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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 4 février 2021, n° 18/08152

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

America C. N. BV (Sté)

Défendeur :

Société Recyclage Papiers Métaux (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Lignières

T. com. Lyon, du 5 févr. 2018

5 février 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

La société America C. N. B.V (ci-après la société « ACN »), société de droit néerlandais, a pour activité le recyclage de matériaux (papiers, cartons, etc.) ainsi que leur exportation.

La société Recyclage Papiers Métaux (ci-après la société « SRPM ») est une société spécialisée dans la récupération, la valorisation et le recyclage de papiers, métaux et principalement de carton.

Depuis 2010, la société ACN commandait à la société SRPM du carton ondulé usagé pour les livrer à des clients chinois. Le cadre de cette relation commerciale n'était pas formalisé par un contrat cadre mais par des bons de commandes successifs.

Le carton ondulé usagé relève d'une norme professionnelle, précisant notamment la composition du matériau et ses modalités de recyclage, issue de la Confédération Européenne des Industries du Papier (CEPI) EN 643 ; et plus spécifiquement 1.05.1, communément appelée norme « 95/5 » concernant le carton ondulé usagé qui consiste dans l'interdiction d'avoir plus de 1,5 % de matériaux non recyclables.

La société ACN a passé trois commandes de cartons ondulés usagés 95/5 à la société SRPM : une le 8 août 2014 livrée fin août 2014, une le 3 septembre 2014 livrée en septembre 2014 et une le 13 octobre 2014 livrée entre octobre et novembre 2014.

Ces commandes ont été intégralement facturées.

Les marchandises commandées ont été transportées en containeurs depuis les entrepôts de la société SRPM à Fontanil-Cornillon (38) jusqu'au port de Fos-sur-Mer (13), avant leur transit maritime jusqu'en Chine.

À réception de la marchandise, les clients chinois de la société ACN ont formulé des réclamations à l'encontre de ces trois commandes concernant d'une part la non-conformité des produits par rapport aux caractéristiques convenues et d'autre part la surfacturation des produits en raison d'une différence entre le poids facturé et le poids livré.

La société ACN a transmis les réclamations de ses clients finaux à la société SRPM, au fur et à mesure qu'elles lui parvenaient.

La société SRPM a pris acte des réclamations des clients de la société ACN et a, concernant les premières réclamations relatives à la marchandise livrée en août 2014, accepté d'émettre un avoir de 13 292,45 euros à la société ACN pour cette partie des marchandises.

Les réclamations transmises à compter du mois de novembre 2014 n'ont toutefois pas fait l'objet d'un avoir par la société SRPM qui considérait qu'elles n'étaient pas justifiées.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 26 novembre 2014, la société SRPM a en effet contesté le bien fondé des réclamations adressées par la société ACN et nié lui devoir une quelconque somme.

La société ACN a refusé, invoquant son droit d'exception d'inexécution, de régler les factures restantes afférentes à la marchandise qui n'avait pas fait l'objet d'un avoir et qu'elle considérait non conforme.

Depuis le mois de novembre 2014, la société ACN a cessé de passer des commandes à la société SRPM.

Par acte d'huissier de justice du 22 mai 2015, la société SRPM a fait assigner la société ACN devant le tribunal de commerce de Grenoble afin d'obtenir le paiement des factures impayées à hauteur de 77 039,31 euros et de voir constater la rupture brutale des relations commerciales établies et d'obtenir à ce titre le versement de la somme de 259 534 euros.

Par jugement du 8 avril 2016, le tribunal de commerce de Grenoble s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement du 5 février 2018, le tribunal de commerce de Lyon a :

- condamné la société America C. N. B.V. à verser à la société SRPM la somme de 77 039,31 euros TTC outre intérêts de retard à compter du 22 mai 2015 ;

- condamné la société America C. N. B.V. à payer à la société SRPM la somme de 153 420,71 euros au titre de la rupture brutale de relation commerciale ;

- rejeté la demande d'avoir complémentaire de la société America C. N. B.V ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- condamné la société America C. N. B.V. à payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit les parties mal fondées quant au surplus de leurs demandes, fins et conclusions et les a déboutées respectivement ;

- condamné la société la société America C. N. B.V. aux entiers dépens.

Par déclaration du 18 avril 2018, la société ACN a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 28 septembre 2020, la société ACN demande à la cour de :

Vu les articles L. 442-6 I 5° du code de commerce, 1219 et 1134 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 05 février 2018 ;

Et statuant à nouveau,

À titre principal,

- dire et juger que la société S.R.P.M. a violé ses obligations contractuelles et réglementaires relatives à la conformité et au poids des produits commandés par la société America C. N. BV ;

En conséquence,

- juger que la société America C. N. BV est fondée à soulever l'exception d'inexécution compte tenu de cette inexécution contractuelle imputable à la société S.R.P.M. ;

- juger que la société America C. N. BV est à ce titre fondée à ne pas procéder au règlement des factures émises par S.R.P.M. ;

- juger que la société America C. N. BV est fondée à ne plus passer de commandes auprès de la société S.R.P.M. ;

- juger que la société America C. N. BV n'a pas commis de rupture brutale de relations commerciales établies au titre de l'article L. 442-6 du code de commerce ;

- débouter la société S.R.P.M. de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la société S.R.P.M. au paiement d'une somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

- condamner la société S.R.P.M au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de la procédure abusive.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 21 septembre 2020, la société SRPM demande à la cour de :

Vu les pièces versées aux débats,

Vu l'article 1134 du code civil,

Vu l'article L. 442-6-I.5° du code de commerce,

Vu le jugement du tribunal de commerce du 5 février 2018,

- confirmer en tous ses points le jugement du 5 février 2018 rendu par le tribunal de commerce de Lyon ;

Sur les factures impayées,

- dire et juger que la fin de non-recevoir au titre de l'intérêt à agir de la société Société Recyclage Papiers et Métaux - S.R.P.M. est tardive devant la cour d'appel ;

- dire et juger qu'il n'y a jamais eu subrogation des factures impayées au profit de la Coface, que la société Société Recyclage Papiers et Métaux - S.R.P.M. n'a pas perdu sa qualité à agir au titre de ces factures et qu'elle est donc recevable à demander le paiement des factures impayées par suite rejeter la fin de non-recevoir soulevée par ACN pour défait de qualité à agir ;

A titre principal,

- condamner la société America C. N. BV à payer à la société Recyclage Papiers et Métaux - S.R.P.M. la somme de 77 039,31 euros TTC au titre du solde des factures impayées sur le fondement de l'article 1134 du code civil, à laquelle s'ajoutent les intérêts de retard à compter de la date de l'assignation du 22 mai 2015 ;

A titre subsidiaire,

- condamner la société America C. N. BV à payer à la société Recyclage Papiers et Métaux - S.R.P.M. la somme de 34 522,22 euros TTC au titre du solde des factures impayées et non contestées sur le fondement de l'article 1134 du code civil, à laquelle s'ajoutent les intérêts de retard à compter de la date de l'assignation du 22 mai 2015 ;

Sur la rupture des relations commerciales,

- condamner la société America C. N. BV à payer à la société Recyclage Papiers et Métaux - S.R.P.M. la somme de 153 420,71 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales sur le fondement de l'article L. 442-6-I.5° du code de commerce ;

- rejeter toutes les demandes de la société America C. N. BV ;

- condamner la société America C. N. BV à payer à la société Recyclage Papiers et Métaux - S.R.P.M. la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la société America C. N. BV à payer à la société Recyclage Papiers et Métaux - S.R.P.M. la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les frais et dépens de l'instance en ce compris les frais d'huissier d'assignation et les frais de signification et les frais de traduction en ce compris les frais de recouvrement en France et à l'étranger, dont distraction au profit de Maître François V., Avocat au barreau de Grenoble.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1er octobre 2020.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les factures impayées

La société ACN reproche à la société SRPM une inexécution contractuelle grave qui justifierait son refus de paiement du solde des factures objets du litige, elle oppose l'exception d'inexécution prévue par les dispositions de l'article 1290 du code civil.

L'appelante critique le jugement entrepris pour avoir retenu qu'il n'y avait pas inexécution de la part de la société SRPM et que le solde était dû. Elle soutient que les marchandises livrées correspondant aux factures litigieuses étaient entachées d'une non-conformité à la norme CEPI 95/5, et d'une surfacturation en raison de la différence entre le poids facturé et le poids livré. L'appelante fait valoir que la société ACN a admis son erreur de mélange de matériaux et a émis un avoir de 13 292,45 euros.

La société ACN ajoute qu'elle a déjà payé en 2014 à la Coface la somme de 27 376,40 euros.

La société SRPM, quant à elle, demande que le jugement soit confirmé dans sa condamnation prononcée à l'encontre de la société ACN à payer le solde des factures impayées à hauteur de 77 039,31 euros. Elle fait valoir que pour certaines commandes la société SRPM a demandé des cartons normés 90/10 ce qui explique que cette norme est mentionnée dans des courriels échangés entre les parties. Elle précise que les « 5 % ou 10 % d'autres papiers et cartons d'emballages » sont appelés dans la pratique « cartonnette » et que, contrairement aux allégations de l'appelante, la cartonnette ne fait pas partie des « matériaux non recyclables » qui ne peuvent pas être présents à plus de 1,5 % selon la norme 1.05.01.

Sur ce ;

Les factures litigieuses correspondent aux commandes n° LGP140194 du 8 aout 2014, n° LGP140207 du 4 septembre 2014, et n° LGP140253 du 13 octobre 2014 (pièces n° 3 à 5 de la société SRPM) portant la mention :

« Product : Old Corrugated Containers 95/5 (CEPI 1.05.01).

Specification :

« All bales should container at least 95 % OCC and remaining papers and boards should not contain excessive wet-strength materials. Wet (>12 % moisture) loose and broken bales are not acceptable. Zero tolerance for commingled waste ».

Ces termes peuvent être traduits en français comme suit :

Produit :

« Vieux Cartons ondulés » 95/5

Spécifications ou propriétés techniques :

« Tous les ballots doivent contenir au moins 95 % de OCC et des papiers restant et les cartons ne doivent pas contenir des matières avec une forte humidité. Balles humides (>à 12 % d'humidité) et les ballots cassés ne sont pas acceptables. Tolérance zéro pour les déchets mélangés ».

La société SRPM affirme avoir respecté ces spécifications pour les livraisons litigieuses.

Les réserves lors de la réception des commandes LGP 140194 et LGP 140207 font état des réclamations (claims) suivantes en date de novembre 2014 : « Shortweight » (poids sous évalué) et « Moisture &Outthrows & Moldy paper » (humidité et moisissure). (pièce n° 18 de la société SRPM)

La société ACN ne peut invoquer de manière pertinente un courriel de 2014 dans lequel la société SRPM mentionne la norme 90/10 pour prouver que les livraisons litigieuses correspondaient en réalité à cette norme et non pas à la norme 95/5, alors qu'il est justifié parmi les commandes émises précédemment en juin et juillet 2014 par la société ACN auprès de la société SRPM qu'était demandé un produit correspondant à la 90/10. (pièces n° 56 et 57 de la société SRPM)

La société ACN ne peut pas non plus déduire de la présence de cartonnette dans les produits livrés litigieux qu'ils ne correspondaient pas à la norme demandée puisqu'il ressort des éléments du dossier que la présence de cartonnette dans les matériaux ne signifie pas que ceux-ci contenaient des éléments à forte humidité.

Enfin, il ressort des explications reçues des parties et de leurs échanges versés au dossier que pour les trois livraisons litigieuses lors de leur embarquement, un inspecteur de la société ACN est venu sur le site vérifier pendant plusieurs jours en aout, septembre et octobre 2014 que les ballots correspondaient aux exigences et a assisté à des dizaines de chargement sur cette période. Les vérifications ne portaient donc pas uniquement sur des containers déjà fermés prêts à embarquer, contrairement à ce que soutient l'appelante.

Au vu de ces éléments, la société ACN échoue à démontrer que la société SRPM n'a pas respecté les spécifications des commandes litigieuses.

Les réclamations concernant le problème de sur évaluation du poids des marchandises livrées et de présence d'humidité ont déjà été dédommagées par l'avoir du 31-10-2014 par la société SRPM à hauteur de 13 292,45 euros accordé par la société SRPM à titre de geste commercial. (pièce n° 18 de la société ACN)

Par conséquent, il n'est pas démontré l'existence d'une exception d'inexécution selon les dispositions de l'article 1290 du code civil qui justifierait le non-paiement du solde restant dû à hauteur de 77 039,31 euros. La société ACN ne justifie pas que les sommes déjà réglées à la Coface correspondent au solde objet du litige.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur le paiement des factures.

Sur la rupture brutale de la relation établie

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

- l'existence d'une relation commerciale établie

Selon la société ACN, sa relation commerciale avec la société SRPM n'était pas établie mais précaire car il n'y avait aucune prévisibilité pour la société SRPM des commandes émises.

La société SRPM affirme, sans être contredite par l'autre partie sur ce point, qu'elle a vendu à la société ACN, de début 2010 à novembre 2014, 16 935 tonnes de cartons, soit 1 482 containers pour un montant total de 4 152 549 euros.

Sur ce ;

Même s'il n'y avait pas de contrat cadre entre les deux sociétés car dans le secteur de la vente de marchandises de récupération la relation commerciale est basée sur des bons de commandes mensuels, néanmoins la société ACN commandait régulièrement auprès de la société SRPM. Il est donc prouvé une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial, ce qui constitue les éléments d'une relation établie pour la période de début 2010 au 6 novembre 2014.

- la brutalité de la rupture

sur l'existence d'une faute grave justifiant la rupture à effet immédiat

Il n'est pas contesté que la relation a cessé entre les parties début novembre 2014 sans aucun préavis et pour les mêmes faits que ceux invoqués au soutien de l'exception d'inexécution pour le non-paiement des factures litigieuses.

Pour les mêmes motifs que ceux indiqués pour condamner la société ACN à payer le solde des factures litigieuses, il convient de rejeter le moyen tiré d'une faute contractuelle commise par la société SRPM qui serait suffisamment grave pour justifier une rupture immédiate de la relation commerciale.

Par conséquent, en rompant sans préavis une relation commerciale établie, la société ACN est à l'origine d'une rupture brutale de la relation commerciale.

Le jugement de première instance sera confirmé sur l'existence d'une rupture brutale imputable à la société ACN.

sur le délai du préavis

Une relation commerciale stable a duré entre les parties près de quatre années.

Il ressort des bilans des ventes de la société SRPM avec la société ACN les chiffres d'affaires suivants : 509 963,86 euros en 2012, 1 051 628,43 euros en 2013, et 788 808,17 euros en 2014. (pièces n° 47 à 49 de la société SRPM)

Le chiffre d'affaires annuel moyen tiré de la relation d'affaires avec la société ACN au cours des 3 derniers exercices comptables était donc de 783 466,82 euros.

La société SRPM affirme que ce client représentait près de 15 % de son chiffre d'affaires global, ce qui n'est pas contesté par la société ACN.

Au vu de l'ancienneté et de l'intensité de la relation commerciale ayant existé entre les parties au moment de la rupture, un préavis de 3 mois était nécessaire et suffisant pour permettre à la société SRPM de réorganiser son activité.

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a dit que le délai de préavis devait être fixé à 3 mois.

sur la réparation du préjudice

Il convient de rappeler que l'on ne peut obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même.

Le préjudice en l'espèce sera équivalent au gain manqué sur l'activité de la société SRPM avec la société ACN pour la période du préavis de 3 mois qui aurait dû lui être accordé.

La société SRPM justifie des coûts d'achat des matières revendues à la société ACN pour un montant total annuel moyen de 169 784 euros. (pièces n° 53 à 55 de la société SRPM)

Cependant, comme le relève à bon escient la société SRPM, le taux de marge à retenir n'est pas suffisamment établi par la déduction du chiffre d'affaires du seul coût des marchandises achetées. A défaut d'autres éléments sur les coûts à déduire, il sera retenu un taux de marge brute de 50 % qui est courant dans ce type d'activités.

Le préjudice dû au gain manqué sera fixé comme suit :

(50 % de 783 466 euros/12 mois) x 3 mois, soit 97 933 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé quant au montant du préjudice retenu pour indemniser la rupture brutale subie par la société SRPM.

Sur les demandes respectives de la société SRPM et de la société ACN fondées sur la procédure abusive

Vu l'article 1240 du code civil,

L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol.

La société ACN qui succombe en appel ne sera pas accueillie dans sa demande en indemnisation pour procédure abusive de la part de la société SRPM.

La société SRPM sera déboutée de sa demande à ce titre faute pour elle de rapporter la preuve d'une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de la société ACN qui a pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits et d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense.

Sur les frais et dépens

Le jugement du tribunal de commerce sera confirmé quant à sa décision sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

En cause d'appel, la société ACN succombant, supportera les entiers dépens de l'appel.

L'appelante participera en outre à hauteur de 5 000 euros aux frais irrépétibles complémentaires que la société SRPM a dû engager en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, excepté quant au montant du préjudice retenu pour indemniser la rupture brutale subie par la société Recyclage Papiers Métaux (SRPM),

CONDAMNE la société America C. N. B.V (ACN) payer à la société Recyclage Papiers Métaux (SRPM) la somme de 97 933 euros en réparation du préjudice subi au titre de la rupture brutale,

REJETTE les demandes au titre de la procédure abusive,

CONDAMNE la société America C. N. B.V (ACN) payer à la société Recyclage Papiers Métaux (SRPM) la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société America C. N. B.V (ACN) aux entiers dépens de l'appel.