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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 28 janvier 2021, n° 19/20288

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Geodis RT Netherlands BV (Sté)

Défendeur :

Transports Liotier (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Lignières

T. com. Lyon, du 21 avr. 2015

21 avril 2015

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Transports Liotier SARL exerce l'activité de transports frigorifiques de produits.

La société Geodis RT Netherlands B.V exerce une activité de transport à la demande, de gestion des flux de marchandises en direct ou par l'intermédiaire de plateformes, organise des tournées de distribution inter sites et possède également une branche d'activité dédiée aux transports spécialisés.

Au mois de septembre 2010, la société Geodis BM Chimie Grenoble s'est rapprochée de la société Transports Liotier SARL pour assurer la livraison hebdomadaire d'un produit chimique dit « Ad Blue » pour le compte de la société Greenchem, qui recourt aux services de la société Geodis BM pour sa livraison.

A partir de mars 2012, la société Greenchem a confié l'organisation du transport du produit à l'agence Geodis BM Netherlands, en Hollande. La société Geodis BM Netherlands, en Hollande a proposé à la société Transports Liotier SARL, par mail du 23 mars 2012, le démarrage d'un second camion pour la livraison du produit, puis d'un troisième camion à partir du 23 juillet 2012. Aucun contrat écrit n'a été signé entre les parties.

Par courrier du 24 avril 2013, la société Transports Liotier SARL a indiqué à la société Geodis RT Netherlands B.V les difficultés financières qu'elle rencontrait et lui a rappelé les sommes dont elle lui était redevable afin d'en obtenir le paiement.

Par courrier électronique du 31 mai 2013 émanant de la société Geodis RT Netherlands B.V, la société Transports Liotier SARL a été informée de l'arrêt immédiat de la collaboration avec elle.

Par lettre du 25 juillet 2013, la société Transports Liotier SARL a mis en demeure la société Geodis RT Netherlands B.V d'avoir à lui payer la somme de 34 153,17 euros au titre d'une facture du 31 mai 2013 demeurée impayée.

Par jugement du 31 juillet 2013, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Transport L. SARL désignant la SELARL AJ Partenaires en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL MJ Synergie en qualité de mandataire judiciaire.

Par requête présentée au président du tribunal de commerce de Lyon du 2 juin 2014, la société Transports Liotier SARL et les organes de la procédure ont sollicité l'autorisation d'assigner à bref délai devant ledit tribunal la Geodis RT Netherlands B.V pour rupture brutale. Cette autorisation leur a été octroyée selon ordonnance du président du tribunal de commerce de Lyon du 10 juin 2014. Dans ces conditions, la société Transports Liotier SARL, la SELARL AJ Partenaires et la SELARL MJ Synergie ont fait assigner la société Geodis RT Netherlands B.V devant le tribunal de commerce de Lyon pour rupture brutale et pour obtenir une indemnisation en raison de cette rupture.

Par jugement du 21 avril 2015, le tribunal de commerce de Lyon a :

- dit que la prescription annale tirée des dispositions de l'article L. 113-6 du code de commerce n'a pas vocation à s'appliquer à la demande formée par la société Transports Liotier SARL sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, I, alinéa 5, du code de commerce ;

- dit brutale la rupture de la relation commerciale établie entre la société Transports Liotier SARL et Geodis RT Netherlands B.V ;

- condamné la société Geodis RT Netherlands B.V à payer à la société Transports Liotier SARL la somme de 127 235,32 euros ;

- condamné la société Geodis RT Netherlands B.V à payer à la société Transports Liotier SARL la somme retenue par le juge commissaire, une fois connue, et relative à la déclaration de créance de la société NATIXIS LEASE ;

-condamné la société Geodis RT Netherlands B.V à payer à la société Transports Liotier SARL la somme de 4 219,30 euros ;

- condamné la société Geodis RT Netherlands B.V à payer à la société Transports Liotier SARL la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

- condamne la société Geodis RT Netherlands B.V aux entiers dépens de la présente instance ;

- les dépens visés à l'article 701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 127,92 euros.

Par déclaration du 26 mai 2015, la société Geodis RT Netherlands B.V a interjeté appel contre cette décision.

Par arrêt du 2 mars 2017, la cour d'appel de Paris a :

- confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé à six mois la durée du préavis et fixé le point de départ de celui-ci au 30 mars 2013, et sauf en ce qu'il a condamné la société Geodis RT Netherlands B.V à payer à la société Transports Liotier SARL la somme de 127.235,32 euros et condamné la société Geodis RT Netherlands B.V à payer à la société Transports Liotier SARL la somme retenue par le juge commissaire, une fois connue, et relative à la déclaration de créance de la société Natixis Lease,

Statuant à nouveau sur ces points,

- fixé à quatre mois la durée du préavis,

- dit que la rupture a pris effet le 31 mai 2013,

- condamné la société Geodis RT Netherlands B.V à payer à la société Transports Liotier SARL les sommes de :

57 362 euros au titre du préavis,

60 724,87 euros au titre des pertes d'investissements pour les véhicules,

9 830 euros au titre des pertes d'investissements pour les compresseurs,

Déboute la société Transports Liotier SARL de sa demande d'indemnisation pour les frais liés à la restructuration de la société,

Y ajoutant,

- condamné la société Geodis RT Netherlands B.V à payer à la société Transports Liotier SARL et à la SELARL AJ Partenaire, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné aux dépens qui pourront être recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la SELARL Sevellec D. Cresson & Associés, Avocat.

La société Geodis RT Netherlands B.V a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt du 25 septembre 2019, la Cour de cassation a, au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, 8, II de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs (LOTI) et 12,2 du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises (approuvé par décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003) :

- cassé et annulé, sauf en ce que, confirmant le jugement entrepris, il déclare l'action non prescrite, l'arrêt rendu le 2 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

- remis en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

- condamné la société Transports Liotier SARL aux dépens ;

- rejeté la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Au motif que « Attendu que pour statuer sur la demande fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, l'arrêt retient que si le contrat type de sous-traitance peut servir de contrat-cadre dans la relation avec un transporteur, il ne s'impose pas et revêt tout au plus un caractère supplétif ; Qu'en statuant ainsi, tout en relevant qu'aucun contrat écrit n'avait été signé entre les parties, ce dont il résultait que leurs relations contractuelles étaient régies par le contrat type et qu'était exclue l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ; ».

Par déclaration du 25 octobre 2019, la société Geodis RT Netherlands B.V a saisi la cour d'appel de Paris du renvoi aux fins d'obtenir, suite à l'arrêt rendu par la Cour de cassation :

« La réformation du jugement en ce qu'il :

- dit brutale la rupture de la relation commerciale établie entre la société Transport L. et Geodis BM Netherlands ;

- condamne la société Geodis BM Netherlands à payer à la société Transport L. la somme de 127 235,32 euros ;

- condamne la société Geodis BM Netherlands à payer à la société Transports Liotier la somme retenue par le juge commissaire, une fois connue, et relative à la déclaration de créance de la société Natixis Lease ;

- condamne la société Geodis BM Netherlands à payer à la société Transport L. la somme de 4 219,30 euros ;

- condamne la société Geodis BM Netherlands à payer à la société Transport L. la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

- condamne la société Geodis BM Netherlands aux entiers dépens de la présente instance ;

- les dépens visés à l'article 701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 127,92 euros.

Plus généralement, l'appel porte sur toutes dispositions non visées au dispositif et faisant grief à l'appelante, selon les moyens qui seront développés dans ses conclusions. »

Par conclusions notifiées le 28 novembre 2019 par le RPVA, la société Geodis RT Netherlands B.V, demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Vu l'article L. 133-6 alinéa 2 du code de commerce,

- dire et juger la société Transports Liotier SARL prescrite en sa demande de paiement de factures,

- juger la société Transports Liotier SARL irrecevable en ses demandes fondées sur l'article L. 442-6 du code de commerce,

- débouter la société Transports Liotier SARL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Transports Liotier SARL et la SELARL AJ Partenaires en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Transports Liotier SARL à payer la somme de 6 000 euros à la société Geodis RT Netherlands B.V (anciennement Geodis BM Netherlands BV) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Transports Liotier SARL et la SELARL AJ Partenaires en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Transports Liotier SARL aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- dire que les dépens d'appel pourront être directement recouvrés par la SELARL Lexavoue Paris-Versailles, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 6 février 2020, la société Transports Liotier SARL et la SELARL AJ partenaires en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de ladite société, demandent à la cour :

Vu les articles 1134, 1147 et 1315 du code civil dans leur rédaction applicable au présent litige,

Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 25 septembre 2019,

Vu les pièces versées au débat,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 21 avril 2015 en ce qu'il a condamné la société Geodis RT Netherlands B.V à payer à la société Transports Liotier les sommes suivantes :

- 60 724,87 euros au titre de la revente des camions acquis pour les besoins de l'activité Geodis RT Netherlands B.V,

- 9 830 euros au titre des frais d'installation des compresseurs sur les camions destinés aux transports pour le compte de la société Geodis RT Netherlands B.V,

- 4 219,30 euros au titre du solde de la facture de la société Transports Liotier SARL,

- l'infirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la rupture du contrat conclu avec la société Transports Liotier SARL par la société Geodis RT Netherlands B.V est abusive,

- condamner la société Geodis RT Netherlands B.V à verser à la société Transports Liotier SARL, en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive de leur contrat, les sommes suivantes :

- 153 945,60 euros équivalent à la marge brute générée par les prestations pour la société Geodis RT Netherlands B.V pour une durée de 6 mois, délai que cette dernière aurait dû normalement respecter,

Et subsidiairement,

Si la cour estime que le préavis aurait dû être d'une durée de 3 mois,

- à la somme de 76 972,80 euros,

- 85 000 euros équivalent aux frais liés à la réorganisation et la restructuration de la société Transports Liotier SARL ;

- condamner la société Geodis RT Netherlands B.V à verser à la société Transports Liotier SARL et à la SELARL AJ Partenaires, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, la somme de 5 000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL Sevellec D. Cresson & Associés, Avocat sur son affirmation de droit.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 juillet 2020.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la rupture des relations commerciales établies

La société Geodis fait valoir que la relation entre les parties est exclusivement régie par le contrat-type de sous-traitance et l'article L. 442-6 du code de commerce relatif à la rupture abusive de relations commerciales établies, est inapplicable à la rupture d'un contrat de sous-traitance de transport, que la société Transports Liotier a bénéficié de 5 mois de préavis et qu'elle n'était plus en mesure de réaliser les prestations, ayant licencié les personnes les effectuant, que la société Transports Liotier a refusé les trafics de substitution qu'elle lui a proposés, considérant que les prix ne seraient pas suffisants.

La société Transports Liotier réplique que :

- la société Geodis BM a mis fin aux relations par un simple courriel, du jour au lendemain, alors même que le contrat type prévoit l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception ;

- aucun préavis n'a été respecté en dépit de la bonne exécution de ses obligations par la société Transports Liotier ;

- la résiliation du contrat est intervenue de manière totalement soudaine et imprévisible alors même qu'elle avait toutes les raisons de penser que les relations contractuelles se poursuivraient normalement avec la société Geodis ;

- le juge du fond conserve son pouvoir d'appréciation pour déterminer si la durée du préavis, au regard des circonstances de l'espèce qui lui est soumise, le préavis d'une durée de 3 mois prévu par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 étant un délai de référence que le juge du fond est libre d'augmenter eu égard aux circonstances de la rupture ;

- Sur les cinq derniers mois (c'est-à-dire pour l'année 2013), le chiffre d'affaires mensuel a atteint 35 593,40 euros HT, soit 10% du chiffre d'affaires total de la société Transports Liotier.

Les dispositions de l'article L. 442 6, I, 5° du code de commerce qui instaure une responsabilité de nature délictuelle, ne s'appliquent pas dans le cadre des relations commerciales nées de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, lorsque le contrat type, qui prévoit la durée des préavis de rupture régit, faute de dispositions contractuelles, les rapports du sous-traitant et de l'opérateur de transport.

En l'espèce, il est constant que les parties étaient en relations contractuelles de sous-traitance de transport et qu'aucun contrat n'a été signé entre les parties.

En conséquence, le contrat-type, institué par la Loti régit la rupture entre les parties, faute de dispositions contractuelles, s'agissant de rapports entre un sous-traitant et un opérateur de transport.

Ainsi l'article 12.2 du décret 2003-1295 du 26 décembre 2003 qui est applicable en l'espèce prévoit que « Le contrat de sous-traitance à durée indéterminée peut être résilié par l'une ou l'autre partie par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis d'un mois quand le temps déjà écoulé depuis le début d'exécution du contrat n'est pas supérieur à six mois. Le préavis est porté à deux mois quand ce temps est supérieur à six mois et inférieur à un an. Le préavis à respecter est de trois mois quand la durée de la relation est d'un an et plus.

12.3. Pendant la période de préavis, les parties s'engagent à maintenir l'économie du contrat.

12.4. En cas de manquements graves ou répétés de l'une des parties à ses obligations, l'autre partie peut mettre fin au contrat, qu'il soit à durée déterminée ou indéterminée, sans préavis ni indemnités. »

Par courriel en date du 21 septembre 2010, la société Geodis a transmis à la société Transports Liotier les conditions tarifaires de 0,36 euros/km et 35 euros de l'heure pour les différentes tournées à effectuer par un seul tracteur.

Le 31 mai 2013, la société Transports Liotier a été destinataire d'un courriel de la société Geodis BM rédigé ainsi :

« Bonjour Monsieur Liotier,

Comme convenu le travail s'arrête à partir d'aujourd'hui et les chauffeurs Bruno, Pascal et José vont travailler avec d'autres transporteurs.

Je vous remercie pour notre agréable collaboration et peut être à une prochaine fois ! ».

Il résulte de ces pièces que la relation entre les parties a duré deux ans et huit mois. En conséquence, la société Transports Liotier peut prétendre bénéficier d'un préavis de 3 mois mais pas davantage. Il ne peut être tenu compte des circonstances de la rupture ni d'un éventuel état de dépendance pour lui allouer un préavis plus long.

Les termes du courriel adressé le 31 mai 2013 par la société Geodis à la société Transports Liotier démontre sa volonté de mettre fin à la relation commerciale.

Il n'est pas invoqué l'existence de manquements graves de la société Transports Liotier dans l'exécution du contrat.

La société Geodis fait valoir qu'elle a proposé des prestations de remplacement à sa cocontractante mais elle ne justifie pas avoir offert des prestations équivalentes, la société Transports Liotier se plaignant que les propositions étaient inférieures en prix de 40 % à celles qui avaient été supprimées.

Le fait que par courriel du 5 juin 2013, la société Geodis ait présenté à la société Transports Liotier une proposition de tarifs de transport sur laquelle les parties ne sont pas parvenues à un accord ne permet pas de retenir que la société Transports Liotier est l'auteur de la rupture alors même que celle-ci a été notifiée expressément par la société Geodis à sa cocontractante par courriel du 31 mai 2013.

Le fait que les trois chauffeurs affectés à la prestation aient démissionné ne justifiaient pas la résiliation du contrat, la société Transports Liotier n'ayant pas signifié qu'elle ne disposait plus des moyens de la réaliser et la société Geodis ne démontre pas que sa cocontractante était dans l'incapacité de disposer des moyens pour effectuer le transport.

Si par courrier du 24 avril 2013, la société Transports Liotier a demandé à la société Geodis de lui préciser sa décision concernant une éventuelle perte du client Greenchem pour lequel un appel d'offres a été demandé au début de l'année 2013, la notification du préavis doit être expresse et non implicite. Et en l'espèce, la société Transports Liotier se contente d'interroger sa cocontractante sur la poursuite du contrat.

En conséquence, seul le courriel en date du 31 mai 2013 constitue la date de départ du préavis.

Le préjudice subi par la société Transports Liotier équivalant au gain manqué sera évalué sur la base de la perte durant trois mois de la marge brute réalisée avec la société Geodis. La société Transports Liotier produit aux débats une attestation de son expert-comptable en date du 2 avril 2014 établissant qu'elle a réalisé une marge brute d'un montant de 458 899 euros avec la société Geodis durant la période d'octobre 2010 à mai 2013. Il est également communiqué le calcul du chiffre d'affaires et la marge brute pour chacun des mois de la période visée.

La marge brute mensuelle moyenne doit être évaluée à 458 899 euros/32 mois = 14 340,59 euros soit 43 021,77 euros pour trois mois.

La société Geodis devra verser à la société Transports Liotier la somme de 43 021,77 euros au titre du gain manqué subi du fait du défaut du respect du préavis de 3 mois.

Sur les autres postes de préjudice économique

La société Transports Liotier sollicite le versement des sommes suivantes en alléguant que la rupture abusive des relations contractuelles sans préavis par la société Geodis BM lui a causé un préjudice se décomposant comme suit :

85 000 euros équivalent aux frais liés à la réorganisation et la restructuration de la société Transports Liotier ;

51 543,23 euros au titre de la somme restant à sa charge suite à la revente du véhicule Renault,

9 181,64 euros au titre de la somme restant à sa charge suite à la revente du véhicule Mercedes,

9 830 euros équivalent au coût d'investissement dans les compresseurs équipant les 3 tracteurs pour les prestations de la société Geodis BM.

Il résulte du bilan économique et social établi dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire que la société Transports Liotier exerce son activité dans un contexte caractérisé par une conjoncture économique très défavorable aggravée par la crise et une concurrence exacerbée. Il est relevé que le marché est devenu extrêmement concurrentiel imposant à la société une diminution de ses marges alors que dans le même temps le coût des matières premières a augmenté.

Il est précisé que la société a décidé de recentrer l'activité sur les tournées à forte valeur ajoutée régulière confiée par des clients depuis de nombreuses années et parallèlement la société Transports Liotier a prévu de nombreuses mesures de restructuration :

- la diminution de 50 % des véhicules moteurs de 28 véhicules à 14 véhicules ;

- la suppression de neuf postes salariés ;

- la diminution des coûts de structure dont les salaires des dirigeants d'au moins 50 %

- la suppression des tournées non rentables ;

- la limitation d'exécution des heures supplémentaires.

Ces mesures ont permis à la société Transports Liotier de bénéficier d'un plan de redressement judiciaire.

L'activité générée par la société Geodis est évaluée par la société Transports Liotier à 10 % de son activité globale et a au même titre que ses autres activités nécessitées des investissements en matériels notamment routiers. Pour autant, si l'absence de préavis a été indemnisée en ce qu'elle n'a pas permis à la société Transports Liotier de bénéficier d'un délai pour trouver de nouveaux clients, cette dernière ne justifie pas qu'elle doit être déclarée responsable même partiellement du redressement judiciaire de la société Transports Liotier qui sera en conséquence déboutée de sa demande au titre des frais liés à la réorganisation et la restructuration de la société.

Quant aux frais résultants de la revente des véhicules et de l'installation des compresseurs, la société Transports Liotier a accepté le marché que lui a confié la société Geodis en connaissant le montant des investissements en résultant, la société Transports Liotier ne justifiant d'aucune faute de la société Geodis autres que l'absence de préavis qui a été indemnisée, elle sera déboutée de sa demande d'indemnisation à ce titre. Il résulte en effet du bilan économique et social que la société Transports Liotier a été contrainte de se restructurer en profondeur notamment par la vente de la moitié de ses véhicules dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire sans qu'elle puisse en imputer la faute à la société Geodis, la rupture des contrats étant une donnée active des relations économiques.

Le jugement sera donc infirmé en ce que le tribunal a alloué des indemnités complémentaires à la société Transports Liotier.

Sur le solde de la facture impayée

C'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que le premier juge a statué sur cette demande ; il y a lieu de confirmer le jugement de ce chef.

Sur les frais et dépens

Au vu de l'issue du litige, le jugement sera confirmé sur les frais irrépétibles et les dépens et chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles d'appel, la société Geodis demeurant débitrice assumera la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Dans la limite de la cassation,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la société Geodis RT Netherlands B.V à payer à la société Transports Liotier la somme de 4 219,30 euros au titre du solde de la facture, sur les frais irrépétibles et les dépens,

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

DIT qu'il doit être statué sur le litige en appliquant les dispositions du contrat type figurant en annexe I du décret 2003-1295 du 26 décembre 2003 et non de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce,

DIT que la société Transports Liotier devait bénéficier d'un préavis de trois mois lors de la résiliation du contrat,

CONDAMNE la société Geodis à payer à la société Transports Liotier la somme de 43 021,77 euros en indemnisation de l'absence de respect du préavis de trois mois lors de la résiliation du contrat,

DÉBOUTE la société Transports Liotier de sa demande d'indemnisation complémentaire au titre de la revente des camions, des frais d'installation des compresseurs, des frais liés à la réorganisation et la restructuration résultant de la procédure collective,

DIT que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles d'appel,

REJETTE toute autre demande,

DIT que la société Geodis assumera la charge des dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.