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Décisions

CA Agen, ch. civ. sect. com., 8 février 2021, n° 19/00779

AGEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Le Lauréat (SARL)

Défendeur :

Groupe Vog (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Blum

Conseillers :

Mme Menu, M. Segonnes

T. com. Périgueux, du 7 juill. 2014

7 juillet 2014

La SARL Le Lauréat sise à Objat (Corrèze), dirigée par X et Y, a souscrit une franchise auprès de la SAS Groupe Vog en vue d'exploiter à Terrasson Lavilledieu (Dordogne) un salon de coiffure sous la marque « Tchip la coiffure à petit prix ».

Un document d'information précontractuelle (DIP) a été établi, dont X a accusé réception le 13 octobre 2009, et qu'elle a paraphé.

Le contrat de franchise a été signé le 1er décembre 2009.

Il prévoyait l'utilisation par le franchisé du nom commercial, du matériel, des supports publicitaires, des méthodes, des produits correspondant au concept de la marque, ainsi qu'un accompagnement dans la formation et le suivi de l'exploitation, en contrepartie du paiement :

- du prix des fournitures d'installation du salon,

- d'un droit d'enseigne d'un montant de 4 500 € HT (rémunérant la notoriété de la marque, l'intégration au réseau et la transmission du savoir-faire du franchiseur),

- d'une franchise mensuelle de 750 € HT, outre une participation à la publicité nationale de 145 € HT par mois, et le coût d'un package marketing de 295 € HT par mois.

Une facture a été émise par la SAS Groupe Vog sous le numéro 912958 en date du 18 novembre 2009 pour un montant de 37 869,43 € TTC, faisant suite à un bon de commande portant la date du 1er octobre 2008.

Elle portait sur la livraison et la pose au salon d'éléments de mobilier (8 fauteuils et coiffeuses avec miroir Tchip, une caisse Tchip, 4 bacs à shampoing Tchip, une cloison, un ciel de bac 4 places, un meuble à balais, un espace vitrine mural, un meuble de vente, un vestiaire, une enseigne intérieure) et sur le droit d'enseigne de 4 500 €.

Le 23 janvier 2013, la SAS Groupe Vog a présenté au président du tribunal de commerce de Périgueux une requête aux fins de voir enjoindre à la SARL Le Lauréat de payer diverses sommes.

Une ordonnance d'injonction de payer a été délivrée à cet effet le 6 mars 2013.

La SARL Le Lauréat a formé opposition, puis, devant le tribunal, invoqué la nullité de la convention de franchise.

Par jugement du 7 juillet 2014, le tribunal de commerce de Périgueux a :

- reçu la SARL Le Lauréat en son opposition, l'a déclarée régulière en la forme, mais l'en a déboutée comme non fondée,

- débouté la SARL Le Lauréat de l'intégralité de ses demandes comme non fondées,

- condamné la SARL Le Lauréat à verser à la SAS Groupe Vog la somme de 52 061,40 € outre les intérêts au taux légal majoré de 1,5 % un mois après leur date d'exigibilité,

- condamné la SARL Le Lauréat à verser à la SAS Groupe Vog la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Le Lauréat aux dépens comprenant les frais d'injonction de payer,

- taxé les frais de greffe à la somme de 114,59 € TTC.

La SARL Le Lauréat a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Périgueux du 20 janvier 2015 ; Maître Z a été nommé en qualité de mandataire judiciaire. Un plan de redressement a été adopté par jugement du 8 décembre 2015.

Par arrêt du 2 novembre 2016, la cour d'appel de Bordeaux a :

- infirmé le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- prononcé la nullité du contrat de franchise du 1er décembre 2009,

- débouté la SAS Groupe Vog de toutes ses demandes,

- sur les restitutions, réouvert les débats et invité l'appelante à chiffrer ses prétentions et l'intimée à y répondre,

- renvoyé sur ce point la cause et les parties à l'audience du 25 janvier 2017,

- réservé l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Le plan de redressement de la SARL Le Lauréat a été résolu et la société placée en liquidation judiciaire par jugement du 9 janvier 2018. Maître Z a été désigné mandataire liquidateur et a par la suite représenté la société en liquidation dans l'instance.

Suivant arrêt du 3 mai 2018, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu le 2 novembre 2016 par la cour d'appel de Bordeaux, remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et renvoyé les parties devant la cour d'appel d'Agen.

La Cour de cassation a retenu que pour prononcer la nullité du contrat de franchise, l'arrêt retenait qu'à l'expiration du délai de vingt jours prévu à l'article L. 330-3 du code de commerce, et avant la signature du contrat, l'envoi, par le franchiseur, d'une facture, d'un montant conséquent au regard de la structure du franchisé et de son lieu d'implantation, et qui, en elle-même, était de nature à déséquilibrer totalement la trésorerie de l'entreprise, avait eu pour conséquence de ne pas permettre au franchisé de consentir au contrat en connaissance de cause, par une erreur déterminante de son consentement ; la Cour de Cassation a estimé qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi cette facture portait sur des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque exploitées dans le cadre du contrat, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale.

La SARL Le Lauréat, prise en la personne de Maître Z, a déposé une déclaration de saisine de la cour d'appel d'Agen le 7 août 2019, rappelant avoir interjeté appel des dispositions du jugement qui ont :

- rejeté ses demandes,

- l'ont condamnée à verser à la SAS Groupe VOG la somme de 52 061,40 € outre les intérêts au taux légal majoré,

- et condamnée à verser à la SAS Groupe VOG 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

L'avis de fixation à bref délai prévu par l'article 1037-1 du code de procédure civile a été délivré le 28 août 2019, et signifié le 5 septembre 2019.

Par dernières conclusions du 10 janvier 2020, conformes aux articles 910-4 et 954 du code de procédure civile, la SARL le Lauréat, représentée par Maître Z, demande à la Cour de :

- dire et juger recevables et bien-fondées les demandes de la SARL Le Lauréat représentée par son liquidateur Me Z,

- rejeter toutes demandes, dires et conclusions adverses contraires,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Périgueux en date du 7 juillet 2014,

statuant à nouveau,

- condamner la SAS Groupe VOG à restituer à la SARL Le Lauréat la somme de 205 915,04 € TTC, assortie des intérêts au taux légal et ce depuis l'opposition à injonction de payer formulée le 25 avril 2013, en conséquence de l'annulation du contrat de franchise,

- condamner la SAS Groupe VOG à verser à la SARL Le Lauréat la somme de 50 000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier et moral,

- condamner la SAS Group VOG à verser à la SARL Le Lauréat la somme de 25 000€ en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la SAS GROUPE VOG aux entiers dépens y compris ceux de première instance, et ceux engagés devant la Cour d'appel de Bordeaux.

La SARL Le Lauréat présente l'argumentation suivante :

- le contrat de franchise est nul pour dol et erreur résultant de manquements à l'obligation précontractuelle prévue par les articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce en ce que :

- le document d'information précontractuelle (DIP), désormais versé aux débats, omet de mentionner des éléments substantiels voire contient des données erronées,

- aucune donnée précontractuelle relative à la nature et au montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque, à engager avant le début de l'exploitation n'a été fournie, seule une facture a été émise le 18 novembre 2009, plus de vingt jours avant la signature du contrat, sans information ni bon de commande préalable,

- cette facture, désormais versée aux débats, se rapporte bien à des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne,

- le DIP ne contient pas d'étude de marché local, le salon étant implanté dans une commune de 5 000 habitants, il présente des chiffres anciens se référant aux exercices 2004 à 2006, et ne contient aucune information sur la rentabilité du procédé du franchisé,

- il ne contient pas les comptes annuels des deux derniers exercices requis par l'article R. 330-1,

- les informations précontractuelles sont attractives et tronquées et ne se rapportent pas à la commune de Terrasson devant accueillir le projet,

- le groupe Vog produit pour la première fois, devant la cour d'appel de renvoi, un bon de commande rapporté à la facture antérieure au contrat, lequel comporte des inscriptions manuscrites dont l'origine est douteuse, en particulier la mention de la date qui n'émane pas de la SARL Le Lauréat, et est antérieur au DIP,

- la faiblesse du chiffre d'affaires de la SARL Le Lauréat, qui n'a pas dépassé 16 000 € mensuels, et dont le résultat net négatif pour 2010 a été de 54 177 €, ce qui a entraîné sa liquidation judiciaire, montre que les chiffres présentés ne pouvaient pas être atteints,

- l'incitation à contracter au moyen de fausses informations (le groupe Vog faisant valoir la perspective de réaliser un chiffre d'affaires de 260 000 € grâce à sa franchise) constitue une pratique commerciale trompeuse, et l'erreur substantielle du franchisé sur la rentabilité de l'activité rend le contrat nul, il s'agit d'une nullité d'ordre public,

- à l'exception de l'absence de production de la facture du 18 novembre 2009, les moyens soulevés par le groupe Vog n'ont pas prospéré devant la Cour de cassation, et la facture litigieuse, versée aux débats devant la cour de renvoi, démontre qu'elle se rapporte effectivement à des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne que le franchisé doit engager avant de débuter l'exploitation,

- la réception de cette facture ne peut établir la connaissance par le futur franchisé des dépenses préalables à son engagement, elle démontre qu'en émettant cette facturation sans information préalable du franchisé, le Groupe Vog a manqué à ses obligations d'information,

- si elle avait eu connaissance des conséquences de la conclusion du contrat, la SARL Le Lauréat ne se serait pas engagée,

- elle n'est pas tenue de justifier du caractère excusable de son erreur,

- l'annulation du contrat emporte obligation de restitution des sommes versées, dont le montant résulte d'une pièce produite par le groupe Vog qui ne saurait le contester,

- le groupe Vog doit supporter à titre de dommages-intérêts, l'ensemble des charges liées à la procédure de redressement judiciaire du 20 janvier 2015 par suite notamment de la décision du tribunal de commerce de Périgueux la condamnant à lui payer les sommes de 52 061,40 € outre 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens dont 121,58 € au titre des frais de greffe, les paiements réalisés en sa faveur ayant activement participé à son appauvrissement,

- le préjudice financier et moral subi par la SARL Le Lauréat justifie une indemnisation à hauteur de 50 000 €.

Par dernières conclusions du 23 avril 2020, conformes aux articles 910-4 et 954 du code de procédure civile, la SAS Groupe Vog demande à la Cour de :

- confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Périgueux le 7 juillet 2014, en ce qu'il a condamné Le Lauréat à payer à Groupe Vog la somme de 55 433,29 €,

y ajoutant,

- fixer la créance de Groupe Vog au passif de la SARL Le Lauréat, en liquidation judiciaire, la somme de 82 708,89 €, se décomposant comme suit :

- 55 433,29 € correspondant au montant total des sommes auxquelles la SARL Le Lauréat a été condamnée par jugement du tribunal de commerce de Périgueux du 7 juillet 2014,

- 27 275,60 € au titre des impayés postérieurs à cette décision jusqu'au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la SARL Le Lauréat,

en tout état de cause,

- débouter la SARL Le Lauréat de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SARL Le Lauréat au paiement de la somme de 25 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers frais et dépens de l'instance et admettre Maître W, avocat, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La SAS Groupe Vog présente l'argumentation suivante :

- le contrat de franchise est valable en ce que :

- l'obligation précontractuelle d'information a été satisfaite ; le DIP de 84 pages signé le 13 octobre 2009 par Mme X, et la facture du 18 novembre 2009, postérieure au DIP, et précédée d'un bon de commande en attestent ; ses annexes contiennent les éléments nécessaires,

- la SARL Le Lauréat n'a pas été induite en erreur sur sa rentabilité future, ses bilans, finalement produits, montrant de 2010 à 2012 des résultats positifs et une progression constante du chiffre d'affaires de l'ordre de 7 %,

- les difficultés de la SARL Le Lauréat proviennent de sa masse salariale pléthorique, de plus, les conseils du franchiseur n'ont pas été suivis, et le concept de la marque n'a pas été appliqué,

- le chiffre moyen de 260 000 € n'a pas été évoqué comme une promesse du franchiseur, mais comme le chiffre moyen d'un franchisé implanté depuis quelques années,

- la SARL Le Lauréat ne s'est pas acquittée des sommes dues au titre des redevances ainsi que des diverses prestations réalisées par son franchiseur (cliente mystère, package marketing, publicité, fourniture d'objets publicitaires),

- la demande de dommages-intérêts de la SARL Le Lauréat est infondée, le groupe Vog ne pouvant être tenu responsable de sa mauvaise gestion.

La Cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions déposées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la nullité du contrat de franchise

Selon l'article L. 330-3 du code de commerce :

« Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.

Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.

Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.

Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent. »

Ces dispositions sont complétées par celles de l'article R. 330-1 du même code :

« Le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient les informations suivantes :

« 1- L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités avec l'indication de sa forme juridique et de l'identité du chef d'entreprise s'il s'agit d'une personne physique ou des dirigeants s'il s'agit d'une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;

2 - Les mentions visées aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ou le numéro d'inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l'objet du contrat a été acquise à la suite d'une cession ou d'une licence, la date et le numéro de l'inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l'indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie ;

3 - La ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires ;

4 - La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.

Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.

Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L. 451-1-2 du code monétaire et financier ;

5 - Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte :

a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ;

b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée.

Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ;

c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ; »

d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ;

« 6 - L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.

Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation. »

L'inobservation de ces dispositions n'entraîne pas la nullité du contrat de franchise, sauf si celui qui s'en prévaut démontre qu'il en est résulté un vice du consentement.

La remise par la SAS Groupe Vog du document d'information précontractuelle, en exécution des dispositions précitées, n'est pas contestée devant la présente Cour.

La cogérante de la société Le Lauréat en a accusé réception par acte séparé le 13 octobre 2009.

L'information précontractuelle a donc été délivrée plus de vingt jours avant le contrat de franchise qui a été signé le 1er décembre 2009.

Elle a également été délivrée plus de vingt jours avant la facture litigieuse, du 18 novembre 2009, par laquelle un paiement a été demandé au franchisé avant la signature du contrat.

Le dernier alinéa de l'article L. 330-1 du code de commerce précité a ainsi été respecté.

Le DIP, qui est constitué de 84 pages et de trois annexes, contient une présentation détaillée du franchiseur, expose des chiffres clés de la coiffure en France pour les années 2000 à 2005 (nombre de salons, répartition régionale, chiffre d'affaire national, part de salons franchisés au plan national, tendances du secteur, profil type d'un salon), indique que le chiffre d'affaires moyen d'un salon est de 80 000 €, que sa valeur moyenne représente 50 à 70 % du chiffre d'affaires, et présente une analyse de la clientèle au plan national.

Le DIP indique par ailleurs, sous l'intitulé « évolution du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du présent DIP », que deux franchisés ont cessé leurs relations avec le franchiseur au cours de l'année précédente, un contrat ayant expiré, l'autre ayant été résilié, aucun n'ayant été annulé, et qu'il n'y a pas dans la zone de chalandise ou d'exclusivité prévue d'autre franchisé de la marque Tchip.

Le DIP contient également une copie complète du contrat de franchise qui a été signé par la suite, reproduisant notamment son article 3 qui énumère les études préalables réalisées pour :

- « les études d'implantation et de chalandise concernées par le présent contrat et remises à la signature du contrat définitif (étude nationale au travers de laquelle le franchisé pourra se rendre compte de la stagnation du marché de la coiffure mais également de la progression en ce qui concerne la franchise de coiffure et toute forme structurée) »

- « l'agencement suivant cahier des charges, »

- « le financement, »

- « le lancement publicitaire »

Cet article 3 indique également que « les produits nécessaires à l'installation et conformes à la formule Tchip sont vendus directement au franchisé soit par le franchiseur et sont payables au comptant par chèque de banque soit par les fournisseurs désignés en annexe et répertoriés par le franchiseur et sont payables aux conditions indiquées par ceux-ci. ».

Le DIP contient en annexe une énumération détaillée du matériel d'ouverture et de lancement sans mention de prix mais avec l'indication « suivant tarif en vigueur », qui inclut tant le mobilier du salon (tablettes, bacs, fauteuils, caisse) que les enseignes et dispositifs publicitaires (stoppeur sur trottoir, PLV accroche vitrine, enseigne drapeau, 2000 cartes publicitaires, distributions de tracts), 2 packages tenues par collaborateur, ainsi que le linge du salon (192 serviettes blanches, 96 serviettes vertes, 30 peignoirs), tous éléments spécifiques à la marque, et directement fournis par le franchiseur.

Sont également annexés au DIP les descriptifs des dispositifs de formation disponibles, la liste des fournisseurs dont l'exclusivité doit être respectée par le franchisé (Kerastase, l'Oréal, le Groupe Vog Centrale d'achat), et les dispositions financières, lesquelles détaillent les sommes dues par le franchisé en sus du matériel d'installation au sujet duquel il est mentionné « le prix des frais et fournitures d'installation pris en charge par le franchisé sont payables au comptant ».

Est également annexé au DIP un document intitulé « faire une étude du marché local » de dix pages exposant une méthode de réalisation d'une telle prospection, suivi d'une « liste pratique de sources d'information » indiquant notamment comment obtenir des informations ville par ville.

S'agissant des comptes de l'entreprise, est enfin annexée une déclaration fiscale dite « 2065 » à l'impôt sur les sociétés du Groupe Vog pour 2007 qui présente un bilan simplifié.

Il est ainsi établi, s'agissant de la situation financière du franchiseur, que le DIP ne contient pas les comptes de ses deux derniers exercices.

En outre, les données chiffrées figurant dans le DIP présentent une ancienneté excessive au regard de l'article R. 330-1 du code de commerce qui indique qu'elles doivent porter sur les années précédant la remise du DIP.

L'absence d'étude de marché local ne peut être reprochée au franchiseur qui n'est pas tenu de l'élaborer mais qui doit fournir un état local du marché recueillant des données brutes et objectives relatives à l'offre et à la demande locale ; cet état est cependant absent du document, qui ne contient aucune donnée relative à l'activité des salons de coiffure dans la zone de chalandise concernée. Le DIP se limite à exposer une méthode d'élaboration d'une étude de marché local en renvoyant le franchisé, pour le recueil des données locales, vers l'INSEE ou Géodatel.

Enfin, s'agissant de l'information relative à la nature et au montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation, le DIP, qui reproduit le contrat, mentionne que le franchisé devra agencer le salon en utilisant les mobiliers et le matériel caractéristiques de la marque qu'il ne pourra plus utiliser s'il est mis fin à la franchise ; il contient des photographies représentant des intérieurs de salons montrant que la totalité de leur agencement est spécifique à la marque, par l'utilisation de signes et couleurs caractéristiques ; il indique encore que le paiement de ces matériels et fournitures devra être fait au comptant ; enfin, son annexe énumère dans le détail les mobiliers, textiles, et fournitures concernés, et fait référence à un tarif en vigueur. Les prix ne sont toutefois pas mentionnés.

Il est donc établi que la SAS Groupe Vog a remis à la SARL Le Lauréat un DIP ne respectant pas l'ensemble des dispositions du code de commerce, et qu'elle n'a pas rempli son obligation précontractuelle d'information.

Pour autant, la SARL Le Lauréat ne verse aux débats aucune pièce portant sur la période antérieure à la souscription du contrat permettant d'étayer ses affirmations quant à l'existence et aux conséquences des dol et erreur invoqués.

Ainsi, s'agissant de la situation financière de son franchiseur, elle ne démontre pas l'incidence qu'elle était susceptible d'avoir sur son consentement ; à cet égard, elle ne conteste pas l'exactitude des indications de la SAS Groupe Vog faisant état de l'existence d'un précédent contrat de franchise la liant à Y pour l'exploitation d'un salon sous son autre marque « Vog Coiffure », qui lui a permis d'acquérir une connaissance de la situation de son franchiseur.

S'agissant de l'ancienneté des chiffres relatifs à l'état du marché, et de l'absence de renseignements sur l'état local du marché à Terrasson, la SARL Le Lauréat ne produit aucun élément démontrant qu'il n'ait pas été propice à l'ouverture de son établissement, en raison d'une concurrence trop forte, ou d'une conjoncture défavorable, ou qu'il n'ait pas permis d'atteindre le chiffre d'affaires espéré ; sur ce point, force est de constater que ni le DIP, ni aucun autre document antérieur à la signature du contrat n'évoque une perspective de chiffre d'affaires de 260 000 €, la seule référence indicative indiquée étant celle d'un chiffre d'affaire moyen national de 80 000 €.

Là encore, il doit être observé que Y, qui d'une part exploitait antérieurement un salon de coiffure, et d'autre part était déjà franchisé auprès de la SAS Groupe Vog, avait acquis une connaissance particulière en matière de coiffure et de franchise ; il n'était donc pas un profane, mais un professionnel averti, auquel il était aisé de mettre en œuvre la méthode d'étude de marché préconisée par son franchiseur, sous réserve qu'il recueille auprès de Géodatel les données concernant la commune de Terrasson.

S'agissant de l'absence de mention dans le DIP du montant des dépenses spécifiques à l'enseigne, à engager avant de commencer l'exploitation, et de la facture du 18 novembre 2009, la SARL Le Lauréat ne verse aucun élément permettant de démontrer en quoi elle aurait pu être victime d'une erreur déterminante de son consentement, ou d'une réticence dolosive de la part de son cocontractant.

Elle soutient qu'elle a été destinataire d'une facture « dès le 18 novembre 2009 d'un montant de 37 869,43 € sans qu'aucun document n'explicite préalablement l'utilité et les contours d'un tel investissement ».

Or il résulte de ce qui précède que le DIP détenu par elle depuis le 13 octobre 2009 contenait des informations très détaillées sur l'équipement spécifique du salon, indiquait que le franchisé devrait en supporter le coût, précisait clairement qu'il serait exigible dès sa livraison, et faisait référence à un tarif en vigueur qu'elle avait la possibilité de réclamer.

En recevant ce document, X en a paraphé chaque page ce qui atteste qu'elle en a pleinement pris connaissance.

La facture émise le 18 novembre 2009 correspond effectivement à une dépense d'investissement spécifique à l'enseigne Tchip puisqu'elle portait sur l'ensemble du mobilier du salon et sur le droit d'exploitation.

De plus, elle a été précédée d'un bon de commande signé par X, dont la signature n'est pas contestée. La mention manuscrite relative aux dates portées sur le document, discutée par l'appelante, est indifférente, au regard de la présence d'une date, imprimée en caractères identiques au bon de commande, qui est plus probante et n'est pas contestée, du 1er octobre 2009.

Les prestations facturées avaient donc bien été commandées par la SARL Le Lauréat, qui, contrairement à ce qu'elle soutient, a été informée du montant de cette dépense qu'elle a expressément acceptée.

Qui plus est, comme indiqué plus haut, Y avait acquis une expérience du fonctionnement d'un salon de coiffure franchisé auprès de la SAS Groupe Vog, et connaissait les coûts liés à son équipement ; il ne pouvait ignorer que l'ouverture de son nouveau salon nécessitait l'acquisition du matériel présent dans tout établissement de ce type, comportant des tablettes, miroirs, fauteuils, caisse, bacs à shampoing, et mobilier commercial.

Par ailleurs, aucune fausseté des informations transmises par le franchiseur n'est démontrée, la perspective d'un chiffre d'affaire trompeur de 260 000 €, d'après les propres écritures de l'appelante, figurait dans les écritures judiciaires de l'intimée et non dans les documents précontractuels, et l'absence d'indication de la rentabilité future du salon ne caractérisant pas une réticence dolosive.

En l'absence de démonstration d'un vice du consentement, l'inobservation de l'obligation d'information pesant sur la SAS Groupe Vog n'est pas susceptible d'entraîner l'annulation du contrat de franchise.

Le jugement sera confirmé.

Sur la demande de dommages-intérêts de la SARL Le Lauréat

L'inobservation du devoir d'information précontractuelle est susceptible d'engager la responsabilité du franchiseur.

En l'espèce, si le manquement fautif au devoir d'information est avéré, tel n'est pas le cas du préjudice et du lien de causalité invoqués, tenant aux difficultés financières et à la procédure collective subies par la SARL Le Lauréat.

En premier lieu, l'origine de ces difficultés n'est pas démontrée par la SARL Le Lauréat, tandis que la SAS Groupe Vog verse aux débats huit courriers adressés, au titre de l'accompagnement à la gestion, entre le 15 octobre 2009 et le 23 octobre 2012, attirant l'attention du franchisé sur les dépassements de budget, l'excès de la masse salariale, la réalisation de dépenses inadaptées, telle l'invitation du personnel à un weekend dans un parc de loisirs.

En second lieu, la procédure collective a été ouverte plusieurs années après l'ouverture du salon de coiffure, qui est parvenu à mener à terme plusieurs exercices avant d'être confronté à un état de cessation des paiements ; les périodes d'observation du redressement judiciaire ont conduit à une perspective de redressement ; à la suite de son adoption, le plan a été exécuté durant trois années.

La demande a été rejetée à juste titre.

Sur la demande en paiement de la SAS Groupe Vog

La SAS Groupe Vog sollicite la fixation du montant de la créance dont le principe a été reconnu par le jugement entrepris à la somme de 55 433,29 € (incluant les chefs de condamnation à payer le principal, les intérêts au taux contractuel, les frais irrépétibles et les dépens) arrêtée à la date du jugement, majorée des impayés postérieurs arrêtés à 27 275,60 €.

Il n'est pas discutable, et la SARL Le Lauréat ne le discute pas, que le contrat a été exécuté en ce que la livraison des équipements mobiliers facturés a été effectuée, l'enseigne a été utilisée, et l'accompagnement à la gestion a été réalisé, conformément au contrat de franchise.

L'activité du salon s'est ainsi poursuivie, jusqu'à son placement en redressement judiciaire en 2015, et au-delà, durant la période d'exécution du plan de redressement, jusqu'à sa résolution et la liquidation judiciaire du 9 janvier 2018.

La demande est donc fondée puisque la SAS Groupe Vog démontre l'existence de sa créance.

Du fait de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la sarl Le Lauréat, la présente décision ne peut plus tendre, conformément à l'article L. 622-22 du code du commerce, au paiement, mais seulement à la constatation de la créance et à la fixation de son montant au passif de la liquidation judiciaire.

La cour ordonne de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la sarl Le Lauréat la créance de la SAS Groupe Vog pour la somme de 82 708,89 €.

Sur les autres demandes

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Partie perdante, la SARL Le Lauréat doit être tenue de supporter les dépens de première instance, sauf à prononcer une fixation de créance s'agissant d'une dette antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective.

L'issue de l'instance d'appel justifie qu'elle soit tenue d'en supporter les dépens.

La SARL Le Lauréat devra supporter une indemnité de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

Les dépens et sommes allouées en vertu de l'article 700 du code de procédure civile qui trouvent leur origine, en cause d'appel, dans le présent arrêt, postérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective, entrent dans les prévisions de l'article L. 622-17 du code de commerce et peuvent donner lieu à une condamnation.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME les dispositions du jugement du tribunal de commerce de Périgueux du 7 juillet 2014 qui :

- déboutent la SARL Le Lauréat de ses demandes,

- disent la demande en paiement de la SAS Groupe Vog fondée,

- disent la demande de la SAS Groupe Vog au titre des dépens fondée,

- disent que la SARL Le Lauréat est redevable à son égard de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- taxent les frais de greffe à la somme de 114,59 € TTC,

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que la SAS Groupe Vog détient une créance à l'encontre de la SARL Le Lauréat d'un montant de 82 708,89 €,

FIXE la créance de la SAS Groupe Vog au passif de la SARL Le Lauréat au titre du contrat de franchise à la somme de 82 708,89 €,

FIXE la créance de la SAS Groupe Vog au passif de la SARL Le Lauréat au titre de la somme allouée en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à 3 000 €,

DIT que les dépens exposés devant le tribunal sont fixés au passif de la procédure collective au bénéfice de la SAS Groupe Vog,

CONDAMNE la SARL Le Lauréat, prise en la personne de Maître Z, aux dépens d'appel,

CONDAMNE la SARL Le Lauréat, prise en la personne de Maître Z, à payer à la SAS Groupe Vog 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.