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Décisions

Cass. com., 27 janvier 2021, n° 18-26.497

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Crédit Taux Service (SARL)

Défendeur :

Dupuis

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocats :

SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Thouin-Palat et Boucard

Angers, ch. com., du 11 sept. 2018

11 septembre 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 11 septembre 2018), la société Crédit taux service (la société CTS), qui a pour activité le courtage en prêts immobiliers, a conclu le 1er décembre 2010, pour une durée d'un an, tacitement reconductible, un contrat d'agence commerciale avec Mme Dupuis.  

2. L'entrée en vigueur en janvier 2013 d'une nouvelle réglementation, d'ordre public, concernant l'activité d'intermédiaire en opération de banque et de service de paiement (IOBSP) a rendu incompatible le statut d'agent commercial. Invoquant le refus de Mme Dupuis d'accomplir, en dépit de plusieurs relances, les formalités pour changer de statut au profit de celui de mandataire d'IOBSP, la société CTS a résilié le contrat qui les liait pour faute grave. Contestant l'existence d'une telle faute, Mme Dupuis l'a assignée en paiement de diverses indemnités.  

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société CTS fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme Dupuis des indemnités compensatrices de préavis et de résiliation ainsi que des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale du contrat, alors « que la faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité partagée du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel ; qu'en retenant que l'exposante n'établissait pas la gravité de la faute qu'aurait constituée pour elle un défaut de régularisation du statut dans un bref délai, quand elle constatait que le courtage en prêts immobiliers était devenu une activité incompatible avec le statut d'agent commercial et que l'attitude passive de la mandataire faisait courir à sa mandante un risque de sanctions graves, la cour d'appel a violé les articles L. 134-11 et L. 134-13 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 134-11 et L. 134-13 du code de commerce :

4. Il résulte de ces textes que lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial, celui-ci n'a pas droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi et les dispositions selon lesquelles les parties peuvent mettre fin, moyennant un préavis, à un contrat d'agence commerciale (à durée indéterminée, ou à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée), ne s'appliquent pas.

5. Pour accueillir la demande en paiement d'indemnités de Mme Dupuis, l'arrêt retient qu'aucune des pièces produites par la société CTS ne fait référence à la gravité de la faute qu'aurait constituée pour elle un défaut de régularisation du statut dans un bref délai. Il constate que la société CTS ne justifie pas de l'envoi d'une mise en demeure à son agent de justifier d'un changement de statut sous peine de remettre en cause définitivement la poursuite de leurs relations contractuelles compte tenu de la gravité de la situation, avant la lettre de résiliation définitive du contrat du 10 décembre 2013. Il en déduit que la société CTS ne rapporte pas la preuve que la gravité de l'attitude de Mme Dupuis était telle qu'elle rendait impossible la poursuite du contrat.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le courtage en prêts immobiliers était devenu une activité incompatible avec le statut d'agent commercial et que dans sa lettre de résiliation du contrat pour faute grave, le mandant reprochait à son agent de lui faire courir, par son attitude négligente et passive, un risque de sanctions graves, la cour d'appel a violé les textes susvisés.  

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs,  

La Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société CTS à payer à Mme Dupuis à la suite de la rupture du contrat d'agent commercial conclu le 1er décembre 2010 les sommes de 25 616,52 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 112 063,68 euros au titre de l'indemnité compensatrice de résiliation, 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale du contrat, dit que ces sommes seront assorties d'intérêts au taux légal et qu'il sera fait application des dispositions de l'ancien article 1154 du code civil et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 11 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.