CA Bordeaux, 2e ch. civ., 21 janvier 2021, n° 17/04368
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
MCC Extrusion (SAS), Alu Iso Réole (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lavergne-Contal
Conseillers :
M. Desalbres, Mme Leques
Avocat :
SCP Maateis
Suivant facture en date du 21 mai 2007 d'un montant de 8 900 € TTC, la société Alu Iso Réole a fourni et posé dans l'immeuble des époux G. neuf volets battants en composite de 25 mm d'épaisseur marron foncé veiné, pour le prix total de 8 900 € TTC.
Déplorant la décoloration de certains volets, les époux G. ont fait établir une expertise amiable, puis, ont obtenu en référé le 8 avril 2013 la désignation de Mme B. en qualité d'expert judiciaire, qui a déposé son rapport le 20 novembre 2014.
Ils ont ensuite assigné devant le tribunal de grande instance de Bordeaux sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et L. 212-1 du code de la consommation la société Alu Iso Réole, laquelle a appelé en garantie la société MCC Extrusion.
Par jugement du 7 juin 2017, le tribunal de grande instance de Bordeaux a débouté les époux G. de leurs demandes, et les a condamnés solidairement à payer à la société Alu Iso Réole et la société MCC Extrusion la somme de 1 500 € à chacune, et à supporter les dépens.
Le tribunal a essentiellement retenu que les acheteurs, ayant accepté sans réserve la marchandise vendue, et n'ayant élevé leurs premières doléances que quatre ans après la livraison, soit le 8 mai 2011, ne sont pas fondés à se prévaloir d'un défaut de conformité sur le fondement des articles 1147 et 1604 du Code civil, ni des défauts des volets, sur le fondement des articles 1109 et 1110 du Code civil.
Les époux G. ont formé un appel le 17 juillet 2017.
Dans leurs dernières écritures du 11 février 2018, ils demandent de :
. déclarer la société Alu Iso Réole responsable du préjudice subi sur le fondement des articles 1147 et 1604 du Code civil
. la condamner à leur payer la somme de 8 790€ au titre du remplacement de la totalité des menuiseries affectées de non-conformité, et à défaut la somme de 4 075,93€ retenue par le rapport d'expertise judiciaire, et la somme de 1 500€ au titre de leur préjudice moral
. subsidiairement, dire que le contrat signé entre eux et la société Alu Iso Réole est nul pour vice du consentement et que les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat, et condamner la société Alu Iso Réole à leur payer la somme de 1 500 € au titre de leur préjudice moral
. en tout état de cause, condamner la société Alu Iso Réole, ou tout autre partie succombante, à leur payer la somme de 3 588 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens
. ordonner l'exécution provisoire.
Ils font valoir essentiellement que :
. courant 2009, ils ont constaté l'apparition de traces de décoloration sur certains volets, que la société Alu Iso Réole a tenté de faire disparaître par l'apposition d'un produit ravivant, qui s'est révélé inutile puisque les taches sont rapidement réapparues
. après une expertise amiable courant 2011, un protocole d'accord a prévu le remplacement par le vendeur de deux paires de volets ; toutefois, l'un des volets a été abîmé lors de la pose, et une troisième paire non changée laisse apparaître des traces de décoloration
. l'expert judiciaire a constaté des taches sur les volets de deux portes-fenêtres et d'une fenêtre, a chiffré le coût de réfection à 3 171,28 €, mais d'autres taches, constatées par un huissier de justice le 3 avril 2015, sont apparues sur d'autres volets depuis les opérations d'expertise
. les volets qu'ils ont achetés leur ont été présentés comme étant fabriqués en matériau composite et inaltérable, imputrescible, et ne nécessitant aucun entretien
. les défauts esthétiques constatés caractérisent un défaut de conformité engageant la responsabilité du vendeur pour manquement à son obligation de délivrer une chose conforme
. lors de la livraison, les défauts des volets n'étaient pas visibles, puisque les traces de décoloration ne sont apparues qu'en 2009, deux ans après la livraison
. leur consentement a en tout cas été surpris puisque les caractéristiques et la qualité des volets qui leur avaient été promises ont été selon eux un élément déterminant de leur achat.
Dans ses dernières conclusions du 12 décembre 2017, la société Alu Iso Réole demande de :
. confirmer le jugement déféré
. subsidiairement, condamner la société MCC Extrusion à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre
. condamner les époux G. à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Elle soutient notamment que :
. sa responsabilité ne peut pas être recherchée sur le fondement de l'article 1147 du code civil au titre des dommages intermédiaires, car elle s'est contentée de livrer et de poser des volets fabriqués par la société MCC Extrusion, et a donc seulement la qualité de vendeur et non d'entrepreneur
. les époux G. ont accepté sans réserve la livraison en date du 21 mai 2007
- ils étaient hors délai pour se prévaloir de la garantie légale de conformité prévue par l'article L. 217-7 du code de la consommation
. la société Alu Iso Réole n'a commis aucune faute contractuelle, puisque selon l'expert, c'est le fabricant qui est entièrement responsable des taches constatées
. les défauts étant purement esthétiques, le principe de réparation intégrale s'oppose à la réfection totale des volets réclamés par les époux G.
. la garantie des vices cachés constituant l'unique fondement de l'action exercée pour défaut de la chose vendue la rendant impropre à sa destination normale, l'acquéreur ne peut prétendre à des dommages-intérêts sur le fondement de l'erreur
. la société MCC Extrusion est intervenue volontairement aux opérations d'expertise, au cours desquelles elle n'a jamais nié être le fabricant et le fournisseur des volets litigieux.
La société MCC Extrusion, dans ses dernières écritures du 20 décembre 2017, demande de :
. débouter la société Alu Iso Réole des demandes dirigées à son encontre
. subsidiairement confirmer le jugement déféré et débouter les époux G. de leurs demandes
. encore plus subsidiairement, dire que la société Alu Iso Réole est seule responsable du préjudice provenant de la rayure d'un volet, et la condamner seule à payer la somme de 904,65 € aux époux G., et limiter à la somme de 3 171,28 euros l'indemnité éventuellement allouée aux époux G. en ce qui concerne les taches à peine visibles
-débouter les époux G. de leur demande de dommages intérêts pour préjudice moral
. condamner la société Alu Iso Réole à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens.
L'affaire fixée à l'audience du 23 mars 2020 a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 23 novembre 2020 en raison de la crise sanitaire.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2020.
MOTIFS DE LA DECISION
L'expert expose que les taches désignées par Mme G. sont extrêmement difficiles à voir, repérables selon un angle précis et de près, et se concentrent plutôt autour des attaches de fermeture pour certains volets, ou sur les traverses pour d'autres.
Elle relève de légères traces décolorées, visibles de près et de biais à la faveur du reflet, sur la traverse de la porte-fenêtre du séjour, le long de l'attache de la porte-fenêtre de la salle à manger, sous forme de traces de doigts plus clairs sur le volet de la cuisine, et d'une légère griffure sur le vantail de droite du volet de la chambre, et précise que les volets fonctionnent bien, occultent correctement et protègent normalement la menuiserie.
L'expert précise que :
. la griffure d'un des volets, lors de leur remplacement a été causée par une malfaçon dans l'exécution
. le coût du changement de la paire de volets où apparaît une rayure s'élève à 904,65 euros TTC
- la faible perception visuelle des taches n'autorise pas raisonnablement à évoquer des préjudices
. le coût du changement des volets où apparaissent de légères taches, soit porte-fenêtre du séjour, porte-fenêtre de la salle à manger, cuisine, s'élève à 3 171,28 euros TTC
. la société Alu Iso Réole qui a posé ce volet est responsable de la griffure apparaissant sur le volet de la chambre.
Sur les demandes formées sur le fondement des articles 1147 et 1604 du code civil
En application de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, le débiteur est condamné s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation.
Dans le cadre d'une vente, le vendeur est tenu à l'obligation de délivrer une chose conforme à celle convenue prévue par l'article 1603 du code civil.
Il ressort de l'expertise qu'une griffure a été faite sur le vantail de droite du volet de la chambre lors de son remplacement dans un cadre amiable en 2011.
La société Alu Iso Réole est contractuellement responsable de ce désordre dû à un défaut d'exécution de la pose, et tenue de le réparer en payant la somme de 904,65 € coût du remplacement de ce volet, à dire d'expert.
Elle y sera condamnée par infirmation du jugement.
L'expert fait état de légères traces décolorées très difficiles à voir, sur les volets des porte fenêtres du séjour, de la salle à manger et de la cuisine.
Ces taches seraient apparues selon les époux G., courant 2009.
D'autres taches et décolorations sont apparues ensuite, décrites dans un constat du 3 avril 2015 versés aux débats.
Toutefois, l'expert a relevé que les volets livrés, fabriqués, en exécution de la commande, en un matériau composite de type polystyrène extrudé teinté dans la masse de manière à imiter esthétiquement le bois peint, fonctionnent bien, occultent correctement et protègent normalement la menuiserie.
Les volets livrés correspondaient donc en tous points à ceux commandés de sorte qu'aucun manquement à l'obligation de délivrance n'est établi de la part de la société Alu Iso Réole.
L'apparition de quelques taches deux ans après la livraison ne permet pas d'engager la responsabilité du vendeur pour manquement à son obligation contractuelle de délivrance.
Sur les demandes formées sur le fondement des articles 1109 et 1110 du code civil
Les époux G., affirment que le caractère inaltérable des volets était une caractéristique ayant déterminé leur consentement et que l'apparition de taches révèle leur erreur sur les qualités substantielles de la chose, ce qui doit entraîner la nullité du contrat.
Le seul document contractuel produit et annexé au rapport d'expertise est un devis en date du 12 août 2014 prévoyant la fourniture et pose de volets en composite de la gamme MCC Extrusion, qui ne suffit pas à rapporter la preuve de qualités essentielles contractuellement convenues ayant déterminé le consentement des époux G..
Leur demande de nullité du contrat est mal fondée et sera rejetée.
Les autres demandes d'indemnisation formées par les époux G. seront rejetées.
Sur la demande en réparation d'un préjudice moral
Les circonstances de la cause ne permettent pas d'établir la réalité d'un préjudice moral subi par les époux G., dont la demande à ce titre sera rejetée.
Sur les appels en garantie
La société Alu Iso Réole est seule responsable de la griffure à l'origine de la seule indemnisation mise à sa charge.
Son recours en garantie contre la société MCC Extrusion est mal fondé et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Les époux G. et la société Alu Iso Réole succombent partiellement dans leurs prétentions respectives.
Les dépens de première instance et d'appel, y compris les frais de référé et d'expertise seront partagés par moitié entre eux.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné les époux G. à payer la somme de 1 500 € à la société Alu Iso Réole en application de l'article 700 du code de procédure civile, et les demandes respectives des époux G. et de la société Alu Iso Réole fondées sur l'article 700 du code de procédure civile tant en premier ressort qu'en appel, seront rejetées.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné les époux G. à payer à la société MCC Extrusion la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'y a pas lieu en équité à nouvelle indemnisation de ce chef en appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné les époux G. à payer à la société MCC Extrusion la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau dans cette limite
Condamne la société Alu Iso Réole à payer à M G. et Mme G. ensemble la somme de 904,65 € à titre de dommages-intérêts
Rejette les autres demandes des époux G.
Rejette les demandes de la société Alu Iso Réole
Y ajoutant
Rejette les demandes formées en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Fait masse des dépens de premier ressort et d'appel qui comprendront les frais de référé et d'expertise, et condamne M et Mme G. d'une part et la société Alu Iso Réole d'autre part à en payer la moitié.