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Décisions

CJCE, président, 15 décembre 2000, n° C-361/00 P (R)

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Ordonnance

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Cho Yang Shipping Co. Ltd

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocat général :

M. Jacobs

Avocats :

Me Bromfield, Me Thomas

CJCE n° C-361/00 P (R)

15 décembre 2000

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 29 septembre 2000, Cho Yang Shipping Co. Ltd a formé, conformément aux articles 225 CE et 50, deuxième alinéa, du statut CE de la Cour de justice, un pourvoi contre l'ordonnance du président du Tribunal de première instance du 28 juin 2000, Cho Yang Shipping/Commission (T-191/98 R II, non encore publiée au Recueil, ci-après l'«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté sa demande tendant au sursis à l'exécution de la décision 1999/243/CE de la Commission, du 16 septembre 1998, relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du traité CE (Affaire IV/35.134 - Trans-Atlantic Conference Agreement) (JO 1999, L 95, p. 1, ci-après la «décision attaquée»), en ce qu'elle lui inflige, dans son article 8, une amende de 13 750 000 euros.

2. Outre l'annulation de l'ordonnance attaquée, la requérante demande :

- qu'il soit sursis à l'exécution de la décision attaquée, dans la mesure où elle lui inflige, dans son article 8, une amende de 13 750 000 euros, jusqu'à ce que l'arrêt définitif soit rendu dans l'affaire Atlantic Container Line e.a./Commission (T-191/98) - y compris sur un éventuel pourvoi -;

- que la Commission soit condamnée aux dépens.

3. Par ailleurs, la requérante sollicite la possibilité de présenter des observations sur le traitement à réserver aux données confidentielles que pourrait contenir l'ordonnance mettant fin à la présente instance.

4. Par acte déposé au greffe le 20 octobre 2000, la Commission a présenté ses observations écrites devant la Cour.

Le cadre juridique, les faits et la procédure

5. Le cadre juridique, les faits qui sont à l'origine du litige et la procédure devant le Tribunal sont exposés comme suit dans l'ordonnance attaquée:

«1 La requérante était l'une des quinze compagnies maritimes parties au Trans-Atlantic Agreement (ci-après «TAA»), un accord relatif au transport de ligne à travers l'Atlantique, entre l'Europe du Nord et les États-Unis d'Amérique, entré en vigueur le 31 août 1992.

 2 Le 19 octobre 1994, la Commission a arrêté la décision 94/980/CE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/34.446 - Trans-Atlantic Agreement) (JO L 376, p. 1), par laquelle, d'une part, elle a constaté que certaines dispositions du TAA, dont, notamment, celles relatives à certains services de transport terrestre sur le territoire de la Communauté, enfreignaient l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) et, d'autre part, elle a refusé d'appliquer l'article 85, paragraphe 3, du traité et l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017/68 du Conseil, du 19 juillet 1968, portant application des règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 175, p. 1), à ces dispositions. La décision 94/980 interdisait à ses destinataires de se livrer, notamment, à des pratiques de fixation des prix ayant un objet ou un effet identique ou analogue aux dispositions contenues dans le TAA.

 3 À l'issue de nombreuses discussions avec la Commission, les parties au TAA ont notifié à cette dernière, le 5 juillet 1994, un nouvel accord destiné à le remplacer et intitulé le Trans-Atlantic Conference Agreement (ci-après «TACA»), lequel est entré en vigueur le 24 octobre 1994.

 4 Le 16 septembre 1998, la Commission a adopté la décision [attaquée].

 5 Selon les articles 1er, 2 et 3 de la décision [attaquée], les parties au TACA ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE) et de l'article 2 du règlement n° 1017/68 en concluant un accord en vertu duquel elles ont mené diverses activités contraires à la concurrence.

 6 Selon les articles 5 et 6 de la décision [attaquée], la requérante et les autres parties au TACA ont enfreint les dispositions de l'article 86 du traité CE (devenu article 82 CE) et de l'article 54 de l'accord EEE, en modifiant la structure concurrentielle du marché de façon à renforcer leur position dominante collective et en prévoyant des restrictions relatives à l'accès et au contenu de contrats de services.

 7 L'article 8 de la décision [attaquée], pour les infractions constatées aux articles 5 et 6, inflige aux parties au TACA une amende s'élevant, en ce qui concerne la requérante, à 13,75 millions d'euros. L'article 10 prévoit que les amendes fixées à l'article 8 sont payables dans un délai de trois mois à compter de la date de la notification de la décision [attaquée]. À l'expiration de ce délai, des intérêts sont automatiquement dus au taux de 7,5 %.

 8 Par lettre du 25 septembre 1998, la Commission a notifié la décision [attaquée] à la requérante. Dans cette lettre, elle précisait que, si la requérante introduisait un recours devant le Tribunal, elle ne procéderait à aucune mesure de recouvrement tant que l'affaire serait pendante devant cette juridiction, pour autant que la créance produise intérêts au taux de 5,50 %, à partir de la date d'expiration du délai de payement, et qu'une garantie bancaire, acceptable par elle et couvrant la dette tant au principal qu'en intérêts, soit fournie au plus tard à cette date.

 9 Par lettre du 2 décembre 1998, la requérante a sollicité une dispense de l'obligation de constituer une garantie bancaire ou de payer l'amende.

 10 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 décembre 1998, la requérante, avec onze autres compagnies maritimes parties au TACA, a introduit, en vertu de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE), un recours visant à l'annulation de la décision [attaquée] (affaire T-191/98).

 11 Le 9 juin 1999, la Commission a rejeté la demande de la requérante et indiqué qu'elle était prête à accepter :

 'a) une garantie bancaire limitée dans le temps (par exemple, pour une période d'un an) en utilisant le modèle de garantie bancaire ci-annexé ;

 b) un mécanisme de règlement permettant à la société de payer par fractionnement à la condition que les intérêts de retard soient calculés et que le solde de la dette soit couvert par une garantie bancaire ordinaire'.

 12 Le modèle de garantie bancaire annexé à cette lettre prévoit que cette garantie a une durée initiale d'un an, renouvelable automatiquement pour de nouvelles périodes d'un an si elle n'est pas révoquée par la banque. En cas de révocation, la requérante est tenue de s'acquitter dans un délai de quinze jours du montant de l'amende augmenté des intérêts échus.

13 Par acte déposé au greffe le 19 octobre 1999, la requérante a introduit, en vertu de l'article 242 CE, la présente demande tendant :

 - au sursis à l'exécution de la décision [attaquée] en ce qu'elle lui impose, dans son article 8, le payement d'une amende de 13,75 millions d'euros, jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur l'affaire T-191/98 et sur tout pourvoi y afférent et jusqu'à la signature de l'ordonnance mettant fin à la présente instance en référé ;

 - à la condamnation de la Commission aux dépens afférents à la présente instance en référé.

 [...]

 15 La Commission a présenté des observations écrites le 29 octobre 1999.

 16 Le juge des référés a invité la requérante à répondre lors de l'audition des parties à certaines questions écrites.

 17 Les parties ont été entendues en leurs explications le 12 novembre 1999. Lors de l'audition, la requérante a été invitée à compléter ses réponses aux questions écrites qui lui avaient été posées. Le 3 décembre 1999, la Commission a émis des observations sur les réponses complémentaires que la requérante a déposées au greffe le 26 novembre.

 18 Le 7 décembre 1999, le juge des référés a invité la requérante à se prononcer sur certaines questions soulevées par la Commission dans ses observations du 3 décembre. La requérante a répondu par lettre déposée au greffe le 15 décembre 1999.

 19 Par ordonnance du même jour (Cho Yang Shipping/Commission, T-191/98 R II, non publiée au Recueil), le juge des référés a ordonné le sursis à l'exécution de la décision attaquée jusqu'à la signature de l'ordonnance mettant fin à la présente instance en référé, et exigé lacommunication des comptes annuels relatifs à l'exercice clos le 31 décembre 1999, vérifiés et certifiés par un cabinet d'audit de réputation internationale, accompagnés d'une lettre émanant dudit cabinet attestant que ces comptes font apparaître le montant de l'amende infligée à la requérante par la décision [attaquée], en principal et intérêts. Enfin, le point 3 du dispositif de cette ordonnance précisait que, jusqu'à ce qu'il soit mis fin à la présente instance en référé, l'amende infligée à la requérante continuerait de produire des intérêts au taux de 7,5 % conformément aux dispositions de l'article 10 de la décision [attaquée].

 20 Le 31 mars 2000, la requérante a déposé au greffe un rapport du cabinet Seo Il & Company présentant ses comptes annuels relatifs à l'exercice 1999. La Commission, par lettre déposée au greffe le 19 avril 2000, a émis des observations sur ces comptes.»

L'ordonnance attaquée

6. Par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé.

7. D'emblée, le juge des référés a déclaré manifestement irrecevables les conclusions de la requérante visant à obtenir des mesures provisoires jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal dans l'affaire Atlantic Container Line e.a./Commission, précitée. Le juge des référés a en effet considéré, au point 41 de l'ordonnance attaquée, qu'il n'était pas compétent pour ordonner des mesures provisoires destinées à produire des effets jusqu'au prononcé d'un arrêt de la Cour sur un pourvoi qui pourrait être formé contre l'arrêt du Tribunal mettant fin à l'instance au principal.

8. Le juge des référés a ensuite constaté, au point 42, que la requérante sollicitait le sursis à l'exécution de la décision attaquée en ce que celle-ci lui inflige, dans son article 8, une amende de 13 750 000 euros alors que, dans sa lettre de notification du 25 septembre 1998, la Commission avait précisé que, en cas de recours, elle ne procéderait à aucune mesure de recouvrement de l'amende pour autant que la requérante constitue une garantie bancaire couvrant le montant de l'amende, en principal et en intérêts. Le juge des référés a considéré que, dans ces conditions, la demande de sursis à l'exécution ne pouvait avoir d'autre objet utile que d'obtenir une dispense de l'obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat du montant de l'amende infligée par la décision attaquée. Il a rappelé à cet égard que, sauf à vider de sens le principe du caractère non suspensif des recours posé par l'article 242 CE, il ne saurait être fait droit à la demande de la requérante qu'en présence de circonstances exceptionnelles [ordonnances du 6 mai 1982, AEG/Commission, 107/82 R, Rec. p. 1549, point 6, et du 14 décembre 1999, DSR-Senator Lines/Commission, C-364/99 P(R), Rec. p. I-8733, point 48].

9. La Commission ayant admis l'existence d'un fumus boni juris, le juge des référés a examiné, au point 43, si la requérante avait rapporté la preuve qu'il lui était impossible de constituer la garantie demandée sans mettre en péril son existence et que, dès lors, la condition relative à l'urgence était remplie. À cet égard, il a considéré que la pertinence des lettres par lesquelles les banques ont manifesté leur refus d'octroyer la garantie exigée devait être évaluée à la lumière de la situation économique objective de la requérante.

10. Pour procéder à un tel examen, lequel implique une analyse complexe de nombreuses données comptables et financières, le juge des référés a, compte tenu de l'imminence de la clôture de l'exercice 1999, exigé, par l'ordonnance du 15 décembre 1999, Cho Yang Shipping/Commission, précitée, que la requérante produise avant le 1er avril 2000 les comptes de son dernier exercice.

11. Au terme de cet examen, le juge des référés a constaté, au point 45 de l'ordonnance attaquée, que la requérante n'avait pas établi qu'elle était confrontée à un risque de préjudice de nature à justifier le sursis à l'exécution sollicité.

12. Le juge des référés a relevé à cet égard, aux points 46 et 47, que les difficultés invoquées par la requérante trouvaient leur origine dans des faits antérieurs à la décision attaquée. En effet, dès 1995, la requérante aurait souffert d'un fort endettement. Sa situation financière se serait dégradée en 1996 et, en outre, aurait été affectée par la crise économique et monétaire asiatique de 1997.

13. Le juge des référés a cependant constaté, au point 48, que, depuis 1998, la situation de la requérante s'était considérablement améliorée. Tout d'abord, entre 1997 et 1998, cette dernière aurait réduit son passif de plus de 16 % et, entre 1998 et 1999, de plus de 34 %. Il aurait été de 557 milliards de KRW (wons coréens) en 1999, soit environ la moitié du passif de 1997. Ensuite, grâce à l'accord de restructuration conclu entre la Seoul Bank et le Cho Yang Group, la requérante aurait été en mesure, à la fin de l'exercice 1999, d'éliminer les 480 milliards de pertes reportées lors de l'exercice précédent et de présenter un résultat d'exploitation de 46 milliards de KRW, pour un résultat net supérieur à 253 milliards de KRW. Au cours de cet exercice, ses fonds propres seraient passés de - 427 milliards de KRW à 96 milliards de KRW, ramenant son ratio d'endettement (passif/fonds propres) à 6, niveau près de cinq fois inférieur à celui constaté en 1996. Sa charge d'intérêts serait passée de 117 milliards à 73 milliards de KRW. Au cours du deuxième semestre de 1999, la requérante aurait enregistré de meilleurs résultats qu'elle ne l'avait escompté lors de l'introduction de sa demande en référé.

14. Le juge des référés a reconnu, au point 49, que, malgré ces développements positifs, la liquidation immédiate des navires et des actifs immobiliers de la requérante n'aurait pas permis de dégager des liquidités suffisantes pour le paiement de l'amende. Il a toutefois ajouté que la requérante disposait de participations dans les sociétés Dong Seoul et Dong Young Shipping qui, dans le cadre du plan de restructuration, étaient appelées à être prochainement liquidées et dont le montant était largement supérieur à celui de l'amende.

15. Le juge des référés a enfin relevé, au point 50, que la requérante disposait désormais d'une certaine marge d'autofinancement. Les liquidités dégagées en 1999, bien qu'inférieures au montant nécessaire au paiement de l'amende, auraient dû permettre à la requérante de se procurer une garantie bancaire ou, à défaut, des capitaux lui permettant de s'acquitter du montant de l'amende. Les refus opposés par les banques consultées par la requérante, antérieurs à la publication des comptes relatifs à l'exercice 1999, seraient, à cet égard, sans incidence.

16. Le juge des référés a conclu, au point 51, que, dans une telle situation, il n'était pas impossible, pour la requérante, de constituer une garantie bancaire sans mettre en péril son existence. Compte tenu de l'amélioration générale de sa situation, l'exécution de la décision attaquée avant que n'intervienne un arrêt sur le fond n'aurait pas été de nature à entraîner, pour la requérante, des dommages graves et qui ne pourraient pas être réparés même si ladite décision venait à être annulée par le Tribunal. Dès lors, la condition relative à l'urgence ne serait pas remplie.

17. Le juge des référés a relevé, par ailleurs, que la balance des intérêts en présence s'opposait à ce qu'il soit fait droit à la demande de la requérante. En effet, l'intérêt général à faire respecter la décision attaquée, lié à la préservation de l'effectivité des règles communautaires de concurrence et de la portée dissuasive des amendes prononcées par la Commission, primerait l'intérêt particulier de la requérante, laquelle ne serait désormais plus confrontée à un risque de préjudice grave et irréparable.

Le pourvoi

Les arguments de la requérante

18. À l'appui de son pourvoi, la requérante invoque quatre moyens tirés, respectivement, d'une dénaturation des preuves soumises au président du Tribunal, d'une violation par ce dernier de la procédure, d'une erreur de droit commise par le juge des référés dans l'application du critère du sursis à l'exécution ainsi que d'une erreur de droit de celui-ci dans l'appréciation de sa compétence.

19. Par le premier moyen, il est fait grief au juge des référés d'avoir, en appréciant l'urgence et la balance des intérêts, dénaturé les preuves qui lui ont été soumises.

20. Ainsi, tout en admettant que sa situation financière s'est améliorée, en termes généraux, la requérante reproche au juge des référés d'avoir décrit sa situation en 1999 en se référant en particulier à son résultat d'exploitation, lequel ne tiendrait pas compte de l'importante charge d'intérêts qu'elle supporte, et à son résultat net, qui serait positif non pas en raison des profits retirés des activités d'exploitation, mais uniquement à cause d'une vente d'actifs qui a été effectuée conformément au plan de la restructuration et dont le produit a été immédiatement reversé aux banques pour réduire l'endettement bancaire de la requérante.

21. En agissant de la sorte, le juge des référés aurait ignoré les intérêts que la requérante supporte en raison de sa dette bancaire très importante ainsi que l'indicateur le plus pertinent quant à sa capacité à produire des revenus de manière continue, à savoir le fait que, s'il est fait abstraction de l'élément extraordinaire que constitue la vente d'actifs, la requérante a subi en 1999 une perte ordinaire de 7 milliards de KRW (4 millions d'euros).

22. La situation financière de la requérante resterait dès lors très fragile, en dépit des améliorations obtenues grâce à l'application du plan de restructuration dont la mise en oeuvre s'étend jusqu'à la fin de 2002.

23. Constituerait également une dénaturation des preuves la conclusion du juge des référés selon laquelle, dans un futur proche, la requérante retirerait de la vente de ses participations dans Dong Young Shipping et Dong Seoul des liquidités largement supérieures au montant de l'amende, à savoir, respectivement, ... selon l'estimation figurant dans le plan de restructuration.

24. Or, d'une part, ainsi que l'indique la note 5 des comptes contrôlés de la requérante relatifs à l'exercice 1999, ces participations étaient gagées auprès de la Seoul Bank, jusqu'à un maximum de 70,202 milliards de KRW. Le produit retiré de la vente desdites participations ne pourrait dès lors être utilisé pour payer l'amende infligée par la Commission.

25. D'autre part, ainsi qu'il ressortait de la réponse de la requérante aux questions du Tribunal, cette dernière aurait obtenu de la Seoul Bank un nouveau délai pour la vente de ses participations dans Dong Young Shipping et Dong Seoul, à savoir respectivement juin 2000 et ... , étant donné l'incapacité de la requérante à trouver un acheteur pour ces participations avant la fin de 1998, comme il était prévu par le plan de restructuration. Ce ne serait que le 17 août 2000 que cette dernière serait finalement parvenue à vendre ses participations dans Dong Young Shipping pour un montant de ..., lequel aurait été reversé à la Seoul Bank. Quant à ses participations dans Dong Seoul, la requérante n'aurait toujours pas pu les vendre. Cette dernière ne pourrait au mieux disposer du produit de cette vente qu'une année après l'adoption de l'ordonnance attaquée.

26. Le juge des référés aurait également dénaturé les preuves qui lui ont été soumises en concluant que la requérante devrait désormais être en mesure d'obtenir une garantie bancaire ou un prêt, lui permettant de s'acquitter du montant de l'amende, sur la base d'un critère qui n'a été appliqué par aucune des banques de la requérante et sans prendre en compte l'attitude adoptée par ces dernières à son égard.

27. Or, la requérante aurait prouvé que sa principale banque, la Seoul Bank, ainsi que trois autres banques avaient refusé, en novembre 1998 ainsi qu'en juillet et août 1999, de lui accorder une garantie bancaire, pour des motifs identiques, à savoir, d'une part, le très faible ratio entre la garantie constituée par la requérante et ses emprunts existants - ce ratio étant bien inférieur à celui qu'exigent les directives appliquées par les banques - et, d'autre part, le double fait que le passif de la requérante dépassait son capital libéré et que le ratio dettes/fonds propres de cette dernière était bien supérieur à celui caractérisant une situation normale. Les banques auraient également refusé en 1999 d'envisager d'ouvrir une nouvelle ligne de crédit pour la requérante.

28. Contrairement à ce qu'a constaté le juge des référés, le fait que les liquidités de la requérante n'étaient pas entièrement absorbées par sa charge d'intérêts ne lui permettrait pas d'obtenir une garantie bancaire. En effet, ces liquidités seraient utilisées pour rembourser les prêts existants. Le caractère erroné de la conclusion à laquelle le juge des référés est parvenu serait confirmé par le fait que les banques de la requérante ont de nouveau refusé de lui accorder la garantie bancaire sollicitée sur la base de ses comptes contrôlés relatifs à l'exercice 1999.

29. La dénaturation des preuves relatives aux trois questions clés que constituent les résultats de la requérante au titre de l'exercice 1999, la vente de ses participations dans Dong Young Shipping et Dong Seoul, ainsi que sa capacité à obtenir une garantie bancaire ou un prêt, invaliderait totalement la conclusion du juge des référés selon laquelle la condition relative à l'urgence n'était pas satisfaite en l'espèce ainsi que son appréciation de la balance des intérêts. En effet, pour rejeter la demande de sursis dont il était saisi, le juge des référés a considéré que, en l'absence de risque de préjudice grave et irréparable pour la requérante, l'intérêt de cette dernière consistait simplement à éviter le paiement immédiat de l'amende.

30. Par le deuxième moyen, il est fait grief au juge des référés d'avoir violé la procédure en ne donnant pas à la requérante la possibilité de présenter des observations, par écrit ou oralement, sur sa situation financière après l'adoption des comptes contrôlés relatifs à l'exercice 1999. Une telle violation aurait porté atteinte aux droits de la défense de la requérante protégés par le droit communautaire ainsi qu'au principe audi alteram partem consacré par ce droit.

31. La requérante fait valoir à cet égard que la portée limitée du pourvoi devant la Cour est fondée sur l'hypothèse que les parties ont eu la possibilité de débattre de toutes les questions pertinentes devant le Tribunal.

32. À la suite de la transmission au juge des référés de ses comptes contrôlés relatifs à l'exercice 1999, la requérante se serait attendue, à l'instar de la Commission, à pouvoir présenter des observations sur ceux-ci ou à être invitée par le juge des référés à répondre à une série de questions détaillées sur l'évolution de sa situation financière. À tout le moins, elle aurait escompté la tenue d'une audience, laquelle avait été expressément envisagée par le juge des référés, étant donné que l'ordonnance attaquée affectait sa situation juridique en mettant un terme au sursis accordé par l'ordonnance Cho Yang Shipping/Commission, précitée.

33. Cette violation de la procédure aurait privé la requérante de la possibilité de convaincre le juge des référés du bien-fondé de ses arguments, notamment en ce qui concerne les questions relatives au premier moyen, et, en particulier, de lui soumettre la preuve la plus importante quant à sa capacité à obtenir une garantie bancaire ou un prêt après l'adoption des comptes contrôlés relatifs à l'exercice 1999, à savoir les nouvelles lettres de refus émanant de quatre banques. D'une manière plus générale, la requérante n'aurait pas été en mesure de faire valoir devant le juge des référés les progrès effectués dans son processus de restructuration.

34. Par le troisième moyen, il est fait grief au juge des référés d'avoir commis une erreur de droit dans l'application du critère du sursis à l'exécution en adoptant une approche indûment restrictive lors de l'examen de l'existence éventuelle de circonstances exceptionnelles justifiant une dérogation à l'obligation de fournir une garantie bancaire.

35. En appréciant l'existence de telles circonstances, le juge des référés aurait dû prendre en considération les trois circonstances suivantes.

36. En premier lieu, un tribunal indépendant et impartial, conformément aux principes fondamentaux du droit communautaire, n'aurait pas encore établi l'existence d'une infraction au droit communautaire.

37. Cette circonstance serait particulièrement importante en ce qui concerne la possibilité de suspendre l'obligation de payer une amende infligée par la Commission en matière de concurrence. En effet, l'exécution de la décision infligeant une amende alors que le Tribunal n'aurait pas encore rendu son arrêt reviendrait à sanctionner une entreprise pour violation des règles de concurrence avant qu'une telle violation n'ait été constatée par un tribunal indépendant et impartial.

38. Seule la suspension, durant toute la durée de la procédure juridictionnelle, d'une amende infligée par la Commission pour infraction aux règles de concurrence, sans obligation de fournir une garantie bancaire, respecterait pleinement les droits de la défense et l'accès à la justice. À la suite de l'ordonnance DSR-Senator Lines/Commission, précitée, DSR-Senator Lines GmbH aurait d'ailleurs introduit un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme à l'encontre des quinze États membres de l'Union européenne, en faisant valoir que la non-suspension de l'amende qui lui avait été infligée par la décision attaquée violerait la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

39. En deuxième lieu, la procédure judiciaire destinée à déterminer le montant approprié de l'amende ne serait pas encore parvenue à son terme.

40. Or, lorsque l'action principale est introduite en application de l'article 229 CE, le juge communautaire dispose d'une compétence de pleine juridiction lui permettant d'annuler ou de réduire l'amende infligée par la Commission.

41. Le fait que le montant approprié de l'amende infligée à une entreprise qui a violé les règles de concurrence soit déterminé in fine par le juge communautaire constituerait une circonstance importante qui devrait être prise en considération par le juge des référés lorsqu'il décide d'ordonner le sursis à l'exécution d'une telle amende.

42. En troisième lieu, la suspension du recouvrement d'une amende reporterait seulement la date à laquelle une somme d'argent est payée, sans affecter le jeu de la concurrence ni les tiers.

43. Le juge des référés devrait tenir compte de cette circonstance importante lorsqu'il décide d'ordonner ou non le sursis à l'exécution. À tout le moins, il ne devrait pas adopter, en ce qui concerne la suspension du recouvrement d'une amende, une attitude plus restrictive que celle qu'il a en cas de sursis à l'exécution des autres mesures que la Commission peut obliger les entreprises à prendre pour mettre un terme à une violation des règles de concurrence, sursis pour l'obtention duquel aucune circonstance exceptionnelle ne doit être démontrée.

44. La prise en compte de ces trois circonstances aurait dû conduire le juge des référés à adopter une position moins restrictive quant à l'existence de circonstances exceptionnelles.

45. Le fait que, en l'espèce, la requérante est manifestement en difficulté financière, que ses activités sont soumises à un plan de restructuration imposé par sa principale banque, suivant les instructions d'une agence gouvernementale, et qu'elle est en mesure de prouver son incapacité à obtenir une garantie bancaire pour le montant de l'amende et les intérêts échus de celle-ci devrait être considéré comme constitutif de circonstances exceptionnelles, justifiant la suspension de l'obligation de payer l'amende qui a été infligée par la Commission.

46. Par le quatrième et dernier moyen, il est fait grief au juge des référés d'avoir commis une erreur de droit en considérant qu'il n'est pas compétent pour ordonner des mesures provisoires destinées à produire des effets jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour rendu sur un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal mettant fin à l'instance au fond.

47. Une telle conclusion serait erronée en droit, du moins dans la mesure où elle concerne la suspension du recouvrement d'une amende infligée pour violation des règles de concurrence. Dans ce domaine, il serait dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice que le Tribunal soit compétent pour accorder un sursis à l'exécution qui s'étende au pourvoi contre l'arrêt au fond. Une fois que le pourvoi est introduit, la Cour serait compétente, en cas de modification des circonstances, pour modifier le sursis ou pour y mettre un terme.

48. Il semble résulter des articles 83, paragraphe 1, et 118 du règlement de procédure de la Cour que cette dernière n'est pas compétente pour accorder un sursis à l'exécution jusqu'à ce qu'un pourvoi soit introduit. Pour garantir la protection effective des entreprises concernées, il serait par conséquent essentiel que le Tribunal puisse, à tout le moins, ordonner le sursis à l'exécution d'une décision infligeant une amende pendant le délai prévu pour l'introduction d'un pourvoi contre son arrêt au fond.

Les arguments de la Commission

49. La Commission rappelle à titre liminaire qu'elle n'a pas demandé le paiement immédiat de l'amende infligée à la requérante. La procédure en référé introduite par cette dernière porterait dès lors exclusivement sur l'obligation de constituer une garantie bancaire. Or, selon une jurisprudence constante, une demande de dispense d'une telle obligation ne pourrait être acceptée que dans des circonstances exceptionnelles, lorsque la constitution d'une telle garantie est objectivement impossible ou si elle devait en soi causer un préjudice grave et irréparable au requérant.

50. Selon la Commission, le premier moyen, tiré de la dénaturation, par le juge des référés, des preuves qui lui ont été soumises, serait irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

51. Les arguments invoqués à l'appui de ce moyen reviendraient en fait à soutenir que le juge des référés s'est trompé dans l'appréciation de la situation financière de la requérante ou qu'il aurait dû accorder plus d'importance à certains des éléments cités dans l'ordonnance attaquée et une importance moindre à d'autres éléments. Or, une telle question ne pourrait faire l'objet d'un pourvoi.

52. Contrairement à la requérante, la Commission considère que le juge des référés n'a pas dénaturé les preuves qui lui ont été soumises et que l'ordonnance attaquée est entièrement justifiée au regard de ces preuves.

53. Ainsi, le retour de la requérante à une santé financière relative n'aurait pas été inféré exclusivement de son résultat d'exploitation et de son résultat net pour l'exercice clos le 31 décembre 1999. Le juge des référés aurait tenu compte d'un ensemble d'éléments, parmi lesquels figuraient également la très nette amélioration des actifs de la requérante et de son ratio dette/fonds propres, la réduction considérable de son passif et des intérêts de la dette bancaire, les bons résultats du second semestre de 1999, ainsi que le redressement réalisé grâce à la restructuration.

54. En tout état de cause, les résultats des comptes contrôlés relatifs à l'exercice 1999 confirmeraient l'amélioration spectaculaire de la situation financière de la requérante. Les pertes ordinaires de cette dernière en 1999, qui se chiffrent à 7 milliards de KRW, devraient être comparées à celles de 1998, lesquelles dépassaient 100 milliards de KRW. Ces pertes montreraient que la requérante a réalisé un bénéfice au second semestre de 1999, puisque, au premier semestre de la même année, elles avaient été évaluées à 9 milliards de KRW.

55. La réduction de la dette de la requérante et, par conséquent, des intérêts qu'elle paie, à laquelle se réfère l'ordonnance attaquée, revêtirait une importance particulière en ce qu'elle lui permettrait de transformer ses résultats d'exploitation positifs en bénéfices ordinaires. Or, la charge des intérêts acquittés par la requérante aurait été réduite de moitié depuis 1997 et une amélioration considérable à cet égard se serait produite pendant le deuxième semestre de 1999.

56. De même, la vente probable des participations de la requérante dans Dong Seoul et Dong Young Shipping ne constituerait qu'un des éléments dont le juge des référés a tenu compte pour apprécier sa situation financière. Cette vente n'aurait été mentionnée que pour répondre à l'argument selon lequel les navires et les biens immobiliers de la requérante ... . Au demeurant, le versement du produit de cette vente améliorerait encore la situation des actifs de la requérante et réduirait les intérêts qu'elle paie, confirmant ainsi la conclusion à laquelle le juge des référés est parvenu. En outre, seuls 70 des ... milliards de KRW que la requérante escompte retirer de cette vente seraient affectés à la réduction de sa dette.

57. En outre, les liquidités dont dispose la requérante ne constitueraient qu'un élément indiquant que sa situation financière s'est améliorée et qu'elle pouvait espérer une attitude plus positive de ses banques si ces dernières avaient à choisir entre lui apporter leur aide ou la mettre en liquidation.

58. Quant au deuxième moyen, tiré du fait que le juge des référés aurait violé la procédure en ne donnant pas à la requérante la possibilité de présenter des observations sur sa situation financière après l'adoption des comptes contrôlés relatifs à l'exercice 1999, la Commission soutient qu'il n'est pas fondé.

59. Le but de la suspension provisoire de la décision attaquée par l'ordonnance Cho Yang Shipping/Commission, précitée, et de la demande de présentation des comptes contrôlés relatifs à l'exercice de 1999 aurait été de permettre au juge des référés d'apprécier les arguments de la requérante sur la base des chiffres définitifs plutôt que sur le fondement des estimations des parties. Il n'aurait donc pas été nécessaire de débattre de points qui avaient déjà longuement été examinés. La Commission se serait ainsi limitée à expliquer les raisons pour lesquelles les chiffres définitifs confirmaient ses arguments. En tout état de cause, la requérante auraitpu formuler toutes observations utiles relatives auxdits comptes lors de leur transmission au juge des référés.

60. De même, la requérante aurait pu communiquer au président du Tribunal, si elle le jugeait utile, toutes informations complémentaires concernant la mise en oeuvre de sa restructuration ainsi que les nouvelles lettres des banques refusant de fournir une garantie bancaire.

61. Selon la Commission, le troisième moyen, tiré d'une erreur de droit commise dans l'application du critère du sursis à l'exécution par le juge des référés, serait irrecevable dans la mesure où la requérante n'a pas fait valoir devant ce dernier que la jurisprudence restrictive relative à la possibilité de suspendre le paiement d'une amende sans constitution de garantie bancaire est erronée dans ses principes.

62. En tout état de cause, même s'il était jugé recevable, ce moyen ne serait pas fondé. En effet, le juge des référés se serait borné à appliquer le critère des circonstances exceptionnelles consacré par la jurisprudence de la Cour.

63. Dans la mesure où un tribunal indépendant et impartial n'a pas encore établi l'existence d'une violation du droit communautaire de la concurrence et où la procédure juridictionnelle destinée à déterminer le montant approprié de l'amende infligée en raison de cette violation n'est pas encore parvenue à son terme, une obligation de payer l'amende, sans suspension en cas de recours formé devant une juridiction indépendante, pourrait être contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou aux principes fondamentaux correspondants du droit communautaire si le résultat de cette obligation de paiement immédiat était de refuser à l'entreprise concernée l'accès à la justice, notamment parce que le paiement de l'amende entraînerait sa liquidation.

64.Tel ne serait toutefois pas le cas en l'espèce. La suspension du recouvrement de l'amende serait accordée par la Commission elle-même à la condition qu'une garantie bancaire soit constituée. En outre, si l'entreprise concernée peut démontrer l'existence de circonstances exceptionnelles, à savoir une véritable incapacité de constituer une telle garantie, elle pourrait obtenir du juge des référés une ordonnance suspendant l'obligation de constituer cette garantie.

65. Quant à la requête introduite par DSR-Senator Lines devant la Cour européenne des droits de l'homme, elle porterait essentiellement sur une question différente, à savoir la possibilité, pour les juridictions communautaires, de tenir compte de la puissance financière du groupe à laquelle l'entreprise concernée appartient, même si celle-ci constitue une personne morale distincte de ce groupe.

66. Par ailleurs, l'argument selon lequel la suspension du recouvrement d'une amende n'aurait pas d'incidence directe sur la concurrence serait doublement irrecevable en ce que, d'une part, il n'a pas été invoqué devant le président du Tribunal et, d'autre part, il tend à mettre en cause son appréciation de l'équilibre des intérêts.

67. En tout état de cause, le juge des référés appliquerait le même critère en ce qui concerne la suspension du recouvrement d'une amende et le sursis à l'exécution des autres mesures que la Commission peut obliger les entreprises à adopter pour mettre un terme à une infraction aux règles de concurrence, à savoir la nécessité de la suspension pour éviter un préjudice grave et irréparable. L'obligation de démontrer l'existence de circonstances exceptionnelles pour obtenir la suspension de l'obligation de constituer une garantie bancaire serait simplement due au fait que la suspension du recouvrement de l'amende existe déjà et que celle de l'obligation de constituer une garantie ne peut être accordée que de manière exceptionnelle.

68. Enfin, quant au quatrième et dernier moyen tiré d'une erreur de droit prétendument commise par le juge des référés dans l'appréciation de sa compétence, la Commission estime qu'il n'est pas fondé dans la mesure où le président du Tribunal n'a pas le pouvoir d'ordonner des mesures provisoires jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal mettant fin à l'instance au fond. En effet, lorsque l'affaire a été déférée à la Cour, c'est à celle-ci qu'il appartient de décider si la décision de la Commission doit être suspendue en attendant que l'arrêt soit rendu.

69. En revanche, la Commission considère qu'il n'est pas déraisonnable de soutenir que le juge des référés devrait être compétent pour suspendre le recouvrement d'une amende jusqu'à l'expiration du délai prévu pour former un pourvoi.

70. En tout état de cause, la Commission fait valoir que, même si le juge des référés s'était trompé en ce qui concerne sa compétence pour ordonner le sursis à l'exécution jusqu'au prononcé de l'arrêt définitif de la Cour, une telle erreur n'aurait aucune incidence sur le résultat du pourvoi dans la mesure où le juge des référés a rejeté les arguments de la requérante relatifs à la nécessité d'ordonner le sursis à l'exécution.

71. Dès lors que les observations écrites des parties contiennent toutes les informations nécessaires pour qu'il soit statué sur le pourvoi, il n'y a pas lieu de les entendre en leurs explications orales.

Appréciation

72. Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, selon les articles 225 CE et 51 du statut CE de la Cour de justice, le pourvoi est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l'incompétence du Tribunal, d'irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit communautaire par ce dernier.

73. Le Tribunal est seul compétent, d'une part, pour constater les faits, sauf dans les cas où l'inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d'autre part, pour apprécier ces faits.

74. En outre, la Cour n'est, en principe, pas compétente pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l'appui de sa constatation ou de son appréciation des faits. En effet, dès lors que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d'administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d'apprécier la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments qui lui ont été soumis [ordonnance du 25 juin 1998, Antilles néerlandaises/Conseil, C-159/98 P(R), Rec. p. I-4147, point 68].

75. C'est compte tenu de ces éléments qu'il convient d'examiner les moyens du pourvoi.

76. Par son premier moyen, la requérante fait valoir que le juge des référés a dénaturé les preuves qui lui étaient soumises quant à ses résultats de 1999, quant à la vente de ses participations dans Dong Young Shipping et Dong Seoul et quant à sa capacité à obtenir une garantie bancaire ou un prêt.

77. Il convient de relever à cet égard qu'il ne résulte ni des allégations de la requérante ni de l'ordonnance attaquée que les constatations opérées par le juge des référés en ce qui concerne les trois éléments mentionnés au point précédent seraient entachées d'inexactitude matérielle.

78. En outre, contrairement à ce que fait valoir la requérante dans son pourvoi, le juge des référés a tenu compte de la charge d'intérêts qu'elle supporte et ne s'est pas fondé exclusivement sur le résultat d'exploitation et le résultat net de 1999 lorsqu'il a examiné si la situation financière de la requérante s'était améliorée, en sorte qu'elle puisse constituer une garantie bancaire sans mettre en péril son existence.

79. En effet, pour conclure que la requérante avait retrouvé une santé financière relative, le juge des référés a tenu compte, au point 48 de l'ordonnance attaquée, d'un ensemble d'éléments, parmi lesquels figurent la nette amélioration de ses actifs et de son ratio d'endettement, la réduction considérable de son passif et des intérêts de la dette, le fait que des résultats meilleurs que prévus ont été obtenus au cours du deuxième semestre de 1999 ainsi que le redressement réalisé grâce à la restructuration.

80. Quant aux participations de la requérante dans Dong Young Shipping et Dong Seoul, il importe de relever que le juge des référés s'est limité à constater, au point 49 de l'ordonnance attaquée, que, même si elle éprouvait des difficultés pour procéder à leur vente, le montant de ces participations était largement supérieur à celui de l'amende.

81. Dans ces circonstances, l'appréciation des éléments de preuve opérée par le juge des référés, selon laquelle l'amélioration de la situation financière de la requérante, le montant desdites participations ainsi que la marge d'autofinancement qu'elle a dégagée en 1999 auraient dû lui permettre d'obtenir une garantie bancaire ou, à défaut, des capitaux pour s'acquitter du montant de l'amende, ne saurait être réexaminée dans le cadre du pourvoi pour les motifs rappelés aux points 72 à 74 de la présente ordonnance.

82. Le premier moyen doit donc être rejeté.

83. Par son deuxième moyen, la requérante soutient que le juge des référés a commis une irrégularité de procédure en ne lui donnant pas la possibilité de présenter des observations, par écrit ou oralement, sur sa situation financière après l'adoption des comptes contrôlés relatifs à l'exercice 1999.

84. À cet égard, il suffit de constater que, devant le président du Tribunal, la requérante a pu présenter, tant oralement que par écrit, ses observations quant à l'évolution de sa situation financière. L'examen par le juge des référés de ses comptes contrôlés relatifs à l'exercice 1999, auxquels la requérante pouvait joindre toutes observations qu'elle jugeait utiles, constituait dès lors l'aboutissement d'une procédure juridictionnelle au cours de laquelle la requérante a pu faire valoir, à plusieurs reprises, son argumentation relative à sa situation financière.

85. Dans ces conditions, le fait que le président du Tribunal a jugé qu'il n'était pas nécessaire d'organiser une nouvelle audience à la suite de la transmission, par la requérante, de ses comptes contrôlés relatifs à l'exercice 1999, ni d'interroger celle-ci par écrit sur ces comptes, ne saurait être considéré comme constituant une atteinte aux droits de la défense de la requérante ou au principe audi alteram partem.

86. Le deuxième moyen doit dès lors être également rejeté.

87. Par son troisième moyen, la requérante reproche au juge des référés d'avoir commis une erreur de droit en appréciant d'une manière indûment restrictive l'existence d'éventuelles circonstances exceptionnelles justifiant une dispense de l'obligation de fournir une garantie bancaire.

88. Il importe de rappeler qu'une demande de dispense de l'obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat d'une amende infligée par la Commission ne peut être accueillie qu'en présence de circonstances exceptionnelles. La possibilité d'exiger la constitution d'une caution est en effet expressément prévue pour les procédures en référé, par les règlements de procédure de la Cour et du Tribunal, et correspond à une ligne de conduite générale et raisonnable de la Commission (voir, en dernier lieu, ordonnance DSR-Senator Lines/Commission, précitée, point 48).

89. Le juge des référés a dès lors vérifié, à juste titre, si de telles circonstances exceptionnelles étaient présentes en l'espèce et a conclu, pour les motifs rappelés aux points 78 à 80 de la présente ordonnance, qu'il n'était pas impossible, pour la requérante, de constituer une garantie bancaire sans mettre en péril son existence.

90. À cet égard, il convient de rappeler que la présente procédure en référé a pour objet non pas la suspension du paiement de l'amende, mais l'obtention par la requérante d'une dispense de l'obligation de fournir une garantie bancaire comme alternative au paiement immédiat de l'amende.

91. La requérante n'a pas démontré la raison pour laquelle la non-suspension, en l'absence de circonstances exceptionnelles, de son obligation de fournir une garantie bancaire, comme alternative au paiement immédiat de l'amende, serait contraire aux principes fondamentaux du droit communautaire.

92. Il y a lieu de relever à cet égard que la possibilité d'obtenir la suspension de l'obligation de payer une amende qui a été infligée à une entreprise pour violation des règles de concurrence, à laquelle s'ajoute la faculté pour cette dernière de démontrer que des circonstances exceptionnelles justifient qu'elle soit dispensée de l'obligation de constituer une garantie bancaire, prend en considération, en particulier, le fait que l'existence d'une infraction auxdites règles n'a pas encore été établie par un tribunal indépendant et impartial et que le montant de l'amende n'est pas définitivement fixé.

93. Dans ces circonstances, le juge des référés n'a pas commis une erreur de droit dans l'appréciation des circonstances justifiant une dispense de l'obligation de fournir une garantie bancaire.

94. Par conséquent, le troisième moyen ne peut qu'être rejeté.

95. Par son quatrième et dernier moyen, la requérante fait grief au président du Tribunal d'avoir commis une erreur de droit en considérant qu'il n'était pas compétent pour ordonner des mesures provisoires destinées à produire des effets jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour sur un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal mettant fin à l'instance au fond.

96. Il convient de constater tout d'abord qu'il découle du libellé des articles 242 CE et 243 CE que le sursis à l'exécution d'un acte - comme les mesures provisoires - ne peut être ordonné que dans le cadre d'une affaire dont la Cour ou le Tribunal sont respectivement saisis.

97. Il y a lieu de relever ensuite qu'il résulte de l'article 107, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal que, si l'ordonnance du président du Tribunal ne fixe pas de date à partir de laquelle la mesure provisoire cesse d'être applicable, cette mesure cesse ses effets dès le prononcé de l'arrêt qui met fin à l'instance.

98. Enfin, ainsi qu'il ressort de l'article 53, second alinéa, du statut CE de la Cour de justice, c'est à la Cour qu'il revient de statuer, en cas de pourvoi, sur toute demande de sursis à l'exécution ou de mesures provisoires formulée par une partie.

99. Il s'ensuit que le président du Tribunal est uniquement compétent pour accorder, par ordonnance motivée, le sursis à l'exécution d'un acte dans le cadre de l'instance pendante devant cette juridiction, sans qu'il puisse étendre les effets d'une telle ordonnance à un éventuel pourvoi qui pourrait être introduit devant la Cour, et que celle-ci est seule compétente pour statuer sur toute demande de sursis à l'exécution formulée dans le cadre d'un pourvoi.

100. Dès lors, ainsi que l'a relevé à juste titre le président du Tribunal au point 41 de l'ordonnance attaquée, ce dernier n'est pas compétent pour ordonner des mesures provisoires destinées à produire des effets jusqu'au prononcé d'un arrêt de la Cour sur un pourvoi qui pourrait être formé contre l'arrêt du Tribunal mettant fin à l'instance au fond.

101. Le quatrième moyen doit dès lors être également rejeté.

102. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que les moyens invoqués par la requérante au soutien de son pourvoi ne sauraient être accueillis et, en conséquence, celui-ci doit être rejeté.

Sur les dépens

103. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR

Ordonne :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Cho Yang Shipping Co. Ltd est condamnée aux dépens.