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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 3 février 2021, n° 19/03895

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gold Cash Market 38 (SARL)

Défendeur :

Comptoir national de l'or (Sasu), Gold Trade (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Depelley

T. com. Paris, du 11 févr. 2019

11 février 2019

La société Comptoir national de l'or (ci-après « la société CNO ») développe sous la marque Comptoir national de l'or un réseau spécialisé dans le rachat de l'or et a signé plusieurs contrats de franchise avec la société Gold cash market 38 (ci-après « la société Gold cash ») qui exploite des boutiques d'achat et de vente d'or avec une exclusivité territoriale.

Reprochant un déséquilibre significatif au sens des dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° dans les clauses contractuelles et le non-respect du principe d'exclusivité territoriale, la société Gold cash a, par acte du 31 juillet 2014, assigné la société CNO devant le tribunal de commerce de Paris.

La société Gold trade est volontairement intervenue à l'instance.

Courant 2016, les contrats liant les parties ont pris fin.

Par jugement du 11 février 2019, le tribunal de commerce de Paris, a :

- dit l'intervention volontaire de la société Gold Trade recevable,

- débouté la société Comptoir National de l'OR (CNDO), la société Gold Trade et la société Gold Cash Market 38 de leurs demandes d'expertise avant dire droit,

- dit que la clause d'exclusivité contenue au contrat boutique ne constitue pas un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce,

- dit que les conditions de prix acceptées par GCM à l'occasion de la signature du contrat boutique ne constituent pas un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce,

- dit que les conditions dans lesquelles CNDO a entendu concéder une exclusivité territoriale limitée au seul développement de boutiques physiques sur le territoire concédé à GCM, ne constituent pas un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce,

- dit que les conditions dans lesquelles CNDO a entendu concéder l'usage de sa marque et se réserver les actions en contrefaçon ne constituent pas un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce,

- dit que la clause de non-concurrence est licite et ne constitue pas un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce,

- dit que le contrat boutique liant CNDO à GCM ne crée pas de déséquilibre significatif entre les parties au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce,

- dit que la responsabilité de CNDO n'est pas engagée,

- débouté la société Gold Cash Market 38 de l'intégralité de ses demandes indemnitaires du chef d'un déséquilibre significatif,

- débouté la société Gold Market 38 de ses demandes au titre d'un défaut d'information précontractuelle,

- dit que la société Gold Cash Market 38 ne rapporte pas la preuve que la société Comptoir National de l'Or (CNDO) aurait contrevenu à ses obligations contractuelles en matière d'investissements promotionnels et publicitaires,

- condamné la société Comptoir National de l'Or (CNDO) à verser à la société Gold Cash Market 38 la somme de 9 155 euros,

- débouté la société Comptoir National de l'Or (CNDO) et la société Gold Trade de leurs demandes de condamnation de GCM à titre provisionnel,

- condamné la société Gold Cash Market 38 à verser à la société Comptoir National de l'Or (CNDO) la somme de 600 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence,

- prononce d'office la compensation financière,

- déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires,

- ordonne l'exécution provisoire avec constitution par SAS à associé unique Comptoir National de l'Or (CNDO) à hauteur de 400 000 euros, d'une garantie partielle chez une banque établie en France, en vue de couvrir partiellement l'exigibilité et le remboursement éventuel des condamnations se rapportant aux dommages et intérêts, outre les intérêts pouvant avoir couru sur ces sommes.

- condamne la partie demanderesse aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 104,78 euros dont 17,24 euros de TVA.

Le 19 février 2019, la société Gold Cash a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 7 décembre 2020, la société Gold cash demande à la Cour de :

Réformer le jugement querellé, Statuant à nouveau :

Vu l'article 1134 du code civil (ancien),

Vu l'article L. 341-2 du code de commerce,

Vu l'article 101 al.1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu les articles 4 et 5 du Règlement d'exemption n° 330/2010 (EU),

Vu l'article 5 du Règlement CE 2790/1999,

Vu l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

Vu l'article 146 du Code de procédure civile,

- Condamner le Comptoir National de l'Or à payer à Gold Cash Market 38 la somme de 315.899,56 EUR en remboursement de l'indu (trop-perçu de la commission sur rachat des métaux destinés à la fonte),

- Dire et juger nul et/ou non-écrit l'article 16 des contrats de boutique contenant la clause de non-concurrence, et débouter CNDO de sa demande indemnitaire afférente,

- Condamner le Comptoir national de l'or à payer les sommes de 17 935,98 EUR et 21 192 EUR pour les exercices 2011 et 2012 en remboursement de l'indu sur la participation publicitaire non-réalisée à hauteur de 1 %,

- Ordonner la communication des détails de facturation par le CNDO à GCM 38 sur le fondement de la participation publicitaire au taux de 1 % pour les exercices postérieurs à 2012 afin de déterminer l'indu pour ces exercices,

- Condamner pour violation de garantie d'exclusivité territoriale, le Comptoir national de l'Or à payer la somme de 199 992,92 euros,

- Confirmer le jugement sur la condamnation du CNDO au paiement des frais de livraison,

- Débouter les sociétés GOLD TRADE et CNDO de leurs demandes en appel incident et notamment sur les demandes afférentes à la clause de non-concurrence.

- Confirmer le jugement en ce qu'il a le débouté les sociétés GOLD TRADE et CNDO de leur demande de nomination d'expert ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société GOLD TRADE de sa demande de condamnation de la société GOLD CASH MARKET au paiement à titre de provision de la somme de 97 500 euros ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société CNDO de sa demande de condamnation de la société GOLD CASH MARKET au paiement à titre de provision de la somme de 150 000 euros

- Débouter les sociétés GOLD TRADE et CNDO de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions contraires,

- Condamner le Comptoir national de l'or à indemniser la société GOLD CASH MARKET 38 de ses frais de procédure à hauteur de 10 000 € en application des prescriptions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 3 décembre 2020, les sociétés Comptoir national de l'or et Gold trade, demandent à la Cour de :

Vu les articles 783, 784 et 907 du code de procédure civile,

Vu les articles 56, 325 et 855 du code de procédure civile,

Vu les articles 2, 1304, 1134 du Code civil applicable au jour de la conclusion des contrats,

Vu les articles 144, 564 du code de procédure civile,

Vu les articles L 420-4 du code de commerce et suivants,

In limine litis,

- Prononcer le rabat de l'ordonnance de clôture intervenu le 17 novembre 2020, et admettre la recevabilité des conclusions signifiées le 18 novembre 2020,

Au fond,

- Constater que la demande de nullité au titre des clauses de non-concurrence est nouvelle et tout état de cause prescrite,

- Constater à tout le moins que les dispositions de l'article L 341-2 du Code de commerce sont inapplicables en l'espèce,

- Constater que la société Comptoir national de l'or n'a pas violé la clause d'exclusivité territoriale,

- Constater que la société Comptoir national de l'or n'a pas été déloyale dans l'exécution de ses obligations notamment de loyauté et qu'elle n'a jamais mis en demeure de respecter ses obligations,

- Constater que la société Comptoir national de l'or possède un véritable savoir-faire protégeable,

- Constater que les clauses de non-concurrence post-contractuelles sont limitées dans le temps, l'espace et leur objet et qu'elles sont nécessaires à la sauvegarde du savoir-faire de la société Comptoir national de l'or,

- Constater que la société Gold cash market 38 a violé les dispositions relatives aux clauses de non-concurrence contractuelle,

- Constater que la société Gold cash market 38 est irrecevable à exiger de la société Comptoir national de l'or la justification de l'utilisation de la redevance marketing, - Constater Comptoir national de l'or a respecté ses obligations au titre de la promotion et de la publicité,

- Constater que la société Gold cash market 38 ne communique aucun élément probant quant à son éventuel préjudice et/ou à un éventuel indu notamment au titre de la déloyauté alléguée ou des frais de transport indu,

En conséquence, il est demandé à la cour de :

Pour les demandes de la société Gold cash market 38

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Comptoir national de l'or à rembourser les frais de transport à hauteur de 9 165 euros,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toutes les autres demandes de la société Gold cash market 38 notamment au titre des clauses de non-concurrence, de la prétendue déloyauté, de la violation de la clause d'exclusivité territoriale et de la violation des règles au titre de la redevance marketing,

- Débouter purement et simplement la société Gold cash market 38 de l'ensemble de ses demandes,

Pour les demandes de la société Comptoir national de l'or

- Confirmer le jugement en ce qu'il dit et jugé que la clause de non-concurrence est limitée et a une véritable contrepartie et que la société Comptoir national de l'or n'a commis aucune faute de quelque nature que ce soit,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné à la société Gold cash market 38 à payer à la société Comptoir national de l'or la somme de 600 000 euros de dommages et intérêts au titre de la violation de la clause de non-concurrence et, en conséquence, condamner la société Gold cash market 38 à payer à la société Comptoir national de l'or la somme de 600 000 euros

- Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les autres demandes et

- 1) Condamner la société Gold cash market 38, à titre de provision, pour les sommes dues en exécution du contrat, à payer à la société Comptoir national de l'or la somme de 150 000 euros.

- 2) Condamner la société Gold cash market 38, à titre de provision, pour les sommes dues en exécution du contrat, à payer à la société Gold trade la somme de 97 500 euros.

- 3) Nommer tel expert qu'il appartiendra afin de vérifier dans quelles proportions les stipulations contractuelles ont été bafouées et dans quelles proportions la société Gold cash market 38 a maquillé ses bordereaux d'achat communiqués à son concédant et avec, plus précisément la mission, pour les années 2011, 2012 2013, 2014, 2015 et 2016 de :

convoquer les parties, se rendre dans les agences exploitées par la société Gold cash market 38 ou en tout lieu nécessaire à l'exécution de sa mission, s'assurer que tout le chiffre d'affaires correspond bien aux sorties matières (livre de police), s'assurer que tous les achats correspondent bien aux entrées matières (livre de police), s'assurer que les entrées moins les sorties (livre de police) correspondent au stock en comptabilité, croiser les données avec ce qui a été déclaré, vendu, acheté au concédant ou à toute société agrée par lui, identifier, le cas échéant, tout ce qu'il a vendu sans passer par la redevance (or investissement) et en chiffrer l'impact en application des dispositions contractuelles, identifier, le cas échéant, tout ce que la société Gold cash market 38 a acheté sans passer par la redevance (or investissement) et en chiffrer l'impact, croiser les entrées de pièces boursables pour constater si la société Gold cash market 38 ne vend pas plus d'or boursable que ce qu'elle en achète, se faire communiquer tous documents utiles à sa mission notamment livre de police, bilans, compte de résultats, annexes, déclarations fiscales, factures, bordereau d'achats, se faire aider, le cas échéant, par tout sachant de son choix, fournir, de façon générale, tous les éléments de fait de nature à permettre à la juridiction du fond éventuellement saisie, de se prononcer sur les redevances soustraites, dresser un rapport sur ses constatations, plus généralement accomplir tout acte qu'il estimera utile pour l'accomplissement de sa mission, réserver les dépens de l'expertise.

- 4) Réouvrir les débats après le dépôt du rapport d'expertise afin de se prononcer sur les sommes dues.

En toutes hypothèses,

- Condamner la société Gold cash market 38 à payer à la société Comptoir national de l'or de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens.

Par décision du 1er décembre 2020, l'ordonnance de clôture rendue le 17 novembre 2020 a été révoquée et les conclusions signifiées le 18 novembre 2020 ont été déclarées recevables.

Par ordonnance du 8 décembre 2020, la clôture a été prononcée le 8 décembre 2020.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur les demandes de la société Gold cash market 38

Sur la demande en remboursement de la somme de 315 899, 56 euros au titre d'un trop-perçu de la commission sur rachat des métaux destinés à la fonte :

La société Gold cash fait valoir que si le contrat initial, dans son annexe10, prévoyait une commission de 10 % prise sur le rachat d'or par la société CNDO, celle-ci a par la suite manqué de loyauté en ne lui appliquant pas les commissions réduites à 8 % puis 5 %, alors que ces tarifs annoncés dans la newsletter interne du 16 juillet 2013 « conditions tarifaires en vigueur », étaient entrés dans le champ contractuel et appliqués à d'autres franchisés. Elle souligne qu'il n'était pas indiqué que ce nouveau tarif ne s'appliquait qu'aux franchisés ayant accepté de signer une nouvelle rédaction du contrat.

La société CNDO soutient que la diminution de sa commission à 5 % était subordonnée à la signature d'un avenant, ce que la société Gold cash a refusé de signer, ainsi elle ne peut réclamer le remboursement de la différence entre les commissions à 8 % qu'elle a payées et les commissions à 5 % qu'elle a refusées, d'autant plus qu'elle ne l'a jamais mise en demeure. Elle précise qu'elle était libre de proposer en cours de contrat une baisse de ses commissions en la conditionnant à la signature d'un avenant, ce qui était indiqué dans la newsletter et ce qui a été discuté lors de leurs échanges avec la société Gold cash.

SUR CE

L'annexe 10 des contrats « boutique » signés entre les parties fixe une commission de 10 % prise sur le prix de rachat d'or par la société CNDO. Il n'est pas contesté que celle-ci a par la suite baissé unilatéralement ce tarif à 8 % qui a été appliqué à la société Gold cash jusqu'à la fin du contrat (conclusion Gold cash page7). Il ressort des pièces versées aux débats, à savoir le titre de la newsletter « maintien des conditions à 95 % dans la perspective de l'avenant » et des échanges entre les sociétés (pièces CNDO n°93 et 107) que la réduction de la commission à 5 % était conditionnée à la signature d'un avenant que la société Gold cash a refusé de signer. Cette dernière ne justifie d'aucune obligation contractuelle de la société CNDO de lui appliquer un tel tarif.

En conséquence la société CNDO sera déboutée de sa demande en remboursement d'indu et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement de la somme de 199 992,92 euros pour violation de garantie d'exclusivité territoriale

La société Gold cash fait valoir que la société CNDO a manqué à son obligation contractuelle en ne lui garantissant pas l'exclusivité territoriale qui lui a été consentie au contrat de franchise. Elle fait notamment le reproche à la société CNDO d'avoir, à l'appui de la clause par laquelle CNDO s'était réservée la possibilité de vendre en direct, y compris sur le territoire du concessionnaire et via internet, vidé la clause d'exclusivité territoriale de son contenu et d'avoir détourné la clientèle du territoire concédé avec le système de géolocalisation visant à orienter la clientèle du réseau. Elle estime son préjudice lié à la mauvaise exécution contractuelle à hauteur de 30 % des investissements publicitaires réalisés dans son territoire d'exclusivité et qui n'ont eu d'autre utilité que d'alimenter en clientèle les franchisés situés dans des territoires voisins.

La société CNDO soutient qu'elle a respecté la clause d'exclusivité territoriale qui lui interdisait seulement d'autoriser l'exploitation d'une autre agence sous enseigne dans le territoire concédé. Elle ajoute, concernant le site internet, qu'elle peut l'exploiter sans contrevenir à la clause d'exclusivité d'autant plus qu'un système de partage de commission a été mis en œuvre. Elle précise que la recherche de magasins sur le site internet se fait en fonction de critères de proximité géographique comme stipulé au contrat.

SUR CE

L'article 2.1 des contrats « boutique » stipule :

« Par les présentes, le Concédant concède au Concessionnaire, qui accepte, le droit exclusif d'exploiter le Magasin sous l'Enseigne dans le Territoire.

En conséquence, et sous réserve des dispositions visées à l'article 5.6 du présent contrat, le Concédant s'interdit, pendant la durée des présentes, de consentir, à tout tiers, le droit d'exploiter un magasin sous l'Enseigne dans le Territoire.

En tant que de besoin, il est précisé que le Concédant demeure libre :

- de distribuer, vendre ou acheter, directement ou indirectement, tous produits y compris les Produits définis à l'article 2.2 ci-dessous, à tout tiers dans le Territoire, y compris via tout réseau de télécommunication

- d'autoriser tout tiers à exploiter un magasin sous l'Enseigne en dehors du Territoire.

De son côté le concessionnaire s'interdit expressément de rechercher et prospecter des clients en dehors de son territoire ».

Par ailleurs à l'annexe 9, desdits contrats le site internet www.gold.fr est décrit comme mettant un module cartographique à la disposition de l'internaute qui lui permet d'accéder rapidement aux coordonnées du partenaire « le plus proche ».

Comme l'a relevé à juste titre le tribunal, il ressort de ces stipulations contractuelles, que l'exclusivité territoriale était limitée à la distribution en boutique et que la société CNDO s'était réservé le droit de distribuer, vendre ou acheter des matières d'or sur le territoire concédé en dehors d'un réseau physique. Il est également clairement stipulé l'existence d'un site internet sur lequel le concessionnaire peut être géolocalisé et que cette géolocalisation vise à permettre aux clients à situer les boutiques du réseau selon un critère de proximité.

Les constats d'huissier des 8 janvier et 21 juillet 2013, ainsi que celui du 28 janvier 2015 produit par la société Gold cash, ne remettent pas en question la stipulation contractuelle suivant laquelle les recherches sur le site internet via le site gold.fr se fait suivant un critère de proximité géographique et non en fonction des territoires d'exclusivité.

La société Gold cash ne justifie d'aucun manquement caractérisé de la part de la société CNDO à ces clauses contractuelles, librement acceptées par la société Gold cash.

En conséquence, la société Gold cash sera déboutée de sa demande fondée sur une violation de l'exclusivité territoriale et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Gold cash de sa demande indemnitaire de 199 992,92 euros représentant 30 % de ses investissements publicitaires.

Sur la demande à voir dire nul ou réputé non écrit l'article 16 des contrats boutique contenant la clause de non-concurrence

La société Gold Cash, à l'appui de sa demande de réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle, fait valoir que la clause de non-concurrence post-contractuelle prévue à l'article 16 des contrats est nulle en application de l'article 101 alinéa 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, par ailleurs, non-écrite sur le fondement de l'article L. 341-2 du code de commerce, aux motifs principalement qu'elle n'est pas indispensable à la protection d'un savoir-faire et n'est pas limitée aux locaux d'exercice de l'activité pendant la durée du contrat. Elle précise que sa demande en nullité tend aux mêmes fins que sa demande en première instance de voir la clause réputée non-écrite sur le fondement du déséquilibre significatif et visant à écarter la prétention de la société CNDO fondée sur cette clause et que ses prétentions, en tant que défenses au fond, ne peuvent être atteintes par la prescription. Elle ajoute que l'article L. 341-2, issu de la loi du 6 août 2015, s'applique aux contrats en cours.

La société CNDO soulève l'irrecevabilité de la demande en nullité de la clause de non-concurrence en ce qu'elle est nouvelle en cause d'appel, et en toute hypothèse prescrite formulée en 2020, soit plus de cinq ans après la conclusion des contrats les 29 mars et 8 juillet 2011 et qui se sont achevés les 29 mars et 8 juillet 2016. Elle précise, par ailleurs, que l'article L. 341-2 du code de commerce n'est entré en vigueur qu'en 2016, et dès lors inapplicable à des contrats conclus en 2010. Sur le fond, elle soutient que la clause litigieuse est bien limitée dans le temps et l'espace et vise à protéger un savoir-faire composé d'un positionnement, d'une charte graphique propre, d'un mix service, d'un mix produit, d'un merchandising, d'une communication, de méthodes de gestion, d'une stratégie webmarketing de méthodes commerciales et de normes de vente.

SUR CE

L'article 16 des contrats stipule :

Pendant toute la durée du présent contrat et pendant une durée d'une (1) année à compter de sa date de cessation pour quelque cause que ce soit, le Concessionnaire s'engage expressément à ne pas poursuivre une activité concurrente à celle du Concédant, portant sur la vente ou l'achat de métaux précieux dans le Territoire, sous quelque forme que ce soit et, notamment, en qualité d'entrepreneur individuel, mandataire social, associé, salarié, prestataire de services ou membre d'un réseau concurrent.

Le Concessionnaire s'interdit en outre de développer pendant toute la durée du présent contrat et pendant une durée d'une (1) année à compter de sa date de cessation pour quelque cause que ce soit, un site Internet concurrent du site Internet du Concédant.

A ce titre, le Concessionnaire reconnaît que toute violation des dispositions prévues au présent article est susceptible de causer un préjudice considérable au Concédant. A ce titre, toute violation par le Concessionnaire desdites dispositions, donnera lieu au paiement immédiat et de plein droit d'une indemnité au bénéfice du Concédant qui ne saurait être inférieur à deux cent mille (200 000) euros.

En première instance, la société Gold cash demandait de dire non-écrit l'article 16 du contrat sur le fondement du déséquilibre significatif. Le jugement entrepris a dit que la clause de non-concurrence était licite et ne constituait pas un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce et a condamné la société Gold cash à verser à la société CNDO la somme de 600 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence.

En appel, la société Gold Cash demande, sur le fondement de l'article 101 § 1 TFUE, la nullité de la clause de non-concurrence post-contractuelle prévue à l'article 16 des contrats sur laquelle est fondée la condamnation de première instance, mais également que cette clause soit réputée non écrite, non plus sur le fondement du déséquilibre significatif, mais en application des dispositions de l'article L. 341-2 du code de commerce, introduit par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015.

Sur ce dernier fondement, la Cour retient,

L'article L. 341-2 du code de commerce dispose que :

I. Toute clause ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite.

II. Ne sont pas soumises au I du présent article les clauses dont la personne qui s'en prévaut démontre qu'elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :

1° Elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l'objet du contrat mentionné au I ;

2° Elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l'exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat mentionné au I ;

3° Elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat mentionné au I ;

4° Leur durée n'excède pas un an après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1.

Pour soutenir que ces dispositions législatives sont inapplicables dans le temps à la présente espèce, la société CNDO explique que la validité d'une clause d'un contrat s'apprécie selon la loi en vigueur au jour de sa conclusion, soit en l'espèce des contrats signés en 2010, et que la loi d'août 2015 n'est pas expressément applicable aux contrats en cours et ne peut donc avoir un effet rétroactif.

Toutefois, l'article 31 II de la loi du 6 août 2015 dispose que le I de cet article, qui crée l'article L. 341-2 du code de commerce, s'applique à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi.

Il s'en déduit qu'un an après la promulgation de la loi, est réputée non écrite toute clause ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1, tel le contrat de distribution, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant qui l'a précédemment souscrit.

En l'espèce, les contrats de franchise ont été signés entre les parties pour des magasins situés dans les villes de Chambéry, Grenoble et Valence, les 29 mars et 8 juillet 2011 pour une durée de cinq années. Ces contrats sont arrivés à échéance les 5 mars et 8 juillet 2016 et non pas été renouvelés selon les explications des parties. La clause de non-concurrence post-contractuelle d'une durée d'une année était cependant bien en cours lors de l'entrée en vigueur de l'article L. 341-2 le 6 août 2016 qui est dès lors applicable au litige.

Il n'est pas contesté que les clauses de non-concurrence des trois contrats conclus entre les parties visaient respectivement par référence au Territoire et à l'annexe 3, les départements de Savoie, Drôme et Isère, soit une zone manifestement plus large que les terrains et locaux d'exercice par la société Gold Cash de son activité consistant dans l'exploitation de trois magasins situés dans les villes de Chambéry, Valence et Grenoble.

Dès lors, les clauses de non-concurrence prévues à l'article 16 des contrats signés entre les parties, visant à restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de la société Gold cash à l'échéance de ces contrats et dont il n'est pas établi qu'elles remplissent les conditions cumulatives de l'article L. 341-2 II du code de commerce, doivent être réputées non écrites en application de l'article L. 341-2 I.

En conséquence, il y a lieu de débouter la société CNDO de sa demande de dommages-intérêts pour violation de ces clauses de non-concurrence. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les demandes liées à la participation publicitaire

La société Gold cash soutient que la société CNDO en charge de la promotion publicitaire n'a pas intégré l'ensemble de ses participations publicitaires dans l'achat de publicité et qu'elle a ainsi conservé 50 % de ses participations en tant que marge sur le budget de communication. Elle sollicite la restitution de la somme de 39 127,98 euros pour les années 2011 et 2012 et de parfaire pour les exercices postérieurs pour qu'elle soit remboursée à hauteur de 50 % de ce qu'elle a versé.

La société CNDO réplique que le contrat prévoit qu'elle mette en place régulièrement des actions de publicité contre redevance sans prévoir de droit de regard, ce qui relève de la liberté contractuelle. Elle ajoute qu'elle n'a pas réalisé de marge sur le budget dédié et qu'elle a dépensé, au titre de la communication réseau, plus que ce qu'elle a reçu.

SUR CE

L'article 7.3.1 du contrat boutique stipule que :

« Le Concédant met régulièrement en place des actions de publicité qui contribuent à développer la notoriété de la Marque auprès du public et dont la Concessionnaire pourra bénéficier directement ou indirectement.

Ces actions nécessitant des investissements budgétaires élevés, le Concessionnaire s'engage à participer à leur financement dans les conditions suivantes :

Le Concessionnaire versera au Concédant une participation publicitaire mensuelle à hauteur de [un] pourcent (1 %) hors taxes du montant du Chiffre d'Affaires résultant de la vente de Produits non Boursables aux Clients, au Concédant ou à tout membre du Réseau (la « Participation Publicitaire »). »

Il résulte des pièces versées aux débats par la société CNDO que celle-ci a mis en place des actions de publicité pour les années 2011 et 2012 (pièces n° 7, 94 et 95) et que ses investissements de communication étaient plus importants que la part représentant la publicité dans la redevance (pièces n°72 et 73).

Au regard des termes du contrat, la société Gold cash ne démontre aucun manquement de la société CNDO concernant l'investissement publicitaire.

Sur la demande en paiement des frais de livraison

La société Gold cash soutient que la société CNDO lui a facturé des frais de gestion et de livraison qui étaient aux termes de l'article 8.4 du contrat à la charge de la partie qui a expédié les produits. A ce titre elle demande le remboursement à hauteur de 14 165 euros.

La société CNDO réplique qu'un simple relevé de compte n'est pas suffisant pour étayer la demande.

SUR CE :

A l'appui de sa demande la société Gold cash produit des décomptes de sommes dues au titre des "Frais de port" (pièces 9-1 à 9-6) sur la période de 2011 à 2013 avec la date et le montant des bordereaux aisément vérifiables par la société CNDO qui ne conteste pas véritablement le principe de cette facturation de frais de gestion et de livraison.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de la société Gold cash et condamné la société CNDO à lui payer la somme de 9 165 euros suivant les décomptes produits.

Sur les demandes provisionnelles et de désignation d'un expert de la société CNDO

La société CNDO reproche à la société Gold cash de ne pas avoir fidèlement rendu compte de son chiffre d'affaires et d'avoir ainsi été privée de redevances assises sur ce chiffre d'affaires. Elle sollicite une expertise pour mesurer dans quelle proportion la société Gold cash a maquillé les bordereaux d'achats communiqués à son partenaire.

La société Gold cash fait valoir que l'expertise ne peut suppléer la carence de la société CNDO dans l'administration de la preuve. Elle précise qu'en application de l'article 8. 6, elle était disposée à présenter ses éléments comptables et que la société CNDO n'a pas utilisé cette faculté pendant l'exécution du contrat. Elle prétend produire les extraits de son livre de police démontrant que les objets achetés aux 'clients mystères' ont été régulièrement inscrits dans le registre et ont fait l'objet de redevance.

SUR CE

A l'appui de sa demande d'expertise et de provision, la société CNDO produit deux bordereaux d'achat communiqués par la société Gold cash les 3 et 4 juin 2013 ne correspondant pas au montant des achats de celle-ci auprès d'un client mystère et un courrier de rappel du 27 juin 2013.

La société Gold cash soutient qu'elle ne s'est pas opposée à un audit qui a été réalisé une seule fois dans ses locaux en application de l'article 8 et qu'il n'est pas démontré qu'elle s'y est opposée. Par ailleurs, la société Gold cash produit des extraits de son livre de police portant la mention des clients mystères (pièces 44).

Comme l'a pertinemment relevé le tribunal, deux incidents isolés sur une collaboration qui a duré près de six ans sont insuffisants à caractériser la réalité d'une fraude généralisée de nature à justifier la désignation d'un expert, sachant qu'une expertise ne peut suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société CNDO de sa demande d'expertise et de provision.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens de l'arrêt conduit à partager les dépens d'appel par moitié entre la société Gold cash et la société CNDO.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il dit la clause de non-concurrence licite et condamne la société Gold cash market 38 à verser à la société Comptoir national de l'or la somme de 600 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que les clauses de non-concurrence post-contractuelles figurant à l'article 16 des contrats de franchise signés entre les parties sont réputées non écrites,

DÉBOUTE la société Comptoir national de l'or de sa demande de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence,

PARTAGE par moitié les dépens d'appel entre la société Gold cash market 38 et la société Comptoir national de l'or,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

REJETTE toute autre demande.