Cass. com., 27 janvier 2021, n° 17-27.773
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
N2DC (SNC), N2DCb (SNC)
Défendeur :
Alain Afflelou franchiseur (SAS), L'Opticien Afflelou (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Darbois
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocats :
SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Alain Bénabent
Déchéance partielle du pourvoi
Vu l'article 978 du code de procédure civile :
1. Le mémoire en demande ne contenant aucun moyen dirigé contre cet arrêt du 25 octobre 2017, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 13 septembre 2017, rectifié le 25 octobre 2017), les sociétés N2DC et N2DCb exploitaient chacune plusieurs fonds de commerce d'optique sous les enseignes « Alain Afflelou » et « Plurielles », pour la première, et sous l'enseigne « Alain Afflelou », pour la seconde, par l'effet de contrats de franchise conclus avec la société Alain Afflelou franchiseur (la société Afflelou F) et prenant fin le 12 septembre 2009.
3. La société Alain Afflelou succursales (la société Afflelou S), aux droits de laquelle est venue la société L'Opticien Afflelou, a consenti le 27 septembre 2006, à la société N2DC, et le 26 février 2007, à la société N2DCb, un contrat de gérance-mandat pour l'exploitation respectivement de quatre et trois fonds de commerce lui appartenant, dont l'échéance était fixée au 12 septembre 2009.
4. Les sociétés Afflelou F et L'Opticien Afflelou (les sociétés Afflelou) ont, le 27 février 2009, notifié à leurs cocontractantes la fin des contrats de franchise et de gérance-mandat à effet du 12 septembre 2009, puis, le 10 avril 2009, leur résiliation immédiate.
5. Les sociétés Afflelou ont assigné les sociétés N2DC et N2DCb en constatation de la résiliation à leurs torts des contrats de franchise et de gérance-mandat. A titre reconventionnel, les sociétés franchisées ont demandé le paiement de diverses indemnités.
Examen des moyens
Sur les troisième, quatrième et cinquième moyens
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner à la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Les sociétés N2DC et N2DCb font grief à l'arrêt de les condamner à payer chacune une certaine somme à la société Afflelou F au titre des comptes entre les parties concernant l'exécution des contrats de franchise et de gérance-mandat, alors « que tenu de rendre compte de sa gestion et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, le mandataire a le devoir d'informer loyalement et complètement son mandant du résultat de ses diligences et de lui communiquer les documents nécessaires pour le mettre en mesure de s'assurer que l'intégralité des sommes encaissées pour son compte lui avait été reversée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les sociétés N2DC et N2DCb soutenaient que la société Afflelou F, qui était intervenue en qualité de centrale d'achat, ne leur avait pas restitué l'ensemble des avantages négociés pour leur compte auprès de leurs fournisseurs ; qu'elle a également relevé que devant l'expert la société Afflelou F avait reconnu devoir reverser aux sociétés N2DC et N2DCb la somme de 15 700,52 euros, et que l'expert avait sollicité en vain des fournisseurs qu'ils lui communiquent les informations nécessaires pour vérifier si d'autres sommes n'avaient pas été indûment conservées ; que pour débouter les sociétés N2DC et N2DCb de leurs demandes tendant à la répétition des sommes de 82 622,48 et 134 699,13 euros la cour d'appel a retenu qu'elles ne démontraient pas le bien-fondé de leurs demandes, qu'elles n'avaient pas communiqué « les relevés reçus mentionnant les RFA afin de valider les pourcentages annoncés » et qu'elles n'avaient pas expliqué en cours de l'expertise la différence entre les avoirs de mai et juin 2009 mis en avant par les sociétés Afflelou, et les montants de RFA sollicités ; qu'en faisant ainsi reposer sur les sociétés N2DC et N2DCb la charge de la preuve des sommes encaissées et indûment conservées par leur mandataire, cependant qu'il incombait au mandataire de communiquer à ses mandants les documents nécessaires pour mettre ceux-ci en mesure de s'assurer de ce que l'intégralité des sommes encaissées pour leur compte leur avait été reversée et de justifier par-là de l'exécution intégrale de ses obligations, la cour d'appel a violé les articles 1353 du code civil (anciennement l'article 1315 du même code) ensemble l'article 1993 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
8. Les sociétés Afflelou contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent que celui-ci est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit.
9. Cependant, il ressort des conclusions d'appel des sociétés N2DC et N2DCb qu'elles ont invoqué leur légitimité à vérifier que les remises de fin d'année (RFA) leur avaient toutes été reversées, reprochant aux sociétés du groupe Afflelou de les empêcher d'exercer leurs droits et en particulier celui de vérifier que toutes les sommes leur revenant au titre des accords commerciaux passés par la société Afflelou F avec les fournisseurs référencés leur avaient été intégralement répercutées.
10. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1315, devenu 1353, et 1993 du code civil :
11. Il résulte de ces textes que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation et que le mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il aurait reçu n'eût point été dû au mandant.
12. Pour condamner les sociétés N2DC et N2DCb à payer, chacune, à la société Afflelou F une certaine somme au titre des comptes entre les parties concernant l'exécution des contrats de franchise et de gérance-mandat, l'arrêt, après avoir constaté que les sociétés franchisées soutenaient que la société Afflelou F ne leur avait pas reversé les RFA qu'elles avaient négociées pour leur compte auprès des fournisseurs, relève que les sociétés franchisées étaient en possession de relevés mensuels mentionnant ces RFA adressés par la société Afflelou F, qu'elles n'avaient ni communiqués à l'expert, en dépit de sa demande, ni produits devant la cour d'appel. Il relève également qu'elles n'ont pas expliqué à l'expert la différence entre les avoirs de mai et juin 2009 mis en avant par les sociétés Afflelou et les montants des RFA réclamés par elles. Il constate enfin que l'expert, après avoir sollicité les principaux fournisseurs, n'a retenu qu'une dette de 15 700 euros reconnue par les sociétés Afflelou, et en déduit que les sociétés franchisées n'ont pas démontré le bien fondé de leurs demandes, que l'expert avait écartées faute de justifications.
13. En statuant ainsi, alors qu'il incombait à la société Afflelou F, mandataire, de communiquer aux sociétés N2DC et N2DCb, ses mandantes, les documents nécessaires, pour les mettre en mesure de s'assurer que l'intégralité des sommes encaissées pour leur compte leur avait été reversées, ce qu'elles ne pouvaient pas faire en l'état des relevés mensuels qu'elles avaient reçus, qui, selon les constatations de l'expert judiciaire, ne comportaient aucune mention explicite relative aux RFA, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 25 octobre 2017 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit qu'au titre des comptes entre les parties au titre de l'exécution des contrats de franchise et de gérance-mandat, la société N2DC doit la somme de 1 270 305,18 euros à la société Alain Afflelou franchiseur et la société N2DCb doit la somme de 593 873,87 euros à la société Alain Afflelou franchiseur, et qu'il les condamne au paiement des dites sommes, l'arrêt rendu le 13 septembre 2017, entre les parties, et rectifié le 25 octobre 2017, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.