Cass. com., 20 janvier 2021, n° 19-11.644
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Château du Tariquet (Sté)
Défendeur :
Jama (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Rapporteur :
Mme Kass-Danno
Avocats :
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 4 décembre 2018), le 16 juin 2014, la société Château du Tariquet a résilié le contrat d'agence commerciale qu'elle avait consenti à la société Jama le 1er juillet 2009. Celle-ci l'ayant assignée en paiement d'une indemnité de cessation de contrat, la société Château du Tariquet a invoqué la faute grave de l'agent en soutenant qu'il avait manqué à l'obligation contractuelle d'information relative à la situation financière difficile des clients dont il transmettait les commandes.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
2. La société Château du Tariquet fait grief à l'arrêt de dire que la société Jama n'a pas commis de faute grave dans l'exercice de son mandat commercial et, en conséquence, de la condamner à lui payer des sommes, avec intérêts capitalisés, à titre d'indemnité pour rupture du contrat et d'indemnité compensatrice de préavis, alors « qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si l'agent commercial qui, lors la commande du 3 juin 2013, connaissait nécessairement les difficultés économiques de la société Sevi distribution, ne les avait alors pas sciemment dissimulées à la société mandante et ce, en violation, non seulement de l'obligation d'information et de loyauté instituée par la loi entre les parties d'un contrat d'agence commerciale, mais également de l'obligation spéciale d'information prévue à l'article 5, dernier alinéa, du contrat d'agence commerciale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce :
3. Il résulte de ces textes que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale.
4. Pour dire que la société Jama n'a pas commis de faute grave et condamner la société Château du Tariquet à lui payer certaines sommes à titre d'indemnité pour rupture du contrat et d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient que, si le 3 juin 2013, le client Sevi distribution dont la société Jama avait transmis la commande à la société Château du Tariquet était en difficulté, il n'est pas démontré qu'à cette date, sa situation économique était compromise au point qu'il était déjà prévisible qu'il ne pourrait pas acquitter le prix de cette commande. Il relève encore que la société Jama a été imprudente, en n'anticipant pas suffisamment la dégradation future de la trésorerie du client compte tenu de la faiblesse de ses ventes, faiblesse dont elle était nécessairement informée du fait de l'identité du gérant de droit des deux sociétés, mais qu'en l'absence de signes objectifs et avérés de cette dégradation financière à la date de passation de la commande, aucune faute grave ne peut lui être reprochée.
5. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Jama, qui, lors de la commande du 3 juin 2013, connaissait les difficultés économiques du client, ne les avait pas sciemment dissimulées à la société Château du Tariquet et ce, en violation, non seulement de l'obligation légale d'information et de loyauté incombant à l'agent commercial, mais aussi de l'obligation contractuelle d'information prévue à l'article 5, dernier alinéa, du contrat d'agence commerciale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.