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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 2 février 2021, n° 19/02242

REIMS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

ASP (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mehl-Jungbluth

Conseillers :

Mme Mathieu, M. Lecler

TGI Reims, du 24 sept. 2019

24 septembre 2019

EXPOSE DU LITIGE

Le 9 juillet 2015, Monsieur Jean-Marc T. et son épouse, Madame Françoise L., ont pris livraison de la société ASP, exerçant son activité sous l'enseigne Automobilia, d'un véhicule de marque Porsche 911 type 964 3.6L RS Touring.

Ce véhicule a été vendu aux époux T.. Une facture a été établie le 25 mars 2015.

Au mois de mai 2016, les époux T. ont invité le Centre Porsche Arpajon, où était stocké le véhicule, à en effectuer une révision complète.

Cette révision leur a été facturée pour un montant de 8.397,54 euros et le garage attirait leur attention sur le fait que le véhicule présentait des désordres sur sa structure. C'est dans ces conditions qu'ils ont mandaté le cabinet d'expertise Gicquel, afin que ce dernier réalise un examen approfondi de la voiture.

Cet expert a établi un rapport unilatéral daté du 22 juillet 2016 retenant plusieurs désordres.

Par courrier recommandé en date du 29 juillet 2016 et relance du 2 septembre 2016, le conseil des époux T. a mis en demeure la société ASP de procéder à une résolution amiable de la vente.

Par courrier en date du 18 septembre 2016, l'avocat de la société ASP a contesté l'existence des désordres invoqués.

Saisi à la requête des époux T., le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims, par une décision rendue le 16 décembre 2016 a ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à Monsieur Daniel T..

L'expert a déposé son rapport le 10 mai 2017.

Par acte du huissier en date du 31 juillet 2017, les époux T. ont fait assigner la société ASP devant le tribunal de grande instance de Reims afin de voir prononcer la résolution de la vente.

Monsieur Franco L. est intervenu volontairement à l'instance.

Par jugement en date du 24 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Reims a :

- prononcé la résolution de la vente, à charge pour les époux T. de restituer le véhicule à la société ASP et pour la société ASP de rembourser le prix de vente du véhicule de 210 000 euros aux époux T.,

- condamné la société ASP à payer aux époux T. les sommes de :

- 11 619,23 euros au titre de leur préjudice matériel,

- 50 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

- 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

- condamné la société ASP aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire.

Par acte en date du 31 octobre 2019, la société ASP et Monsieur Franco L. ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 31 janvier 2020, la société ASP et Monsieur Franco L. concluent à l'infirmation du jugement déféré et demandent à la cour de :

- prononcer la nullité des opérations d'expertise pour non-respect du contradictoire,

- condamner les époux T. à leur payer une somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour utilisation de termes inappropriés, dénigrements et propos diffamants.

Ils sollicitent le paiement par les époux T. à la société ASP de la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Ils exposent que des échanges se sont déroulés entre l'avocat des époux T. et l'expert en dehors de la présence de la société ASP, un changement de lieu concernant la deuxième réunion des opérations d'expertise ayant été décidé sans qu'ils n'aient été consultés en amont. Ils précisent que lorsque leur expert est arrivé sur place, des démontages avaient déjà été réalisés en dehors de la présence des parties.

Ils exposent que les époux T. sont des collectionneurs avertis qui tentent artificiellement de faire croire qu'ils leur auraient été promis un véhicule de 24 ans en état neuf ou en état de concours.

Ils précisent qu'il n'a jamais été soutenu que la société ASP aurait vendu le véhicule en prétendant qu'il n'avait jamais été accidenté et insistent sur le fait que la voiture a été cédée avec un contrôle technique.

Ils soutiennent que le véhicule a été vendu 194 500 euros et que les mentions manuscrites portant la cession à une somme globale de 210 000 euros ont été unilatéralement apposées par Monsieur T..

Ils indiquent que l'expert a estimé la voiture à la somme de 180 000 euros au jour de la vente, ce qui avoisine le prix de cession, étant précise qu'en matière de vente, le prix est libre.

Ils font valoir que le véhicule n'est pas impropre à son usage et ne présente pas de dangerosité.

Subsidiairement, ils expliquent que le manquement à une obligation d'information se répare par une action en dommages et intérêts et non en une résolution de vente.

Ils exposent que les époux T. ont parcouru plus de 1 000 km avec le véhicule, ce qui confirme que celui-ci ne présentait pas de dangerosité et que c'est eux seuls qui ont décidé de faire réaliser des réparations qui ne s'imposaient pas.

Enfin, ils ajoutent qu'aucun préjudice de jouissance n'est caractérisé, les époux T. ayant fait le choix de ne pas rouler avec la voiture.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 18 février 2020, les époux T. conclut à l'infirmation partielle du jugement entrepris des chefs des préjudices matériel, de jouissance et moral et demandent à la cour la condamnation de la société ASP à leur payer de ces chefs les sommes de 18 639,23 euros, 284 970 euros et 5 000 euros.

Ils sollicitent en outre la somme supplémentaire de 12 000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Ils affirment que la voiture leur a été vendue pour un prix global de 210 000 euros payé de la manière suivante:

- 62 500 euros correspondant à la reprise d'un véhicule Porsche 914/16 leur appartenant,

- deux virements bancaires en date du 23 mars 2015 et 6 mai 2015 pour un montant total de 105 000 euros,

- un chèque établi le 3 avril 2015 pour un montant de 27 000 euros,

- une somme de 13 000 euros en espèces versée le 3 avril 2015 à la demande de Monsieur L.,

- la remise de cinq jantes de marque Fuchs 4.5 x15 par eux que les parties avaient convenus de valoriser à la somme de 2 500 euros par jante.

Ils réfutent toute violation du contradictoire et insistent sur le fait qu'il n'est justifié d'aucun grief.

Ils soutiennent que la société ASP a manqué à son obligation de délivrance conforme. Ils expliquent qu'en déboursant la somme de 210 000 euros et en achetant leur véhicule auprès d'un professionnel de l'automobile spécialisé dans les véhicules de collection et de prestige, ils souhaitaient acquérir un véhicule en très bon état voir en parfait état, dépourvu de tout vice-malfaçons ou imperfections et n'ayant fait l'objet d'aucun sinistre antérieur affectant des éléments structurels.

Ils indiquent que l'expert judiciaire a mis en exergue de multiples désordres affectant la structure du véhicule principalement au niveau de la partie arrière (longerons) et du support bloc moteur.

Ils font valoir que la société ASP a commis un manquement contractuel en s'abstenant avant la vente de leur préciser que :

- le véhicule avait été accidenté et qu'il avait fait l'objet de réparations importantes avec remplacement d'éléments structurels,

- les réparations effectuées antérieurement à la vente n'avaient pas été réalisées dans les règles de l'art et selon les normes géométriques du constructeur.

À titre subsidiaire, ils invoquent la délivrance d'un véhicule affecté d'un vice caché diminuant considérablement son usage. Ils indiquent que leur expert a mentionné le fait que les réparations ne permettaient pas de garantir la sécurité des occupants du véhicule. Ils insistent sur le fait que le véhicule litigieux est actuellement « blacklisté » au sein du réseau mondial Porsche au regard de des graves désordres et malfaçons qui l'affectent.

A titre très subsidiaire, ils imputent des manœuvres dolosives à la société ASP, dans la mesure où, selon eux, celle-ci n'aurait pas dû leur céder la voiture sans leur avoir révélé au préalable l'état réel dans lequel, elle se trouvait. Ils insistent sur le fait que la société ASP exerce non seulement une activité professionnelle de vente de véhicules de collection mais réalise également intégralement leur restauration.

A titre infiniment subsidiaire, ils font valoir que la société ASP en sa qualité de vendeur professionnel a manqué à son obligation de conseil et d'information en s'abstenant de leur révéler que le véhicule avait fait l'objet de sinistres antérieurs ayant nécessité d'importantes réparations structurelles.

Ils ajoutent qu'ils versent régulièrement aux débats des décisions concernant le comportement de la société ASP, mettant en évidence les pratiques commerciales douteuses pratiquées par cette dernière et réfutent toute diffamation et injure.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er décembre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la nullité des opérations d'expertise

Il est de droit constant que la mesure d'expertise doit être exécutée dans le respect de la procédure, et en particulier du principe de la contradiction, dont la violation est regardée comme une faute grave.

En vertu de l'article 276 du code de procédure civile, l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent. L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamation présentées.

Les appelants, comme en première instance, reprochent à l'expert d'avoir communiqué par téléphone avec le conseil des époux T. à leur insu, de ne pas avoir répondu à l'ensemble des dires et d'avoir porté des appréciations juridiques en violation de l'article 238 alinéa 3 du code de procédure civile.

En l'espèce, il y a lieu de constater que les opérations d'expertise judiciaire se sont déroulées à deux endroits différents afin de vérifier la chassimétrie du véhicule sur un banc de contrôle et que les parties ont été mises en situation avec leurs conseils respectifs de faire valoir leurs observations.

Contrairement à l'argumentaire développé par la société ASP et Monsieur L., il résulte du rapport d'expertise judiciaire que Monsieur T. a répondu de manières circonstanciées aux dires des parties ainsi que spécifiquement aux questions posées par le juge des référés dans la mission qui lui a été dévolue.

Aussi, en l'absence de démonstration d'un grief réel causé par le déroulé des opérations d'expertise judiciaire, par la société ASP et Monsieur L., il convient de rejeter l'exception de nullité soulevée et de confirmer le jugement déféré de ce chef.

- Sur le manquement à l'obligation de délivrance conforme

Selon l'article 1604 du Code civil, l'obligation de délivrance conforme implique pour le vendeur d'un bien de délivrer une chose conforme aux prévisions contractuelles.

Il en résulte que cette obligation se réfère tant aux caractéristiques de la chose vendue, qu'à celles présumées et entrées dans le champ contractuel.

De même, dans le domaine des véhicules de collection, l'obligation de délivrance s'analyse en la mise à disposition d'une chose conforme à sa destination, à l'usage recherché, l'état originel du véhicule de collection étant déterminant puisqu'il subordonne la cote applicable.

Aux termes de l'article 1610 du code civil, si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur.

L'article 1611 du même code précise que dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu.

Aux termes de son rapport, l'expert judiciaire, Monsieur T. conclut :

« Ce véhicule sans être dangereux à l'utilisation (comportement et sécurité passive y compris) doit, pour retrouver les normes du constructeur, être réparé conformément à la méthodologie ci-dessus décrite. Quant à la peinture, sa qualité ne correspond pas au niveau de prix et gamme de ce véhicule ».

Dans le corps de son rapport, l'expert indique :

« (…) Le véhicule a été endommagé à l'AR par un choc moyenne intensité ayant nécessité l'échange de l'aile ARD, de l'aile ARG en partiel et l'échange de la traverse support moteur AR.

Le véhicule n'a pas subi de choc AV provoquant une quelconque déformation de structure des longerons AV en revanche l'aile AVD a été changée par un dommage sans conséquence sur la structure de la carrosserie.

(...)Ce diagnostic fait donc apparaître une malfaçon lors de la réparation d'un choc AR avec un mauvais positionnement en hauteur des embouts de longerons AR.

Bien que ces malfaçons n'altèrent pas la sécurité et le comportement du véhicule, cette mauvaise réparation doit être reprise.

- Réparation du soubassement (réparation structurelle) : 7 362,43 euros ttc,

- Réparation d'ordre esthétique (peinture extérieure) :8 440 euros ttc,

- Remplacement des roues par celles d'origine : 11 500 euros ttc.

(…) Les défauts constatés préexistaient à la vente.

Ces défauts notamment structurels (liés au soubassement) ne rendent pas le véhicule impropre à son usage et n'en diminue pas son usage. En revanche ce véhicule n'est pas dans un état conforme attendu par un acheteur de ce type de véhicule de collection et de surcroît sportif.

Les défauts structurels ne pouvaient pas être décelés par un non professionnel.

Les défauts de peinture pouvaient être observés avec une attention particulière qui n'est pas généralement portée par des non professionnels.

La déformation du coffre AV pouvait être décelée par un non professionnel que par un examen sur un pont élévateur.

(') En juillet 2015 le prix de ce véhicule était sur le marché international dans un état concours évalué à 240.000 euros.

Pour le véhicule concerné au regard de la rareté de sa version (touring) de son état et de son faible kilométrage j'en estime sa valeur à 180 000 euros au jour de sa vente en juillet 2015.

A ce jour, le marché s'est stabilisé mais sans régresser véritablement.

La fourchette de prix est de 180 000 euros pour le moins cher vendu par des particuliers à 240 000 euros pour des véhicules état concours vendus par des professionnels.

En somme la valeur du véhicule concerné dans un état concours vaut toujours aujourd'hui entre 220 000 et 240 000 euros et dans l'état actuel entre 170 000 à 190 000 euros.

(…) Le véhicule n'est donc pas conforme aux attentes d'un client achetant ce type de véhicule à un professionnel. Cependant en toute objectivité, Monsieur T. a acheté ce véhicule équipé d'un arceau de sécurité ce qui sous-entend une utilisation sur circuit. De toute évidence un véhicule utilisé sur circuit est fortement sollicité avec pour conséquence un affaiblissement prématuré de tous ses organes notamment au niveau de sa structure. Raison pour laquelle dans le marché du véhicule sportif la mention « jamais de circuit » apporte une plus-value à la revente ».

En l'espèce, il est constant que le véhicule dont s'agit avait 23 ans au moment de la vente critiquée et qu'il ne se trouvait pas dans son état originel, puisque présentant des harnais et des arceaux, cela signifiait qu'il avait subi des adaptations pour rouler sur circuit, ce que ne pouvaient ignorer les époux T., eux-mêmes adeptes de la conduite en rallye.

Il est important de relever que :

- la vente de la voiture était accompagnée d'un contrôle technique daté du 6 juillet 2015 sur lequel est notamment mentionné «’défauts à corriger sans contre-visite’: 1'; pareboue, protection sous-moteur': anomalie de fixation et/ou mauvais état AVG,AVD'»,

- la facture datée du 25 mars 2015 pour un montant total de 194 500 euros (seule somme à prendre en considération, les mentions manuscrites d'ajout de prix invoquées par les seuls époux T. n'étant corroborées par aucun autre élément que leurs affirmations), comporte la stipulation selon laquelle une partie du prix est financée par la reprise d'un véhicule Porsche au prix de 62 500 euros, ce qui conforte le fait que les époux T. sont des clients habituels de la marque « Porsche ».

Au vu des pièces produites, la cour souligne que le montant des réparations matérielles concernant la structure s'élèvent à la somme de 7 362,43 euros, ce qui est relativement faible eu égard au type de véhicule et au montant du prix d'acquisition, étant précisé que l'évaluation faite par l'expert du véhicule dont s'agit dans sa fourchette haute (190 000 euros) est très proche du prix de vente pratiquée (194 500 euros, étant rappelé que le paiement s'est effectué en plusieurs échéances : une reprise de voiture, un chèque puis deux virements bancaires).

Aussi, la cour estime que les époux T., au moment de leur acquisition, sachant qu'ils achetaient un véhicule ne présentant pas les caractéristiques d'un véhicule en « état concours », ne peuvent désormais réclamer les caractéristiques d'un véhicule dans un « état d'origine ».

Il résulte des éléments ci-dessus développés que les conditions et circonstances de la transaction ne caractérisent pas un manquement du garage à l'obligation de délivrance conforme.

Par ailleurs, s'agissant de la vente d'un véhicule de collection et d'occasion, ce marché présentant des spécificités, la cour juge que l'application de l'article L. 211-4 du code de la consommation, qui énonce que le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance, au cas présent n'entraine pas la résolution de la vente, dans la mesure où les défauts demeurent modestes.

Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente pour manquement à l'obligation de délivrance conforme.

- Sur la délivrance d'un véhicule affecté de vices cachés

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Au vu des constatations réalisées par l'expert judiciaire et qui ont été débattues contradictoirement par les parties dans leurs dires, la cour estime que s'il existe un défaut qui préexistait à la vente et affectait la structure, toutefois, il n'est pas justifié d'une gravité rendant le véhicule impropre à sa destination.

En effet, comme il l'a été souligné ci-dessus, les époux T. savaient pertinemment au moment de la vente que le véhicule avait déjà roulé sur circuit, et ne présentait donc pas les caractéristiques de la voiture « état concours ».

Dans ces conditions, il convient de débouter les époux T. de leur demande en résolution de la vente sur le fondement des vices cachés.

 Sur la demande de nullité de la vente pour manœuvres dolosives

En vertu de l'article 1116 ancien du code civil applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait, qui s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.

Les époux T. reprochent au garagiste et notamment à Monsieur L. de leur avoir caché que le véhicule avait été accidenté et réparé, et ce d'autant plus que Monsieur L. exerce l'activité de restauration.

L'action en nullité fondée sur le dol implique de démontrer le caractère déterminant que l'élément dissimulé a eu sur le consentement.

En l'espèce, il y a lieu de relever que les époux T. affirment que la restauration du véhicule qui leur a été vendu a été réalisée par la Sarl ASP sans cependant l'établir. Par ailleurs, ceux-ci ne démontrent pas non plus que s'ils avaient eu connaissance précisément des accidents survenus et des réparations effectuées précédemment sur ce dernier, ils ne l'auraient pas acquis, et ce d'autant plus que les reprises matérielles affectant la structure restent modestes.

Dans ces conditions, relevant la carence des époux T., dans l'administration de la preuve, il convient de les débouter de leur demande en nullité pour dol.

- Sur les demandes de résolution de la vente et de nullité pour manquement à l'obligation de conseil et d'information

En vertu de l'article 1184 du code civil, la violation de l'obligation de conseil et d'information est de nature à entraîner la résolution de la vente au regard de la gravité des désordres et malfaçons que l'expertise a pu mettre en lumière.

En l'espèce, comme cela a été motivé ci-dessus, la cour estime que les désordres constatés sur le véhicule ne le rendent pas impropre à sa destination, de sorte que la gravité exigée par l'article 1184 susvisée n'est pas caractérisée.

Par ailleurs, si la société ASP n'est pas en mesure de démontrer qu'elle a informé les époux T. du fait que le véhicule avait antérieurement subi un choc ainsi que des réparations, toutefois, il convient de souligner que la vente a été accompagnée d'un contrôle technique avec une date proche de la date de cession, qu'il s'agit d'un véhicule de collection qui de par son aspect présentait les caractéristiques d'une voiture ayant roulé sur circuit, de sorte que les époux T. ne pouvaient pas ignorer que ledit véhicule n'était pas dans un état neuf, ni dans son état d'origine.

Aussi, la cour estime que la nullité ne peut pas être encourue sur le fondement du manquement à l'obligation d'information et de conseil, de sorte qu'il convient de débouter les époux T. de leur demande en résolution et en nullité de la vente de ce chef.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

- Sur la demande reconventionnelle de la Sarl ASP et de Monsieur L. en paiement de dommages et intérêts

Les appelants reprochent aux époux T. d'avoir porté atteinte à leur honneur et à la personne du gérant, par l'utilisation de termes inappropriés, dénigrement et propos diffamants, les écritures de ces derniers, selon eux, n'étant pas proportionnelles au but litigieux poursuivi.

Ils se fondent notamment sur les conclusions de première instance dans le corps duquel il est écrit « ils entendent attirer l'attention du tribunal sur la profonde malhonnêteté de la société ASP et de son gérant Monsieur Franco L. dont le comportement et les pratiques commerciales douteuses ont déjà été stigmatisés à plusieurs reprises par les juridictions » et sur la production de décisions ayant condamné la société ASP antérieurement.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

En l'espèce, la procédure étant écrite, les époux T. par le biais de leur conseil ont produit des pièces et déposé des conclusions.

Il ne peut être sérieusement reproché à ces derniers d'avoir communiqué des décisions judiciaires rendues en mars 2013, mai 2013 et juin 2016, aux termes desquelles des résolutions de vente de véhicule de collection ont été prononcées aux torts de la Sarl ASP et de son gérant.

En effet, l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse énonce que : « ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte-rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés et les écrits produits devant les tribunaux ».

Force est de constater que ces dispositions sont applicables aux écritures prises par le conseil des époux T. ainsi qu'aux pièces communiquées à leur soutien. Ainsi, contrairement à ce qu'affirment les époux T., aucun abus n'est caractérisé s'agissant du contenu des écritures critiquées.

Dans ces conditions, il convient de débouter la société ASP et Monsieur L. de leur demande en paiement à titre de dommages-intérêts.

- Sur les autres demandes

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Marc T. et son épouse, Madame Françoise L., succombant, ils seront tenus in solidum aux dépens de première instance et d'appel, comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire.

Les circonstances de l'espèce commandent de débouter les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement rendu le 24 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Reims en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'expertise judiciaire.

Et statuant à nouveau,

Déboute Monsieur Jean-Marc T. et son épouse, Madame Françoise L., de toutes leurs demandes formées à l'encontre de la Sarl ASP.

Déboute la Sarl ASP et Monsieur Franco L. de toutes leurs demandes formées à l'encontre de Monsieur Jean-Marc T. et son épouse, Madame Françoise L..

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Condamne in solidum Monsieur Jean-Marc T. et son épouse, Madame Françoise L., aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire.