Cass. com., 27 janvier 2021, n° 18-21.290
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
M. Aziz, Mme Legru
Défendeur :
Caveau de Castelnau (SAS), Global Expo France (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Darbois
Rapporteur :
Mme Michel-Amsellem
Avocats :
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Delamarre et Jehannin, SCP Thouin-Palat et Boucard
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. Aziz du désistement de son pourvoi.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 septembre 2017), la société Anim'mode production, dirigée par Mme Legru, exploitait, comme la société Global expo France (la société Global), une activité d'organisation de salons, foires et manifestations événementielles dans la région Grand Est.
3. À la suite de la mise en liquidation judiciaire de la société Anim'mode production le 31 mai 2011, M. Aziz a, à partir du 6 juin 2011, commencé à exploiter, sous l'enseigne AM production, une activité identique à celle de cette société et a, dix jours plus tard, embauché Mme Legru en qualité d'animatrice.
4. Soutenant que celui-ci exploitait en réalité l'activité de la société liquidée et se livrait à des actes de concurrence déloyale à son encontre, la société Global l'a assigné en paiement de dommages-intérêts, ainsi que Mme Legru et la société Caveau de Castelnau, cette dernière pour après avoir donné en location à la société Anim'mode production un local en vue de l'organisation d'un salon du mariage les 5 et 6 novembre 2011 et l'avoir mis aux mêmes dates à la disposition de M. Aziz.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Mme Legru fait grief à l'arrêt de la condamner solidairement avec M. Aziz à payer à la société Global une certaine somme au titre de son préjudice moral, alors : « 1°) que la concurrence déloyale est caractérisée par l'existence de manoeuvres déloyales et par la constatation que ces manoeuvres ont créé un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle entre l'auteur des manoeuvres et l'entreprise concurrente victime de la confusion ; qu'en se bornant à relever, pour retenir l'existence d'actes de concurrence déloyale de la part de Mme Legru à l'égard de la société Global expo France, la similitude patente des noms entre l'entreprise AM production et la société Anim mode production, quelques jours après la liquidation de cette dernière société, l'envoi d'un courrier aux commerçants champenois le 23 juin 2011 entretenant l'idée d'une continuité directe entre la société liquidée et l'entreprise AM production, le fait que l'entreprise AM production se présentait sur la page Internet de la société Anim mode production comme étant créée en 1989 et utilisait la même adresse IP, et le constat que les informations transmises par l'entreprise AM production généraient une confusion destinée à accréditer l'idée d'une reprise de l'activité de la société Anim mode production, sans expliquer en quoi cette confusion entre l'entreprise AM production, créée en juin 2011 et ayant cessé son activité en octobre 2011, et la société Anim mode production, société liquidée, constituait un comportement déloyal à l'égard de la société Global expo France, société créée en 2007 et réalisant en 2010 un chiffre d'affaires de 377 831 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du code civil ; 2°) que le parasitisme consiste, pour un acteur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements indépendamment de tout risque de confusion ; qu'en relevant, que Mme Legru, ancienne gérante de la société liquidée Anim mode production, avait transmis à l'entreprise AM production, avant son embauche dans cette dernière entreprise, des informations qu'elle seule pouvait connaître, sans expliquer en quoi la transmission d'informations à une entreprise créée en juin 2011 et ayant cessé son activité en octobre 2011, constituait un comportement déloyal à l'égard de la société Global expo France, société créée en 2007 et réalisant en 2010 un chiffre d'affaires de 377 831 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du code civil ; 3°) que l'action o en concurrence déloyale est une action en responsabilité pour faute prouvée ; qu'en relevant, que M. Alain Legru avait adressé aux commerçants champenois un courrier jetant le discrédit sur la société Global expo France, la cour d'appel qui n'a constaté aucun fait imputable à Mme Legru a violé le principe de la personnalité de la responsabilité civile et les dispositions de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du code civil ; 4°) qu'en vertu du principe de la réparation intégrale, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit; qu'en se bornant à énoncer, pour allouer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts à la société Global expo France au titre du préjudice moral, que le contexte de la concurrence et ses méthodes ont incontestablement eu des répercussions sur la notoriété et la rentabilité de la société Global expo France qui a dû mener de nombreuses démarches, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé l'atteinte concrète à la notoriété et la rentabilité de la société Global expo France et, par conséquent, l'étendue de son préjudice, a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. En premier lieu, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, relève que l'enseigne sous laquelle M. Aziz a choisi d'exploiter son activité quelques jours après la liquidation de la société Anim'mode production est similaire à la dénomination de cette société, que les constats d'huissier de justice dressés les 4 juillet, 30 septembre et 13 octobre 2011 établissent que l'entreprise AM production se présente sur la page Internet de la société Anim'mode production comme ayant été créée en 1989, qu'elle utilise la même adresse IP que celle de la société Anim'mode production et que les informations qu'elle communique sur ce site créent une confusion destinée à accréditer l'idée d'une reprise d'activité de la société liquidée. Il retient que l'entreprise AM production a bénéficié d'informations que seule Mme Legru était en mesure de connaître, et ce, à une date à laquelle elle n'avait pas encore rejoint ses effectifs, M. Aziz ayant ainsi obtenu le transfert, à son profit, des contrats de location antérieurement conclus avec la société liquidée.
7. En l'état des agissements pris d'une habile exploitation d'informations connues de Mme Legru, d'une confusion organisée à dessein entre la société liquidée et la nouvelle entreprise créée par M. Aziz et animée par Mme Legru ainsi que d'une rétention d'informations par cette dernière ayant empêché le rachat des actifs de la société liquidée par la société Global, qu'elle a relevés, dont elle a déduit qu'il leur avait permis de développer le réseau de clientèle de l'entreprise AM production, faisant ressortir que ce développement ne serait pas intervenu sans l'utilisation des manoeuvres constatées, la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, a caractérisé le comportement déloyal de M. Aziz et de Mme Legru, générateur d'une distorsion de concurrence au détriment de la société Global, et a légalement justifié sa décision.
8. En second lieu, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que, dans le contexte de la concurrence sur le marché en cause et de ses méthodes, les fautes décrites ont incontestablement eu des répercussions sur la notoriété et la rentabilité de la société Global, qui a dû mener de nombreuses démarches pour mettre fin à la confusion créée par M. Aziz et Mme Legru, et lui ont nécessairement causé un préjudice moral dont la cour d'appel a apprécié souverainement le montant et justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a fait.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
10. Mme Legru fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts, alors « que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire; que pour rejeter sa demande de dommages-intérêts pour abus de position dominante, la cour d'appel s'est fondée essentiellement sur le fait que l'action en concurrence déloyale à son encontre avait été accueillie ; que, dès lors, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation relatif à la concurrence déloyale emportera, par voie de conséquence, cassation de l'arrêt en ses dispositions relatives à la demande de dommages-intérêts pour abus de position dominante et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
11. Le premier moyen étant rejeté, le second moyen, qui invoque la cassation par voie de conséquence, est sans portée.
PAR CES MOTIFS, la Cour : DONNE acte à M. Aziz du désistement de son pourvoi ; REJETTE le pourvoi.