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Décisions

Cass. com., 3 février 2021, n° 19-13.260

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Ceramiche Marca Corona (SPA)

Défendeur :

Bois et Matériaux (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Fontaine

Avocat général :

M. Lecaroz

Avocats :

SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, SCP Piwnica et Molinié

Poitiers, du 13 mars 2018

13 mars 2018

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Poitiers, 13 mars 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 2 novembre 2016, pourvoi n° 14-22.114), la société italienne Ceramiche Marca Corona (la société CMC), ayant pour activité la fabrication et la commercialisation de carrelage, a vendu le 18 avril 2003 des produits à la société Malet matériaux, aux droits de laquelle est venue la société Bois et matériaux (le vendeur), laquelle les a revendus le 9 mai 2003 en France à M. et Mme O...  (les acheteurs).

2. Soutenant que le carrelage présentait des micro-rayures, ceux-ci ont assigné en indemnisation de leur préjudice leur vendeur, qui a appelé en garantie la société CMC (le fournisseur).

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société CMC fait grief à l’arrêt de déclarer recevable l’action engagée contre elle par la société Bois et matériaux, alors « que la directive n° 1999/44/CE du Parlement et du Conseil du 25 mai 1999, sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation a pour finalité de protéger le consommateur se procurant des biens dans un état membre autre que celui de sa résidence ; qu’en retenant que la société Bois et matériaux est fondée à s’en prévaloir pour déclarer recevable son action contre la société Ceramiche, fabricant, tout en constatant que la société Bois et matériaux est un vendeur professionnel et non un consommateur au sens de la directive, la cour d’appel a violé par fausse application la directive n° 1999/44/CE du Parlement et du Conseil du 25 mai 1999. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l’article 4 de la directive n° 1999/44/CE du Parlement et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, lorsque la responsabilité du vendeur final est engagée vis-à-vis du consommateur en vertu d’un défaut de conformité qui résulte d’un acte ou d’une omission du producteur, d’un vendeur antérieur placé dans la même chaîne contractuelle ou de tout autre intermédiaire, le vendeur final a le droit de se retourner contre le ou les responsable(s) appartenant à la chaîne contractuelle. Le droit national détermine le ou les responsable(s) contre qui le vendeur final peut se retourner, ainsi que les actions et les conditions d’exercice pertinentes.

6. Ayant constaté que par un jugement du 29 septembre 2009 la société Bois et matériaux avait été condamnée à réparer le préjudice subi par M. et Mme O...  du fait du défaut de conformité du carrelage qu’elle leur avait vendu, puis retenu que la société CMC était un vendeur antérieur dans la chaîne contractuelle, la cour d’appel en a exactement déduit que l’action récursoire de la société Bois et matériaux, vendeur final, contre la société CMC, son fournisseur, était recevable.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

8. La société CMC fait grief à l’arrêt de déclarer recevable l’action engagée par la société Bois et matériaux, alors « que l’article 4 de la directive prévoyant que "lorsque la responsabilité du vendeur final est engagée vis-à-vis du consommateur en vertu d’un défaut de conformité qui résulte d’un acte ou d’une omission du producteur, d’un vendeur antérieur placé dans la même chaîne contractuelle ou de tout autre intermédiaire, le vendeur final a le droit de se retourner contre le ou les responsable(s) appartenant à la chaîne contractuelle. Le droit national détermine le ou les responsable(s) contre qui le vendeur final peut se retourner, ainsi que les actions et les conditions d’exercice pertinentes" se borne à opérer pour cette action récursoire un renvoi au droit national, soit en l’espèce au droit italien ; qu’en déduisant de cet article 4 de la directive que la norme italienne applicable en considération de la directive européenne "sont les dispositions du code de la consommation italien (article 131 et suivants) pris en application de ladite directive", la cour d’appel qui ne s’est pas référée à la loi désignée par les règles de conflit faute d’avoir recherché si selon la loi italienne, le vendeur professionnel peut se retourner contre le fabricant sur le fondement du droit de la consommation italien, n’a pas justifié légalement sa décision et a ainsi violé par fausse application l’article 4 de la directive n° 1999/44/CE du Parlement et du Conseil du 25 mai 1999. »

Réponse de la Cour

9. Ayant écarté l’application des dispositions du code civil italien comme non pertinentes, dès lors qu’était en cause l’action récursoire du vendeur final contre un vendeur antérieur, puis retenu que l’article 131 du code italien de la consommation permettait au vendeur final reconnu responsable vis-à-vis du consommateur en raison d’un défaut de conformité d’exercer un recours contre tout sujet responsable faisant partie de la même chaîne distributive que lui, la cour d’appel a, par là-même, effectué la recherche prétendument omise.

10. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. La société CMC fait grief à l’arrêt de la condamner à garantir la société Bois et matériaux de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre en faveur de M. et Mme O... , alors « que selon l’article 39 de la Convention de Vienne "1. L’acheteur est déchu du droit de se prévaloir d’un défaut de conformité s’il ne le dénonce pas au vendeur, en précisant la nature de ce défaut, dans un délai raisonnable à partir du moment où il l’a constaté ou aurait dû le constater. 2. Dans tous les cas, l’acheteur est déchu du droit de se prévaloir d’un défaut de conformité s’il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises, à moins que ce délai ne soit incompatible avec la durée d’une garantie contractuelle" ; qu’en écartant la déchéance invoquée en l’espèce au prétexte que la convention règle les relations contractuelles entre vendeur et acheteur y compris au titre d’une non-conformité dans l’hypothèse par exemple d’une difficulté née avant revente à un consommateur au sens de la directive et ne règle pas le recours récursoire de vendeur final contre son propre vendeur, la cour d’appel a violé l’article 39 de la convention de Vienne du 11 avril 1980. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 39 de la convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 (la CVIM) :

12. Selon ce texte, l’acheteur est déchu du droit de se prévaloir d’un défaut de conformité s’il ne le dénonce pas au plus tard dans le délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises.

13. Pour condamner la société CMC à garantir la société Bois et matériaux, l’arrêt retient, en premier lieu, que l’action récursoire du vendeur final contre son propre vendeur trouve sa cause non dans le défaut de conformité lui-même mais dans l’action engagée contre ce vendeur final par le consommateur, en second lieu, que la CVIM régit les relations contractuelles entre vendeur et acheteur et ne s’applique pas à un tel recours.

Il en déduit que le débat sur l’application des articles 39 et 40 de la CVIM est inopérant.

14. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé, par refus d’application, le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare recevable l’action engagée par la société Bois et matériaux contre la société Ceramiche Marca Corona, l’arrêt rendu le 13 mars 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers ;

Remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Bourges ;

Condamne la société Bois et matériaux aux dépens.