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Décisions

Cass. com., 10 février 2021, n° 19-20.599

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Goodmills Deutschland GmbH (Sté)

Défendeur :

Grands Moulins de Paris (SA), Nutrixo (SA), Axiane Participations (Sasu), Minoteries Cantin (Sasu), Les Grands Moulins de Strasbourg (SA), Présidente de l'Autorité de la concurrence, Ministre de l'Economie, Procureur Général près la Cour d'Appel de Paris

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

Mme Pénichon

Avocats :

SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Cass. com. n° 19-20.599

10 février 2021

Faits et procédure  

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 4 octobre 2017, pourvois n° 14-29.542, 14-28.234, 14-29.273, 14-29.482, 14-29.509, 14-29.491, 14-50.076, 14-29.354), le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence (l'Autorité), s'est saisi d'office, le 23 avril 2008, de pratiques mises en œuvre dans le secteur des farines alimentaires. Après notification de griefs à différentes entreprises, l'Autorité, par décision n° 12-D-09 du 13 mars 2012, a dit établi que la société VK Mühlen, aux droits de laquelle vient la société Goodmills Deutschland GmbH (la société Goodmills), a enfreint les dispositions de l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), en participant à une entente anticoncurrentielle établie entre le 14 mai 2002 et le 17 juin 2008, période au cours de laquelle ont eu lieu douze réunions, à l'invitation du syndicat professionnel des meuniers allemands, le Verband Deutscher Mühlen (le VDM).  

2. La société VK Mühlen a formé un recours en contestant, notamment, la durée de sa participation à l'entente, fixée, par l'Autorité, du 24 septembre 2003, date de la sixième réunion, au 17 juin 2008, date des opérations de visites et de saisies.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. La société Goodmills fait grief à l'arrêt de réformer l'article 7 de la décision de l'Autorité n° 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des farines alimentaires, mais uniquement en tant qu'il a, au titre des pratiques visées à l'article 1er, infligé une sanction pécuniaire de 17 110 000 euros à la société VK Mühlen puis, statuant à nouveau, de lui infliger, au titre des pratiques visées à l'article 1er  de la décision, celle de 5 733 000 euros et de rejeter toutes autres demandes, alors :

« 1°/ que l'absence de distanciation ne peut, dans le cadre d'une entente se poursuivant dans le temps et se caractérisant par une succession de réunions collusoires, être le seul élément retenu pour établir qu'une entreprise, invitée mais non présente à ces réunions collusoires, a continué de participer à l'infraction après la seule réunion à laquelle elle a été présente ; qu'au cas présent, ayant établi que la société VK Mühlen avait participé à la sixième réunion, mais non aux suivantes, la cour d'appel a relevé qu'elle avait été invitée aux septième et dixième réunions et en a déduit qu'elle aurait continué à participer à l'infraction jusqu'à l'envoi des invitations à participer à la onzième réunion ; que, tout en relevant que la société VK Mühlen n'avait pas la maîtrise de l'envoi des invitations à ces réunions auxquelles elle n'avait pas assisté, la cour d'appel a retenu que ladite société « pouvait toutefois y mettre un terme et détromper leur expéditeur ainsi que les autres membres de l'entente en se distanciant expressément » ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'absence de distanciation ne pouvait suffire, en l'absence d'éléments factuels caractérisant la poursuite du comportement prétendument anticoncurrentiel, à caractériser la continuation de la participation de VK Mühlen à l'infraction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

2°/ qu’à supposer que la simple circonstance qu'une entreprise soit invitée à certaines réunions sans se distancier publiquement soit suffisante pour établir qu'elle aurait continué à participer à l'infraction tant qu'elle était invitée, la continuité de cette participation à l'infraction doit être établie par des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu'il puisse être raisonnablement admis que l'infraction s'est poursuivie de manière ininterrompue entre deux dates précises ; qu'il en résulte que lorsqu'une entreprise, présente à une réunion collusoire, est ensuite invitée de manière discontinue à certaines réunions subséquentes mais non à d'autres, il ne peut en être déduit, en l'absence de tout autre élément, qu'elle aurait continué à participer à l'infraction pendant toute la période des invitations discontinues ; qu'en l'espèce, il ressort des faits constatés par la cour d'appel que la société VK Mühlen a été invitée aux sixième et septième réunions, n'a pas été invitée aux huitième et neuvième réunions, puis a été à nouveau invitée à la dixième, et n'a par la suite plus été invitée du tout ; qu'une telle discontinuité exclut en toute hypothèse que la société VK Mühlen puisse être considérée comme ayant continué à participer à l'infraction jusqu'à la onzième réunion cependant qu'elle a cessé d'être invitée aux huitième et neuvième réunions ; qu'en jugeant que, bien que la société VK Mühlen ait cessé d'être invitée aux huitième et neuvième réunions, la circonstance qu'elle ait été de nouveau invitée à la dixième réunion suffirait à établir qu'elle aurait continué à participer à l'infraction jusqu'à la date des invitations à participer à la onzième réunion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour  

5. Après avoir énoncé devoir examiner si d'autres éléments du dossier que l'absence de distanciation à l'égard des pratiques permettent de considérer que la société VK Mühlen a participé à l'entente jusqu'à son terme, soit jusqu'au 17 juin 2008, et, dans la négative, déterminer quelle a été la durée de sa participation, l'arrêt constate qu'outre la présence de M. 10..., salarié de la société VK Mühlen, à la réunion n° 6, celui-ci a été destinataire des lettres d'invitations du VDM pour les réunions n° 5, 7 et 10. Il estime que ces invitations, adressées par le VDM aux meuniers allemands et transmises aux entreprises françaises, qui indiquaient, concernant la réunion n° 7,  « Suite à notre arrangement du 24 septembre 2003 je vous invite à une réunion avec les collègues français (...) » et, concernant la réunion n° 10,  « rencontre avec les Français », étaient suffisamment précises pour que M. 10..., leur destinataire au sein de la société VK Mühlen, comprenne, d'abord, que la réunion n° 7 visait à la poursuite de la réunion n° 6 qui s'était tenue le 24 septembre 2003, et ensuite, bien qu'il n'ait pas assisté aux réunions n° 7, 8 et 9, que la réunion n° 10 s'inscrivait dans le même contexte, ces deux réunions poursuivant le pacte de non-agression entre les meuniers français et allemands. Il retient que la réception de ces invitations montre de surcroît que, jusqu'à l'envoi des invitations à la réunion n° 11, les parties à l'entente ont considéré que la société VK Mühlen partageait leurs objectifs, était prête à en assumer les risques et était des leurs et que, si elle n'avait pas la maîtrise de leur envoi, elle pouvait toutefois y mettre un terme et détromper leur expéditeur ainsi que les autres membres de l'entente en se distanciant expressément et en indiquant qu'elle ne souhaitait plus être conviée, ce qu'elle n'a pas fait. Il retient encore que le fait qu'elle n'ait, ensuite, pas reçu d'invitations pour les réunions n° 11 et 12 et qu'elle n'ait pas assisté à celles-ci démontre qu'à compter de la date des invitations à participer à la réunion n° 11, soit le 27 juillet 2004, la société VK Mühlen avait manifesté avec suffisamment de clarté qu'elle s'était distanciée de l'entente et que son comportement était interprété en ce sens par les autres participants. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à établir l'absence de distanciation de la société VK Mühlen après sa présence à une réunion matérialisant sa participation à l'entente, mais qui a relevé des éléments factuels dont elle a déduit, souverainement, qu'ils établissaient la poursuite de la participation de cette société à l'entente jusqu'à la date qu'elle a fixée, a légalement justifié sa décision.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.