Cass. 1re civ., 20 janvier 2021, n° 19-20.367
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Marinkovic
Défendeur :
HSBC France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
M. Avel
Avocat général :
M. Lavigne
Avocats :
SCP Krivine et Viaud, SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 avril 2019), suivant offre acceptée le 28 octobre 2010, la société HSBC France (la banque) a consenti un prêt immobilier à M. Marinkovic (l'emprunteur). Les conditions générales du contrat prévoyaient à l'article 8 une exigibilité du prêt par anticipation, huit jours après une mise en demeure par lettre recommandée, restée sans effet, en cas de fourniture de renseignements faux ou inexacts par l'emprunteur, alors qu'ils étaient déterminants pour l'octroi du prêt.
2. Soutenant que l'emprunteur avait produit de faux justificatifs de sa situation financière, à l'appui de sa demande de financement, la banque a prononcé la déchéance du terme, puis l'a assigné en paiement.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer certaines sommes à la banque et de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que revêt un tel caractère abusif la clause qui permet au prêteur de prononcer la déchéance du terme, rendant immédiatement exigibles les sommes dues, au motif de la fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l'emprunteur, en l'absence de toute défaillance de l'emprunteur dans le remboursement du prêt ; qu'au cas présent, en décidant au contraire que la clause de l'article 8 des conditions générales du prêt n'était pas abusive, quand cette stipulation s'appliquait sans qu'importe le point de savoir si les échéances du prêt étaient ou non régulièrement honorées (ce qui était d'ailleurs le cas en l'espèce), la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 ancien (devenu L. 212-1 nouveau) du code de la consommation ;
2°/ que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que revêt un tel caractère abusif la clause qui permet au prêteur de prononcer la déchéance du terme, rendant immédiatement exigibles les sommes dues, au motif de la fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l'emprunteur, qui a pour effet d'ouvrir à la banque la faculté de résilier le contrat pour un motif étranger à son exécution, en l'absence de toute défaillance de l'emprunteur dans le remboursement du prêt, et de la dispenser d'introduire une action judiciaire en annulation du contrat, en faisant basculer la charge de l'action en justice sur le consommateur ; qu'en l'espèce, en décidant le contraire s'agissant de l'article 8 des conditions générales du prêt, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 ancien (devenu L. 212-1 nouveau) du code de la consommation ;
3°/ que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que la sanction du caractère abusif d'une clause ne saurait être neutralisée par le devoir de loyauté ou de bonne foi pesant sur le consommateur au titre du droit commun des obligations ; qu'au cas d'espèce, en jugeant la clause non abusive au motif qu'elle sanctionnerait l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 ancien (devenu L. 212-1 nouveau) du code de la consommation, ensemble les articles 6 et 1134 (ce dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016) du code civil ;
4°/ que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'à supposer que le devoir d'exécution de bonne foi du contrat puisse être étendu à la formation de celui-ci, sa méconnaissance ne peut déboucher que sur une action en nullité de la convention ou sur une action indemnitaire, et non sur la résiliation ou la résolution de la convention, qui ne peut sanctionner que l'inexécution d'une obligation issue de celle-ci ; qu'aussi, en présence d'une clause d'un contrat de prêt qui permet au prêteur de prononcer la déchéance du terme, rendant immédiatement exigibles les sommes dues, au motif de la fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l'emprunteur, en l'absence de toute défaillance de l'emprunteur dans le remboursement du prêt, le juge ne peut dénier son caractère abusif au motif que cette stipulation viendrait sanctionner un manquement de l'emprunteur à son obligation de contracter de bonne foi, dès lors qu'un tel manquement ne peut jamais, en droit commun, fonder la résiliation ou la résolution du contrat ; qu'en se déterminant de la sorte en l'espèce à l'égard de l'article 8 des conditions générales du prêt, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article L. 132-1 ancien (devenu L. 212-1 nouveau) du code de la consommation, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil (dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016) ;
5°/ que la CJUE a dit pour droit que l'article 3, § 1, et l'article 4 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doivent être interprétés en ce sens que s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombe à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt (CJUE, arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus, aff. C-421/4) ; qu'au cas d'espèce, en s'abstenant, aux fins d'examiner son caractère abusif, de s'expliquer sur le point de savoir si la clause de l'article 8 des conditions générales du prêt, prévoyant la faculté pour la banque de prononcer la déchéance du terme, rendant immédiatement exigibles les sommes dues, notamment en cas de fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l'emprunteur, ne dérogeait pas aux règles de droit commun français qui auraient été applicables en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques, ce qui était le cas dès lors qu'un manquement au devoir de bonne foi au stade de la conclusion du contrat (et non de son exécution) n'aurait pas pu fonder une résolution ou une résiliation de celui-ci, la cour d'appel, qui s'est affranchie de la méthode qui s'imposait à elle, a violé les articles 3, § 1, et 4 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, tels qu'interprétés par la CJUE, ensemble l'article L. 132-1 ancien (devenu L. 212-1 nouveau) du code de la consommation ;
6°/ que, de la même manière, en s'abstenant, aux fins d'examiner son caractère abusif, de s'expliquer sur le point de savoir si, sachant que la clause de l'article 8 des conditions générales du prêt stipulait la faculté pour la banque de prononcer la déchéance du terme, rendant immédiatement exigibles les sommes dues, notamment en cas de fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l'emprunteur, le droit français prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt, la cour d'appel, qui s'est de ce point de vue encore affranchie de la méthode qui s'imposait à elle, a violé les articles 3, § 1, et 4 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, tels qu'interprétés par la CJUE, ensemble l'article L. 132-1 ancien (devenu L. 212-1 nouveau) du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
5. L'arrêt relève, d'abord, que la clause litigieuse limite expressément la faculté de prononcer l'exigibilité anticipée d'un prêt sur un élément déterminant du consentement du prêteur dans l'octroi du crédit, ce qui ne peut être à l'origine d'une décision discrétionnaire du prêteur. Il énonce, ensuite, que la faculté que se réserve la banque de prononcer cette exigibilité sans recours préalable au juge ne prive en rien l'emprunteur d'y recourir pour faire juger que l'application de la clause est injustifiée. Il ajoute que la clause sanctionne la méconnaissance de l'obligation de contracter de bonne foi au moment de la souscription du prêt.
6. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a implicitement mais nécessairement retenu que la résiliation prononcée ne dérogeait pas au droit commun et que l'emprunteur pouvait remédier à ses effets en recourant au juge, a déduit, à bon droit, que, nonobstant son application en l'absence de défaillance dans le remboursement du prêt, la clause litigieuse, donnant au prêteur la possibilité, sous certaines conditions, de résilier le contrat non souscrit de bonne foi, ne créait pas, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
7. Le moyen, qui s'attaque en sa troisième branche à des motifs surabondants, n'est pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.