CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 février 2021, n° 18/28702
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
LPI (SAS)
Défendeur :
SCP BTSG (ès qual.), Agis Systems (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
M. Gilles, Mme Depelley
Avocats :
Me Boccon Gibod, Me Boissson, Me Domain
FAITS ET PROCÉDURE :
La Société LPI exploite à Annecy une discothèque à l'enseigne « Pop Plage ».
La société LPI a eu recours à la SARL AGIS Systems, pour des prestations de surveillance et de sécurité de l'établissement.
Par jugement du 6 octobre 2015, le tribunal de commerce de Chambéry a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société AGIS Systems par jugement du 13 février 2017, cette procédure a été convertie en liquidation, la SCP BTSG, en la personne de M. X, ayant été désignée en qualité de liquidateur.
Invoquant une rupture brutale des relations commerciales établies, la société AGIS Systems a assigné la société LPI devant le Tribunal de commerce de Chambéry, par acte extrajudiciaire du 27 mars 2017.
Par jugement du 16 août 2017, le tribunal de commerce de Chambéry a renvoyé la cause devant le Tribunal de commerce de Lyon.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 29 octobre 2018, le tribunal de commerce de Lyon a :
- condamné la société LPI à payer à la SCP BTSG, prise en la personne de Maître X, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AGIS Systems, une indemnité de 109 328,80 euros ;
- condamné la société LPI à payer à la SCP BTSG, prise en la personne de Maître X, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AGIS Systems, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné la société LPI aux entiers dépens.
La SAS LPI a interjeté appel de cette décision, par déclaration reçue le 21 décembre 2018 au greffe de la présente Cour.
Vu les dernières conclusions signifiées le 14 mars 2019 par la société LPI, par lesquelles il est demandé à la Cour de :
Vu les dispositions de l’article L. 442-6 du Code de commerce,
Vu les disposions de l’article 1231-5 du Code civil,
- Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions comme étant entaché, en tout état de cause, d’une mauvaise appréciation des faits et des circonstances de la cause.
Statuant de nouveau,
Sur la rupture des relations commerciales
A titre principal :
- Débouter la société AGIS Systems de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société LPI au motif d’une rupture brutale des relations commerciales, comme étant infondées et injustifiées, dans la mesure où cette dernière ne justifie pas de relations commerciales établies.
A titre subsidiaire :
- Débouter la société AGIS Systems de l'ensemble de ses demandes à l’encontre de la société LPI relative à la rupture brutale des relations commerciales, comme étant infondées et injustifiées, dans la mesure où cette dernière ne justifie pas de l'existence d'un préjudice lié à la rupture des relations commerciales.
A titre infiniment subsidiaire :
- Dire et juger que la durée du préavis était de 3 mois, conformément à la jurisprudence constante ;
- Dire et juger que le montant des dommages et intérêts accordés à la société AGIS Systems du fait de la rupture brutale de ses relations commerciales entretenues avec la société LPI ne saurait excéder la somme de 20 369,20 euros
Sur la violation de la clause de non-sollicitation
A titre principal :
- Dire et juger que la société AGIS Systems n'est pas recevable à se prévaloir de la clause pénale prévue à l'article 7 du contrat de prestations régularisé le 1er avril 2015, dans la mesure où elle n’a pas fait précéder son action d’une mise en demeure de respecter ladite clause.
A titre subsidiaire :
- Modérer la pénalité ainsi convenue entre les parties au titre de la clause pénale, dans la mesure où celle-ci est manifestement excessive.
En tout état de cause :
- Fixer au passif de la société AGIS Systems les entiers dépens.
Vu les dernières conclusions signifiées le 28 mai 2019 par la société BTSG, par lesquelles il est demandé à la Cour de :
Vu l’article L 442-6 du Code de Commerce, 7 du contrat du 1er avril 2015,
- Confirmer le jugement déféré du 29 octobre 2018,
En conséquence,
- Condamner la SAS LPI à payer à la Société BTSG prise en la personne de Maître X, agissant ès qualités de liquidateur de la SARL AGIS systems, la somme de 109 328,80 euros (90 825,65 + 18 503,15) à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir.
- Déclarer irrecevables et mal fondées toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;
- Condamner la SAS LPI à payer à la Société B. T.S. G prise en la personne de Maître X, agissant ès qualités de liquidateur de la SARL AGIS systems la somme de 3 000,00 euros en application de l'Article 700 du Code de procédure civile, et les dépens.
SUR CE
LA COUR
- Sur le caractère établi des relations commerciales
L'appelante soutient que l'intimée n'a travaillé pour elle que depuis 2013 et non depuis 2010, le Tribunal ayant selon elle opéré une confusion entre deux sociétés distinctes.
Elle soutient qu'elle faisait travailler une pluralité de sociétés de sécurité et de surveillance, mais qu'à compter d'avril 2015 elle a entendu ne travailler plus qu'avec une seule société. Elle explique que c'est pourquoi elle a conclu un contrat exclusiXvec la société AGIS Systems, faisant valoir qu'il a été stipulé une durée déterminée de 7 mois sans clause de reconduction. Elle soutient donc que la relation entretenue entre les parties a été ponctuelle.
L'appelante soutient que le non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée conclu ponctuellement relève de la liberté commerciale et ne peut constituer une rupture brutale de relations commerciales établies.
L'intimée soutient qu'Y puis la société AGIS Systems ont à chaque fois et depuis 2010 noué des relations commerciales périodiques « avec le représentant de la société LPI », ce « exclusivement par l'intermédiaire de M. Z, exploitant individuel d'Y puis gérant de la SARL AGIS sécurité », de sorte que l'ensemble des relations doivent être considérées, soit des relations commerciales établies depuis 2010, entre le 1er avril et le 31 octobre de chaque année. Elle soutient que ces relations étaient stables et exclusives et qu'elles ont été brutalement rompues sans préavis écrit en avril 2016.
Sur ce :
Il résulte des propres attestations d'expert-comptable produites par le liquidateur de la société AGIS Systems que celle-ci n'a réalisé de chiffre d'affaires avec la société LPI qu'à compter de 2013.
Le contrat établi par les parties le 1er avril 2015 expose que le société AGIS Systems et non M. Z son gérant - est titulaire d'une autorisation d'exercer délivrée le 4 juillet 2014 par le Conseil national des activités privées de sécurité pour des activités de surveillance ou de gardiennage.
Aucun élément produit aux débats ne permet de retenir que la société LPI a eu l'intention de situer la relation commerciale initiée en 2013 avec la société AGIS Systems dans la continuité des relations antérieures, qui s'étaient développées avec une entité juridique différente dénommée par l'expert-comptable, dans l'attestation produite, tantôt « M. Z - Y », tantôt : « la société Y, alors que l'intimé expose que M. Z a été exploitant individuel d'Y puis gérant de la SARL AGIS Systems.
Il n'est pas établi par les pièces produites ni que ce fut avec M. Z en qualité d'entrepreneur individuel que les relations avant 2013 ont été conclues, ni même que M. Z ait été immatriculé à titre individuel au registre du commerce et des sociétés pour l'activité de prestataire de sécurité.
Par conséquent, les relations commerciales antérieures à celles initiées en 2013 ne peuvent être retenues.
Le jugement sera donc nécessairement réformé sur ce point.
En outre, il est constant que les prestations commandées à la société AGIS Systems en 2013, 2014 et 2015 par la société LPI ont duré à chaque fois quelques mois seulement.
Il n'est pas prouvé qu'en 2013 et 2014 les parties aient été liées par un même contrat périodique. La Cour retiendra donc que ces relations ont été ponctuelles et que rien ne permettait d'assurer à la société AGIS Systems que la commande serait renouvelée pour l'année suivante.
S'agissant de l'année 2015, lorsqu'est venu à échéance le contrat écrit de prestation de service stipulé, sans clause de reconduction, pour la durée déterminée allant du 3 avril 2015 au 31 octobre 2015, rien ne prouve que la société AGIS Systems, contrairement à ce que celle-ci soutient, pouvait légitimement s'attendre à ce qu'elle bénéficierait d'un nouveau contrat à partir du mois d'avril 2016.
Dans ces conditions, la Cour ne peut retenir de rupture de relation commerciale établie en avril 2016, de sorte que la demande en indemnité de ce chef sera rejetée.
- Sur la demande au titre de la clause de non-sollicitation
Le contrat du 1er avril 2015 litigieux comporte à l'article 7 une clause par laquelle la société LPI a renoncé à engager ou à faire travailler, directement ou par personne morale interposée, tout collaborateur, employé, salarié, préposé de la société AGIS Systems, clause stipulée valable pendant les six mois suivant l'expiration du contrat, sous peine de versement « sans délai » d'une somme forfaitaire égale à la rémunération brute que le collaborateur a perçue dans les six mois précédent son départ.
Il est constant qu'en avril 2016, soit moins de 6 mois après le terme du contrat survenu le 31 octobre 2015, la société LPI a employé deux agents de sécurité faisant partie du personnel de la société AGIS Systems
A supposer que l'assignation non produite n'ait pas valu mise en demeure en l'espèce, dès lors que la clause pénale elle-même dispense la société AGIS Systems de procéder à une mise en demeure préalable au versement de la pénalité contractuelle, la société LPI soutient vainement, sur le fondement des dispositions de l'article 1235-1 du code civil issues de l'ordonnance du 10 février 2016 - qui ne sont d'ailleurs pas applicables en l'espèce eu égard à la date du contrat, qui est antérieure à l'entrée en vigueur du nouveau texte - que la demande au titre de la clause pénale n'est pas recevable faute de mise en demeure préalable.
La demande au titre de la clause pénale est donc recevable, le jugement devant être confirmé sur ce point.
Les premiers juges ont encore exactement retenu, par des motifs exacts que la Cour adopte que la peine stipulée s'évalue en l'espèce à la somme de 18 503,15 euros pour les deux salariés.
S'agissant de la demande de modération de la clause pénale, la Cour considère que rien en l'espèce ne permet de dire que la somme de 18 503,15 euros est manifestement excessive au regard du préjudice réellement subi, alors que la société AGIS Systems était en redressement judiciaire quand la société LPI a eu directement recours aux services des deux salariés de son ancien prestataire, sans la prévenir pour autant ni lui régler l'indemnité prévue au contrat.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur la clause pénale.
- Sur les frais
Le surplus du jugement entrepris sera confirmé.
Si chacune des parties succombe en appel en une partie de ses prétentions, la société LPI sera néanmoins condamnée, en équité, à verser au liquidateur ès qualités une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dont le montant sera précisé au dispositif du présent arrêt.
La société LPI supportera la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a condamné la société LPI à payer au liquidateur de la société AGIS Systems une somme de 109 328,80 euros au titre de la rupture brutale de relations commerciales établies,
Pour le surplus,
Confirme le jugement entrepris
Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute le liquidateur de la société AGIS Systems de sa demande au titre de la rupture brutale de relations commerciales établies,
Condamne la société LPI à payer à la société BTSG en sa qualité de liquidateur de la société AGIS Systems une somme complémentaire de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
Condamne la société LPI aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.