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Décisions

CCE, 24 juillet 2007, n° M.4623

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Judgment

VINCI CONSTRUCTION / SOLETANCHE

CCE n° M.4623

24 juillet 2007

Messieurs, Mesdames,

Objet : Affaire n° COMP/M.4623 - Vinci Construction/ Solétanche. Votre notification du 19 juin 2007conformément à l'article 4 du règlement du Conseil n° 139/2004.

1.   Le 19 juin 2007, la Commission a reçu une notification conformément à l'article 4 du Règlement du Conseil CE n°139/20041 (le "Règlement Concentration") par lequel le groupe Vinci via sa filiale Vinci Construction (ci-après "Vinci") acquiert, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement concentration, le contrôle exclusif de la société Solétanche SA (ci-après "Solétanche"), par achat d'actions.

2.   Après examen de la notification, la Commission a conclu que l'opération notifiée ne créait pas de doutes sérieux quand à sa compatibilité avec le Marché Commun et le fonctionnement de l'accord EEE.

 

I. LES PARTIES ET LA CONCENTRATION

3.  Vinci est une société française cotée à la Bourse de Paris qui est active dans quatre domaines principaux : la construction (bâtiments et grands travaux publics tels que les ponts, les tunnels et les barrages), les travaux de construction et d'entretien de routes via sa filiale Eurovia, les réseaux énergétiques et la concession d'infrastructures de transports, en particulier les autoroutes et les parcs de stationnement.

4.  Solétanche est une entreprise française active principalement dans le domaine de la construction et en particulier les travaux suivants : fondations spéciales, ouvrages hydrauliques, tunnels et travaux en site maritime ou fluvial. Vinci possède 12,49% du capital de Solétanche et 18,85% des droits de vote, le reste du capital étant détenu par divers investisseurs.

5.  Vinci et Solétanche ont signé le 1er mars 2007 une convention de cession d'actions par laquelle Vinci acquiert 87,51% du capital (dont 53,79% directement et 33,71% par l'intermédiaire de la société Mobisol) représentant 81,14% des droits de vote. A l'issue de l'opération, Vinci détiendra donc l'intégralité du capital et des droits de vote de Solétanche et donc le contrôle exclusif de Solétanche.

 

III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

6.   Les entreprises concernées ont un chiffre d'affaires cumulé mondial supérieur à 5 milliards d'euros et chacune d'entre elles réalise individuellement un chiffre d'affaires dans l'Union Européenne supérieur à 250 millions d'euros. Seul Vinci réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires communautaire en France. La concentration envisagée est donc de dimension communautaire.

 

IV. ANALYSE 

7.   L'impact de la transaction proposée se situe principalement sur des marchés de construction et de travaux publics, en particulier les "fondations spéciales", qui est le cœur de l'activité de Solétanche, et des marchés de génie civil comme les travaux souterrains et dans une moindre mesure les "ouvrages d'art" et les travaux en site maritime et fluvial. Les activités des entreprises concernées se chevauchent surtout en France, où Vinci est leader sur les marchés de la construction et Solétanche leader sur le marché des fondations spéciales, et de manière bien plus marginale au Royaume- Uni, en Hongrie et en Espagne.

A) Marchés de produits 

8.   La Commission n'a pas eu l'occasion d'examiner dans des affaires précédentes les marchés de fondations spéciales. En ce qui concerne le génie civil, la Commission ne s'est pas prononcée par le passé sur d'éventuelles segmentations de marché dans ce secteur2.

9.   La partie notifiante s'est donc fondée sur un avis du Conseil de la concurrence français du 5 juin 20013 dans lequel, en se référant à la nomenclature de la Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP), le Conseil de la concurrence distingue d'une part les fondations spéciales et d'autre part le génie civil général, segmenté en trois marchés distincts : les travaux souterrains, les ouvrages d'art et les travaux en site maritime ou fluvial4. Chacun de ces travaux nécessite la maîtrise de techniques spécifiques et la détention d'équipements particuliers. La demande est constituée principalement de clients publics (collectivités locales, entreprises publiques, Etat) ou privés qui lancent des marchés de travaux publics sous forme d'appel d'offres.

Les fondations spéciales

 10.  Les travaux de "fondations spéciales" (groupe 1-B de la nomenclature de la FNTP) regroupent un ensemble de techniques de travaux dans le sol destinées à donner à des constructions importantes l'assise nécessaire lorsqu'elles se situent sur des terrains nécessitant de réaliser au préalable des sondages ou des forages. En règle générale, les fondations spéciales nécessitent des compétences géotechniques spécifiques (et fréquemment l'intervention d'un bureau d'études), un haut degré de spécialisation des hommes et du matériel et la mise en œuvre de techniques particulières : injection pour consolider les sols, installation de pieux pour les fondations profondes, mise en place de parois moulées pour consolider les excavations ou restaurer l'étanchéité d'un  barrage, compactage des sols pour en renforcer la densité. Les entreprises de  fondations spéciales interviennent fréquemment en collaboration d'entreprises de construction (sous forme de sous-traitance, de groupement ou de convention de partenariat), les travaux de construction de grands ouvrages comprenant généralement une part de travaux spéciaux.

11.  La partie notifiante considère qu'une segmentation du marché des fondations spéciales en fonction de la nature du site (zone rurale ou urbaine) ne serait pas pertinente car  tous les acteurs présents sont en mesure d'intervenir quelle que soit la nature du site. Une distinction en fonction de la nature du sol (terrain meuble ou rocher) ou des techniques utilisées ne serait pas non plus justifiée pour les mêmes raisons, chacune  des entreprises présentes dans ce secteur étant en mesure de proposer diverses techniques (ou variantes) pour répondre à la demande du client

12.  En ce qui concerne une distinction en fonction de la taille du chantier, établie par la Commission dans des décisions précédentes relatives à des marchés de travaux publics proches de l'activité des parties5, la partie notifiante estime qu'il n'existe pas de seuils précis à partir duquel il serait possible de définir des marchés distincts, d'autant que les aléas de chaque chantier peuvent faire sensiblement évoluer le montant initialement estimé. Vinci fournit toutefois ses parts de marché et celles de Solétanche en distinguant les chantiers d'un montant de moins de 5 millions d'euros et les chantiers d'un montant  de plus de 5 millions d'euros6.

13.  L'enquête de marché a globalement confirmé les éléments avancés par la partie notifiante. Les concurrents et les clients ont confirmé le caractère spécifique des chantiers de fondations spéciales et le haut degré de spécialisation requis pour exécuter ces travaux. En ce qui concerne l'hypothèse une segmentation plus étroite, il apparaît effectivement que la nature du site ou le type de sol peuvent avoir une influence sur les techniques retenues : des travaux en zone urbaine devront prendre en compte les contraintes d'espace, de vibration et de bruit liées à un environnement à densité élevée de population et la nature du terrain, en particulier la présence d'une nappe phréatique, détermine dans une large mesure les choix technologiques et méthodologiques.

14.  Toutefois, les concurrents interrogés lors de l'enquête de marché ont indiqué que les principales entreprises présentes en France dans le secteur des fondations spéciales (Solétanche, les filiales de Vinci Botte et Ménard, Spie Fondations, Keller, Fayat-Sefi- Intrafor et Franki Fondations) maîtrisaient en règle générale l'ensemble des techniques mises en œuvre dans le domaine des fondations spéciales, même si chacune dispose d'un savoir-faire particulier. La substituabilité de l'offre est donc significative.

15.  Par ailleurs, dans l'hypothèse où une entreprise ne maîtrise pas une technique donnée pour un type de chantier et demandée par le maître d'ouvrage, elle peut proposer une variante, solution technique alternative permettant d'aboutir au même résultat. Une large majorité des concurrents et des clients a confirmé que le recours à ces variantes était très fréquent en matière de fondations spéciales et que les appels d'offres laissant aux entreprises le choix de leurs modalités d'exécution ou leur laissant la possibilité de proposer des variantes étaient les plus nombreux. Un des principaux concurrents des parties a indiqué qu'"il est très rare qu'un problème donné ne puisse  être  résolu qu'avec une seule solution technique ou un seul produit fourni par un seul concurrent7".

16.  Sur le plan technique, les travaux de fondations spéciales regroupés dans le groupe 1-B de la nomenclature de la FNTP présentent une grande hétérogénéité allant des travaux simples réalisés par des entreprises de taille petite ou moyenne (confortement des parois rocheuses contre les éboulements) jusqu'aux réalisations plus complexes nécessitant un haut degré de technicité (création par remblai d'îles artificielles avec la technique de compactage par vibroflottation). L'enquête n'a pas permis toutefois de mettre en évidence une ligne de démarcation claire de ce marché en fonction de la technicité des travaux, ceux-ci apparaissant plutôt comme un continuum de solutions alternatives destinées à remplir le même objectif de renforcement et de consolidation  du sol et du sous-sol.

17.  En ce qui concerne une possible distinction en fonction de la taille des chantiers, la moitié des concurrents interrogés a estimé qu'il pouvait s'agir d'un facteur de différenciation dans la mesure où l'accès aux grands chantiers pouvait être plus difficile pour les entreprises de petite taille dont les capacités financières et/ou technologiques (détention d'équipements) sont plus limitées. L'enquête n'a toutefois pas mis en évidence un niveau de seuil précis à partir duquel une telle distinction serait appropriée (des montants de 5 à 10 millions d'euros ont été avancés).

18.  En conclusion, pour les besoins de la présente analyse, le marché de produits est celui des fondations spéciales. La question d'une segmentation plus étroite peut rester ouverte, dans la mesure où les conclusions de l'analyse demeurent inchangées.

Le génie civil

19.  Les travaux de génie civil peuvent être segmentés en trois grandes catégories. Les travaux souterrains regroupent la construction d'ouvrages souterrains de circulation (tunnels), d'adduction ou d'évacuation d'eau. Les ouvrages d'art consistent en la construction de ponts, barrages, ouvrages de croisement à plusieurs niveaux et réservoirs. Enfin, les travaux en site maritime ou fluvial regroupent la réalisation de jetées, phares et balises, piles de pont, murs de quais, écluses, ouvrages de protection et revêtements de canaux.

20.  L'enquête de marché a confirmé la pertinence de la distinction opérée par la partie notifiante entre ces différentes catégories de travaux de génie civil. Comme pour les fondations spéciales, il n'est pas nécessaire de trancher la question d'une segmentation en fonction de la taille du chantier car la transaction ne soulève pas de doutes sérieux quelles que soient les définitions de marché envisagées.

B)   Marchés géographiques

21.  La partie notifiante estime que les marchés de fondations spéciales et les trois marchés de génie civil identifiés sont de dimension au moins nationale, les entreprises spécialisées se déplaçant couramment en fonction du lieu du chantier. Elle indique également que pour les grands chantiers, une dimension européenne n'est pas à exclure, compte tenu de la présence croissante d'entreprises européennes intervenant en-dehors de leur pays d'origine. Pour les marchés de génie civil (en particulier les ouvrages d'art et les travaux souterrains), il s'agit en outre de chantiers d'un montant fréquemment supérieur à 5 millions d'euros pour lesquels l'appel d'offres doit être organisé au niveau européen8.

22.  L'enquête de marché a largement confirmé la dimension nationale de ces marchés. Les concurrents interrogés ont fait valoir les préférences des maîtres d'ouvrage pour des opérateurs nationaux avec lesquels ils ont déjà travaillé et la volonté des opérateurs sur ces marchés de se concentrer sur les pays où ils disposent déjà d'une présence et d'une connaissance de l'environnement technique et économique. S'agissant du marché français, les grandes entreprises européennes de fondations spéciales (Bilfinger Berger, Bauer, Züblin, Strabag ou Trevi) n'y ont réalisé ces dernières années qu'un nombre limité de travaux. La majorité des clients français interrogés n'a pas indiqué avoir constaté une présence croissante des entreprises européennes dans les réponses à leur appels d'offres, à l'exception de chantiers d'un montant particulièrement élevé (supérieur à 10 millions d'euros).

23.  La dimension géographique précise des marchés de fondations spéciales, de travaux souterrains, d'ouvrages d'art et de travaux en site maritime ou fluvial peut toutefois rester ouverte dans la mesure où  l'opération ne soulève pas de doutes sérieux quelle que soit la dimension géographique envisagée.

C)   Analyse concurrentielle

24.  En dehors de la France, les activités des parties ne se chevauchent que sur les marchés de fondations spéciales qui sont techniquement affectés dans certains pays. En  Hongrie, le nouvel ensemble atteindrait une part de marché de [20-30%] mais avec un chevauchement d'activité de [0-5%]. Au Royaume-Uni, la part de marché combinée atteindrait [10-20%] et Vinci serait soumis à la concurrence de Skanska ([10-20%]) Stent ([10-20%]) et Keller ([10-20%]). Enfin en Espagne, Vinci détiendrait [20-30%] du marché des fondations spéciales mais avec un chevauchement d'activité minimal ([0-5%]). En conséquence, l'analyse de la Commission sur l'impact de la transaction a porté principalement sur le marché français.

France : effets horizontaux

25.  En France, les parts de marché de Vinci et de Solétanche sur les différents marchés concernés par l'opération sont résumées dans le tableau ci-dessous9

Tableau 4623.png

26.  En matière de fondations spéciales, la part de marché cumulée du nouvel ensemble serait de [20-30%] et elle devrait faire face à la concurrence de nombreux acteurs tels que Fayat ([10-20%]), Spie Fondations ([5-10%]), Keller Fondations Spéciales ([0- 5%]) et Soltechnic ([0-5%]) ainsi que de plus petites entreprises présentes au niveau local et plus marginalement des entreprises étrangères.

27.  Les éléments communiqués par la partie notifiante montrent que le chiffre d'affaires de Solétanche (+[…%]) et de Vinci (…) a connu une progression plus faible que l'ensemble du marché des fondations spéciales en France entre 2003 et 2005 (+32%). Certains concurrents ont connu des progressions très significatives : Keller a ainsi doublé son chiffre d'affaires en fondations spéciales entre 2003 et 2005 et celui de Spie Fondations a augmenté de […%].

28.  Dans l'hypothèse d'une segmentation en fonction de la taille du chantier, la part de marché de Vinci serait plus importante pour les gros chantiers ([30-40%]). Le chevauchement d'activité serait toutefois limité. Par ailleurs, les parties seraient soumises à la pression concurrentielle des entreprises déjà citées ainsi que des opérateurs européens susceptibles d'intervenir plus aisément sur des chantiers de taille supérieure, telles que Bilfinger Berger (Allemagne), Bauer (n°1 allemand et n°3 mondial), Presspali et Lenta (Italie) et Géocisa (Espagne).

29.  Pour les travaux souterrains, la nouvelle entité atteindrait une part de marché globale  de [30-40%], qui serait légèrement plus importante pour les gros chantiers ([30-40%]) mais avec un chevauchement d'activité faible ([0-5%] globalement, [0-5%] pour les gros chantiers). Il est à noter que [50-60%] du chiffre d'affaires de Vinci en matière de travaux souterrains est lié à un seul chantier (celui de l'autoroute A86 à l'ouest de  Paris), qui devrait s'achever en 2009.

30.  Les parties ne sont pas en mesure d'estimer les parts de marché de leurs concurrents en matière de travaux souterrains dans la mesure où ceux-ci se regroupent fréquemment pour réaliser les travaux (groupements d'entreprises) et la répartition des travaux au sein de ces groupements n'est pas publique. Toutefois, elles indiquent qu'il existe un nombre significatif de concurrents français (Bouygues, Spie, Eiffage, Razel et Fayat) qui ont répondu aux principaux appels d'offre en matière de travaux souterrains en France ces dernières années. Ainsi Bouygues est intervenu sur les marchés du laboratoire souterrain de l'Andra, du tunnel de Toulon et des galeries souterraines de Salazie, Eiffage sur les marchés du tunnel Perpignan-Figueras et du métro de  Toulouse, Spie et Razel sur le chantier des galeries souterraines de Salazie11.

31.  En ce qui concerne les travaux maritimes et fluviaux, la part de marché cumulée est de [30-40%] globalement et de [30-40%] pour les gros chantiers. Il est à noter que le chevauchement d'activité est faible (environ [0-5%]) car l'intégralité du chiffre d'affaires de Solétanche est lié à un seul chantier (celui du port autonome du Havre). Par ailleurs, la totalité des activités de Solétanche en matière de travaux maritimes et fluviaux est réalisée par Balineau, entreprise commune contrôlée conjointement par Vinci et Solétanche. L'impact de la transaction envisagée sur ce marché est donc très limité.

32.  Les parties soulignent également que s'agissant de marchés d'appels d'offre, il existe pour tous ces marchés suffisamment de concurrents susceptibles de répondre de manière crédible aux appels d'offre, et d'exercer une pression concurrentielle significative sur la nouvelle entité. L'enquête de marché n'a pas mis en évidence que Solétanche ou Vinci disposeraient d'avantages concurrentiels spécifiques en termes techniques. Par ailleurs les activités des parties apparaissent plutôt complémentaires  sur le plan géographique : par exemple en matière de fondations spéciales, Solétanche réalise environ [55-65%] de son chiffre d'affaires communautaire hors de France alors que plus de [70-80%] du chiffre d'affaires communautaire de Vinci en matière de fondations spéciales est réalisé en France.

33.  En conclusion, l'opération ne soulève pas de doutes sérieux quant à ses effets horizontaux en France.

France : effets congloméraux

34.  Dans les marchés de construction, il est fréquent que des entreprises se regroupent sur un projet donné afin de répondre à un appel d'offres spécifique et exécuter des travaux, ou concluent des accords de sous-traitance avec des spécialistes d'un domaine particulier. Ces groupements momentanés permettent aux entreprises de partager les risques, d'améliorer leurs offres par la complémentarité de leurs équipes et d'atteindre  la taille critique requise pour les grands projets. Les entreprises de  fondations  spéciales collaborent fréquemment avec les entreprises de construction sur des projets donnés.

35.  Vinci est le leader français des marchés de la construction12 alors que Solétanche est le leader en France du marché des fondations spéciales. La Commission a donc examiné l'impact de la transaction en ce qui concerne i) les risques d'exclusion des concurrents de Solétanche pour les contrats de sous-traitance relatifs aux marchés de construction remportés par Vinci et ii) la possibilité pour les concurrents de Vinci sur les marchés  de construction de conclure des accords de sous-traitance ou des conventions de groupements avec Solétanche après l'opération.

36.  En ce qui concerne les risques d'exclusion des concurrents de Solétanche sur les marchés de construction emportés par Vinci, il convient de souligner que si Vinci est leader français des marchés de la construction, ces derniers se caractérisent par la présence de concurrents importants (par exemple Bouygues, Eiffage, Razel et Fayat). Outre les marchés de génie civil déjà envisagés supra, la part de marché de Vinci en France est estimée à [0-10%] pour les bâtiments13, entre [10-20%] et [10-20%] pour le terrassement14,   [20-30%]   pour   les   travaux   de   chaussée15,   [10-20%]   pour   les canalisations souterraines16 et de [10-20%] pour le génie civil ferroviaire17. Il  n'apparaît donc pas que Vinci dispose sur les marchés de la construction en France d'un pouvoir de marché qui lui permettrait d'adopter des pratiques d'exclusion à l'égard des concurrents de Solétanche sur le marché des fondations spéciales.

37.  Par ailleurs, la partie notifiante estime le montant total annuel en France des travaux de fondations spéciales lié à des marchés emportés par Vinci en construction générale à […] millions d'euros. Vinci détient déjà le contrôle de sociétés actives sur le marché  des fondations spéciales en France (Ménard et Botte) et estime qu'il confie environ  […] des travaux de fondations spéciales relatifs aux marchés de construction obtenus par le groupe à ses filiales et […] à des entreprises extérieures au groupe. En admettant que la totalité de ces travaux aujourd'hui attribués à des tiers soit désormais confiée à Solétanche, ceux-ci représenteraient environ […] millions d'euros soit moins de [0- 5%] du marché français des fondations spéciales.

38.  En ce qui concerne la possibilité pour les concurrents de Vinci de conclure des accords de sous-traitance ou des conventions de groupement avec Solétanche après l'opération, un concurrent de Vinci a souligné que l'opération envisagée pouvait dissuader des concurrents de Vinci de conclure des partenariats avec Solétanche dans la mesure où celle-ci aurait accès dans le cadre du partenariat à des informations confidentielles sur la nature et les caractéristiques majeures du projet envisagé, informations qui pourraient être communiquées à sa maison-mère.

39.  A cet égard, il convient de noter que la part de marché de Solétanche sur le marché français des fondations spéciales est d'environ [10-20%] et que les concurrents de  Vinci disposeront donc de solutions alternatives pour leurs contrats de partenariat ou leurs accords de sous-traitance. Par ailleurs, comme il a été observé ci-dessus, le  chiffre d'affaires en fondations spéciales que Vinci pourrait éventuellement réserver à Solétanche sur le marché français est d'environ […] millions d'euros. Or la partie notifiante estime qu'au moins [20-30%] du chiffre d'affaires de Solétanche des fondations spéciales (soit environ […] millions d'euros) est réalisé en sous-traitance de concurrents de Vinci. Il apparaît donc que le nouvel ensemble aura économiquement intérêt à maintenir des relations de partenariat avec les concurrents de Vinci en matière de fondations spéciales, sans les compromettre par des comportements susceptibles de dissuader certains constructeurs de conclure des contrats avec Solétanche.

40.  En conclusion, l'opération ne suscite pas de doutes sérieux quant à ses effets congloméraux sur les marchés de la construction en France

Situation aux Antilles françaises

41.  Lors de l'enquête de marché, un concurrent des parties a indiqué que le nouvel ensemble atteindrait une part de marché très significative (de l'ordre de [65-75%])   sur le marché local des fondations spéciales aux Antilles françaises18. Ce concurrent a souligné que dans ce contexte l'opération allait limiter ses possibilités d'accès aux marchés de fondations spéciales en sous-traitance dans cette région, dans la mesure où Vinci y détient déjà une forte position sur les marchés de construction d'immeubles et d'infrastructures.

42.  La Commission a soigneusement examiné ce point et a conclu que l'opération ne soulevait pas de difficultés de concurrence particulière dans cette région. En premier lieu, plus de [75-85%] du chiffre d'affaire de Vinci en fondations spéciales aux Antilles est réalisé par la société Balineau, qui est déjà sous contrôle conjoint de Vinci et de Solétanche. L'opération n'aura donc qu'un faible impact sur la structure du marché aux Antilles françaises. Par ailleurs, l'enquête de la Commission n'a pas permis de confirmer que le nouvel ensemble atteindrait une part de marché de [65-75%], mais plutôt autour de [35-45%]) avec un chevauchement d'activités inférieur à  [0-5%]. Enfin, il apparaît qu'il existe un nombre suffisant de concurrents nationaux ou locaux (Keller, Safor, CAN, et Heaven Climber Caraïbes) pour prévenir toute atteinte à la concurrence.

 

V CONCLUSION

43.  Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le marché commun et avec l'accord EEE. Cette décision est prise sur la base de l'article 6, paragraphe 1, point b,  du règlement du Conseil n° 139/2004

 

 

 

1     JOCE L24, 29.1.2004, p.1

2     Cf IV/M.874 AMEC/Financière Spie-Batignolles/Spie-Batignolles du 6 février 1997, IV/M1670 Geril/FCC Construccion/Engil du 10 septembre 1999, M3754 Strabag/Dywidag du 23 juin 2005.

3      Avis n° 01-A-08 du 5 juin 2001 relatif à l'acquisition du groupe GTM par la société Vinci.

4      La Conseil a identifié également des marchés non concernés par l'opération car seul Vinci y est actif : les travaux de voies ferrées, les terrassements et les travaux de réseaux et canalisations en souterrain.

5      Marchés de dragage et de curage cf décisions COMP/M1877 Boskalis/HBG du 26 mai 2000COMP/M2503 HBG/Ballast Nedam/Baggeren JV du 3 août 2001 et COMP/M3311 Van Oord/BHD/Bagger Holding JV du 11 décembre 2003. 

6      Le seuil de 5 millions d'euros avait été retenu dans les décisions M1877, M.2503 et M.3311 précitées. Il correspond approximativement au montant à partir duquel en France la procédure d'appel d'offres au niveau communautaire devient obligatoire (5 270 000 euros) cf article 39 du code français des marchés publics.

7      Réponse à la question 6 du questionnaire "concurrents" adressé le 25 juin 2007.

8      Vinci indique également qu'en pratique de nombreux appels d'offres d'un montant inférieur sont cependant publiés au JOUE, du fait de la volonté des collectivités publiques de recourir spontanément à cette publication bien qu'elles n'y soient pas juridiquement tenues.

9       Les montants totaux de chaque marché sont extraits du recueil de statistiques des travaux publics en 2005, établi par la FNTP. Les données relatives aux concurrents sont issues de données publiques (comptes publiés sur des sites internet spécialisés) et ont été globalement confirmées par l'enquête de marché.

10     Les parts de marché en fondations spéciales et en génie civil ont été calculées par la partie notifiante en affectant au segment de génie civil concerné le chiffre d'affaires global d'un chantier lorsque Vinci ou Solétanche intervenaient sur le même chantier à la fois en génie civil et en fondations spéciales, afin de tenir compte de l'activité dominante, la part de travaux spéciaux étant toujours minoritaire dans  un chantier de génie civil. Le choix d'une méthode alternative (affecter au marché des fondations spéciales le chiffre d'affaires en travaux spéciaux réalisés dans le cadre d'un chantier de génie civil) donnerait aux parties une part de marché combinée en fondations spéciales légèrement supérieure ([20-30%]).

11      Form CO, page 10.

12      Cf Rapport annuel 2006 du groupe Vinci page 81

13      Form Co, page 11

14 Lettre du Ministre de l'économie et des finances et de l'industrie du 6 mars 2006 aux conseils de la société Vinci relative à une concentration dans le secteur des infrastructures autoroutières.

15      Lettre du Ministre de l'économie et des finances et de l'industrie du 6 mars 2006 précitée.

16      Form CO annexe 6.1.3.

17      Lettre du Ministre de l'économie et des finances et de l'industrie du 14 mai 2007 aux conseils de la société Colas relative à une concentration dans le secteur de la pose et de la maintenance de voies ferrées.

18      Les Antilles françaises regroupent les départements d'outre-mer (DOM) de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique et les collectivités d'outre mer (COM) de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.