CA Rouen, ch. de la proximite, 4 février 2021, n° 20/00088
ROUEN
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Iso Home Protect (SARL)
Défendeur :
Consumer Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mellet
Conseillers :
Mme Labaye, Mme Germain
FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon bon de commande en date du 6 juillet 2017, Monsieur Jean-Michel T. a commandé à la S.A.R.L. ISO HOME PROTECT la fourniture et la pose d'un système de sécurité de type alarme et d'un système de chauffage de type pompe à chaleur pour un prix de 17 900 €.
Cet achat a été intégralement financé au moyen d'un crédit souscrit le même jour auprès de la S.A. CA CONSUMER FINANCE.
La pompe à chaleur a été posée au mois de juillet 2017.
M. T. a fait dresser procès-verbal de constat d'huissier le 7 mars 2018 afin d'établir l'absence de pose du système d'alarme.
Par jugement contradictoire en date du 8 novembre 2019, le tribunal d'instance de Rouen, saisi par M. T. et sa sœur Mme Joëlle T., a statué ainsi qu'il suit :
« Déclare Madame Joëlle T. recevable en son action ;
Constate la nullité du contrat de vente conclu le 6 juillet 2017 entre Monsieur Jean-Michel T. et l'AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT ;
Constate la nullité du contrat de crédit conclu le 6 juillet 2017 entre Monsieur Jean-Michel T. et CA CONSUMER FINANCE ;
Ordonne la restitution de la somme de 17 900 € par l'AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT à CA CONSUMER FINANCE ;
Ordonne la restitution par CA CONSUMER FINANCE à Monsieur Jean-Michel T. des sommes versées par ce dernier au titre du crédit affecté sollicité le 6 juillet 2017 ;
Dit que Monsieur Jean-Michel T. mettra à disposition de l'AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT l'installation de la pompe à chaleur et du système d'alarme litigieux à charge pour cette dernière de reprendre le bien dans le délai de un mois à compter de la signification de la décision, faute de quoi elle sera réputée avoir abandonné le bien ;
Condamne l'AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT et CA CONSUMER FINANCE solidairement à payer à Monsieur Jean-Michel T. la somme de 500 € au titre de son préjudice moral ;
Condamne les mêmes solidairement à payer à Madame Joëlle T. la somme de 100 € au titre de son préjudice moral ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT et CA CONSUMER FINANCE solidairement à payer à Monsieur Jean-Michel T. la somme de 1 000 € application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT et CA CONSUMER FINANCE solidairement à payer à Madame Joëlle T. la somme de 700 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ;
Condamne AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT et CA CONSUMER FINANCE aux dépens » ;
Après avoir relevé que Mme T. était recevable à solliciter réparation du préjudice moral tiré de l'imitation de sa signature par la SARL ISO HOME PROTECT, le tribunal a rejeté la demande d'annulation du contrat de vente fondée sur d'éventuelles pratiques commerciales abusives, relevant que M. T. ne justifiait pas d'une fragilité particulière, et sur le dol, relevant qu'une erreur sur la qualité des produits n'était pas davantage établie. Il a fait droit en revanche, au moyen de nullité tiré de l'imprécision du bon de commande. Il a en conséquence prononcé la nullité du contrat de crédit accessoire et ordonné les restitutions réciproques aux fins de remise en état des parties.
Par déclaration reçue au greffe le 2 janvier 2020, la SARL ISO HOME PROTECT a interjeté appel de la décision.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 16 mars 2020, l'appelante, demande à la cour d'appel de :
- INFIRMER le jugement du tribunal d'instance de ROUEN en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de vente conclu le 6 juillet 2017 et par voie de conséquence, la nullité du contrat de crédit conclu avec la société CA CONSUMER FINANCE ;
- DEBOUTER Monsieur Jean-Michel T. et Madame Joëlle T. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER in solidum Madame Joëlle T. et Monsieur Jean-Michel T. à verser à la société ISO HOME PROTECT la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- CONDAMNER in solidum Madame Joëlle T. et Monsieur Jean-Michel T. à verser à la société ISO HOME PROTECT la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel ;
Elle soutient essentiellement que le bon de commande décrit précisément la nature des prestations et contient toutes les mentions obligatoires requises.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 juillet 2020, les consorts T., intimés, demandent à la cour d'appel de :
Vu les articles L. 121-6 et suivants, L. 132-10, L. 311-1 et suivants, L. 312-14, L. 312-48 et L. 312-55 du Code de la consommation,
Vu les articles 1103, 1128, 1130, 1163, 1217 et 1240 et suivants, du Code civil,
Vu les jurisprudences visées,
Vu les pièces versées aux débats,
- Confirmer le jugement du Tribunal d'instance de ROUEN du 8 novembre 2019 en ce qu'il :
- Déclare Madame Joëlle T. recevable en son action ;
- Constate la nullité du contrat de vente conclu le 6 juillet 2017 entre Monsieur Jean- Michel T. et la AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT ;
- Constate la nullité du contrat de crédit conclu le 6 juillet 2017 entre par Monsieur Jean-Michel T. et CA CONSUMER FINANCE ;
- Ordonne la restitution de la somme de 17 900 € par AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT à CA CONSUMER FINANCE ;
- Ordonne la restitution par CA CONSUMER FINANCE à Monsieur Jean-Michel T. des sommes versées par ce dernier au titre du crédit affecté sollicité le 6 juillet 2017 ;
- Dit que Monsieur Jean-Michel T. mettra à disposition de AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT l'installation de la pompe à chaleur et du système d'alarme litigieux à chaque pour cette dernière de reprendre le bien dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision, faute de quoi AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT sera réputée avoir abandonné le bien ;
- a débouté AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT de ses demandes ;
- a jugé que Monsieur Jean-Michel T. et Madame Joëlle T. ont subi un préjudice moral ;
- a condamné AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT et CA CONSUMER FINANCE solidairement à payer à Monsieur Jean-Michel T. la somme de 1000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- a condamné AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT et CA CONSUMER FINANCE solidairement à payer à Madame Joëlle T. la somme de 700 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- a condamné AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT et CA CONSUMER FINANCE aux dépens.
La réformer pour le surplus
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- Dire et juger que la société ISO HOME PROTECT est l'auteur de manœuvres dolosives à l'égard de Monsieur Jean-Michel T. ;
- Dire juger que le consentement de Monsieur Jean-Michel T. n'a été donné que par erreur ;
- Dire et juger que le contenu du bon de commande souscrit par Monsieur Jean-Michel T. auprès de ISO PROTECT HOME le 6 juillet 2017 n'est pas certain ;
- Dire et juger que CA CONSUMER FINANCE a commis une faute en débloquant les fonds auprès de ISO HOME PROTECT avant l'achèvement des travaux et en ne fournissant les informations préalables nécessaires qui la prive du remboursement du capital emprunté ;
A titre subsidiaire,
- Prononcer la résolution du contrat de crédit affecté souscrit par Monsieur Jean-Michel T. d'un montant de 17 900 € le 13 octobre 2017 ;
- Prononcer la résolution du contrat de vente entre Monsieur Jean-Michel T. et ISO HOME PROTECT en date du 6 juillet 2017 d'un montant de 17 900 € HT ;
En tout état de cause,
- Débouter ISO HOME PROTECT et CA CONSUMER FINANCE de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions ;
- Dire et juger que les obligations de Monsieur Jean-Michel T. n'ont pas pris effet à l'égard de CA CONSUMER FINANCE au titre du contrat affecté souscrit le 13 octobre 2017 ;
- Condamner solidairement CA CONSUMER FINANCE et ISO HOME PROTECT à payer à Monsieur Jean-Michel T. la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- Condamner solidairement CA CONSUMER FINANCE et ISO HOME PROTECT à payer à Madame Joëlle T. la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- Condamner solidairement CA CONSUMER FINANCE et ISO HOME PROTECT à payer à Monsieur Jean-Michel T. la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ;
- CONDAMNER solidairement CA CONSUMER FINANCE et ISO HOME PROTECT à payer à Madame Joëlle T. la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Les CONDAMNER solidairement aux dépens.
Ils soutiennent essentiellement ce qui suit :
- ISO HOME PROTECT ne sollicite pas l'infirmation du jugement quant aux autres chefs que l'annulation des contrats ;
- ISO HOME PROTECT a abusé de la faiblesse de M. T. ;
- CA CONSUMER FINANCE n'a pas vérifié la solvabilité de M. T. lors de l'octroi du crédit, lui faisant perdre une chance de ne pas contracter, si bien que le contrat de crédit encourt la nullité ;
- le contrat est nul pour dol, car M. T. pensait acquérir une pompe à chaleur haut de gamme et a été livré d'un modèle d'entrée de gamme ;
- l'objet du contrat est manifestement indéterminé sur le bon de commande, car il ne précise ni la marque, ni les références des matériels installés, de sorte qu'il est impossible de savoir à quel niveau de gamme appartient le produit ;
- il n'est pas signataire de la fiche de réception des travaux qui a été falsifiée ;
- CA CONSUMER FINANCE a libéré les fonds sans attendre l'installation de l'alarme, le procès-verbal de réception étant signé par ISO HOME PROTECT, et étant par ailleurs imprécis quant à la bonne réalisation des travaux commandés ;
- subsidiairement, le contrat doit être résilié pour inexécution, l'alarme n'ayant pas été installée.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 septembre 2020, CA CONSUMER FINANCE, intimée, demande à la cour d'appel de :
- Recevoir la S.A. CA CONSUMER FINANCE en son appel incident, la déclarer bien fondée.
- Réformer le jugement intervenu devant le Tribunal d'Instance de ROUEN en date du 08 novembre 2019 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a jugé que Monsieur Jean-Michel T. ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'avoir cru acheter un produit de qualité supérieure ni d'avoir considéré comme essentielle la prétendue qualité supérieure, en ce qu'il a jugé que le caractère abusif, trompeur ou mensonger de la pratique commerciale n'est pas caractérisé, et en ce qu'il a ordonné la restitution de la somme de 17 900 € par la société AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT à la S.A. CA CONSUMER FINANCE, pour les motifs de droit et de fait ci-après exposés
ET STATUANT A NOUVEAU
Vu les articles L. 312-55 et L. 312-56 du Code de la Consommation,
Vu l'article 1128 du Code Civil,
Vu l'article 1182 du Code Civil,
Vu l'article 1315 du Code Civil devenu l'article 1353 dudit Code,
Vu l'article 9 du Code de Procédure Civile,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées aux débats,
A titre principal,
- Débouter Monsieur Jean-Michel T. et Madame Joëlle T. de l'ensemble de leurs prétentions, demandes, fins et conclusions telles que formulées à l'encontre de la S.A. CA CONSUMER FINANCE.
- Dire et juger le bon de commande régularisé le 06 juillet 2017 par Monsieur Jean-Michel T. respecte les dispositions du Code de la Consommation en matière de démarchage à domicile.
- A défaut, constater, dire et juger que Monsieur Jean-Michel T. et Madame Joëlle T. ont amplement manifesté leur volonté de renoncer à invoquer la nullité du contrat au titre des prétendus vices les affectant sur le fondement des dispositions du Code de la Consommation en matière de démarchage à domicile et ce, en toute connaissance des dispositions applicables.
- Constater la carence probatoire de Monsieur Jean-Michel T. et Madame Joëlle T..
- Dire et juger que les conditions d'annulation du contrat principal conclu le 06 juillet 2017 avec la société ISO HOME PROTECT sur le fondement d'un prétendu dol ou d'un prétendu état de faiblesse ne sont pas réunies et qu'en conséquence le contrat de crédit affecté conclu le 06 juillet 2017 par Monsieur Jean-Michel T. avec la S.A. CA CONSUMER FINANCE n'est pas annulé.
- En conséquence, ordonner à Monsieur Jean-Michel T. de reprendre le règlement des échéances du prêt entre les mains de la S.A. CA CONSUMER FINANCE conformément aux stipulations du contrat de crédit affecté accepté par l'emprunteur le 06 juillet 2017 et ce, jusqu'au plus parfait paiement.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour estimait devoir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la nullité du contrat principal de vente conclu le 06 juillet 2017 entre Monsieur T. et la Société ISO HOME PROTECT, et de manière subséquente a constaté la nullité du contrat de crédit affecté consenti à Monsieur Jean-Michel T. par la S.A. CA CONSUMER FINANCE DEPARTEMENT SOFINCO,
- Constater, dire et juger que la S.A. CA CONSUMER FINANCE n'a commis aucune faute en procédant à la délivrance des fonds, ni dans l'octroi du crédit.
- Par conséquent, condamner Monsieur Jean-Michel T. à rembourser à la S.A. CA CONSUMER FINANCE le montant du capital prêté, déduction faite des paiements d'ores et déjà effectués.
- Confirmer le jugement rendu le 08 novembre 2019 par le Tribunal d'Instance de ROUEN en ce qu'il a ordonné la restitution de la somme de 17 900 € par la société AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT à la S.A. CA CONSUMER FINANCE.
A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la Cour considérait que la S.A. CA CONSUMER FINANCE a commis une faute dans le déblocage de fonds,
- Dire et juger que le préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas contracter les contrats de crédit affecté litigieux ne peut être égal au montant de la créance de la banque.
- Dire et juger que Monsieur Jean-Michel T. et Madame Joëlle T. reconnaissent expressément dans le corps de leurs écritures que la pompe à chaleur objet du bon de commande querellé a bien été livrée et installée à leur domicile et qu'ils ne se plaignent d'aucun dysfonctionnement qui affecterait le matériel livré et installé à leur domicile.
- Dire et juger que Monsieur Jean-Michel T. et Madame Joëlle T. ne rapportent absolument pas la preuve du préjudice qu'ils ont subi à raison de la faute qu'ils tentent de mettre à la charge de la S.A. CA CONSUMER FINANCE, à défaut de rapporter la preuve qu'ils sont dans l'impossibilité d'obtenir de la société vendeuse le remboursement du capital emprunté que la banque lui avait directement versé.
- Par conséquent, dire et juger que la S.A. CA CONSUMER FINANCE ne saurait être privée de la totalité de sa créance de restitution, compte tenu de l'absence de préjudice avéré pour Monsieur Jean-Michel T. et Madame Joëlle T..
- Par conséquent, condamner Monsieur Jean-Michel T. à rembourser à la S.A. CA CONSUMER FINANCE le montant du capital prêté, déduction faite des paiements d'ores et déjà effectués.
- A défaut, réduire à de bien plus justes proportions le préjudice subi par les Consorts T. et condamner à tout le moins Monsieur Jean-Michel T. à restituer à la S.A. CA CONSUMER FINANCE une fraction du capital prêté, fraction qui ne saurait être inférieure aux deux tiers du capital prêté au titre du crédit affecté litigieux.
- Confirmer le jugement rendu le 08 novembre 2019 par le Tribunal d'Instance de ROUEN en ce qu'il a ordonné la restitution de la somme de 17 900 € par la société AGENCE PREVENTION PROTECTION ENVIRONNEMENT SECURITE INFORMATIQUE ET ISOLANT à la S.A. CA CONSUMER FINANCE.
En tout état de cause,
- Débouter Monsieur Jean-Michel T. et Madame Joëlle T. de l'intégralité de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts complémentaires telles que formulées à l'encontre de la S.A. CA CONSUMER FINANCE en l'absence de faute imputable au prêteur et à défaut de justifier de la réalité et du sérieux d'un quelconque préjudice.
- Condamner solidairement, ou l'un à défaut des autres, Monsieur Jean-Michel T. et Madame Joëlle T. et la Société ISO HOME PROTECT à payer à la S.A. CA CONSUMER FINANCE la somme de 1 500,00 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamner in solidum, ou l'un à défaut des autres, Monsieur Jean-Michel T. et Madame Joëlle T. et la Société ISO HOME PROTECT aux entiers frais et dépens, y compris ceux d'appel dont distraction au profit de Maître Vincent B.-P., Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Elle soulève en substance les moyens suivants :
- le bon de commande est conforme aux dispositions des articles L. 221-5 et L. 111-1 du code de la consommation, ces dispositions n'imposant pas de faire figurer la marque des objets financés ;
- le non-respect de l'article L. 121-23 ancien du code de la consommation, est sanctionné par une nullité relative, susceptible de confirmation. En l'espèce les acquéreurs avaient bien connaissance du vice affectant le bon et ont néanmoins accepté la pose des matériels à leur domicile ;
- aucune preuve d'un dol n'est établie, ni d'une éventuelle faiblesse psychologique ;
- en cas de nullité du contrat de prêt, l'établissement de crédit peut prétendre récupérer auprès de l'emprunteur le capital versé entre les mains du vendeur prestataire,
- il a droit au remboursement des sommes financées, puisqu'il n'a commis aucune faute ;
- avant de débloquer les fonds, le prêteur doit s'assurer de la livraison ou de l'exécution de la prestation, ce qu'il a fait en l'espèce au vu des attestations de fin de travaux versées, mais il n'est pas tenu de s'assurer du bon fonctionnement de l'installation ;
- M. T. ne justifie d'aucun préjudice puisque le matériel a été livré et qu'il fonctionne.
Il est fait renvoi aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 novembre 2020, et l'affaire, plaidée à l'audience du 23 novembre 2020, a été mise en délibéré au 4 février 2021.
MOTIFS
A titre liminaire, il y a lieu de relever que l'intérêt à agir de Mme T. en réparation de son préjudice moral n'est plus contesté.
Il n'y a donc pas lieu à infirmation de ce chef, étant précisé que, comme l'a relevé le tribunal d'instance de Rouen, elle a bien intérêt à solliciter l'indemnisation de son préjudice moral en l'espèce, puisqu'elle justifie de nombreuses démarches personnelles dans le suivi du contentieux impliquant son frère, et soutient que sa signature a été imitée par l'appelante sur un courrier adressé à une entreprise tierce.
Il faut par ailleurs relever que la cour d'appel n'est pas saisie par les demandes en 'dire et juger' des parties, lesquelles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Il n'y a donc pas lieu d'y répondre.
Sur la nullité des contrats
Le tribunal a relevé, par des motifs propres, adoptés par la cour, que l'existence de pratiques commerciales abusives n'était pas démontrée au regard des dispositions des articles L. 121-6 et L. 121-7 du code de la consommation, dès lors que les manœuvres alléguées étaient postérieures à la conclusion du contrat et n'étaient pas établies. Il a relevé, également par motifs adoptés, que le dol n'était pas davantage établi, dès lors que M. T. ne prouvait pas une erreur sur la qualité des biens acquis, puis a prononcé la nullité du contrat de vente sur le fondement de l'obligation d'information qui pèse sur le vendeur professionnel vis-à-vis du consommateur.
Ainsi que l'indique la SA CA CONSUMER FINANCE, sans opposition des autres parties à l'instance, le contrat de vente objet du présent litige est soumis aux dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation.
En application de ce texte, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel doit lui communiquer, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 et L. 112-4 ;
3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
En l'espèce, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal d'instance de Rouen, le bon de commande signé le 6 juillet 2017 souffre de plusieurs imprécisions flagrantes et n'est pas conforme à ce texte.
Il est en effet libellé comme suit :
« fourniture et pose d'un système de sécurité type alarme :
- centrale intérieure
- sirène extérieure
- détecteur d'ouverture
- télécommande
- télé transmetteur pour smartphone
- digicode
- 1 caméra extérieure forfait
- fourniture et pose :
- système de chauffage réversible
- pompe à chaleur air/air
- monospiit
- une unité murale intérieure
- un groupe extérieur
- forfait ».
Outre que la marque des matériels n'est pas précisée, aucune caractéristique technique de fonctionnement et de performance n'est fournie au consommateur aussi bien pour les différents composants du système d'alarme que pour ceux de la pompe à chaleur, dont la taille, le poids, la couleur, la consommation et la puissance ne sont pas indiqués.
Il sera relevé, en outre, qu'aucun délai d'exécution n'est précisé.
Enfin, le prix unitaire des différents composants et de la pose n'est pas davantage distingué, la fourniture et la pose de l'alarme faisant l'objet d'un « forfait » de 10 000 euros pour 8 composants distincts, celui la pompe à chaleur d'un autre « forfait de 7 500 euros pour les 4 composants qu'elle concerne.
Il doit être ajouté que le bon de rétractation joint en pièce n° 6 est illisible.
L'irrégularité du bon de commande est donc établie, au vu des lacunes multiples et flagrantes qu'il comporte.
La SA CA CONSUMER FINANCE relève que l'irrégularité du bon de commande souscrit dans le cadre d'une opération de vente hors établissement est sanctionnée par une nullité relative en application de l'ancien article L. 221-2 du code de la consommation, et que cette nullité est susceptible de confirmation en application de l'article 1182 du code civil.
En application de ce dernier article, l'exécution volontaire du contrat vaut confirmation, mais sous réserve qu'elle s'opère en connaissance de la cause de nullité.
En l'espèce, contrairement à ce que soutient la banque, le bon de commande ne contient aucun rappel des dispositions légales relatives à l'obligation d'information du vendeur.
Il ne résulte d'aucune pièce que M. T. ait eu connaissance des causes de nullité affectant le bon de commande avant l'installation de la pompe à chaleur au mois de juillet 2017, ni même d'ailleurs avant l'introduction de l'instance initiale.
Enfin, M. T. saurait d'autant moins avoir confirmé les causes de nullité qu'il a signalé à l'emprunteur, dès le 20 octobre 2017, que l'alarme n'avait jamais été installée, et le démontre en versant un procès-verbal de constat d'huissier en ce sens, si bien que le contrat n'a été exécuté que partiellement.
Il s'ensuit que la décision du tribunal d'instance doit être confirmée en ce qu'il a prononcé l'annulation du bon de commande et, sur le fondement de l'article L. 312-55 du code de la consommation, l'annulation subséquente de plein droit du contrat de crédit.
Sur les restitutions
L'annulation d'un contrat a pour effet de remettre les choses dans leur état antérieur à sa conclusion.
Les restitutions d'une part, du prix de vente par le vendeur, d'autre part du matériel par l'acquéreur, sont en principe dues pour remise en l'état antérieur à la vente.
Dans les relations entre M. T. et la SA CONSUMER FINANCE, l'annulation du contrat de prêt entraîne en principe la restitution par l'emprunteur du capital prêté, déduction faite des sommes versées à l'organisme préteur sauf à démontrer une faute de celui-ci dans l'exécution de ses obligations. En l'espèce, il est constant que la somme de 17 900 euros a été remise au vendeur et que M. T. n'a effectué aucun versement.
Le tribunal d'instance de Rouen a ordonné la restitution de cette somme par le vendeur directement à la SA CA CONSUMER FINANCE, et non pas à l'emprunteur.
Ainsi que le soulève M. T., ce chef du dispositif n'est pas contesté par la SARL ISO HOME PROTECT qui ne conclut qu'à l'absence de nullité du contrat sans former de demande subsidiaire.
La SA CA CONSUMER FINANCE conclut expressément à la confirmation sur ce point.
Il n'y a donc pas lieu d'infirmer ce chef du dispositif, la cour n'étant saisie d'aucune demande en ce sens.
Les parties ne précisent pas si la restitution des fonds par le vendeur a eu lieu, conformément à la décision de première instance revêtue de l'exécution provisoire, mais la SA CA CONSUMER FINANCE demande en outre, par un chef distinct, que M. T. soit condamné en cause d'appel, à lui payer la même somme en intégralité.
Le prêteur ne peut toutefois pas recevoir en restitution de deux débiteurs différents deux fois la somme qu'il a avancée, étant précisé qu'il ne demande pas leur condamnation solidaire.
Par ailleurs, si dans les relations entre M. T. et la SA CONSUMER FINANCE, l'annulation du contrat de prêt entraîne en principe la restitution par l'emprunteur du capital prêté, il n'y a pas lieu à restitution en cas de faute causant un préjudice à l'emprunteur.
S'il est exact que le contrat de crédit ne met à la charge de l'organisme prêteur aucune obligation de contrôle de la conformité ou de la qualité des prestations effectuées, il n'en demeure pas moins que, ne serait-ce que pour s'assurer de l'efficacité des contrats de crédit souscrits auprès de lui, il se devait de vérifier le respect des dispositions d'ordre public du droit de la consommation. En procédant au déblocage des fonds en dépit des causes de nullité affectant le contrat principal financé qu'il était à même d'apprécier sans recherche approfondie en sa qualité de professionnel du financement de ce type, il a commis une faute.
S'agissant du respect des dispositions des articles L. 311-9 et L. 311-10 du code de la consommation (désormais articles L. 312-16 et L. 312-17 du même code), il appartient au prêteur de rapporter la preuve d'avoir consulté le FICP, ce qu'elle ne fait pas en l'espèce. La banque a donc également agi par négligence fautive lors de la signature du contrat de prêt.
En outre, elle ne pouvait libérer les fonds qu'au vu d'une attestation de fin de travaux suffisamment précise, lui permettant de se convaincre de l'accomplissement complet des dites prestations.
Or, dans le cas présent, l'attestation de fin de travaux, outre que M. T. conteste l'avoir signée, est particulièrement imprécise. Elle se limite à indiquer dans une formule préétablie, que les « travaux sont exécutés », sans préciser lesquels, alors qu'en l'espèce, l'alarme n'avait pas été fournie ni posée. En procédant au déblocage des fonds au vu d'une telle attestation dont le contenu ne lui permettait pas de se convaincre de l'exécution complète du contrat principal, la SA CA CONSUMER FINANCE a là encore commis une faute.
Il y a enfin lieu de relever que ces fautes ont causé un préjudice à M. T..
Ce dernier, né en 1951, démontre en effet qu'il était, à l'époque de la souscription du crédit, déjà surendetté et dans l'incapacité de rembourser ce nouveau crédit, situation causée notamment par la souscription de plusieurs contrats de crédits affectés à des travaux, qu'il avait souscrits manifestement sans en percevoir les implications et sans en avoir la nécessité, pour des montants très importants, dans le cadre d'opérations de démarchage.
Le tribunal a par ailleurs prescrit la reprise du matériel financé par le vendeur, et M. T., qui se voit déjà appauvri de sa valeur, se voit aujourd'hui réclamé en plus le remboursement du financement, alors que la faute de ses deux co-contractants est établie, et que le tribunal a, par décision définitive, prévu la restitution du financement par le vendeur non pas à l'emprunteur, mais directement au prêteur.
Il s'ensuit que la SA CA CONSUMER FINANCE, qui n'établit pas avoir rencontré une quelconque difficulté à obtenir la restitution de la part du vendeur, n'est pas fondée à demander sa condamnation à rembourser les sommes financées.
Sur le surplus des demandes
Il ressort des débats, notamment de l'audition de M. T. par les services de gendarmerie le 8 avril 2018 et des différents échanges de courriers versés, que la SARL ISO HOME PROTECT a abusé de la naïveté de M. T., âgé de 67 ans, afin de lui vendre des prestations dont il n'avait en réalité pas besoin, au bénéfice d'un argumentaire commercial fallacieux et d'un bon de commande manifestement nul.
Cette société a poussé la manipulation jusqu'à lui faire résilier un contrat conclu avec un tiers pour la vente d'un portail, afin de se substituer à cette dernière, en rédigeant directement un courrier à son nom le 22 septembre 2017.
M. T. a ensuite dû entreprendre de nombreuses démarches afin d'être restitué dans ses droits et se trouve poursuivi, jusqu'en cause d'appel, notamment par le prêteur dont la faute est établie.
Cette situation génère un préjudice moral qu'il y lieu d'indemniser par l'octroi d'une indemnité de 1 000 euros, après infirmation quant au quantum, et à laquelle les deux professionnels seront condamnés solidairement.
L'indemnité accordée à Mme T., sœur de l'emprunteur, sera confirmée sur son principe et son montant, soit 100 euros, cette dernière justifiant être intervenue à plusieurs reprises pour soutenir son frère dans ses démarches amiables, notamment vis-à-vis de l'association « Que choisir » et la commission paritaire de médiation de la vente directe.
Compte-tenu de ce qui précède, la demande en dommages et intérêts formée par ISO HOME PROTECT ne peut qu'être rejetée, tout comme celles formées par le prêteur.
Sur les demandes accessoires
Au vu de la solution apportée au litige, il n'y a pas lieu d'infirmer les chefs du dispositif relatifs aux frais irrépétibles et aux dépens.
La SARL ISO HOME PROTECT succombe et sera condamnée aux dépens d'appel, outre une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles des consort T..
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice des autres parties.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile est accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
PAR CES MOTIFS
La cour d'appel de Rouen, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort :
INFIRME la décision querellée en ce qu'elle condamne la SA CA CONSUMER FINANCE et la SA ISO HOME PROTECT solidairement à payer à Monsieur Jean-Michel T. la somme de 500 € au titre de son préjudice moral ;
CONFIRME cette décision pour le surplus des chefs soumis à la cour d'appel ;
STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT
CONDAMNE solidairement la SA CA CONSUMER FINANCE et la SA ISO HOME PROTECT solidairement à payer à Monsieur Jean-Michel T. la somme de 1 000 € au titre de son préjudice moral ;
CONDAMNE la SARL ISO HOME PROTECT aux dépens d'appel ;
CONDAMNE la SARL ISO HOME PROTECT à payer à M. Jean-Michel T. et Madame Joëlle T. la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
REJETTE le surplus des demandes formées.