CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 27 janvier 2021, n° 19/03581
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
2L 73 (SARL), 2L 74 (SARL), 2L Annecy Consulting (SARL), 2L Albertville (SARL), Fiderim (SAS)
Défendeur :
Valoris Développement (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
M. Gilles, Mme Depelley
FAITS ET PROCÉDURE :
La SARL 2L 73 exerce l'activité d'agence de travail temporaire, à Chambéry.
La SARL 2L 74 exerce la même activité à Annecy.
La SASU 2L Annecy Consulting est détenue par la société H2L et exploite l'agence de travail temporaire, 2L Annecy Consulting, située à Annecy.
La société 2L Albertville est détenue par la société H2L et exploite l'agence de travail temporaire, 2L Albertville, située à Chambéry.
M. X était actionnaire majoritaire de la société H2L et actionnaire unique de la société Chagawa, lesquelles détiennent les sociétés 2L 73 et 2L 74.
La société Valoris Développement est un franchiseur qui anime un réseau de plus de 140 agences de travail temporaire sous l'enseigne Temporis.
La société Fidérim, est une entreprise de travail temporaire exploitant un réseau d'agences.
Le 5 décembre 2011, un contrat de franchise (ci-après contrat Annecy) d'une durée de 7 ans est conclu entre la société Valoris, M. X, agissant à titre personnel et la société 2L 74, portant sur l'exploitation sous l'enseigne Temporis de deux agences de travail temporaire à Annecy (Agence 2L 74 et Agence 2L Annecy Consulting).
Début 2014, l'agence Annecy Consulting est confiée en location-gérance à la société 2L Annecy Consulting, société détenue par la société H2L.
Le 2 janvier 2017, un contrat de franchise Temporis (ci-après contrat Chambéry) d'une durée de 7 ans est conclu entre la société Valoris, M. X à titre personnel et la société 2L 73, portant sur l'exploitation de deux agences de travail temporaire sous l'enseigne Temporis, l'une située à Chambéry, l'agence 2L 73 et l'autre à Albertville, l'agence 2L Albertville.
Sans qu'un contrat distinct ait été régularisé, l'agence 2L Albertville est exploitée par la société 2L Albertville détenue par la société H2L.
Par lettre recommandée avec accusé de réception daté du 30 mai 2018, M. X a informé la société Valoris qu'elle avait cédé à la société Fidérim des titres qu'il détenait dans les sociétés H2L et Chagawa.
Début juin 2018, les trois agences d'Annecy, Chambéry et Albertville ont remplacé l'enseigne Temporis par l'enseigne Fidérim.
Par acte extrajudiciaire du 31 juillet 2018, la société Valoris Développement (ci-après « société Valoris ») a assigné M. X, la SARL 2L 73, la SARL 2L 74, la SAS 2L Annecy Consulting, la SARL 2L Albertville et la SAS Fidérim devant le tribunal de commerce de Paris.
C'est dans ces conditions que par jugement du 6 février 2019, le tribunal de commerce de Paris a :
- constaté la résiliation des contrats de franchise qui liaient la société Valoris aux sociétés 2L73 et 2L74, et dit que celle-ci est intervenue le 4 juin 2018 aux torts exclusifs de M. X, et des sociétés 2L73 et 2L74,
- condamné in solidum la SAS Fidérim, M. X et la SARL ZL74 à payer à la SAS Valoris Développement la somme de 46 414,50 euros à titre d'indemnité de résiliation du contrat de franchise Annexy, et débouté pour le surplus de la demande,
- condamné in solidum la SA Fidérim, M. X et la SARL 2L73 à payer à la société Valoris Développement la somme de 300 000 euros à titre d'indemnité de résiliation du contratde franchise Chambéry, et débouté pour le surplus,
- débouté la SAS Valoris Développement « de sa demande de condamner solidairement M. X et la SARL 2L73 la SARL 2L Albertville à payer à la SAS Valoris Développement, sur la somme de 524 510,54 euros, la somme de 259 730,48 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations de franchise »,
- débouté la SAS Valoris Développement « de sa demande de condamner solidairement avec M. X et la SARL 2L 74 la SAS 2L Annecy Consulting à payer à SAS Valoris Développement sur la somme de 102 192,52 euros, la somme de 22 652,63 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations de franchise »,
- condamné in solidum la SAS Fidérim, M. X, les SARL 2L73 et 2L74 à payer à la SAS Valoris Développement la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation de la clause contractuelle de confidentialité et l'obligation de non-divulgation de son savoir-faire, et débouté pour le surplus,
- fait injonction à M. X et aux société 2L 73 et 2L 74 de cesser pendant un an à compter du 4 juin 2018 l'activité d'exploitant d'une agence d'intérim dans la totalité des zones d'exclusivité concédées aux franchisés telles que définies à l'annexe I des deux contrats ;
- assorti cette interdiction d'une astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée à compter du seizième jour après la signification du jugement, et ce pendant une période de 60 jours, à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit, et déboutera pour le surplus de la demande ;
- débouté SAS Valoris Développement de sa demande de condamner SAS Fidérim à lui payer la somme de 150 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- condamné in solidum M. X, les SARL 2L73 et 2L74 et SAS Fidérim à payer à SAS Valoris Développement la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- condamné in solidum M. X, les SARL 2L73 et 2L74 et SAS Fidérim aux dépens de l'instance.
Par déclarations reçues au greffe, d'une part des sociétés 2L.73, 2L.74, 2L. Annecy Consulting, 2L Albertville, Fidérim, le 15 février 2019 et d'autre part, de M. X, le 12 mars 2019, des appels de ce jugement ont été formés.
Le 14 janvier 2020, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux appels.
Vu les dernières conclusions des sociétés 2L73, 2L74, 2L Annecy Consulting, 2L Albertville, Fidérim et de M. X, notifiées et déposées le 21 octobre 2020, demandant à la cour de :
Vu les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
Vu l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la CEDH ;
Vu les articles 1103, 1199, 1240, 1353, 1356, du code civil ;
Vu les articles 9 et 32-1 du code de procédure civile ;
Vu l'article 564 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement rendu le 6 février 2019 par le tribunal de commerce de Paris ;
Et, statuant à nouveau,
- constater que la société Valoris porte la responsabilité de la rupture des relations contractuelles qu'elle a provoqué par son intransigeance dénuée de tout fondement contractuel ;
- constater que la résiliation des contrats de franchise, qui a été actée par les sociétés 2L 73 et 2L74 le 30 mai 2018, est intervenue aux torts exclusifs de la société Valoris ;
- déclarer irrecevables, comme nouvelles en cause d'appel, les demandes de la société Valoris tendant à voir publier la décision de justice à intervenir dans trois journaux de son choix ainsi que sur la première page du site internet de la société Fidérim pendant une durée de six mois ;
- rejeter en tous ses aspects l'appel incident formé par la société Valoris ;
- débouter la société Valoris de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Valoris à payer aux concluants une somme de 50 000 euros au titre d'un abus du droit d'ester en justice ;
- condamner la société Valoris, aux entiers frais et dépens et à payer aux concluants une somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de la société Valoris Développement, notifiées et déposées le 1er août 2019, demandant à la cour de :
Vu l'article 1134 (ancien) du code civil à l'égard de M. X et des sociétés 2L 73 et 2L 74,
Vu l'article 1382 (ancien) du code civil à l'égard de la société Fidérim,
- joindre l'instance d'appel enrôlée sous le numéro de RG 19/03841 à celle enrôlée sous le numéro de RG 19/05281 ;
- dire et juger M. X et les sociétés 2L 73, 2L 74, 2L Annecy Consulting, 2L Albertville et Fidérim mal fondés en leur appel et les en débouter à toutes fins qu'il comporte ;
Statuant sur les demandes de la société Valoris Développement, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- constaté la résiliation des contrats de franchise qui liaient la société Valoris Développement aux sociétés 2L 73 et 2L 74, et dit que celle-ci est intervenue le 4 juin 2018 aux torts exclusifs de M. X, 2L 73 et 2L 74 ;
- dit que la société Fidérim s'est rendue complice de l'ensemble des violations contractuelles et post-contractuelles commises par M. X et les sociétés 2L 73 et 2L 74 et a ainsi engagé sa responsabilité civile délictuelle ;
- condamné in solidum M. X, les sociétés 2L 73, 2L 74 et Fidérim à payer à la société Valoris Développement la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné in solidum M. X, les sociétés 2L 73, 2L 74 et Fidérim aux dépens de première instance ;
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité à la somme de 46 414,50 euros l'indemnité de résiliation du contrat de franchise Annecy et a débouté pour le surplus la société Valoris ;
Elevant ladite indemnité,
- condamner in solidum la société Fidérim, M. X et la société 2L 73 à payer à la société Valoris Développement la somme de 94 891,87 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de franchise du 4 janvier 2017 ;
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité à la somme de 300 000 euros l'indemnité de résiliation du contrat de franchise Chambéry et a débouté pour le surplus la société Valoris ;
Elevant ladite indemnité,
- condamner in solidum la société Fidérim, M. X et la société 2L 73 à payer à la société Valoris Développement la somme de 517 693,95 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de franchise du 4 janvier 2017 ;
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité à la somme de 100 000 euros l'indemnité en réparation de la violation de la clause contractuelle de confidentialité et de l'obligation de non-divulgation de son savoir-faire et a débouté pour le surplus la société Valoris ;
Elevant ladite indemnité,
- condamner in solidum la société Fidérim, M. X, la société 2L 73 et la société 2L 74 à payer à la société Valoris Développement la somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation de la clause contractuelle de confidentialité et de l'obligation de non-divulgation de son savoir-faire,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a fait remonter à la date du 4 juin 2018 l'injonction faite à M. X et aux sociétés 21 73 et 2L 74 de cesser pendant un an l'activité d'exploitant d'une agence d'intérim dans la totalité des zones d'exclusivité concédées aux franchisés telles que définies à l'annexe 1 des deux contrats et a assorti cette injonction d'une astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée et ce, à compter du seizième jour après la signification du jugement et ce pendant une période de 60 jours, à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit ;
- faire injonction à M. X et aux sociétés 2L 73 et 2L 74 d'avoir à cesser pendant un an à compter de la signification de l'arrêt à intervenir l'activité d'exploitant d'une agence d'intérim ;
- assortir cette injonction d'une astreinte de 5 000 euros par jour de retard et par infraction constatée ;
- faire à tout le moins interdiction à M. X et aux sociétés 2L 73 et 2L 74 de poursuivre l'exploitation sous l'enseigne commune Fidérim des agences antérieurement exploitées sous l'enseigne Temporis et ce, pendant un an à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- faire corrélativement interdiction à M. X et aux sociétés 2L 73 et 2L 74 d'adopter une enseigne commune sur l'ensemble des agences qui étaient exploitées sous l'enseigne Temporis ;
- assortir ces interdictions d'une astreinte de 5 000 euros par jour et par infraction constatée ;
Subsidiairement et dans l'hypothèse où le point de départ de l'obligation de non concurrence post-contractuelle resterait fixé à la date du 4 juin 2018, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a assorti l'injonction d'avoir à cesser pendant un an l'activité d'exploitant d'une agence d'intérim dans la totalité des zones d'exclusivité concédées aux franchisés telles que définies à l'annexe 1 des deux contrats d'une astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée et ce, à compter du seizième jour après la signification du jugement et ce pendant une période de 60 jours, à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit ;
- constater que M. X et les sociétés 2L 73 et 2L 74 ont profité du temps écoulé depuis le 4 juin 2018 pour s'exonérer de leur obligation de non concurrence post-contractuelle et sont passés outre l'injonction qui leur avait été faite par les premiers juges d'avoir à cesser l'activité d'exploitant d'une agence d'intérim dans la totalité des zones d'exclusivité concédées aux franchisés telles que définies à l'annexe 1 des deux contrats de même qu'ils ont fait fi de l'ordonnance de référé du 17 avril 2019 ayant rejeté leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire s'agissant de l'interdiction d'activité d'intérim pour la période du 1er mars au 4 juin 2019 ;
- condamner en conséquence in solidum M. X et les sociétés 2L 73 et 2L 74 à payer à la société Valoris Développement la somme de 150 000 euros en réparation de la violation de l'obligation de non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelle ;
- liquider l'astreinte mise à la charge de M. X et ses sociétés 2L 73 et 2L 74 par le tribunal de commerce de Paris ;
- condamner in solidum M. X et les sociétés 2L 73 et 2L 74 à payer à la société Valoris Développement la somme de 240 000 euros au titre de la liquidation de ladite astreinte ;
- Ajoutant au jugement entrepris et à titre de réparation complémentaire, ordonner aux frais des appelants et dans une limite de 6 000 euros l'insertion dans trois journaux au choix de la société Valoris Développement la publication judiciaire suivante : « Par arrêt de la Cour d'Appel de Paris du .............. , la société Fidérim a été condamnée, solidairement avec M. X et les sociétés 2L 73 et 2L 74, ex franchisés du réseau Temporis, à verser des dommages et intérêts à la société Valoris Développement pour violation de la clause contractuelle de confidentialité et de l'obligation de non divulgation de son savoir-faire, M. X et les sociétés 2L 73 et 2L 74 étant en outre condamnés pour violation de l'obligation de non concurrence post-contractuelle que le Tribunal de commerce de Paris, par jugement du 6 février 2019, leur avait enjoint de respecter » ;
- ordonner en outre à la société Fidérim d'avoir à faire figurer sur au moins un quart de la surface de la première page de son site internet accessible à l'adresse www.Fidérim.fr et pendant une durée de 6 (six) mois la même publication judiciaire ;
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Valoris Développement de sa demande de condamnation de la société Fidérim à 150 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
- condamner la société Fidérim à payer à la société Valoris Développement la somme de 150 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
- condamner in solidum la société Fidérim, M. X et les sociétés 2L 73 et 2L 74 à payer à la société Valoris Développement la somme de 30 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- condamner in solidum la société Fidérim, M. X et les sociétés 2L 73 et 2L 74 aux entiers dépens.
SUR CE,
LA COUR,
- Sur l'imputabilité de la résiliation des contrats de franchise
Le tribunal a prononcé la résiliation des contrats de franchise aux torts exclusifs de M. X et des sociétés 2L73 et 2L74, au motif qu'avait été violée la clause figurant à l'article 4.1 des contrats relative à l'intuitus personae et, en particulier, que le fait que M. X et la société Valoris aient signé un contrat dans lequel M. X déclare être l'actionaire principal des sociétés 2L73 et 2L74, alors que c'était faux et que le franchiseur le savait, devait s'interpréter comme la volonté des parties de considérer que le terme « actionnaire principal » utilisé dans le préambule et l'article 4.1 des contrats s'entendait au sens d'actionnaire principal direct ou actionnaire principal indirect, c'est à dire, dans ce dernier cas, par société interposée.
Au contraire, M. X et les sociétés appelantes affirment que la société Valoris Développement a elle-même mis fin aux contrats de franchise qui la liaient aux sociétés 2L 73 et 2L 74, et cela de manière injustifiée. Ils considèrent que l'opération de cession, qui a été réalisée en toute transparence, ne pouvait être interdite sur le fondement d'une clause quelconque des contrats de franchise et qu'elle n'était pas de nature à porter atteinte au prétendu savoir-faire du franchiseur.
Ils soutiennent que seules trois clauses contenues dans les contrats de franchise sont susceptibles de restreindre la liberté du franchisé de disposer de son commerce et qu'elles doivent être interprétées strictement. Ainsi, pour les appelants, les clauses 14.1 et 14.2 relatives au droit d'agrément du franchiseur ne s'appliquent pas à l'opération en cause qui n'est ni une cession isolée du contrat de franchise, ni une cession du fonds de commerce des sociétés franchisées. Pour eux, Il en va de même de la clause 14.3 relative au droit de préemption du franchiseur, puisque l'opération en cause n'est pas une cession de l'agence exploitée par les franchisés. Enfin, l'article 4 relatif au caractère intuitu personae des contrats de franchise, n'interdit pas, selon eux, l'opération contestée dès lors que M. X n'a jamais personnellement détenu la majorité du capital des sociétés franchisées, 2L 73 et 2L 74, laquelle majorité a toujours été détenue par l'interposition de sociétés, dont le capital était détenu conjointement avec M. X, ce dont avait connaissance la société Valoris Développement.
Enfin, M. X et les sociétés appelantes soutiennent que l'opération de cession n'était pas de nature à porter atteinte au prétendu savoir-faire de la société Valoris Développement. Ils soutiennent à cet égard que la société Valoris Développement ne prouve pas avoir mis en place un savoir-faire spécifique, d'autant plus qu'elle a refusé de communiquer sa 'bible' de savoir-faire, ce qui selon eux ne pourrait être justifié par le secret des affaires. Les appelants font observer que l'activité de travail temporaire étant minutieusement réglementées par les articles L.1251-1 et suivants du code du travail, l'enseigne n'a pas de savoir-faire propre. Ainsi, selon eux, tous les acteurs du secteur mettent en avant les mêmes spécificités. Ils ajoutent que les chiffres rapportés par la société Valoris Développement ne démontrent pas que les résultats des franchisés sont liés à son savoir-faire.
Sur ce :
En droit, le changement de contrôle de la société franchisée, personne morale autonome, est sans effet sur le caractère intuitu personae du contrat de franchise, sauf clause contraire.
Or, en l'espèce, les deux contrats de franchise litigieux contiennent les clauses identiques suivantes relatives à l'intuitus personae, étant observé que M. X a pour chacun d'eux agi tant en son nom personnel qu'en sa qualité de gérant de la société franchisée et qu'il est qualifié expressément de « partenaire franchisé de Valoris développement, bénéficiaire de l'intuitu personae » [les passages en caractères gras sont soulignés par la cour] :
4.1 Caractère intuitu personae
Le présent contrat n'a été conclu par le Franchiseur qu'en raison de la personnalité et de la qualité du « Partenaire Franchisé », agissant tant en son nom propre qu'au nom de la société Franchisée qu'il représente en tant que mandataire social et détenteur majoritaire du capital.
Le présent contrat est à ce titre, rigoureusement INTUITU PERSONAE de Monsieur X qui est seul habilité à assurer la direction de la Franchise qui lui est concédée.
En conséquence, le « Partenaire Franchisé » s'engage à diriger personnellement son Agence TEMPORIS et déclare expressément reconnaître que le succès de cette entreprise dépendra directement de son engagement personnel, de même qu'à détenir personnellement la majorité du capital social de la société Franchisée et à être le dirigeant ou représentant légal de celle-ci.
En cas d'incapacité temporaire ou définitive, il appartiendra au Franchisé de faire accepter son remplaçant ou son successeur par le Franchiseur et de lui faire suivre le stage complet de formation initiale d'un Franchisé, et ce, à ses frais.
Le Franchiseur se réserve le droit de refuser l'agrément de ce successeur.
Le présent contrat est, en effet, conclu exclusivement en considération de la personne mentionnée à l'article 1. Il ne peut être procédé au transfert du contrat, à quelque titre que ce soit, sauf en cas de vente du fonds de commerce exploité par le Franchisé dans les conditions ci-après définies.
En cas de dissolution de la société Franchisée, changement de la majorité de la personne morale, mise en location gérance, apport ou cession du fonds de commerce a une autre société, le Franchiseur pourra soit résilier le présent contrat, soit exercer son droit de préemption tel que défini ci-après.
Pour l'exécution des présentes, le Franchisé devra notifier les changements envisagés ci-dessus au Franchiseur, lui demander son agrément et lui donner un mois de réflexion pour faire connaître sa décision, pour laquelle il est précisé que le Franchiseur n'aura pas à donner de justification.
Ce caractère intuitu personae n'est en aucune manière réciproque.
Article 14 - Cession du présent contrat
14.1 Avis et autorisation préalable
Le présent contrat ne peut être cédé ou transféré, à titre onéreux ou gratuit, à des tiers et notamment par l'effet d'une cession du fonds de commerce ou de tout ou partie du capital de la société Franchisée, sans l'autorisation expresse et préalable du Franchiseur.
Pour les besoins du présent contrat, sont notamment considérées comme étant une cession du fonds de commerce les opérations suivantes : modification de l'identité d'un ou des associés ou actionnaires de la société Franchisée, un démembrement de propriété du fonds ou des actions de la société Franchisée, un apport du fonds de commerce à une autre société, une location gérance, ainsi que toute autre opération juridique pouvant affecter la propriété et l'exploitation du fonds de commerce par les personnes.
Cette opération ne peut éventuellement s'effectuer que dans le strict respect des conditions décrites ci-dessous.
14.2 Conditions d'agrément préalable pour la cession de l'agence
L'agrément du Franchiseur devra être donné ou refusé dans un délai maximum de trois mois à compter de la réception de la « notification » qui lui aura été adressée à cet effet, par le Franchisé, en précisant toutes les données et chiffres de son projet de cession.
A défaut de réponse du Franchiseur par « notification », dans ce délai, I'agrément sera réputé acquis et le Franchisé pourra librement procéder à la cession envisagée.
En cas de refus d'agrément, comme en cas de défaut d'information et de notification préalable du Franchiseur par le Franchisé clans les conditions ci-dessus précisées, le Franchisé pourra, soit renoncer à la cession envisagée, soit y procéder, étant précisé que dans cette dernière hypothèse le présent contrat de Franchise serait automatiquement et immédiatement résilié, la résiliation étant dans ce cas imputable au Franchisé et entraînera le paiement des indemnités pour rupture abusive prévues à l'article 15. [...]
14.3 Droit de préemption du Franchiseur
En cas de projet de cession de son ou de ses unités franchisées (le tout étant indivisible) par le Franchisé, le Franchiseur se réserve un droit de préemption prioritaire sur tout tiers enchérisseur de bonne foi.
A dater de la notification du Franchisé, le Franchiseur disposera d'un délai de 30 jours pour notifier son intention de faire valoir son droit de préemption.
En cas de désaccord sur le prix de cession avancé par le Tiers enchérisseur ou à défaut d'offre sérieuse reçue par le Franchisé le prix de la cession sera fixé par un expert nommé par le tribunal de commerce de PARIS.
[...]
En l'espèce, il n'y a pas eu de transfert des contrats de franchise, ni de cession des unités franchisées, dès lors que les sociétés qui les exploitent sont restées les mêmes.
Il résulte en outre de ces dispositions contractuelles que, peu important la circonstance suivant laquelle lors de la conclusion de ces contrats, M. X ne contrôlait qu'indirectement les sociétés 2L73 et 2L 74, et peu important encore que la société Valoris l'ait su ou non lors de la signature des contrats, la perte de ce contrôle indirect, par suite de la cession de titres consentie par M. X à la société Fidérim n'entre pas, sans préjudice des obligations de M. X à titre personnel, dans les prévisions des articles 4 et 14 des contrats litigieux relativement aux obligations des sociétés franchisées, puisqu'il résulte clairement de ces clauses, en particulier, que la définition conventionnelle de la notion de cession de fonds de commerce ne peut comprendre une telle opération.
En effet, cette cession à un tiers des titres représentant le capital des sociétés détenant les parts ou actions des sociétés franchisées ne peut revêtir la qualification :
- ni d'une modification de l'identité d'un ou des associés ou actionnaires de la société franchisée ;
- ni d'un démembrement de propriété du fonds ou des actions de la société franchisée ;
- ni d'un apport du fonds de commerce à une autre société ;
- ni d'une location-gérance ;
- ni d'une opération juridique pouvant affecter la propriété et l'exploitation du fonds de commerce par les personnes.
Sur ce dernier point, l'opération purement capitalistique ayant consisté pour M. X à céder à un tiers ses droits dans les sociétés détenant les sociétés franchisées n'a pas affecté les rapports entre, d'une part, les personnes morales autonomes exploitant les franchises et, d'autre part, les personnes juridiques détenant le capital des sociétés franchisées.
La cour, qui est liée par les dispositions claires et précises des contrats de franchise, ne peut ajouter aux dispositions des contrats déjà analysées une condition non stipulée qui permettrait de prononcer la résolution de ces contrats pour perte du contrôle indirect par M. X des sociétés franchisées.
Cependant, tandis que les clauses déjà analysées des contrats de franchise ne sont pas de nature à justifier la résiliation des contrats aux torts exclusifs des sociétés franchisées, ces mêmes contrats contiennent chacun une clause de non-concurrence pendant le contrat qui, selon la société Valoris, est applicable en l'espèce et conduit à retenir la responsabilité des sociétés franchisées.
Il s'agit de l'article 10.3.2 du contrat du 2 janvier 2017 (Chambéry) et de l'article 10.3.1 du contrat du 5 décembre 2011 (Annecy).
Cette clause se lit ainsi [passage en caractères gras souligné par la cour] :
"Pendant toute la durée d'exécution du présent contrat, le franchisé n'exercera pas directement ou indirectement une activité commerciale similaire, que ce soit en qualité de commerçant ou de salarié, en son nom ou au nom et/ou pour le compte d'autrui et en conséquence ne fournira aucun service concurrent du franchiseur et ne participera pas personnellement ou par personne interposée à la commercialisation de tels services concurrents par un tiers.
De même, le franchisé s'interdit de s'associer, d'adhérer ou de s'affilier directement ou indirectement à toutes entreprises ou chaînes concurrentes ou d'avoir des intérêts dans une entreprise concurrente.
Il s'interdit également de s'impliquer dans une activité similaire ou connexe à la franchise Temporis sans en informer le franchiseur pour accord écrit et préalable.
En cas de refus du franchiseur, le franchisé devra renoncer à son projet, faute de quoi le franchiseur pourra exiger la cessation du contrat et faire valoir ses droits en raison du préjudice subi et sans qu'il soit possible au franchisé d'exiger une quelconque indemnité."
Pour apprécier la responsabilité contractuelle des sociétés franchisées au regard des dispositions contractuelles ci-dessus, il importe de rappeler les faits suivants qui sont établis.
Par lettre recommandée datée du 15 février 2018, M. X, en sa qualité de gérant de la SARL 2L 73, a informé la société Valoris Développement qu'était envisagée la transmission à la SAS Fidérim de la majorité du capital des sociétés H2L et Chagawa, détenant directement et indirectement le capital de la SARL 2L 73, affirmant que cette opération n'engageait pas d'obligation de la part de ce franchisé.
Par lettre recommandée datée du 1er mars 2018, la société Valoris Développement s'est insurgée contre ce projet, faisant défense à M. X de procéder à la cession envisagée, considérant qu'elle était contraire aux obligations contractuelles liant les parties, en ce qu'une telle opération ferait entrer une société concurrente dans le réseau.
Par lettre recommandée datée du 30 mai 2018 et à l'en-tête de la société 2L73, M. X a indiqué répondre à la lettre ci-dessus du 1er mars 2018, reprochant sa position à la société Valoris Développement et notifiant la résiliation du contrat à effet du 1er juin 2018.
Il est également établi que la cession à la société Fidérim des titres des sociétés Chagawa et H2L, emportant l'acquisition par l'acquéreur du contrôle indirect des sociétés franchisées, qui était effective depuis dès avant le 27 janvier 2018, date de l'enregistrement, est bien intervenue en violation des dispositions qui faisaient obligation à M. X de détenir personnellement la majorité du capital social des franchisés.
Or, en présence des obligations contractuelles personnellement souscrites par M. X à l'égard de la société Valoris dans les deux contrats de franchise litigieux, en particulier celle de détenir personnellement la majorité du capital social des sociétés franchisées, peu importe en réalité que le franchiseur ait su qu'en réalité M. X ne disposait que du contrôle indirect de ces sociétés, puisque dans un tel cas, en déclarant qu'il détenait la majorité du capital, il s'est interdit d'opposer au franchiseur toute circonstance purement personnelle de nature à lui faire perdre le contrôle direct des sociétés franchisées.
M. X est donc mal fondé à reprocher à la société Valoris une atteinte injustifiée à son droit de propriété sur les titres qu'il a cédés à la société Fidérim.
En réponse à la lettre de résiliation du 30 mai 2018 déjà mentionnée et dès le 4 juin 2018, la société Valoris a fait notifier par son conseil, aux SARL 2L73 et 2L74, la résiliation des contrats de franchise, aux torts exclusifs des franchisés, pour ruptures unilatérales et fautives des contrats de franchise et violation de l'obligation de non-concurrence.
L'accusé de réception de cette lettre a été signé par la société 2L73 le 8 juin 2018 avec le cachet de la société Fidérim, preuve que l'exploitation des agences dépendant du contrat Chambéry étaient déjà passée sous l'enseigne concurrente de celle de la société Valoris.
Les appelantes reconnaissent elles-mêmes dans leurs conclusions que la lettre de résiliation du 30 mai 2018 a valu en réalité pour les deux sociétés franchisées, à savoir non seulement la société 2L73, mais encore les sociétés 2L74.
La cour retiendra en fait qu'il est établi que l'ensemble des agences dépendant de l'un et l'autre des deux contrats de franchise, qui étaient en cours au début du mois de juin 2018, sont à cette date passées sous l'enseigne Fidérim, concurrente de l'enseigne Temporis.
Il résulte de ce qui précède qu'en présence de la violation caractérisée par M. X de ses obligations contractuelles personnelles à l'égard de la société Valoris non seulement le franchiseur n'a commis aucun manquement contractuel, faute ou abus de droit en refusant le principe de la cession envisagée, mais encore que les sociétés 2L73 et 2L74 ont elle-même rompu unilatéralement leur contrat de franchise, en violant délibérément l'obligation de non-concurrence pendant le contrat.
Il n'est rien prouvé contre la bonne foi de la société Valoris.
C'est pourquoi le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la résiliation des contrats de franchise aux torts exclusifs de M. X et de chacune des sociétés franchisées.
Les demandes des appelants sur ce point seront donc rejetées.
- Sur l'application de la clause de concurrence post-contractuelle
Les dispositions applicables après la résiliation du contrat et restreignant les possibilités d'activité de M. X et des sociétés franchisées figurent aux articles 12.2 et 12.3 des contrats de franchise :
"12.2 Clause de non-affiliation
Pendant l'exécution du contrat de Franchise et pendant les douze mois qui suivront l'expiration ou la rupture du présent contrat pour quelque cause que ce soit et quel que soit l'auteur et l'imputabilité de cette rupture afin de protéger et sauvegarder le savoir-faire du Franchiseur, le Franchisé s'engage sur Ia zone qui Iui a été concédée, sur le(s) département(s) concerne(s) par cette zone, sur les départements Iimitrophes a cette zone et sur les départements Iimitrophes au(x) départements(s) concerné(s) par cette zone :
a) A ne pas s'intéresser ou s'affilier directement ou indirectement à quelque titre que ce soit (salarié, dirigeant, associé, Franchisé, partenaire...) à un Réseau exerçant Ia même activité ou une activité concurrente du Concept TEMPORIS.
b) A ne pas commercialiser directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, de quelque manière que ce soit et notamment par Ia recherche de Master Franchises, Franchises, partenaires, un Concept semblable ou similaire ou concurrent de celui développé par le Franchiseur de TEMPORIS.
Cette obligation n'est assortie d'aucun droit à indemnité au profit du Franchisé et s'applique au territoire géographique tel qu'il est défini ci-dessus dans le présent article.
Elle s’applique à la société Franchisée mais également à la personne désignée à titre personnel et intervenue aux présentes et à tous Ies associés actuels ou à venir du Franchisé.
12.3 Clause de non-concurrence
Le Franchisé qui, pendant la durée du présent contrat. a bénéficié d'un savoir-faire et d'une assistance de la part de son Franchiseur, s'interdit, pendant une durée d'un an qui suivra l'expiration ou la rupture du présent contrat, pour quelque cause que ce soit :
- de conclure tout contrat de Franchise, convention ou accord, de s'affilier, d'adhérer, de participer directement ou indirectement à une organisation, un groupement, une association, un Réseau ou autre structure de coopération comparable au Réseau Temporis,
- de créer un Réseau concurrent du Réseau Temporis,
- de vendre sa société a un Réseau concurrent du Réseau Temporis.
En outre et afin de préserver le savoir-faire, la réputation, l'identité commune et l'image de marque Temporis, le Franchisé s'interdit de poursuivre l'activité de services d'interim et ce, pendant une durée d'une année à compter de Ia cessation des relations contractuelles.
Cette obligation n'est assortie d'aucun droit à indemnité au profit du Franchisé et s'applique au territoire géographique exclusif concédé au Franchisé et tel que déterminé dans l'annexe 1.
Elle s'applique à la société Franchisée mais également à la personne désignée à titre personnel et intervenue aux présentes et a tous les associés actuels ou à venir du Franchisé.
[...]"
C'est par de justes motifs que la Cour adopte que le tribunal de commerce a dit inapplicables en l'espèce les dispositions de l'article L. 341-2 du code de commerce issues de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, au motif qu'une agence de travail temporaire n'est manifestement pas susceptible de renter dans les prévisions du législateur au titre des commerces de détail qui sont les seuls visés par ce texte.
Le tribunal doit encore être approuvé d'avoir retenu que les dispositions ci-dessus étaient valables en tant que clauses de non-concurrence, dès lors que nonobstant le refus de la société Valoris de produire sa « bible » de savoir-faire, ce savoir-faire, tel qu'il apparaît dans les annexes 2 et 3 des contrats de franchise, renvoyant pour cette dernière au manuel opératoire du savoir-faire accessible aux franchisés sur internet, tel qu'il a justifié les nombreuses formations proposées et suivies par M. X et le personnel des franchisés, et tel qu'il a permis le succès de ce réseau, était substantiel, spécifique et secret.
Le tribunal a également considéré à juste raison que ces clauses ne portent pas une atteinte excessive aux libertés des débiteurs, qu'elles sont suffisamment limitées dans le temps et l'espace et quant à l'activité. Les moyens soutenus par les appelants qui affirment notamment que, d'une manière générale, les entreprises de travail temporaire n'ont aucun savoir-faire spécifique en raison de l'encadrement de leur activité par la loi ne sont nullement fondés et ne sont étayés par aucune justification complémentaire utile et il n'est pas nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.
La cour ajoute à ces justes motifs que les appelants ne sont pas bien fondés à soutenir que les obligations ne seraient pas justifiées en présence des clauses figurant aux articles 12 et 15 des contrats de franchise, savoir, d'une part, la clause de confidentialité de l'article 12.1 , qui ne régit que les obligations du franchisé et du partenaire franchisé à l'égard des tiers et, d'autre part, les obligations du franchisé en fin de contrat de l'article 15, qui ne régit que la fin des droits à l'enseigne et aux signes de la marque.
La prise en considération des obligations des articles 12.1 et 15 des contrats de franchise, dont l'objet est différent des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation déjà analysées, ne les privent pas de leur justification.
- Sur la condamnation de la société Fidérim en qualité de tiers complice
Il ne peut être déduit en l'espèce de la seule acquisition des titres de M. X par la société Fidérim que celle-ci a eu connaissance des obligations contractuelles du cessionnaire ou des sociétés franchisées et que, par conséquent, elle serait obligée à réparation en temps que tiers complice.
Or, la société Valoris n'invoque à cet égard que des indices insuffisamment probants tirés, soit de la seule existence de l'opération même de cession de titres, soit des mentions sur un site internet dont M. X est le titulaire, affirmant que seule la permission de la société Fidérim peut l'expliquer, ce sans justifier en quoi cela démontrerait la connaissance des obligations contractuelles litigieuses.
Faute d'indice suffisamment grave et précis, la société Fidérim ne peut être condamnée en tant que tiers complice et le jugement entrepris sera réformé de ce chef.
Cependant, la demande de la société Valoris contre la société Fidérim n'est nullement abusive.
- Sur la réparation pécuniaire des préjudices de la société Valoris évaluée par les premiers juges
S'agissant de l'indemnité pour violation de la clause contractuelle de confidentialité et de l'obligation de non-divulgation de son savoir-faire, le tribunal a alloué une somme de 100 000 euros à ce titre, aux motifs que dès lors que la cession de titres litigieuses avait eu lieu pendant la période contractuelle ce qui faisait présumer que l'acquéreur avait bénéficié de la violation de la clause de confidentialité en s'informant nécessairement des méthodes et du savoir-faire du franchiseur.
Toutefois, alors que le préjudice indemnisable doit être certain, la date de la cession des titres des sociétés contrôlant les sociétés franchisées, lesquelles sont autonomes, n'est pas un indice suffisamment grave permettant de présumer de la violation de la clause de confidentialité.
Faute de preuve de la réalité de ce préjudice, aucune somme ne sera allouée à ce titre, le jugement devant être réformé de ce chef.
S'agissant des indemnités pour résiliation anticipée des contrats de franchise aux torts des franchisé, ces contrats prévoient chacun, à titre de clause pénale, une somme égale à la moyenne des 12 dernières redevances mensuelles payées par le franchisé, multipliée par 12 mois et par le nombre d'années restant à courir jusqu'au terme normal du contrat, cette somme ne pouvant en tout état de cause être inférieure à la somme des redevances minimales dues jusqu'à la fin du contrat.
Dans le cas du contrat Chambéry, celui de la société 2L73, comprenant les agences Temporis de Chambéry et Albertville, peu important les aménagements propres au franchiseur et inopposables au franchisé aux termes desquels l'exploitation a été assurée également par la société 2L Albertville, le Tribunal a retenu que cette clause était manifestement excessive et devait être réduite, la durée restant à courir pour ce contrat du 2 janvier 2017 étant de 67 mois compte tenu du terme normal, au motif d'une part qu'il ne fallait pas une telle durée pour retrouver un autre franchisé, d'autre part que le franchiseur n'aura pas à supporter les coûts correspondants au contrat, notamment ceux de l'obligation d'assistance du franchisé et de formation continue.
Toutefois, la cour considère au contraire, d'une part, que la société Valoris va devoir exposer de nouveaux frais pour réimplanter son enseigne dans les villes de Chambéry et Albertville et, d'autre part, que rien n'indique avec évidence qu'il faille moins de 67 mois pour retrouver une autre implantation dans ces mêmes villes.
Par conséquent, rien ne permet de retenir en l'espèce que la durée de 67 mois servant de base au calcul de l'indemnité due au titre de la clause pénale soit manifestement excessive.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a réduit cette clause pénale.
Cela étant, le calcul de cette indemnité avant réduction opéré par le Tribunal, aboutissant à la somme de 516.922,42 euros, qui n'est pas valablement contesté sera confirmé, alors que la société Valoris se prévaut d'un montant très légèrement supérieur sans pour autant produire les factures justifiant son propre calcul.
Dans le cas du contrat Annecy, soit de la société 2L74, comprenant les agences exploitées par la société 2L Annecy Consulting aux terme d'un aménagement propre au franchisé inopposable au franchiseur, il est exact, ainsi que le soutient la société Valoris que si le contrat du 5 décembre 2011 a prévu une durée de 7 ans à compter de la date de signature sans tacite reconduction et avec terme extinctif, l'avenant signé le même jour repousse la date d'entrée en vigueur au 9 juin 2012, soit un terme normal au 9 juin 2019, de sorte qu'à la résiliation du 4 juin 2018 il restait 12 mois jusqu'au terme normal, et non 6. le jugement sera donc réformé sur ce point.
Sur la base de la moyenne des redevances calculée par le Tribunal et non valablement combattue, soit 7 735,75 euros, la somme de 92 829 euros sera allouée.
S'agissant des débiteurs de ces indemnités de résiliation, elles sont de nature contractuelle de sorte que seul le débiteur désigné par le contrat y est obligé, sauf le tiers qui par sa faute personnelle y aurait contribué.
Or, si chaque franchisé est responsable de sa propre résiliation fautive, à savoir la société 2L73 pour le contrat Chambéry et la société 2L74 pour le contrat Annecy, et si les manquements contractuels de M. X à l'occasion de la cession des titres litigieuse n'ont pas causé les résiliations, puisque celles-ci sont la conséquence de la décision, imputable à chacun des franchisés, d'exploiter les agences comprises dans son contrat sous une nouvelle enseigne, il n'en demeure pas moins que le fait pour M. X d'avoir, dans le cadre de ses fonctions de dirigeant social, entraîné les sociétés franchisées à commettre une violation manifeste de l'obligation de non concurrence en décidant, en cours de contrat, de quitter le réseau Valoris pour exploiter les agences en les affiliant à un réseau concurrent - cette décision ayant été motivée par l'appât du gain constitué par le prix de cession des titres d'un montant de 1 246 248 euros pour ceux de la société Chagawa et de 3 755 000 euros pour ceux de la société H2L - caractérise une faute d'une particulière gravité séparable des fonctions de dirigeant social.
Pour autant, les sociétés 2L73 et 2L74 ne sauraient chacune être déclarées responsables in solidum des manquements de l'autre.
C'est pourquoi la cour, réformant le jugement entrepris sur ce point, condamnera chaque société franchisée à hauteur de l'indemnité prévue par le contrat de franchise dont elle est titulaire, M. X étant tenu in solidum de ces condamnations.
La cour ajoute que, bien que M. X ne soit pas contractuellement obligé par la clause pénale, les indemnités déjà calculées sur la base des redevances restant à courir jusqu'au terme normal de chaque contrat constituent sans l'excéder le préjudice subi par sa faute par le franchiseur. Il doit donc être condamné in solidum avec chaque franchisé à hauteur de la totalité des sommes allouées.
- S'agissant de la réparation en nature des préjudices de la société Valoris
Alors que la société Valoris demande la réformation du jugement en ce qu'il a fait remonter à la date du 4 juin 2018 l'injonction faite à M. X et aux deux sociétés franchisées de cesser leur activité pendant un an dans les conditions de la clause de non concurrence post-contractuelle déjà mentionnée, ce pour faire partir l'interdiction de la signification du présent arrêt, la Cour considère que ce serait aller au-delà des prévisions du contrat qui définit et renferme la sanction et que, par conséquent, il ne peut y être fait droit.
La société Valoris ne peut non plus valablement demander, en l'absence de fondement contractuel, ni l'interdiction pendant un an de poursuivre sous l'enseigne Fidérim l'exploitation des agences qui étaient auparavant exploitées sus l'enseigne Temporis, ni l'interdiction d'exploiter ces agences sous une enseigne commune.
Il n'apparaît en outre pas nécessaire d'augmenter l'astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée prononcée par les premiers juges, de sorte que la demande sur ce point de la société Valoris sera également rejetée, étant observé que le prononcé d'une astreinte est bien nécessaire en l'espèce et doit être confirmé.
Le jugement sera donc confirmé quant à l'injonction prononcée sous astreinte.
S'agissant de la liquidation de l'astreinte, les débats seront rouverts pour explication des parties sur le moyen relevé d'office de l'article L131-3 du code des procédures civiles d'exécution qui énonce que l'astreinte, même définitiven est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir.
- Sur les demandes indemnitaires nouvelles en appel
Il est établi par les constats d'huissier produits et les circonstances de la cause que les sociétés franchisées et M. X sont passées outre l'injonction prononcée par les premiers juges pour faire respecter l'obligation de non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelle.
Cette situation préjudiciable et nouvelle depuis le jugement entrepris autorise la société Valoris à former une demande d'indemnisation pour la première fois devant la cour.
En réparation de ce préjudice nouveau, la cour estime que le préjudice subi par la société Valoris est établi et doit être réparé par l'allocation de dommages-intérêts, à la charge de M. X et de la société 2L73 d'une part, et de M. X et de la société 2L74, d'autre part, les deux codébiteurs étant dans chaque cas tenus in solidum, pour avoir ensemble concouru au dommage par leur manquement.
Cependant, si le principe de ce préjudice est certain, dès lors que les opérations de la société Valoris pour se réimplanter sur place ont été gênées par ces violations, puisqu'il est établi que les agences sont restées actives entre le 1er mars 2019 et le 4 juin 2019, les montants importants réclamés par la société Valoris sont insuffisamment étayés, c'est pourquoi la Cour allouera une somme de 20 000 euros seulement dans le cas de chacun des contrats de franchise, somme qui ne peut excéder le préjudice réellement subi.
La demande de publication nouvelle en appel, qui tend à la même fin que les demandes de première instance, est recevable.
Toutefois, une telle publication n'est nullement nécessaire à la réparation des préjudices subis par la société Valoris, de sorte qu'elle sera rejetée.
- Sur les frais et dépens
Si chacune des parties succombe partiellement en appel, il résulte néanmoins du présent arrêt que les sociétés 2L73, 2L74 et M. X perdent le procès.
Ces parties seront condamnées in solidum aux dépens ainsi qu'au versement à la société Valoris d'une somme complémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile telle que précisée au dispositif du présent arrêt.
En équité, la société Fidérim sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Statuant dans les limites de l'appel,
RÉFORME le jugement entrepris, mais seulement en ce que :
- il a condamné la société Fidérim à payer à la société Valoris les sommes de 46 414,50 euros, de 300 000 euros, de 100 000 euros, de 30 000 euros s'agissant de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens,
- il a condamné in solidum la société Fidérim, M. X et les sociétés 2L73 et 2L74 à payer à la société Valoris une somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la violation de la clause contractuelle de confidentialité et de l'obligation de non-divulgation de son savoir-faire,
- il a condamné la sociétés 2L73 à payer à la société Valoris une certaine somme à titre d'indemnité de résiliation du contrat de franchise Annecy et en ce qu'il a limité l'indemnité à ce titre mise à charge de M. X et la société 2L74 tenus in solidum à la somme de 46 414,50 euros,
- il a condamné la société 2L74 à payer à la société Valoris une certaine somme à titre d'indemnité de résiliation du contrat de franchise Chambéry et en ce qu'il a limité l'indemnité à ce titre mise à charge de M. X et la société 2L73 tenus in solidum à 300 000 euros, après réduction de la clause pénale,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
DÉBOUTE la société Valoris de ces demandes contre la société Fidérim,
DÉBOUTE la société Valoris de ses demandes de dommages-intérêts au titre de la clause de confidentialité et de l'obligation de non-divulgation de son savoir-faire,
CONDAMNE in solidum M. X et la société 2L73 à payer à la société Valoris une somme de 516 922,42 euros euros à titre d'indemnité de résiliation du contrat de franchise Annecy,
CONDAMNE in solidum M. X et la société 2L74 à payer à la société Valoris une somme de 92 829 euros à titre d'indemnité de résiliation du contrat de franchise Chambéry,
Pour le surplus et y ajoutant,
CONFIRME le jugement entrepris,
CONDAMNE in solidum M. X et la société 2L73 à payer à la société Valoris une somme de 20 000 euros au titre du préjudice né de la violation postérieure au jugement entrepris de l'obligation de non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelle,
CONDAMNE in solidum M. X et la société 2L74 à payer à la société Valoris une somme de 20 000 euros au titre du préjudice né de la violation postérieure au jugement entrepris de l'obligation de non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelle,
CONDAMNE in solidum M. X, la société 2L73 et la société 2L74 à payer à la société Valoris, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum M. X, la société 2L73 et la société 2L74 aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
ROUVRE les débats à l'audience du mardi 30 mars 2021 à 14 heures (Salle Pothier, escalier Z, 4ème étage) sur le moyen soulevé d'office pris de l'article L.131-3 du code des procédures civiles d'exécution s'agissant de la demande en liquidation d'astreinte, et sursoit à statuer sur cette demande dans cette attente,
REJETTE toute autre demande.