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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 8, 2 février 2021, n° 19/04547

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Gan Assurances (SA)

Défendeur :

Angulas Aguinaga (SA), Atlantika (SAS), Maaf Assurances (SA), Eusa Colors (SAS), IMCD (SAS), Zurich Insurance Public Limited Company (SA), Arkema France (SA), Axa Corporate Solutions Assurance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Champeau-Renault

Conseillers :

M. Byk, M. Senel

Avocat :

SAS LNA Legal

T. com. Paris, du 19 déc. 2018

19 décembre 2018

La société ANGULAS AGUINAGA est une société de droit espagnol qui exerce son activité dans la transformation et la commercialisation de produits de la mer.

ATLANTIKA, société de droit français, exerce son activité dans le commerce de produits pour l'industrie agroalimentaire et son assureur est la société MAAF ASSURANCES SA.

EUSA COLORS (EUSA), société de droit français, fabrique des huiles essentielles et des arômes alimentaires ; son assureur est GAN ASSURANCES.

IMCD FRANCE, société de droit français, exerce son activité dans le commerce de gros de produits chimiques ; son assureur est ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY.

ARKEMA FRANCE, société de droit français, est un chimiste ; son assureur est AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE (AXA).

ATLANTIKA a vendu à ANGULAS l'arôme SURIFLAVOR 5404, fabriqué par EUSA, qui le lui a vendu. EUSA a intégré dans son processus de fabrication un produit chimique, le sulfure de diméthyle ou DMS, livré par IMCD, s'approvisionnant auprès de ARKEMA (chaine de contrats translatifs de propriété).

ATLANTIKA a livré à ANGULAS, en plusieurs fois, 4 lots de l'arôme SURIFLAVOR 5404, livraisons donnant lieu à facturation les 13 novembre 2014, 6 janvier 2015 et 23 janvier 2015. L'arôme a été utilisé par ANGULAS pour fabriquer du surimi.

Des consommateurs ayant fait part de défauts du produit, donnant lieu à des odeurs inhabituelles à l'ouverture des boites, en particulier une odeur de gaz, ANGULAS a mis en demeure ATLANTIKA et EUSA de l'indemniser de son préjudice.

Alors que le tribunal de commerce de Paris a ordonné une expertise le 23 décembre 2015, le tribunal de commerce de Saint Malo a procédé de même pour des faits similaires ayant affecté les produits de la COMPAGNIE DES PECHES, qui avait également EUSA comme fournisseur. Les deux experts ont coordonné leurs travaux et, dans le présent litige, le rapport a été déposé le 20 avril 2017 par l'expert désigné.

C'est dans ces conditions qu'ANGULAS a assigné devant le tribunal de commerce de Paris les intervenants à la chaîne d'élaboration du produit et leurs assureurs. Par jugement du 19 décembre 2018, ce tribunal a :

- débouté la société ATLANTIKA de sa demande d'expertise judiciaire à caractère financier et la société GAN ASSURANCES de sa demande fondée sur l'article 1240 nouveau du code civil,

- condamné in solidum les sociétés ATLANTIKA, EUSA COLORS, IMCD FRANCE, et ARKEMA FRANCE à payer à la société ANGULAS AGUINAGA la somme de 607 537,16 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par cette dernière,

- dit que la responsabilité de chacun des coauteurs dans la réalisation des dommages est de :

 60% pour EUSA COLORS,

 30% pour ARKEMA FRANCE,

 5% pour ATLANTIKA et

 5% pour IMCD FRANCE,

- condamné la société GAN ASSURANCES à garantir la société EUSA COLORS des conséquences financières de cette condamnation, sous réserve de la déduction des frais de destruction, soit 60% de 8 771 euros, de la franchise, soit 600 euros, et dans la limite du plafond annuel cumulatif de 1 400 000 euros,

- condamné la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à garantir la société ARKEMA FRANCE des conséquences financières de cette condamnation, dans les limites (franchise), clauses (limitations, franchise, exclusions) et plafond de la police souscrite,

- condamné la société ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY à garantir la société IMCD FRANCE des conséquences financières de cette condamnation,

- condamné la société MAAF ASSURANCES à garantir la société ATLANTIKA des conséquences financières de cette condamnation, sous resserve de la déduction des frais de stockage et de destruction, soit 5% de 51 976,16 euros, de la franchise, soit 432 euros, et dans la limite du plafond annuel de 1 524 491 euros,

- condamné in solidum les sociétés ATLANTIKA, EUSA COLORS, IMCD FRANCE, et ARKEMA FRANCE à payer à la société ANGULAS AGUINAGA la somme de 71 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que cette somme sera supportée dans les proportions définitives suivantes : 60% pour EUSA COLORS, 30% pour ARKEMA FRANCE, 5% pour ATLANTIKA et 5% pour IMCD FRANCE,

- condamné GAN ASSURANCES à garantir EUSA COLORS des conséquences financières de cette condamnation, AXA COPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à garantir ARKEMA FRANCE des conséquences financières de cette condamnation, ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY à garantir IMCD FRANCE des conséquences financières de cette condamnation et MAAF ASSURANCES à garantir ATLANTIKA des conséquence financières de cette condamnation, dans les mêmes conditions que celles exposées ci-dessus au titre des dommages et intérêts,

- condamné in solidum les sociétés ATLANTIKA, EUSA COLORS, IMCD FRANCE, et ARKEMA FRANCE à payer les frais de l'expertise judiciaire d'un montant de 45 020 euros à la société ANGULAS AGUINAGA et dit que cette somme sera supportée dans les proportions suivantes : 60% pour EUSA COLORS, 30% pour ARKEMA FRANCE, 5% pour ATLANTIKA et 5% pour IMCD FRANCE,

- condamné GAN ASSURANCES à garantir EUSA COLORS des conséquences financières de cette condamnation à payer les frais d'expertise, AXA COPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à garantir ARKEMA FRANCE des conséquences financières de cette condamnation à payer les frais d'expertise, ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY à garantir IMCD FRANCE, des conséquences financières de cette condamnation à payer les frais d'expertise et MAAF ASSURANCES à garantir ATLANTIKA des conséquences financières de cette condamnation à payer les frais d'expertise, dans les mêmes conditions que celles exposées ci-dessus au titre des dommages et intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration, reçue le 26 février 2019 et enregistrée le 7 mars 2019, le GAN a interjeté appel et, aux termes de ses dernières écritures, notifiées par voie électronique le 3 octobre 2019, sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que le lot de DMS 6959 était atteint d'un vice caché ainsi que l'arôme SURIFLAVOR 5404, qu'il lui a accordé des indemnités, déclaré inopposable la clause limitative de responsabilité opposée par la société ARKEMA, dit que GAN ASSURANCES garantira la société EUSA COLORS sous réserve de la déduction des frais de destruction, de la franchise de 800 euros et dans la limite du plafond annuel de garantie de 1 400 000 euros , condamné AXA CORPORATE SOLUTIONS à garantir la société ARKEMA, ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY à garantir la société IMCD et la MAAF à garantir la société ATLANTIKA.

Demandant l'infirmation pour le surplus, il réclame à la cour de :

- à titre principal, condamner la société ARKEMA et son assureur, AXA CORPORATE SOLUTIONS, la société IMCD et son assureur, ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY, à garantir la société EUSA COLORS et son assureur, GAN ASSURANCES, de toutes condamnations prononcées à leur encontre ;

- à titre subsidiaire, condamner in solidum la société ARKEMA et son assureur AXA, la société IMCD et son assureur ZURICH, la société ATLANTIKA et son assureur MAAF, à garantir la société EUSA COLORS et GAN ASSURANCES de toute condamnation susceptible d'être prononcée à leur encontre.

En tout état de cause, il est demandé à la cour de rejeter les demandes formulées à l'encontre de la société EUSA COLORS et de GAN ASSURANCES et de condamner tout succombant à payer à GAN ASSURANCES une indemnité de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières écritures, notifiées par voie électroniques le 7 mai 2020, ARKEMA et son assureur, AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES, demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il les a condamnés à indemniser ANGULAS AGUINAGA à hauteur de 30% de la réclamation totale soit la somme de 154 217,15 euros et lui demande, en conséquence :

- à titre principal, de :

Rejeter les demandes à son encontre sur la conformité du DMS, de dire inapplicable la garantie des vices cachés à son égard et de juger qu'elle est exempte de responsabilité,

Sur le rapport d'expertise du 20 avril 2017, dire que l'expert a violé le principe du contradictoire, outrepassé sa mission en portant des appréciations juridiques et ne l’a pas menée en totalité de sorte qu'aucune conclusion sur sa responsabilité ne saurait en être tirée sauf en ce qu'il a consacré la conformité du DMS,

Sur les parts de responsabilité, débouter le GAN de ses demandes et condamner la partie succombante à leur payer la somme de 154 217,15 euros versée par elles à ANGULAS AGUINAGA en exécution du jugement et, subsidiairement, débouter le GAN et toute autre partie de leurs demandes de condamnation à leur encontre qui excèderait 5% du quantum des condamnations,

Sur la garantie que doit la MAAF à ATLANTIKA, constater l'application de la police d'assurance de la MAAF dans ses rapports avec la société ATLANTIKA et débouter, le cas échéant, la MAAF de sa demande en garantie à l'encontre des sociétés ARKEMA et AXA,

Sur la non garantie d'ARKEMA et AXA, constater qu'ARKEMA n'est pas responsable, ni au titre de la garantie des vices cachés ni au titre de la responsabilité délictuelle, et débouter les parties de toutes demandes à leur encontre,

Sur la garantie de la société AXA, dire que toute condamnation d'AXA ne pourrait intervenir que dans les limites (franchise), clauses (limitations, franchise, exclusions) et plafond de la police souscrite par la société ARKEMA.

- à titre subsidiaire, si la cour condamnait ARKEMA et AXA :

Sur la limitation du préjudice allégué par ANGULAS AGUINAGA, constater que le préjudice retenu par le tribunal s'est élevé à la somme totale de 514 057,16 euros dont 154.217,15 euros payés par ARKEMA et AXA en exécution mais sans acquiescement du jugement,

Sur les demandes en garantie au profit d'ARKEMA et d'AXA, condamner in solidum les sociétés EUSA COLORS et GAN, son assureur, ainsi qu'ATLANTIKA et la MAAF, son assureur, ainsi qu'IMCD et ZURICH, son assureur, à garantir ARKEMA et AXA de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre et la partie succombante à payer à ARKEMA et AXA la somme payée par elles en vertu de l'exécution provisoire.

En tout état de cause, il est réclamé de condamner le GAN ou toute partie succombante au paiement de la somme de 15 000 euros au profit de chacune d'entre elles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures, notifiées par voie électronique le 17 février 2020, la MAAF ASSURANCES SA demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que GAN ASSURANCES garantira la société EUSA COLORS sous réserve de la déduction des frais de destruction, de la franchise de 800 euros et dans la limite du plafond annuel de garantie de 1 400 000 euros ;

- l'infirmer en ce qu'il a :

Fixé entre co-obligés les responsabilités à hauteur de 60% pour EUSA COLORS, 30% pour ARKEMA France, 5% pour ATLANTIKA et 5% pour IMCD France,

Débouté la société MAAF ASSURANCES de ses demandes de condamnation dirigées à l'encontre des sociétés EUSA COLORS, son assureur la société GAN ASSURANCES, la société IMCD France, son assureur ZURICH, et la société ARKEMA FRANCE et son assureur AXA à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

Jugé applicables les garanties de MAAF ASSURANCES ;

- juger :

À titre principal, sur le fondement des vices cachés, que l'arôme SURIFLAVOR 5404 est atteint d'un vice caché et condamner in solidum les sociétés EUSA COLORS, son assureur la société GAN ASSURANCES, la société IMCD France, son assureur ZURICH, la société ARKEMA FRANCE et son assureur AXA à la garantir des condamnations prononcées à son encontre,

À titre subsidiaire, sur le même fondement, condamner in solidum les sociétés EUSA COLORS, son assureur la société GAN ASSURANCES, la société IMCD France, son assureur ZURICH, à la garantir des condamnations prononcées à son encontre,

À titre plus subsidiaire, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, condamner in solidum les sociétés EUSA COLORS, son assureur la société GAN ASSURANCES, la société IMCD France, son assureur ZURICH, la société ARKEMA FRANCE et son assureur AXA à la garantir des condamnations prononcées à son encontre et juger inapplicables les garanties souscrites par la société ATLANTIKA auprès de la société MAAF ASSURANCES,

A titre infiniment subsidiaire, juger que la société ATLANTIKA avait connaissance des défauts affectant le produit livré et retenir, en conséquence, l'absence d'aléa privant le contrat d'assurance de tous ses effets et débouter la société GAN ASSURANCES ou toutes autres parties de l'intégralité de leurs demandes et juger que toute condamnation prononcée à l'encontre de la société MAAF ASSURANCES s'entendrait franchise contractuelle déduite, et dans la limite de la somme de 1 524 491,00 euros par année d'assurance.

En toute hypothèse, il est réclamé de condamner le GAN ou tout succombant au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières écritures, notifiées le 19 novembre 2019, IMCD et son assureur ZURICH INSURANCE sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé les responsabilités entre coobligés à hauteur de 5% pour IMCD France, demandant à la cour de :

- débouter EUSA COLORS, ATLANTIKA et ARKEMA ainsi que leurs assureurs respectifs de leurs demandes à leur encontre,

- condamner la société ARKEMA et son assureur AXA CORPORATE SOLUTIONS à les garantir de toute condamnations,

- condamner GAN ASSURANCES, ou toute partie succombante, à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il est demandé de confirmer la part contributive d'IMCD France à hauteur de 5%.

Aux termes de ses dernières écritures, notifiées par voie électronique le 3 octobre 2019, EUSA COLORS demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le lot de DMS 6959 était atteint d'un vice caché ainsi que l'arôme SURIFLAVOR 5404 ,déclaré inopposable la clause limitative de responsabilité opposée par la société ARKEMA., dit que GAN ASSURANCES garantira la société EUSA COLORS sous réserve de la déduction des frais de destruction, de la franchise de 800 euros et dans la limite du plafond annuel de garantie de 1 400 000 euros et en ce qu'il a condamné AXA CORPORATE SOLUTIONS à garantir la société ARKEMA, ZURICH à garantir la société IMCD et la MAAF à garantir la société ATLANTIKA.

- l'infirmer pour le surplus et juger que les sociétés ARKEMA et IMCD sont tenues de garantir les vices cachés du lot de DMS n°6959 vendu à la société EUSA COLORS et qu'elles sont responsables du préjudice subi par la société ANGULAS sur le fondement de la garantie légale des vices cachés et, en conséquence, les condamner avec leurs assureurs respectifs à garantir les sociétés EUSA COLORS et GAN ASSURANCES de toutes condamnations prononcées à leur encontre.

A titre subsidiaire, au vu des fautes commises par les sociétés ARKEMA, IMCD et ATLANTIKA, les condamner in solidum avec leurs assureurs à garantir la société EUSA COLORS et GAN ASSURANCES de toute condamnation prononcée à leur encontre.

En tout état de cause, il est demandé de dire qu'EUSA n'a commis aucune faute et de rejeter toute demande formulée à l'encontre de la société EUSA COLORS et de GAN ASSURANCES.

Aux termes de ses dernières écritures, notifiées par voie électronique le 20 août 2019, ATLANTIKA demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

Débouté la société ATLANTIKA de se demande d'expertise judiciaire à caractère financier, et le GAN ASSURANCES de sa demande fondée sur l'article 1240 nouveau du code civil,

Condamné in solidum les sociétés ATLANTIKA, EUSA COLORS, IMCD FRANCE, et ARKEMA FRANCE à payer à la société ANGULAS AGUINAGA la somme de 397 537,16 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par cette dernière, condamné la société GAN ASSURANCES à garantir la société EUSA COLORS des conséquences financières de cette condamnation à payer des dommages et intérêts, sous réserve de la déduction des frais de destruction, soit 60% de 8 771 euros, de la franchise, soit 800 euros, et dans la limite du plafond annuel cumulatif de 1 400 000 euros,

Condamné la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à garantir la société ARKEMA FRANCE des conséquences financières de cette condamnation à payer des dommages et intérêts, et dit que toute condamnation d'AXA ne pourrait intervenir que dans les limites (franchise), clauses (limitations, franchise, exclusions) et plafond de le police souscrite par la société ARKEMA,

Condamné la société ZURICH à garantir la société IMCD FRANCE des conséquences financières de cette condamnation à payer des dommages et intérêts,

Condamné la société MAAF ASSURANCES à garantir la société ATLANTIKA des conséquences financières de cette condamnation à payer des dommages et intérêts, sous réserve de la franchise, soit 432 euros, et dans la limite du plafond annuel de 1 524 491 euros,

Condamné in solidum les sociétés ATLANTIKA, EUSA COLORS, IMCD FRANCE, et ARKEMA FRANCE à payer à la société ANGULAS AGUINAGA la somme de 71 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné GAN ASSURANCES à garantir EUSA COLORS des conséquences financières de cette condamnation à payer les frais irrépétibles, AXA à garantir ARKEMA FRANCE des conséquences financières de cette condamnation, ZURICH à garantir IMCD FRANCE des conséquences financières de cette condamnation et MAAF ASSURANCES à garantir ATLANTIKA des conséquences financières de cette condamnation, dans les mêmes conditions que celles exposées ci-dessus au titre des dommages et intérêts,

Condamné in solidum les sociétés ATLANTIKA, EUSA COLORS, IMCD FRANCE, et ARKEMA FRANCE à payer les frais de l'expertise judiciaire d'un montant de 45 020 euros à la société ANGULAS AGUINAGA,

Condamné GAN ASSURANCES à garantir EUSA COLORS des conséquences financières de cette condamnation à payer les frais d'expertise, AXA COPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à garantir ARKEMA FRANCE des conséquences financières de cette condamnation à payer les frais d'expertise, ZURICH à garantir IMCD France des conséquences financières de cette condamnation à payer les frais d'expertise et MAAF ASSURANCES à garantir ATLANTIKA des conséquences financières de cette condamnation à payer les frais d'expertise, dans les mêmes conditions que celles exposées ci-dessus au titre des dommages et intérêts,

Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- l'infirmer pour le surplus et :

Condamner in solidum les sociétés ARKEMA FRANCE, AXA COPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, IMCD FRANCE et ZURICH Y à garantir la société ATLANTIKA de toutes condamnations,

Condamner la société MAAF ASSURANCES SA à payer à la société ATLANTIKA la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil et pour résistance abusive,

Condamner la société MAAF ASSURANCES SA à payer à la société ATLANTIKA la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner tout succombant à payer à la société ATLANTIKA la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement en qu'il a :

Dit que l'action est recevable et régulière,

Débouté la société ATLANTIKA de se demande d'expertise judiciaire à caractère financier,

Débouté la société GAN ASSURANCES de sa demande fondée sur l'article 1240 du code civil,

Condamné in solidum les sociétés ATLANTIKA, EUSA COLORS, IMCD FRANCE, et ARKEMA FRANCE à payer à la société ANGULAS AGUINAGA la somme de 397 537,16 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par cette dernière,

Condamné la société GAN ASSURANCES à garantir la société EUSA COLORS des conséquences financières de cette condamnation à payer des dommages et intérêts, sous réserve de la déduction des frais de destruction, soit 60% de 8 771 euros, de la franchise, soit 800 euros, et dans la limite du plafond annuel cumulatif de 1 400 000 euros,

Condamné la société AXA à garantir la société ARKEMA FRANCE des conséquences financières de cette condamnation à payer des dommages et intérêts, et dit que toute condamnation d'AXA ne pourrait intervenir que dans les limites (franchise), clauses (limitations, franchise, exclusions) et plafond de le police souscrite par la société ARKEMA,

Condamné la société ZURICH à garantir la société IMCD FRANCE des conséquences financières de cette condamnation à payer des dommages et intérêts,

Condamné la société MAAF ASSURANCES à garantir la société ATLANTIKA des conséquences financières de cette condamnation à payer des dommages et intérêts, sous réserve de la franchise, soit 432 euros, et dans la limite du plafond annuel de 1 524 491 euros,

Condamné in solidum les sociétés ATLANTIKA, EUSA COLORS, IMCD FRANCE, et ARKEMA FRANCE à payer à la société ANGULAS AGUINAGA la somme de 71 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné GAN ASSURANCES à garantir EUSA COLORS des conséquences financières de cette condamnation à payer les frais irrépétibles, AXA à garantir ARKEMA FRANCE des conséquences financières de cette condamnation, ZURICH à garantir IMCD FRANCE des conséquences financières de cette condamnation et MAAF ASSURANCES à garantir ATLANTIKA des conséquences financières de cette condamnation, dans les mêmes conditions que celles exposées ci-dessus au titre des dommages et intérêts,

Condamné in solidum les sociétés ATLANTIKA, EUSA COLORS, IMCD FRANCE, et ARKEMA FRANCE à payer les frais de l'expertise judiciaire d'un montant de 45 020 euros à la société ANGULAS AGUINAGA,

Condamné GAN ASSURANCES à garantir EUSA COLORS des conséquences financières de cette condamnation à payer les frais d'expertise, AXA à garantir ARKEMA FRANCE des conséquences financières de cette condamnation à payer les frais d'expertise, ZURICH à garantir IMCD des conséquences financières de cette condamnation à payer les frais d'expertise et MAAF ASSURANCES à garantir ATLANTIKA des conséquences financières de cette condamnation à payer les frais d'expertise, dans les mêmes conditions que celles exposées ci-dessus au titre des dommages et intérêts,

Ordonné l'exécution provisoire,

- L'infirmer pour le surplus et :

Condamner in solidum la société EUSA COLORS et son assureur GAN ASSURANCES à relever et garantir la société ATLANTIKA de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre cette dernière,

Condamner la société MAAF ASSURANCES SA à payer à la société ATLANTIKA la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil et pour résistance abusive,

Condamner la société MAAF ASSURANCES SA à payer à la société ATLANTIKA la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner tout succombant à payer à la société ATLANTIKA la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-A titre plus subsidiaire, confirmer le jugement et :

Condamner la société MAAF ASSURANCES SA à payer à la société ATLANTIKA la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du Code civil et pour résistance abusive,

Condamner la société MAAF ASSURANCES SA à payer à la société ATLANTIKA la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner tout succombant à payer à la société ATLANTIKA la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CE SUR QUOI, LA COUR

Sur la portée de l'appel :

Considérant que l'appelante s'est désistée de son appel formé contre ANGULAS AGUINAGA et qu'aucun des autres co-intimés n'a formé d'appel provoqué contre cette société ;

Qu'il s'en déduit que ni le principe de la condamnation au bénéfice de cette société, ni l'étendue de son préjudice ne sont plus discutés dans la présente procédure d'appel et que le débat est strictement limité à l'application éventuelle de la garantie des vices cachés ou de la responsabilité contractuelle et aux conséquences qui en découlent entre les co-défenderesses en première instance ;

Sur le rapport d'expertise :

Considérant qu'ARKEMA estime, au vu des griefs exposés ci-dessous, qu'aucune conclusion sur sa responsabilité ne saurait être tirée du rapport d'expertise du 20 avril 2017 rédigé par monsieur D., sauf en ce que l'expert a constaté :

- la conformité du DMS vendu,

- la très faible concentration de TBM dans le DMS,

- que le TBM n'est pas une impureté recherchée,

- que la profession ne réclame pas la détection du TBM ;

- respect du principe du contradictoire

Considérant qu'ARKEMA fait valoir que l'expert a fait fi du principe du contradictoire en accueillant les observations d'ANGULAS AGUINAGA au travers d'un dire sans que les autres parties puissent y répondre ;

Considérant que la société EUSA répond que l'expert n'a fait que respecter le délai fixé aux parties ;

Mais considérant qu'en acceptant à 18 h47, soit 13 minutes avant 19h, heure limite fixée par l'expert, un dire avec annexée l'analyse chimique de la société AZTI, ARKEMA n'a pas été mise en mesure d'y répondre, ni même d'en prendre connaissance et de susciter un report de délai, que, par conséquent, ce dire et sa pièce annexe n'auraient pas dû être pris en compte par l'expert ;

Que toutefois, l'expert, en répondant à ce dire par la formule de style, utilisée pour d'autres de ses réponses, « nous avons utilisé cette pièce dans la construction de notre avis final » n'indique nullement que celle-ci aurait joué un rôle déterminant dans ses conclusions de sorte que sans ce dire lesdites conclusions eussent été différentes ;

Que la cour relève, également que cette pièce est aujourd'hui soumise au débat contradictoire par ARKEMA (pièce 25) avec les dires des 7 et 12 avril 2017 de cette société rejetés comme hors délai par l'expert, et que la cour évaluera nécessairement l'avis de l'expert, qu'elle n'est pas tenue de suivre, au vu de ce débat ;

Qu'elle rappelle enfin, que le fait que la pièce litigieuse soit écrite en anglais ne porte pas atteinte aux droits de la société ARKEMA dès lors que, s'agissant d'un document qui n'est pas un document de procédure, c'est cette société, qui la soumet au débat avec ses arguments critiques, montrant ainsi qu'elle n'a pas été gênée par cette rédaction ;

- mission outrepassée

Considérant qu'ARKEMA estime que le rapport de l'expert judiciaire contient une interprétation juridique, au demeurant erronée, de la portée de la fiche technique du DMS vendu par ARKEMA ;

Considérant que la société EUSA conteste qu'en indiquant dans son rapport que « (…) tel quel le produit est impropre à sa destination pour un usage dans la fabrication d'arômes alimentaires contrairement à ce qui est indiqué dans sa fiche technique », l'expert ait outrepassé sa mission ;

Considérant qu'en indiquant qu'au vu de sa fiche technique, le DMS vendu par ARKEMA est impropre à sa destination, l'expert a donné un avis technique sur la fabrication du produit litigieux et non une opinion juridique sur la responsabilité fondée soit sur les vices cachées, soit sur l'article 1240 du code civil, que le grief sera rejeté ;

- mission incomplète

Considérant qu'ARKEMA avance que l'expert n'a pas mené sa mission dans sa totalité et pointe les lacunes du programme d'analyses du laboratoire LEAF, la traçabilité incomplète et l'hypothèse d'un surdosage du DMS, qui a été écartée sans raison ;

Considérant qu'EUSA réplique que l'expert examiné l'ensemble des arguments soulevés par la société ARKEMA ;

Considérant que la cour, relevant qu'ARKEMA dans ses dires à l'expert, n'a jamais sollicité de compléments précis d'analyse sur les points qu'elle évoque, dira que le grief n'est pas démontré ;

Qu'en conséquence, prenant note qu'ARKEMA ne sollicite ni la nullité de l'expertise ni un complément d'expertise, la cour juge qu'il n'y a pas lieu, préalablement à tout examen au fond du dossier, d'écarter des débats tout ou partie des conclusions de l'expert ;

Que celles-ci, qui ont été dans leur totalité soumises au débat contradictoire, seront, avec les autres pièces produites, des éléments que la cour prendra en compte pour rendre une décision en droit qui relève de sa seule appréciation ;

Sur l'existence de vices cachés :

- lot 6959 du DMS

Considérant que la société ARKEMA et la société IMCD font valoir que l'imputabilité du sinistre à ce lot du DMS n'est qu'hypothétique ;

Considérant qu'en particulier la société IMCD soutient qu'il n'est pas démontré que les surimis étaient impropres à leur consommation puisque, « malgré les désordres, ils étaient tout à fait consommables » et que 'impureté mise en cause par l'expert était détectable par EUSA ;

Qu'IMCD ajoute que, s'du TBM (tertbutylmercaptan trouvé dans le lot de DMS 6959), sa présence n'a pas été identifié dans l'arôme SURIFLAVOR 5404 ;

Qu'elle précise, par ailleurs, que s'il était établi que les désordres sont dus à une interaction entre plusieurs substances, comme le suggère le tribunal, cela ipso facto qualification de vice caché ;

Que ces deux sociétés en concluent que le DMS est conforme aux stipulations contractuelles et à sa destination et que les conditions visant à caractériser le vice caché ne sont pas réunies ;

Considérant que pour les sociétés GAN et EUSA, appuyées par ATLANTIKA, il est bien établi que le lot de DMS 6959 était affecté d'un défaut et qu'elles n'étaient pas en mesure de le détecter, le vice, qui est antérieur à la vente, ne s'étant révélé que dans les produits finis ;

Considérant que, pour être mise en œuvre, la garantie des vices cachés suppose la démonstration d'un vice inhérent à la chose, nécessairement caché, c'est-à-dire non apparent et non connu de l'acheteur (le professionnel étant présumé le connaître sauf s'il démontre son caractère indécelable), dont la cause est antérieure au moment du transfert des risques, et qui compromet son usage ;

Qu'il convient donc de dire si en l'espèce, ces caractéristiques sont ou non établies ;

Vice inhérent à la chose

Considérant que pour rechercher les causes des défauts organoleptiques (odeur de gaz de ville) constatés comme caractérisant les lots de paquets de surimis, objet du présent litige, l'expert a établi ses constatations et conclusions à partir d'analyses portant notamment sur les arômes intégrés dans la composition des lots de surimis sinistrés ;

Considérant que l'étude de traçabilité réalisée sur chacun des arômes en comparaison avec d'autres lots d'arômes a montré que le seul élément commun est le lot de DMS (diméthylsulfide) n°6959 ;

Considérant que les analyses plus précises menées en laboratoire ont révélé « qu'un mercaptan différent du méthylmercaptan (dont la présence dans le DMS est possible contractuellement jusqu'à 2000 ppm), le tert-butylmercaptan (TBM mais aussi tert-butanethiol ou encore 2-méthylpropane-2-thiol...) (était présent) dans le lot de DMS incriminé » alors qu’ « il est absent des autres lots de DMS (même sous la forme de traces) » ;

Considérant que l'expert précise qu'il n'a pas été détectée « d'autre source de mercaptan et donc de produit sentant le gaz tel que le tert-butylmercaptan contenu dans le DMS 6959 litigieux » ;

Que, par ailleurs, le rapport souligne que « mis à l'air dans de faibles concentration, le méthylmercaptan s'évapore immédiatement ' alors que pour le TBM l'odeur est plus persistante mais néanmoins peut disparaître lentement en fonction des conditions environnementales » et précise que « le phénomène de dégagement d'odeurs désagréables des surimis avait été décrit ...comme étant « transitoire » » et que « sa disparition peut (ainsi) s'expliquer par la disparition « complète » (donc sous la limite de détection ) du TBM »,dont l'expert rappelle qu'il est « détectable par le nez humain alors que le méthylmercaptant (pourtant présentant une limite de détection plus basse) ne l'est pas » ;

Qu'il en conclut qu'il « nous paraît donc incontestable que lot de DMS litigieux contient une quantité faible mais réelle d'un agent capable d'altérer l'odeur des arômes le renfermant. Par contre, ce phénomène peut [être] transitoire dans la mesure où des réactions chimiques complexes interviennent qui peuvent faire disparaitre le TBM et rendre transitoire l'odeur nauséabonde qui accompagne sa présence » ;

Qu'il s'en déduit que la cause des défauts organoleptiques constatés n'est pas le DMS proprement dit mais un mercaptan différent, le TBM, qui se trouve présent, accidentellement selon l'expert, au titre d'impureté dans le lot de DMS litigieux ;

Que la question de savoir si la présence d'impuretés dans le DMS était, en fonction des doses détectées, contractuellement conforme- ce que l'expert a reconnu- est sans conséquence sur le présent litige ;

Qu'en effet, il importe peu que le DMS fabriqué par la société ARKEMA ait été conforme ou non aux dispositions du contrat conclu avec IMCD car la responsabilité de la société ARKEMA n'est pas recherchée sur le fondement du défaut de délivrance conforme mais sur la garantie des vices cachés et qu'en l'espèce, l'expertise conclut à la présence de TBM dans le DMS vendu, présence qui est à l'origine de l'odeur de gaz de ville ;

Vice caché

Considérant que le caractère caché du défaut ne peut être contesté dès lors qu'il ne pouvait être découvert avant la vente par la société acheteuse mais seulement une fois les produits livrés, à l'ouverture, au mieux des cartons contenant les boites de surimi affectées, comme le prétend ARKEMA elle-même, et, plus sûrement, comme cela a été relevé, sur la plainte de consommateurs ayant acheté et ouvert des boites de surimi ;

Que, comme le relève l'expert, « aucune indication sur la mauvaise odeur des arômes n'a été signalée » au moment de leur fabrication » et « sans connaissance des désordres, il est difficile d'affirmer que (cette odeur) était perceptible au moment de la fabrication » ;

Qu'en tout état de cause, EUSA, qui comme l'a indiqué avec pertinence le premier juge, n'est pas un chimiste généraliste mais uniquement un professionnel des arômes, ne peut se voir opposer l'absence de caractère caché du vice, l'expert soulignant dans son rapport le seuil de détection très faible du TBM et , par conséquent, la grande difficulté à mener avec des techniques complexes des analyses permettant de le détecter, sa volatilité rendant , au demeurant, les résultats très aléatoires ;

Vice rendant la chose impropre à son usage

Considérant que l'article 14.5 du Règlement UE 178/2002 du 28 janvier 2002 dispose que :

« Pour déterminer si une denrée alimentaire est impropre à la consommation humaine, il est tenu compte de la question de savoir si cette denrée alimentaire est inacceptable pour la consommation humaine compte tenu de l'utilisation prévue, pour des raisons de contamination, d'origine externe ou autre, ou par putréfaction, détérioration ou décomposition » ;

Considérant que le fait pour un produit alimentaire de type surimi, supposé offrir au consommateur le goût et la saveur du crabe, de présenter des défauts organoleptiques dus à un vice caché, constitue une détérioration de cette denrée alimentaire qui la rend impropre à sa destination, la consommation humaine, les qualités organoleptiques étant une caractéristique essentielle inhérente à cette consommation ;

Que si la société ARKEMA est un chimiste généraliste, elle ne pouvait cependant ignorer que son produit, le DMS pouvait servir à la fabrication de produits destinés à l'alimentation humaine et ce d'autant que la fiche matière première relative au DMS établi par la société EUSA COLORS et remplie par ARKEMA mentionne la destination alimentaire du DMS ;

- arôme SURIFLAVOR 5404

Considérant que tant le GAN que son assurée, la société EUSA, fabricant de l'arôme SURIFLAVOR 5404, reconnaissent que ce dernier est atteint d'un vice caché et sollicitent la

Confirmation du jugement sur ce point ;

Considérant qu'il résulte, en effet, du rapport d'expertise que le lot de DMS litigieux a été utilisé comme matière première pour la fabrication des lots de crabes vendus par ATLANTIKA à ANGULAS ;

Considérant que l'expert, au vu des analyses effectuées, « considère comme légitime d'estimer que ces lots d'arôme dégagent ou ont dégagé l'odeur indésirable du TBM » ;

Considérant que le DMS vicié fabriqué par ARKEMA a été cédé à la société IMCD, qui l'a elle-même vendu à la société EUSA pour fabriquer le SURIFLAVOR 5404 cédé à ATLANTIKA pour fabriquer le surimi vendu à la société ANGULAS ;

Qu'il y a ainsi eu incorporation du DMS dans l'arôme alimentaire fabriqué par EUSA sans qu'il soit démontré que des produits ajoutés par EUSA ou le processus de production lui-même aurait joué un rôle dans la modification des qualités organoleptiques du surimi ;

Qu'en effet, les expertises réalisées montrent que ce sont les caractéristiques du TBM qui se retrouvent dans le produit et qui expliquent à elles seules ce vice caché ;

Qu'ainsi, l'expert note que « le TBM a été détecté dans l'arôme 5404 que nous avons fabriqué en réunion d'expertise avec le DMS litigieux » ;

Que, pour expliquer, que le TBM n'ait toutefois pas été décelé dans les lots d'arômes litigieux, l'expert explique que « le mercaptan s'est transformé par oxydation par l'air en disulfures ce que confirme les analyses du laboratoire SGS, « qui n'a pas détecté le TBM dans les lots litigieux, mais à, par contre, trouvé du tert-butyl methyl disulfide uniquement dans les aromes litigieux » ;

Que, s'agissant de la question d'un éventuel problème de balance sur les pesées du DMS et de son impact sur la survenue des désordres, l'expert explique que l'absence de résultat des analyses sur ce point ne modifie pas le fait que du TBM a été détecté « sur le fût du lot de DMS litigieux » ;

Qu'il précise qu'« un mauvais dosage du DMS ne modifierait pas la perception de l'arôme lui- même au point de le différencier avec la touche d'odeur de gaz qui a été rapportée » ;

Qu'enfin, il ajoute, qu'« aucune explication dans ce cas ne pourrait alimenter la notion de furtivité de l'odeur de gaz ,qui a fait que finalement certaines des fabrications élaborées avec les arômes litigieux ont pu finalement être écoulées » ;

Que, par ailleurs, il n'est pas contesté que la société EUSA COLORS n'est pas intervenue dans le processus de fabrication ou de production du DMS lot n°6959 mais n'a fait que l'incorporer à sa recette de l'arôme Crabflavor 5404 ;

Qu'il est ainsi rapporté que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le vice inhérent à la chose se trouvait dans le produit vendu par ARKEMA à IMCD et n'est pas apparu ultérieurement à la fabrication du DSM par ARKEMA ;

Qu'en conséquence, le TBM présent dans le lot de DSM 6959 est bien seul à l'origine des défauts de l'arôme SURIFLAVOR 5404 ;

Sur la clause limitative de responsabilité du contrat de vente d'ARKEMA

Considérant qu'ARKEMA, rappelant que l'acquéreur final (ou sous acquéreur) peut se voir opposer, lors de l'exercice de l'action en garantie formée directement contre le vendeur originaire, les moyens de défense que ce vendeur pourrait faire valoir contre l'acquéreur originaire, en l'espèce une clause limitative de responsabilité ;

Que celle-ci est bien opposable aux sociétés IMCD, EUSA COLORS, ATLANTIKA ou ANGULAS AGUINAGA car il s'agit d'acheteurs professionnels de la même spécialité que le vendeur, c'est-à-dire de cas où l'acheteur est en mesure d'apprécier les vices de la chose achetée ;

Que si la cour devait retenir que la clause de limitation concernait uniquement la mauvaise utilisation du produit, ARKEMA entend faire observer que la deuxième partie de l'article 4 des CGV stipule « en tout état de cause » de sorte qu'elle ne pourra être tenue responsable envers IMCD des postes suivants :

- pertes indirectes,

- préjudice immatériel,

- pertes de résultat,

- pertes d'exploitation,

- pertes de bénéfice,

- perte d'opportunité commerciale,

- forte augmentation de frais généraux,

- réduction des économies attendues ;

Considérant que les sociétés concernées répondent que l'exception qui permet de déclarer opposable la clause de limitation aux professionnels de même spécialité doit être appliquée strictement et qu'en l'espèce, il ne peut être conclu que chacune d'elle a cette qualité ;

Qu'en effet, si, comme il a été dit, ARKEMA est un chimiste généraliste fabricant des produits de base, IMCD n'est pas un fabricant mais un distributeur grossiste, EUSA est seulement un fabricant d'arômes alimentaires et ATLANTIKA est un fournisseur en gros d'ingrédients pour l'industrie du surimi ;

Qu'ainsi, bien qu'en l'espèce liées par une chaîne contractuelle, ces sociétés ont des spécialités différentes, deux étant des distributeurs grossistes et deux autres des fabricants mais de produits nettement différents au regard des compétences requises et de la nature desdits produits ;

Qu'en conséquence, il convient de juger inopposable la clause limitative de responsabilité du contrat conclu par ARKEMA avec IMCD ;

Sur les demandes au titre de l'article 1240 du code civil :

Considérant que la cour retenant l'application de la garantie des vices cachées, elle ne saurait

Faire droit aux demandes fondées sur le droit commun de la responsabilité, qui est inapplicable aux faits relevant de la garantie des vices cachés ;

Sur la fixation de la part de chacune des sociétés dans la réparation finale du préjudice :

Considérant qu'ARKEMA, qui conteste qu'une quelconque condamnation puisse être prononcée à son encontre, estime que, si une condamnation devait lui incomber, la proportion lui incombant devrait substantiellement être réduite sans pouvoir dépasser 5% au maximum ;

Considérant que le GAN, appuyée par son assurée, fait valoir, pour réduire la part mise à sa charge, qu'il ne saurait être reproché à la société EUSA COLORS de ne pas avoir recherché l'existence du polluant contaminant dans le lot n° 6959 de DMS fabriqué par la société ARKEMA et commercialisé par la société IMCD ;

Qu'en effet, quand bien même la société EUSA COLORS aurait procédé à l'analyse du DMS à son arrivée, elle aurait été dans l'impossibilité d'identifier les désordres car le DMS est donné à une concentration minimum de 99%, ce qui signifie qu'il est autorisé 1% d'impuretés et qu'en l'espèce ; le lot de DMS litigieux était de concentration de 99,8% ;

Qu'en outre, le dosage des impuretés n'aurait pas permis de savoir que le DMS était impropre à sa destination pour un usage dans la fabrication d'arômes alimentaire ;

Qu'il souligne que la mauvaise odeur ayant permis de caractériser les désordres était présente dans les produits finis, à savoir les surimis mais non dans le DMS lui-même de sorte qu'est impossible d'affirmer ce jour que l'odeur désagréable était détectable lors de la fabrication des arômes ;

Qu'enfin, il estime que le vice caché de l'arôme SURIFLAVOR 5404 ne découle lui-même que du vice caché présent dans le lot de DMS 6959 ;

Considérant que IMCD et ZURICH, qui soutiennent, à titre principal, l'absence de vice caché, font valoir, à titre subsidiaire, qu'à que le DMS livré par IMCD présente un vice caché, seul son fabricant, à ARKEMA, doit sa garantie sur le fondement de l'1641 du code civil et en application de la jurisprudence sur les chaînes homogènes de contrats et, plus subsidiairement, ATLANTIKA, elles demandent la confirmation de leur part contributive à hauteur de 5% ;

Considérant que la MAAF fait valoir que le recours d'une société envers son vendeur sur le fondement des vices cachés est nécessairement intégral et que raisonnement s'applique à toute la chaine des différentes ventes intervenues de sorte jugement ne pouvait refuser d'accueillir son appel en garantie à l'encontre des sociétés EUSA COLORS, IMCD FRANCE, ARKEMA FRANCE et de leurs assureurs respectifs ;

Considérant que la cour ayant établi que ni les deux grossistes distributeurs (IMCD et ATLANTIKA), ni la société EUSA ne pouvaient, au regard des analyses complexes à mener, avoir eu connaissance du caractère vicié du produit, chacune doit pouvoir être pleinement garantie par son vendeur respectif dans le cadre de l'action qui leur est ouverte, s'agissant d'une chaîne contractuelle ;

Qu'il ne saurait donc être fait application entre elles d'un partage de parts au regard de la contribution de chacune à l'indemnisation du préjudice de l'acheteur final ;

Sur la garantie d'AXA au profit d'ARKEMA :

Considérant qu'AXA, dans des conclusions communes avec son assurée, fait valoir que toute condamnation la concernant ne pourrait en tout état de cause intervenir que dans les limites (franchise), clauses (limitations, franchise, exclusions) et plafond de la police souscrite par la société ARKEMA ;

Considérant qu'ARKEMA, dans ses conclusions communes avec AXA, a accepté cette demande de sorte que le jugement, qui l'a prise en compte, sera confirmé sur ce point ;

Sur la garantie de ZURICH au profit d'IMCD :

Considérant que ces parties, dans leurs conclusions communes, ne remettent pas en cause le jugement qui n'a retenu ni franchise ni limites contractuelles, que ce jugement sera ainsi confirmé ;

Sur la garantie du GAN au profit d'EUSA :

Considérant que le GAN demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que GAN ASSURANCES garantira la société EUSA COLORS, sous réserve de la déduction des frais de destruction, de la franchise de 800 euros et dans la limite du plafond annuel de garantie de 1 400 000 euros ;

Considérant que la société EUSA demandant la confirmation du jugement sur ce point, il sera fait droit à la demande de l'assureur ;

Sur la garantie de la MAAF au profit d'ATLANTIKA :

Considérant que cet assureur fait valoir que les conditions d'application de la garantie supposent l'existence soit d'un dommage corporel, soit d'un dommage matériel et de préjudices immatériels consécutifs, ce qui n'est pas le cas, en l'espèce ;

Qu'en droit, l'assureur avance que l'impropriété à l'usage ou la non-conformité d'un produit ne sont pas assimilables à un dommage matériel en raison de l'absence de détérioration ou de destruction de la chose litigieuse ;

Considérant qu'ATLANTIKA répond que l'article 2, §A 2 des conventions spéciales n° 5 prévoit explicitement la couverture des dommages immatériels consécutifs à des dommages matériels, ce qui est le cas en l'espèce, et que la garantie a donc bien vocation à s'appliquer ;

Qu'elle ajoute que les conventions spéciales n° 5 prévoient textuellement la garantie des conséquences d'un vice caché, dans la mesure où il ne pouvait être décelé que par des essais spéciaux ou des contrôles internes approfondis ;

Qu'elle précise, par ailleurs, que les termes détérioration et altération sont synonymes ;

Qu'au demeurant, elle relève que cet argumentaire de l'assureur ne vaut que pour la garantie « dommages aux biens existants », prévue à l'article 2, §A 2 des conventions spéciales n° 5 alors que la garantie « vice caché » de l'article 2, §A 3 des conventions spéciales n° 5 ne distingue pas entre dommage matériel ou dommage immatériel et ne renvoie pas à la notion de détérioration ;

Considérant que la cour ayant confirmé que la société ATLANTIKA est impliquée dans le présent sinistre au titre de la garantie des vices cachés, il convient de faire application des dispositions spécifiques aux vices cachés des conventions spéciales n°5 du contrat et non des dispositions générales couvrant les dommages aux biens existants ;

Considérant qu'aux termes de l'article A3 (p.26) sont garanties « les conséquences pécuniaires encoures en raison d'un vice caché ...dans la mesure où ce vice caché ...ne pouvait être décelé que par des essais spéciaux ou des contrôles internes approfondis » ;

Que tel est bien le cas, en l'espèce, s'agissant de la société ATLANTIKA ainsi qu'il a été relevé ci-dessus par la cour ;

Qu'en outre, il convient de relever que le chapeau du A inclut dans les conséquences pécuniaires les dommages matériels et immatériels consécutifs, étant précisé que le dommage matériel est lui-même défini (p.2) comme couvrant « toute détérioration, destruction ou disparition d'une chose ou substance... » et que la cour a qualifié le vice relatif aux qualités organoleptiques du produit comme une détérioration ;

Qu'en conséquence, il y a lieu de conclure, au vu de ces éléments, que la garantie de la MAAF est acquise ;

Sur la demande d'ATLANTIKA visant la mauvaise foi et la résistance abusive de MAAF ASSURANCES :

Considérant que la société ATLANTIKA ne démontrant ni faute ni abus dans le droit de l'assureur à ester et se défendre en justice, elle sera déboutée de sa demande ;

Sur les appels réciproques en garantie :

Considérant que, dans le cadre d'une chaîne de contrats, résultant d'un vice caché se transmet avec la chose de sorte qu'elle peut être exercée par le sous-acquéreur à la fois contre le vendeur intermédiaire et contre le vendeur originaire, à l'égard duquel le sous-acquéreur dispose d'une action directe contractuelle ;

Considérant qu'en conséquence, il y a lieu de condamner in solidum les sociétés EUSA COLORS, son assureur la société GAN ASSURANCES, la société IMCD France, son assureur ZURICH, la société ARKEMA FRANCE et son assureur AXA à garantir ATLANTIKA et la MAAF des condamnations prononcées à leur encontre ;

Qu'en outre, il y a aussi lieu de condamner in solidum, la société IMCD FRANCE, son assureur ZURICH, la société ARKEMA FRANCE et son assureur AXA à garantir les sociétés EUSA COLORS et son assureur, la société GAN ASSURANCES, des condamnations prononcées à leur encontre ;

Qu'enfin, il y a lieu de condamner in solidum, la société ARKEMA FRANCE et son assureur AXA à garantir les sociétés IMCD FRANCE et son assureur ZURICH des condamnations prononcées à leur encontre ;

Sur l'indemnisation du préjudice :

Considérant que les parties ne contestant ni les chefs de préjudice ni leurs montants, la décision sera confirmée à ce titre ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que l'équité commande de condamner in solidum les sociétés ARKEMA FRANCE et AXA CORPORATE SOLUTIONS à payer à chacune des sociétés GAN ASSURANCES, ATLANTIKA, ZÜRICH et MAAF la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande des sociétés ARKEMA et AXA ;

PAR CES MOTIFS

Statuant en dernier ressort, par décision contradictoire, rendue publiquement par mise à disposition au greffe,

Dit que ni le principe de la condamnation au bénéfice de la société ANGULAS AGUINAGA, ni l'étendue de son préjudice ne sont plus discutés dans la présente procédure d'appel et que le débat est strictement limité à l'application de la garantie des vices cachés ou de la responsabilité contractuelle et aux conséquences qui en découlent entre les co-défenderesses en première instance ;

Juge qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats tout ou partie des conclusions de l'expertise judiciaire,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- jugé que le lot de DMS 6959 était atteint d'un vice caché ainsi que l'arôme SURIFLAVOR 5404 et, en conséquence, rejette les demandes fondées sur l'article 1240 du code civil,

- déclaré inopposable la clause limitative de responsabilité du contrat conclu par la société ARKEMA avec la société ImCD,

- jugé acquise les garanties d'AXA, ZÜRICH, GAN et MAAF au profit respectif de leurs assurées ARKEMA, IMCD, EUSA et ATLANTIKA,

-établi les chefs et montant des préjudices,

-statué sur les condamnations au montant global des frais irrépétibles et des dépens,

Infirme le jugement en ce qu'il a fixé la part de chacune des sociétés parties à la chaîne contractuelle dans la réparation finale du préjudice et statué, en conséquence, sur les appels réciproques en garantie,

Statuant à nouveau et, y ajoutant,

Juge que chacune des sociétés IMCD, EUSA et ATLANTIKA doit être pleinement garantie par son vendeur respectif et, qu'en conséquence, il ne saurait être fait application entre elles d'un partage de parts au regard de la contribution de chacune à l'indemnisation du préjudice de l'acheteur final,

Condamne donc in solidum :

- les sociétés EUSA COLORS, son assureur la société GAN ASSURANCES, la société IMCD France, son assureur ZURICH, la société ARKEMA FRANCE et son assureur AXA à garantir ATLANTIKA et la MAAF des condamnations prononcées à leur encontre,

- la société IMCD FRANCE, son assureur ZURICH, la société ARKEMA FRANCE et son assureur AXA à garantir les sociétés EUSA COLORS et son assureur, la société GAN ASSURANCES, des condamnations prononcées à leur encontre,

- la société ARKEMA FRANCE et son assureur AXA à garantir les sociétés IMCD FRANCE et son assureur ZURICH des condamnations prononcées à leur encontre,

Dit, en conséquence, que toutes les condamnations prononcées, y inclus les frais d'expertise, les frais irrépétibles et les dépens seront soumis à l'application de cette chaîne de garanties,

Déboute la société ATLANTIKA de sa demande de domamges et intérêts à l'encontre de la MAAF,

Condamne in solidum sociétés ARKEMA FRANCE et AXA CORPORATE SOLUTIONS à payer à chacune des sociétés GAN ASSURANCES, ATLANTIKA, ZÜRICH et MAAF la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

Déboute les sociétés ARKEMA et AXA de leur demande à ce titre et les condamne in solidumaux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.