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Décisions

Cass. com., 27 janvier 2021, n° 18-21.697

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

3D Plus (SAS)

Défendeur :

Spacekey Europe (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocat général :

M. Douvreleur

Avocats :

SCP Bernard Hémery Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Versailles, 12e ch., sect. 2, du 21 juin…

21 juin 2018

Faits et procédure  

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 juin 2018), la société 3D plus, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de composants électroniques destinés en particulier à l'aérospatiale, estimant que les produits d'un ancien distributeur, la société chinoise Orbita, présentaient des ressemblances résultant de la divulgation de son savoir-faire par d'anciens salariés qui ont constitué la société Spacekey Europe (la société Spacekey), ayant pour activité la distribution de composants et de matériels électroniques, a assigné cette dernière en contrefaçon de ses brevets et concurrence déloyale.

2. Ayant découvert que la société irlandaise OCE technology (la société OCE) distribuait en Europe les produits de la société Orbita, la société 3D plus lui a adressé, le 29 février 2016, une lettre de mise en garde l'informant de ses griefs contre les produits de cette dernière.

3. Reprochant à la société 3D plus d'avoir commis un dénigrement en divulguant l'existence de l'action en justice avant qu'elle ait donné lieu à une décision de justice définitive, la société Spacekey l'a assignée en paiement de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, et sur le second moyen, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société 3D plus fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la société Spacekey une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant d'actes de dénigrement constitutifs de concurrence déloyale commis par elle, avec intérêts au taux légal à compter de sa décision, alors « que les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 et par l'article R. 621-1 du code pénal ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1240 du code civil ; qu'en retenant que les propos contenus dans la lettre de la société 3D plus du 29 février 2016 adressée à la société OCE caractérisaient un acte dénigrement constitutif de concurrence déloyale engageant la responsabilité de la société 3D plus à l'égard de la société Spacekey France sur le fondement de l'article 1240 nouveau du code civil, après avoir pourtant estimé que cette lettre faisait état d'infractions pénales présentées comme établies et avérées commises par d'anciens salariés de la société ayant fondé la société Spacekey France, ce dont il résultait que les prétendues imputations litigieuses étaient constitutives de diffamation, la cour d'appel a violé l'article 1240 (ancien article 1382) du code civil, ensemble les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 et R. 621-1 du code pénal. »

Réponse de la Cour

6. L'arrêt relève d'abord que, dans sa lettre de mise en garde, la société 3D plus indiquait que les produits 3D de la société Orbita étaient le résultat d'informations volées par d'anciens salariés, qu'un procès était en cours contre ces derniers et la société Spacekey qu'ils avaient constituée, que les investigations en cours devaient permettre de confirmer les suspicions de la société 3D plus, ces documents ayant permis à la société Orbita de concevoir ses propres produits 3D et que si aucune décision n'avait encore confirmé ces suspicions, la société OCE se trouvait désormais informée des revendications de la société 3D plus contre les produits 3D de la société Orbita.

7. Il retient ensuite que les propos de la lettre revêtaient une connotation fortement péjorative dès lors qu'ils faisaient état d'infractions pénales commises par d'anciens salariés de la société 3D plus, présentées comme établies et avérées et ayant permis de contrefaire les produits de cette dernière. Il retient également que la mise en garde est exprimée sous la forme d'une critique dépréciante et non dans un but d'information objective, afin de ne pas laisser d'autre choix à son destinataire que celui d'abandonner la diffusion des produits concernés.  

8. De ces constatations et appréciations, faisant ressortir que les allégations et imputations contenues dans la lettre de mise en garde de la société 3D plus, même si elles visaient ses anciens salariés et les sociétés Spacekey et Orbita, n'avaient pour objectif que de porter le discrédit sur les produits 3D de sa concurrente, la cour d'appel a déduit à bon droit que la lettre litigieuse constituait un dénigrement de ces produits, fautif en application de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société 3D plus aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société 3D plus et la condamne à payer à la société Spacekey Europe la somme de 3 000 euros.