinait pas simplement toutes les réponses à l’enquête de marché. En effet, indépendamment du fait que le considérant 374 de la décision attaquée porte en réalité sur le prétendu caractère indispensable de Ziggo Sport Totaal, et non sur la définition du marché, comme il a été constaté au point 86 ci-dessus, il y a lieu de relever que la Commission indique au considérant 375 qu’il n’y a pas lieu de segmenter davantage le marché pour les raisons déjà explicitées dans la décision attaquée, en particulier le fait que Ziggo Sport Totaal et Fox Sports sont des alternatives.
170 À la lumière de ces considérations, il ne saurait être reproché à la décision attaquée de méconnaître l’obligation de motivation en n’expliquant pas pourquoi elle n’a pas segmenté davantage le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes, compte tenu de la motivation suffisante décrite aux points 168 et 169 ci-dessus, en particulier la substituabilité des chaînes Ziggo Sport Totaal et Fox Sports du côté de la demande, à savoir du point de vue des fournisseurs au détail de services de télévision.
171 D’autre part, s’agissant de la définition du marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de cinéma premium payantes, il convient de relever d’abord que, ainsi que le fait valoir la Commission, la requérante n’a pas soutenu lors de la procédure administrative que ce marché devait être davantage segmenté. Dans ces circonstances, la Commission n’était pas tenue de fournir une motivation spécifique sur cette question. De plus, il y a lieu de relever que HBO Nederland n’existe plus et que la seule chaîne de cinéma premium payante existant aux Pays-Bas est désormais Film1, cédée à Sony. Dès lors, la définition alternative, plus étroite, du marché en cause, telle qu’envisagée par la requérante et au regard de laquelle la Commission aurait violé son obligation de motivation, est loin d’être claire.
172 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier grief.
173 Deuxièmement, il y a lieu de rejeter le grief tiré d’un prétendu défaut de motivation relatif à l’absence de risque de verrouillage des intrants concernant Ziggo Sport Totaal. D’une part, la requérante semble répéter ses critiques relatives à l’absence de motivation concernant la définition du marché pertinent, qui doivent être rejetées pour les raisons indiquées aux points 168 à 170 ci-dessus. D’autre part, et en tout état de cause, force est de constater que la décision attaquée satisfait aux exigences de motivation en ce qu’elle explique l’inexistence d’effets verticaux par l’absence de pouvoir de marché en amont de l’entité issue de l’opération et par l’absence d’effets négatifs significatifs sur la concurrence en aval, ainsi qu’il ressort respectivement des points 117 à 120 et 135 ci-dessus.
174 Troisièmement, il convient de rejeter le grief tiré d’un prétendu défaut de motivation relatif à l’absence de risque de verrouillage des intrants concernant le contenu de HBO. D’une part, la requérante semble répéter ses critiques relatives à l’absence de motivation sur la définition du marché pertinent, qui doivent être rejetées pour les raisons indiquées au point 171 ci-dessus. D’autre part, il y a lieu de constater que la décision attaquée satisfait aux exigences de motivation en ce qu’elle explique l’inexistence d’effets verticaux, notamment par l’absence de pouvoir de marché en amont de l’entité issue de l’opération, ainsi qu’il ressort en particulier du point 150 ci-dessus.
175 Enfin, compte tenu de ce qui précède, force est de constater que les motifs de la décision attaquée ont permis à la requérante de la contester sur le fond et au Tribunal d’exercer son contrôle au regard des premier à troisième moyens, ainsi qu’il ressort des points 48 à 155 ci-dessus. Partant, c’est également pour cette raison que la motivation de la décision attaquée est conforme aux exigences de la jurisprudence rappelée aux points 161 à 164 ci-dessus.
176 Dès lors, le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.
177 En vertu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
178 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et des intervenantes.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) KPN BV est condamnée aux dépens.