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Décisions

Cass. com., 10 février 2021, n° 19-13.604

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Agence pour l'agroalimentaire (SARL), LKJ (SAS)

Défendeur :

Fresh Food Village (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Boisselet

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Richard, SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer

T. com. Paris, du 27 mars 2017

27 mars 2017

Faits et procédure  

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 novembre 2018), la société Fresh Food Village (la société FFV), exerçant une activité de négoce de produits alimentaires, et les sociétés Agence pour l'agroalimentaire et LKJ (les sociétés APA et LKJ), ayant pour activité le conseil, la représentation et la commercialisation de tous produits alimentaires, ont entretenu des relations d'affaires pendant plusieurs années jusqu'au 4 février 2015, date à laquelle la société FFV y a mis fin. Les sociétés APA et LKJ lui ont alors demandé le paiement des indemnités qu'elles estimaient dues en leur qualité d'agent commercial et d'arriérés de commissions.

Examen des moyens

Sur le premier moyen  

Enoncé du moyen

2. Les sociétés APA et LKJ font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes en paiement d'indemnités de cessation de contrat d'agent commercial, alors :

« 1°) que l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achats, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants, ou d'autres agents commerciaux ; qu'en conséquence, a la qualité d'agent commercial, le mandataire qui démarche et prospecte des clients pour le compte et au nom de son mandant, en organisant des entretiens entre le mandant et les clients prospectés, qui propose l'importation de produits commercialisés par le mandant et qui retransmet des offres commerciales, peu important que les modalités du contrat soient finalisées par le mandant et que la convention soit directement signée par celui-ci ; qu'en décidant que les sociétés APA et LKJ n'avaient pas la qualité d'agents commerciaux de la société FFV, après avoir constaté qu'elles mettaient celle-ci en relation avec les centrales d'achat de la grande distribution et qu'elles lui retransmettaient toutes les informations et toutes les demandes adressées par lesdites centrales, ce qui supposait nécessairement qu'une négociation préalable était d'ores et déjà intervenue, de sorte que les sociétés AP et LKJ avaient la qualité d'agents commerciaux, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 134-1 du Code de commerce ;

2°) que l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achats, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants, ou d'autres agents commerciaux ; qu'en se bornant à affirmer que les pièces versées aux débats par les sociétés APA et LKJ ne révélaient aucune action de négociation des prix et autres conditions contractuelles, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il résultait des pièces versées aux débats que les sociétés APA et LKJ étaient intervenues pour obtenir des remises ou des augmentations de prix, et qu'elle organisait des réunions de négociation de prix, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

3. Après avoir examiné l'ensemble des pièces versées aux débats, dont elle a souverainement apprécié la valeur et la portée, la cour d'appel a retenu que, si les sociétés APA et LKJ mettaient en relation la société FFV avec des centrales d'achat, ces dernières négociaient directement avec la société FFV, et que les sociétés APA et LKJ, qui n'avaient le pouvoir ni de négocier les contrats engageant la société FFV, ni de s'engager pour cette dernière au sens de l'article L. 134-1 du code de commerce, se bornaient à lui transmettre les informations intéressant ses relations avec ces centrales et à lui répercuter leurs demandes, sans accomplir aucune action autre que de mise en relation.  

4. En l'état de ces constatations et appréciations, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'en l'absence de pouvoir de représentation de la société FFV, les demandes des sociétés APA et LKJ fondées sur l'application du statut d'agent commercial devaient être rejetées.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen  

Enoncé du moyen

6. La société LKJ fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation de la société FFV à lui payer la somme de 87 876, 50 euros à titre de commissions arriérées, alors :

« 1°) que la renonciation ne se présume pas ; que la renonciation tacite n'est caractérisée que par des actes manifestant sans équivoque la volonté de son auteur de renoncer au droit qui est le sien ; qu'en se bornant, pour débouter la Société LKJ de sa demande tendant à voir condamner la société FFV à lui payer la somme de 87 876,50 euros à titre de commissions, à relever que de mai 2013 à janvier 2014, elle avait elle-même pratiqué une réduction à hauteur de 5 333 euros des sommes facturées à ce titre, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une manifestation de volonté non équivoque de la société LKJ de renoncer à une partie des commissions qui lui étaient dues, au-delà de la réduction qu'elle avait appliquée momentanément, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°) que le juge ne peut méconnaître les limites du litige, telles qu'elles résultent des conclusions respectives des parties ; que la société LKJ soutenait que l'application du taux de commissionnement qui était en vigueur entre les parties faisait apparaître qu'une somme de 87 876,50 euros lui était due ; que la société FFV ne contestait pas que cette somme résultait du taux de commissionnement convenu, mais prétendait au bénéfice d'une remise, contestée par la société LKJ, à hauteur de ce montant total ; que le détail de la somme de 87 876,50 euros n'était donc pas contesté ; qu'en relevant néanmoins, pour débouter la société LKJ de sa demande, qu'elle ne communiquait pas le détail de la somme de 87 876,50 euros qu'elle réclamait, la cour d'appel a méconnu les limites du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Ayant relevé qu'il résultait des factures émises par la société LKJ de mai 2013 à janvier 2014, dont l'authenticité n'était pas contestée, qu'elle avait elle-même, pour cette période, appliqué sur les sommes facturées une réduction de 5 333 euros par mois sous l'intitulé « remise commerciale 2013 », c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a retenu que la société LKJ ne pouvait soutenir que cette remise n'avait fait l'objet d'aucun accord de sa part.

8. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, qui critique un motif surabondant, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le troisième moyen  

Enoncé du moyen

9. Les sociétés APA et LKJ font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir ordonner à la société FFV de leur communiquer la totalité des relevés mensuels des ventes facturées à la centrale Franprix-Leader price du 1er janvier 2012 au 31 mai 2015, afin d'établir le solde des commissions restant dues, alors « que, lorsque le mandataire est fondé à prétendre, en exécution du contrat de mandat, à une rémunération variable dont le calcul dépend d'éléments détenus par le seul mandant, celui-ci est tenu de les communiquer au mandataire, afin de permettre d'établir contradictoirement le montant de la commission ; qu'en rejetant néanmoins la demande des sociétés APA et LKJ, tendant à voir ordonner à la société FFV de verser aux débats les relevés mensuels des ventes qu'elle avait facturées à la centrale d'achat Franprix-Leader price du 1er janvier 2012 au 31 mai 2015, afin d'établir le solde des commissions restant dues, au motif inopérant qu'elles ne démontraient pas avoir été dans l'impossibilité de calculer le montant des commissions qui leur étaient dues et qu'elles avaient émis des factures à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

10. C'est dans l'exercice du pouvoir laissé par la loi à sa discrétion d'ordonner ou non la production d'un élément de preuve détenu par une partie que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur une telle demande, a statué comme elle a fait.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.