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Décisions

ADLC, 22 décembre 2020, n° 20-DCC-191

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à la prise de contrôle exclusif de la société Euro Information Telecom (EIT) par la société Bouygues Telecom

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Vice-Président :

M. Combe

ADLC n° 20-DCC-191

22 décembre 2020

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé le 23 octobre 2020 au service des concentrations et déclaré complet le 9 novembre 2020 relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Euro Information Telecom (EIT) par la société Bouygues Telecom, formalisée par un contrat de cession en date du 23 septembre 2020 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les engagements déposés  le  3  décembre  2020  et  modifiés  en  dernier  lieu  le 18 décembre 2020 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :

Résumé1

Le 23 octobre 2020, Bouygues Telecom a notifié à l’Autorité son projet d’acquérir le contrôle exclusif de la société Euro Information Telecom (ci-après « EIT »), considéré comme l’un des principaux opérateurs virtuels de téléphonie mobile en France. EIT est une filiale du groupe* Crédit Mutuel, spécialisée dans les services de téléphonie mobile. EIT commercialise des offres de téléphonie mobile auprès du grand public sous cinq marques : NRJ Mobile, Auchan Télécom, Cdiscount Mobile, CIC Mobile et Crédit Mutuel Mobile. Fin 2019, EIT commercialisait ses offres auprès de 2 millions de clients. EIT distribue ses offres, notamment, dans les caisses et* agences du réseau bancaire du groupe Crédit Mutuel. EIT exerce, par ailleurs, une activité d’agrégateur auprès d’opérateurs de téléphonie mobile principalement actifs auprès des entreprises.

L’opération notifiée consiste en la conclusion d’un contrat de cession du capital et des droits de vote d’EIT à Bouygues Telecom. Elle s’accompagne de la signature d’un accord de distribution des offres de Bouygues Telecom et d’EIT au sein du réseau des 4 200 caisses et* agences bancaires du groupe* Crédit Mutuel (dont les agences CIC*).

Bouygues Telecom et Caisse Fédérale de Crédit Mutuel se sont, en effet, accordés pour conclure un contrat organisant la distribution des offres d’EIT et de Bouygues Telecom par le réseau bancaire du groupe* Crédit Mutuel pour une durée potentielle de [confidentiel] ans, assortie d’une période d’exclusivité de [confidentiel] ans. Aux termes de ce contrat, des offres de Bouygues Telecom seront commercialisées dans les 4 200 caisses et* agences du groupe* Crédit Mutuel.

Les activités des parties se chevauchent principalement sur les marchés de gros de l’accès et du départ d’appel sur les réseaux téléphoniques mobiles (ci-après, « l’offre de gros ») et sur les marchés de la distribution des produits et des services de téléphonie mobile. En effet, EIT, en plus de commercialiser une offre mobile directement auprès des consommateurs finals, commercialise une offre de gros auprès de [0-100] opérateurs virtuels.

Afin d’apprécier les effets de cette opération de concentration, l’Autorité a procédé à une analyse concurrentielle approfondie permettant d’évaluer les conséquences de l’opération sur les marchés concernés. L’Autorité a ainsi analysé les effets de l’opération sur la structure de ces marchés, en se fondant sur sa pratique décisionnelle, des études économiques, des documents internes et plusieurs études fournis par la partie notifiante, ainsi que sur des tests de marché et des auditions réalisés auprès des acteurs du secteur (concurrents, clients et association d’opérateurs télécoms) et de l’ARCEP.

L’Autorité a pu écarter tout risque d’atteinte à la concurrence au titre des effets horizontaux de l’opération sur le marché de la distribution.

L’Autorité a également procédé à un examen approfondi des risques de réduction significative de la concurrence sur le marché de l’offre de gros.

Il ressort de cette analyse que la concentration projetée est de nature à modifier substantiellement la structure de la concurrence en matière d’offre de gros à destination des opérateurs virtuels commercialisant leurs offres auprès des entreprises. En effet, l’Autorité a identifié un risque de disparition de l’offre proposée par EIT auprès de certains opérateurs virtuels, entraînant, notamment, un risque de verrouillage de l’accès à ce marché pour ces opérateurs.

Afin de répondre à cette préoccupation, Bouygues Telecom a souscrit des engagements intégrés à la présente décision, visant à assurer, à l’issue de l’opération, le maintien d’une offre équivalente à l’offre actuelle d’EIT.

Cette proposition d’engagements a fait l’objet d’un test de marché auprès des clients d’EIT concernés et une version modifiée a été acceptée par l’Autorité.

Au final, au vu des engagements qui conditionnent sa décision, l’Autorité a autorisé l’opération.

I. LES ENTREPRISES CONCERNÉES ET L’OPÉRATION

1. Bouygues Telecom est une filiale de Bouygues SA, société à la tête du groupe Bouygues. Elle est active dans le secteur des communications électroniques : téléphonie fixe et mobile et offres d’accès à Internet haut et très haut débit. Dans le secteur de la téléphonie mobile, Bouygues Telecom exerce ses activités en tant qu’opérateur de réseau mobile ou Mobile Network Operator (opérateur mobile possédant les fréquences et les infrastructures de réseau de téléphonie mobile, ci-après « MNO »). Fin 2019, Bouygues Telecom commercialisait ses offres de détail auprès de 11,7 millions de clients. Bouygues Telecom commercialise également une offre de gros auprès de trois opérateurs virtuels mobiles (ou Mobile Virtual Network Operators, ci-après « MVNO ») s’appuyant sur les ressources des MNO : Lycamobile, Lebara et EIT. Fin 2019, cette activité représentait [0-5] millions de lignes téléphoniques.

2. Euro Information Telecom (ci-après « EIT ») est contrôlée par Euro-Information, filiale du groupe* Crédit Mutuel spécialisée dans la technologie financière. EIT est un MVNO qui dispose de ses propres éléments de cœur de réseau, ce qui en fait un opérateur dit « Full MVNO » ou MVNO intégré. EIT se fournit en temps de communication auprès de trois MNO (Orange, SFR et Bouygues Telecom) et commercialise auprès du grand public des offres de téléphonie mobile sous cinq marques : NRJ Mobile, Auchan Télécom, Cdiscount Mobile, CIC Mobile et Crédit Mutuel Mobile. Fin 2019, EIT commercialisait ses offres auprès de 2 millions de clients. EIT distribue ses offres, notamment, dans les caisses et* agences Crédit Mutuel et CIC* du réseau bancaire du groupe Crédit Mutuel (ci-après « réseau bancaire* CM-CIC »).

3. EIT exerce également une activité d’agrégateur de produits et de services téléphoniques mobiles virtuels autrement appelé Mobile Virtual Network Aggregator (ci-après « MVNA ») auprès de MVNO principalement actifs auprès des entreprises, qui représentait [0-500 000] lignes téléphoniques fin 2019. Dans le cadre de cette activité, EIT permet à ses clients MVNO de choisir le réseau sur lequel ils souhaitent héberger les communications de leurs clients entre les réseaux d’Orange, SFR et Bouygues Telecom.

4. L’opération notifiée consiste en l’acquisition par Bouygues Telecom du capital et des droits de vote d’EIT, et en un contrat de distribution des offres de Bouygues Telecom et d’EIT au sein du réseau physique et digital de caisses et* d’agences bancaires du groupe Crédit Mutuel.

5. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif d’EIT par Bouygues Telecom, l’opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

6. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros (Bouygues Telecom : 37 929 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2019 ; EIT : [≥ 75 millions] d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros (Bouygues Telecom : 22 467 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2019 ; EIT : [≥ 15 millions] d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. DÉLIMITATION DES MARCHÉS PERTINENTS

7. Les parties sont simultanément actives sur les marchés de la téléphonie mobile (A), des télécommunications fixes, hors téléphonie (B), et de la télévision payante (C)2.

A. LES MARCHÉS DE LA TÉLÉPHONIE MOBILE

8. S’agissant des marchés de la téléphonie mobile, les parties sont simultanément actives sur les marchés de gros de l’accès et du départ d’appel sur les réseaux téléphoniques mobiles (1), de détail de la téléphonie mobile (2) et de la distribution des produits et des services de téléphonie mobile (3).

1. LES MARCHÉS DE GROS DE L’ACCÈS ET DU DÉPART D’APPEL SUR LES RÉSEAUX TÉLÉPHONIQUES MOBILES

a) Les marchés de produits et de services

9. L’Autorité3 et la Commission européenne4 définissent le marché de gros de l’accès et du départ d’appel sur les réseaux téléphoniques mobiles (ci-après « l’offre de gros ») comme celui regroupant les prestations fournies par les opérateurs de réseau mobile hôtes disposant d’une licence d’exploitation et d’un réseau mobile ad hoc (MNO) aux opérateurs virtuels ne disposant pas d’une telle licence et d’un réseau (MVNO), afin de permettre à ces derniers de fournir des services de téléphonie mobile.

10. Selon la pratique du droit de l’Union, des opérateurs qualifiés d’agrégateurs (MVNA) interviennent également comme demandeurs et offreurs sur le marché, en tant qu’intermédiaires entre les MNO et les MVNO. Un agrégateur achète ainsi des prestations (voix, SMS, MMS, données) à un MNO pour les revendre à des MVNO, sans que ces derniers n’aient besoin de signer de contrat directement avec un MNO (voir le schéma ci-après).

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SI : système d’information

Centrex : service de commutation privée fourni par un exploitant public à partir de ses ressources générales de commutation. Il évite ainsi à une entreprise de posséder son propre autocommutateur. Dispositif technique permettant la convergence fixe-mobile

VMS : « Voice Messaging Service »

Cœur de réseau : le cœur de réseau, également appelé́ réseau général, correspond à l’ensemble des supports de transmission et de commutation d’un réseau.

11. En l’espèce, Bouygues Telecom, en tant que MNO, commercialise son offre de gros auprès de trois clients MVNO : EIT, Lebara et Lycamobile. Fin décembre 2019, cette activité représentait [0-5] millions de lignes téléphoniques.

12. De son côté, EIT, en tant que MVNO, se fournit en temps de communication auprès de trois MNO (Orange, SFR et Bouygues Telecom) et commercialise des offres de téléphonie mobile sous cinq marques, essentiellement à la clientèle résidentielle : NRJ Mobile, Auchan Télécom, Cdiscount Mobile, CIC Mobile et Crédit Mutuel Mobile. Fin décembre 2019, EIT commercialisait ces offres auprès de 2 millions de clients.

13. EIT exerce, par ailleurs, une activité de MVNA auprès de [0-100] MVNO, principalement actifs auprès de la clientèle « entreprises ». EIT est, en effet, un full MVNO5. Cela signifie qu’elle dispose de son propre cœur de réseau, ce qui lui permet de fournir certaines prestations spécifiques (comme la terminaison d’appel) et d’animer sa propre politique tarifaire. Sa qualité de full MVNO lui permet également de se positionner comme intermédiaire entre les MNO et les MVNO. Elle prend alors à sa charge l’achat de prestations d’accès auprès d’un MNO pour ensuite revendre à des MVNO des services dits de « bout en bout ». Dans le cadre de cette activité, EIT permet à ses clients MVNO de choisir le réseau sur lequel ils souhaitent héberger les communications de leurs clients entre les réseaux d’Orange, SFR et Bouygues Telecom. Fin décembre 2019, cette activité représentait [0-500 000] lignes téléphoniques.

14. L’instruction a révélé qu’EIT fournit des avantages stratégiques à ses clients MVNO et ce, à plusieurs titres. Premièrement, EIT n’est quasiment pas un concurrent direct de ses clients MVNO s’agissant de la clientèle « entreprises », contrairement aux MNO. Deuxièmement, les solutions techniques développées par EIT sont difficilement réplicables par un opérateur alternatif sans disposer d’un volume de clients suffisant pour financer les investissements.

Troisièmement, EIT participe à la modélisation et à la négociation de ses offres avec ses clients MVNO afin de leur fournir une offre sur-mesure, adaptée à la clientèle « entreprises ». Enfin quatrièmement, EIT apparaît comme un acteur œuvrant à la diversification des offres à destination des MVNO et à l’innovation. Dans ce sens, l’ARCEP s’inquiète de la disparition d’une offre innovante, non encore commercialisée, fondée sur la technique inédite du multiroaming, qu’EIT était la seule à même de déployer6.

15. Mais au-delà de la question de la singularité de l’offre proposée par EIT, l’Autorité s’est interrogée sur l’existence d’un marché de gros spécifique, regroupant les prestations qui sont fournies aux MVNO proposant leurs offres aux entreprises7, par les opérateurs MVNA disposant d’un cœur de réseau8, à l’instar des offres fournies par EIT.

16. En effet, la quasi-totalité des répondants aux tests de marché, à la fois clients et concurrents d’EIT, considère que le cœur de réseau est essentiel à l’offre d’un MVNA, en ce qu’elle lui permet à la fois de maîtriser sa politique tarifaire et de proposer une offre spécifique aux petits MVNO, tant en termes de prix qu’en termes de qualité. L’offre d’EIT, en tant que MVNA disposant d’un cœur de réseau, est, en effet, principalement commercialisée auprès de petits opérateurs MVNO, c’est-à-dire requérant peu de lignes. Il en va de même des autres MVNA présents sur le marché, tels que Transatel, Alphalink, ou Sewan qui sont également susceptibles de proposer des tarifs intéressants aux petits opérateurs.

17. A contrario, l’instruction a révélé que l’offre de gros de Bouygues Telecom est, à ce jour, conçue pour des MVNO importants en termes de nombre de lignes, disposant déjà d’équipements de cœur de réseau, qui nécessitent donc des raccordements très sécurisés avec le MNO et tournés vers la clientèle résidentielle. Il en va de même des offres de gros d’Orange et de SFR9. Dans ce sens, lors de son audition, le Club des Dirigeants Réseaux et Télécoms (ci- après « CDRT ») a expliqué que les MNO ne proposent pas, aujourd’hui, d’offre intéressante pour les petits MVNO : « Un MVNO qui voudrait développer une offre de « full MVNO » avec Orange doit réaliser un investissement d’un million d’euros, sans compter le temps/homme nécessaire à cette opération. EIT permet aux MVNO de disposer d’un service équivalent à moins de 100 000 euros ».

18. Le profil de la clientèle des MVNA se distingue ainsi nettement de celui de la clientèle des MNO.

19. Plus encore, en 2013, l’Autorité relevait déjà que « les MVNO ont contribué à animer le marché et à diversifier l’offre grâce à leur capacité à innover et à explorer de nouveaux segments de clientèle »10. En ce sens, le test de marché a révélé que les MVNO clients des MVNA ont développé des offres innovantes à destination des entreprises, telles que les offres mobiles destinées à être utilisées par des « applications métiers » spécifiques, sur des assistants personnels électroniques (ou Personal Digital Assistants) durcis, des tablettes, des douchettes, des écrans d’affichage, des capteurs divers, des routeurs, etc. Dans ce contexte, les offres mobiles font partie intégrante de la solution technique proposée au client final. L’instruction a également révélé que l’offre auprès des entreprises, proposée par les MVNO clients des MVNA, est particulièrement importante pour cette catégorie de clientèle, cette offre constituant un outil indispensable à la « convergence technologique », c’est-à-dire à l’association de l’offre mobile aux outils dits « connectés »11. Un client MVNO d’EIT estime ainsi qu’« avec la convergence IT – Télécom et la demande de solutions globales des entreprises, EIT a permis à de nombreux acteurs de la digitalisation de développer une offre mobile attractive avec un haut niveau de services, des solutions de réseaux privés et de premières offres de convergence ». L’offre des MVNA n’apparaît, à ce titre, pas substituable à celle des MNO. En ce sens, plusieurs répondants aux tests de marché ont expliqué que « ce marché est trop spécifique pour intéresser les MNO ».

20. Il ressort ainsi de l’instruction que les MNO sont peu présents auprès de cette catégorie particulière de MVNO et n’ont pas été à l’origine du développement de ce type d’offre, ce qui démontre l’intérêt et la singularité d’une offre de gros, alternative à celle des MNO en termes d’innovation et au bénéfice du consommateur final. En effet, comme le rappelait l’Autorité dans son avis n° 13-A-02 du 21 janvier 2013 relatif à la situation des opérateurs de réseaux mobiles virtuels (MVNO) sur les marchés de la téléphonie mobile en France, les « MVNO jouent un rôle essentiel dans l’animation du marché en contribuant, notamment, à enrichir l’offre proposée aux consommateurs » (voir le communiqué de presse du 21 janvier 2013).

21. En conséquence, l’Autorité mènera son analyse concurrentielle sur le marché de gros regroupant les prestations fournies par les MVNA disposant d’un cœur de réseau aux MVNO proposant une offre mobile à leur clientèle « entreprise ».

b) Le marché géographique

22. La Commission européenne retient une dimension nationale du marché de gros de l’accès et du départ d’appel sur les réseaux téléphoniques mobiles12.

23. En France, l’Autorité opère une segmentation entre la métropole et les départements et collectivités d’outre-mer13. Le test de marché mené par l’Autorité ne remet pas en cause cette délimitation.

24. Pour les besoins de l’opération, l’analyse concurrentielle a été menée au niveau national.

2. LE MARCHÉ DE DÉTAIL DE LA TÉLÉPHONIE MOBILE

a) Le marché de produits et de services

25. La Commission européenne14 et l’Autorité15 définissent le marché de détail de la téléphonie mobile comme étant celui sur lequel se rencontrent, d’une part, une offre émanant des MNO et des MVNO pour la fourniture de services de téléphonie mobile et, d’autre part, une demande constituée des clients finaux, qu’il s’agisse de particuliers ou de professionnels.

26. Les autorités de concurrence ont envisagé de segmenter ce marché selon la clientèle visée et le type d’offre.

Segmentation selon la clientèle visée

27. Dans des décisions antérieures, l’Autorité a considéré qu’il n’était pas pertinent de subdiviser le marché de détail de la téléphonie mobile selon la nature de la clientèle, en particulier pour des raisons de substituabilité du côté de l’offre16.

28. La pratique décisionnelle plus récente a envisagé, tout en laissant la question ouverte, de segmenter le marché de détail de la téléphonie mobile en fonction des catégories de clientèle au regard des différences de prix et de commercialisation17.

29. À ce jour, l’Autorité n’a jamais procédé à une telle segmentation mais en tient compte lors de l’analyse concurrentielle18.

30. Il en va de même pour la Commission européenne qui n’a pas segmenté le marché de détail de la téléphonie mobile entre clients résidentiels, d’une part, et clients professionnels, d’autre part. Dans sa pratique décisionnelle récente19, la Commission européenne reconnaît avoir envisagé une telle segmentation avant de conclure à l’existence d’un marché unique de détail pour les clients professionnels et résidentiels.

31. Au cas présent, la délimitation exacte du marché peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelle que soit la segmentation retenue.

Segmentation selon le type d’offre

Forfaits et cartes prépayées

32. L’Autorité et la Commission européenne n’ont jamais segmenté le marché de détail de la téléphonie mobile entre forfaits (ou offres postpayées) et cartes prépayées (ou offres prépayées)20.

33. À la différence de l’Autorité, la Commission européenne a eu l’occasion d’analyser séparément le segment des offres postpayées lors de l’analyse concurrentielle21.

34. Au cas présent, la délimitation exacte du marché peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées quelle que soit la segmentation retenue.

Offres premium et offres « Sim-only Web-only »

35. Dans le contexte de l’entrée sur le marché de Free Mobile, les trois MNO historiques ont lancé des offres sous des marques commercialisées uniquement en ligne : Sosh pour Orange, B&You pour Bouygues Telecom et Red pour SFR.

36. Ces marques proposent des services de téléphonie mobile seulement avec une carte Sim et seulement sur Internet, dits « Sim-only Web-only » (SoWo). Les offres SoWo sont des offres sans engagement et sans terminaux subventionnés, proposées à des prix inférieurs à ceux pratiqués sur les offres traditionnelles d’Orange, Bouygues Telecom et SFR, qui comportent le subventionnement d’un terminal et une période d’engagement de 12 ou 24 mois (dites offres premium).

37. À ce jour, la pratique décisionnelle européenne et nationale n’a pas envisagé de segmenter le marché entre les offres SoWo et les offres premium.

38. Au cas présent, la délimitation exacte du marché peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelle que soit la segmentation retenue.

b) Le marché géographique

39. Selon une pratique décisionnelle constante, le marché de détail de la téléphonie mobile est de dimension nationale, le territoire métropolitain devant être distingué des départements et collectivités d’outre-mer22.

3. LE MARCHÉ DE LA DISTRIBUTION DES PRODUITS ET DES SERVICES DE TÉLÉPHONIE MOBILE

a) Le marché de produits et de services

40. L’Autorité définit le marché de la distribution de produits et services de téléphonie mobile comme un marché global, qui regroupe la vente de temps de communication, de terminaux de téléphonie mobile et d’autres services aux consommateurs finaux en points de vente physiques23.

41. Elle précise également de manière constante que, sur ce marché, les distributeurs sont soit

« monomarques » (distribution des offres d’un seul opérateur), soit « multimarques » (distribution des offres de plusieurs opérateurs) avec un degré de spécialisation plus ou moins important24.

42. Elle présente enfin les différents canaux de distribution, tout en rappelant que la pratique décisionnelle n’a pas segmenté le marché global de la distribution de produits et services de téléphonie mobile selon ces différents canaux25, sauf en outre-mer, pour les marchés de La Réunion et de Mayotte26 :

- réseaux intégrés des opérateurs de téléphonie mobile ;

- réseaux monomarques spécialisés liés, sans être intégrés, aux opérateurs de téléphonie mobile par un partenariat exclusif ou quasi-exclusif ;

- réseaux monomarques non-spécialisés (comme les bureaux de La Poste ou les caisses et* agences Crédit Mutuel et* CIC) ;

- réseaux multimarques spécialisés, qu’il s’agisse de spécialistes télécom ou de grandes surfaces spécialisées (tels que notamment Fnac ou Boulanger), intégrés ou non à des groupes de distribution ;

- réseaux multimarques généralistes ;

- réseaux de vente à distance (Internet, vente par téléphone, vente directe)27.

b) Le marché géographique

43. L’Autorité considère de manière constante que l’analyse doit être menée, d’une part, au niveau national, en distinguant toutefois les départements et territoires d’outre-mer compte tenu de leurs particularités locales28, et, d’autre part, au niveau local, compte tenu, notamment, du fait que les opérateurs de téléphonie mobile développent constamment leur propre réseau de distribution, avec une volonté de maîtriser davantage la distribution de leurs produits et services29.

44. S’agissant de la dimension locale, la pratique décisionnelle prend en considération des zones de chalandise définies en tenant compte du territoire de la commune sur laquelle sont établis les points de vente et en envisageant une distinction entre magasins implantés en centre-ville et magasins implantés en centre commerciaux.

45. En l’espèce, Bouygues Telecom considère que le référentiel des communes doit être nuancé dans certains cas, en particulier dans les communes de petite taille et à Paris. Bouygues Telecom relève en particulier à cet effet que la proportion des clients de ses points de vente résidant dans la commune d’implantation des points de vente est limitée à [confidentiel] %, et même [confidentiel] % pour les communes de moins de 5 000 habitants.

46. En substitution de la méthode précédente, les lignes directrices de l’Autorité relatives au contrôle des concentrations (ci-après, « les lignes directrices ») évoquent la possibilité́ de se référer au « comportement réel des consommateurs sur une zone donnée à travers les informations collectées par les points de vente sur la localisation de leurs clients » (paragraphe 545). Les lignes directrices ajoutent à ce même paragraphe que « la zone de chalandise réelle d’un point de vente peut ainsi être assimilée à celle qui regroupe les consommateurs représentant un certain pourcentage du chiffre d’affaires de ce point de vente, ou à défaut, un certain pourcentage de l’ensemble des clients de ce point de vente. L’application de cette méthode « d’empreinte réelle » permet d’obtenir une photographie précise des clients sur lesquels le magasin exerce une attraction ». L’Autorité peut donc s’appuyer sur des empreintes réelles, qui consistent à agréger les zones géographiques de résidence des clients les plus proches du point de vente étudié, jusqu’à ce que l’ensemble des zones prises en compte représente un certain pourcentage, par exemple 80 %, des clients du point de vente30. On parle alors d’empreintes réelles « par collection ».

47. En l’espèce, la partie notifiante a présenté les parts de marché des points de ventes des parties concernés par des chevauchements, selon l’empreinte réelle des points de vente concernés suivant le critère de proximité en distance et suivant le critère de proximité temporelle suite à un trajet par la route.

48. Conformément à la pratique de l’Autorité en la matière, les zones de chalandise retenues aux fins des analyses locales seront les empreintes réelles par collection suivant le critère de proximité temporelle par la route.

B. LES MARCHÉS DE L’ACCÈS À INTERNET

S’agissant des marchés de l’accès à Internet, les parties sont actives sur le marché de détail de l’accès à Internet (1) et le marché de la distribution d’offres d’accès à Internet (2).

1. LE MARCHÉ DE DÉTAIL DE LA FOURNITURE D’ACCÈS À INTERNET

a) Les marchés de produits et de services

49. La pratique décisionnelle de l’Autorité délimite le marché de détail de la fourniture d’accès à Internet comme suit :

« Sur le marché de détail de la fourniture d’accès à Internet fixe, l’offre des fournisseurs d’accès à Internet rencontre la demande des consommateurs finals (ou clientèle « de masse », selon la terminologie de l’ARCEP). Ce marché comprend non seulement les offres d’accès à internet au sens strict, mais également les offres incluant, en sus de l’accès Internet, des offres de téléphonie fixe (2P) ou d’accès à des services de télévision (3P), voire un service de téléphonie mobile (4P) »31.

50. L’Autorité a envisagé plusieurs segmentations au sein de ce marché selon l’intensité du débit, le type de clientèle ou encore le type de services offerts.

Segmentation selon l’intensité du débit

51. La pratique décisionnelle distingue le marché de la fourniture d’accès à Internet bas débit (via le réseau téléphonique commuté) et le marché de la fourniture d’accès à Internet HD et THD (via les technologies du câble, de l’ADSL et de la fibre)32.

52. L’Autorité a envisagé à plusieurs reprises une segmentation plus fine de ce marché distinguant entre les offres HD et THD, tout en laissant la question ouverte.

53. La pratique décisionnelle la plus récente reconnaît que la différenciation entre les offres HD et THD se renforce, sans toutefois trancher la question.

54. En tout état de cause, l’Autorité effectue l’analyse concurrentielle sur le segment des offres THD du marché de détail de la fourniture d’accès à Internet haut et très haut débit33.

55. S’agissant de l’intensité du débit, ni Bouygues Telecom ni EIT ne sont actives sur le segment de marché du bas débit, par ailleurs en voie d’extinction. Bouygues Telecom et EIT sont actives sur le marché global de la fourniture d’accès à Internet HD et THD ainsi que sur le segment potentiel du THD. Ces marchés ainsi que ce segment sont donc concernés par l’opération.

Segmentation selon le type de clientèle

56. La pratique décisionnelle distingue, au sein du marché de la fourniture au détail d’accès à Internet, la clientèle résidentielle de la clientèle professionnelle34.

57. Selon l’Autorité, la clientèle « entreprises » présente également des spécificités en ce qu’elle est plus sensible à la qualité de service, notamment en ce qui concerne les temps de rétablissement. Le reste de la clientèle professionnelle a des besoins plus proches de ceux de la clientèle résidentielle et bénéficie de services standardisés.

58. L’Autorité relève que les frontières de chacune de ces catégories sont difficiles à établir35. Sa pratique décisionnelle la plus récente laisse ouverte la question de l’inclusion de la clientèle professionnelle dans le marché spécifique aux entreprises36.

59. S’agissant du type de clientèle, Bouygues Telecom et EIT sont actives tant sur le segment de la clientèle résidentielle que sur celui de la clientèle professionnelle. Ces deux segments sont donc concernés par l’opération.

Segmentation selon le type de services offerts

60. La pratique décisionnelle a envisagé une distinction selon le type de services proposés : ainsi, le marché de la fourniture d’accès à Internet haut et très haut débit comprend l’ensemble des services haut et très haut débit, à savoir, outre l’accès à Internet, les services de voix sur IP et la télévision. Ces services sont généralement proposés dans le cadre d’une offre multiservices dite « triple-play » (« 3P ») ou « quadruple-play » (« 4P »), lorsqu’elles intègrent un service supplémentaire de téléphonie mobile. La question d’une segmentation du marché en fonction de chaque type de service a été posée dans la pratique décisionnelle récente de l’Autorité mais n’a pas été tranchée37.

61. Les services de télévision payante généralement inclus dans les offres multiservices font l’objet d’un examen séparé par les autorités de concurrence européenne38 et française39.

62. En tout état de cause, la pratique décisionnelle appréhende les offres multiservices à travers l’analyse des effets congloméraux40.

63. Ainsi, au sein du marché de détail de la fourniture d’accès à Internet, les segments concernés par l’opération sont les segments des offres destinées à la clientèle des particuliers et des professionnels et les segments de l’accès à Internet HD et l’accès à Internet THD.

b) Le marché géographique

64. L’Autorité considère que le marché de détail de l’accès à Internet est de dimension nationale et a laissé ouverte la question de l’existence de marchés spécifiques dans les départements et collectivités d’outre-mer.

65. Bouygues Telecom et EIT sont exclusivement actives sur le territoire métropolitain. Seul le marché de détail de l’accès à Internet en France métropolitaine est donc concerné par l’opération.

2. LE MARCHÉ DE LA DISTRIBUTION DES OFFRES D’ACCÈS À INTERNET

a) Le marché de produits et de services

66. La distribution au détail des offres d’accès à Internet vise la distribution à la clientèle finale d’offres d’accès à Internet par canaux de distribution physique et à distance41.

67. La pratique décisionnelle de l’Autorité n’opère pas de segmentation entre les différents canaux de distribution, de la même manière qu’en matière de distribution des produits et services de téléphonie mobile42.

68. En l’espèce, Bouygues et EIT, via le réseau bancaire CM-CIC43, distribuent toutes deux des offres d’accès à Internet.

69. Il existe donc un chevauchement d’activités, de même qu’il existe une relation verticale entre ce marché et le marché de détail de la fourniture d’accès à Internet sur lesquels les parties sont simultanément actives.

b) Le marché géographique

70. La pratique décisionnelle de l’Autorité retient une définition géographique nationale du marché de la distribution au détail des offres d’accès à Internet, même si elle a parfois eu l’occasion de mener l’analyse au niveau local pour tenir compte des ventes en boutique44.

C. LES MARCHÉS DE LA TÉLÉVISION PAYANTE

71. Dans le secteur de la télévision payante, les entreprises peuvent être actives à plusieurs niveaux de la chaîne de production :

- sur les marchés amont, les détenteurs de droits de diffusion de contenus audiovisuels (tels que les œuvres cinématographiques, les évènements sportifs, les séries télévisées, etc.) commercialisent ces contenus à des éditeurs de chaînes de télévision ou de services de vidéo à la demande ;

- sur les marchés intermédiaires, les éditeurs commercialisent auprès des distributeurs les chaînes ou services de vidéo à la demande, qu’ils ont construits à partir de programmes produits en interne ou acquis sur le marché amont des droits de diffusion ;

- sur les marchés aval, les distributeurs commercialisent des offres de télévision payante auprès des téléspectateurs, sous forme de chaînes vendues en bouquets ou à la carte ou encore de services non linéaires.

72. En l’espèce, le groupe Bouygues est actif sur l’ensemble des marchés. EIT est active uniquement sur le marché de la distribution de services de télévision payante. Eu égard à la nature et au caractère limité des activités d’EIT dans ce secteur, l’Autorité analysera uniquement le marché de la distribution de services de télévision payante, sur lequel il existe un chevauchement.

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS ET DE SERVICES

73. Distinction entre télévision gratuite et télévision payante – La pratique décisionnelle différencie la télévision gratuite de la télévision payante, compte tenu des modes de financement de ces deux types de télévision. Pour autant, l’Autorité n’a pas reconnu l’existence d’un marché aval de la distribution de services de télévision en clair45.

74. Distinction entre offres de premier niveau et offres de second niveau – L’Autorité distingue les offres de premier niveau et les offres de second niveau. Les offres de premier niveau sont disponibles, sans coût supplémentaire, pour les abonnés ayant souscrit un abonnement triple play auprès d’un fournisseur d’accès à Internet. Les offres de second niveau sont disponibles moyennant un abonnement supplémentaire pour les abonnés qui souhaitent profiter de chaînes ou de bouquets spécifiques.

75. Seules les offres de second niveau des fournisseurs d’accès à Internet sont de nature à exercer une pression concurrentielle sur les offres de Groupe Canal Plus, unique acteur de la distribution de services de télévision n’étant pas un opérateur de télécommunications, sur le marché aval. La définition précise du marché pertinent de la distribution de télévision payante a toutefois été laissée ouverte46.

76. Distinction entre offres linéaires et non-linéaires – La pratique décisionnelle française distingue également la distribution de services non linéaires de la distribution de services de télévision payante linéaire.

77. Les services de télévision linéaire proposent aux utilisateurs une offre de programmes audiovisuels diffusés de manière continue. Les services de télévision non linéaire permettent de visionner des programmes audiovisuels au moment choisi par l’utilisateur.

78. Parmi les services non linéaires, l’Autorité distingue la distribution de services de vidéos à la demande (VAD) de la distribution de services de vidéos à la demande par abonnement (VADA).

79. La question du maintien d’une segmentation entre la distribution de télévision linéaire et non linéaire est laissée ouverte par la pratique décisionnelle47.

80. L’absence de distinction selon la plateforme de distribution – Enfin, la pratique décisionnelle française considère qu’il n’est pas pertinent de segmenter ces marchés en fonction de la plateforme de distribution des chaînes (satellite, câble, ADSL, fibre).

2. LE MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

81. En France, l’Autorité considère que ce marché est de dimension nationale, le territoire métropolitain devant être distingué des départements et collectivités d’outre-mer48.

III. ANALYSE CONCURRENTIELLE

82. Selon les lignes directrices précitées : « Lorsque la part de marché de la nouvelle entité est inférieure à 25 %, il est présumé que l’opération ne porte pas atteinte à la concurrence par le biais d’effets unilatéraux » (paragraphe 624).

83. En effet, dès lors que la part de marché de l’entité résultant d’une opération de concentration horizontale est inférieure à 25 %, il est peu probable que cette concentration porte atteinte à la concurrence.

84. Il en résulte qu’en l’espèce, l’opération n’est pas susceptible d’entraîner des problèmes de concurrence sur l’ensemble des marchés concernés par l’opération, à l’exception des marchés de gros de l’accès et du départ d’appel sur les réseaux téléphoniques mobiles et du marché de la distribution des produits et des services de téléphonie mobile.

A. LES MARCHÉS DE GROS DE L’ACCÈS ET DU DÉPART D’APPEL SUR LES RÉSEAUX TÉLÉPHONIQUES MOBILES

85. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Deux types de verrouillage sont distingués. Dans le premier cas, l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou fournit cet intrant à un prix élevé́, dans des conditions défavorables ou à un niveau de qualité́ dégradé (« verrouillage des intrants »). Dans le second cas, la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter ou de distribuer les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux (« verrouillage de l’accès à la clientèle »). La pratique décisionnelle des autorités de concurrence écarte en principe les risques de verrouillage lorsque la part de l’entreprise issue de l’opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.

86. En l’espèce, les parts de marché d’EIT s’élèvent à environ [40-60] % en volume et en valeur si l’on considère le marché de gros de l’accès et du départ d’appel sur les réseaux téléphoniques mobiles entre MVNA et MVNO, sans distinction de l’architecture technique des MVNA, c’est- à-dire en prenant en considération l’ensemble des MVNA, qu’ils disposent ou non d’un cœur de réseau.

87. Les parts de marché d’EIT sont supérieures à 80 % en volume et en valeur si l’on considère le marché de gros des MVNA et MVNO, en ne retenant que les MVNA disposant d’un cœur de réseau, sans distinction selon les différentes catégories de clients finals.

88. Il en va de même si l’on ne retient que les MVNA disposant d’un cœur de réseau et les MVNO actifs sur le segment de clientèle « entreprises ».

89. L’Autorité constate, en outre, que la grande majorité des MVNO présents sur le segment de clientèle « entreprises » font appel, en tout ou partie, aux services d’EIT.

90. Par ailleurs, l’instruction a révélé que l’opération envisagée consiste pour Bouygues Telecom, à terme, [Confidentiel]. Il n’est, toutefois, pas garanti, qu’à l’issue de l’opération, Bouygues Telecom permette l’accès des petits MVNO à son réseau. La quasi-totalité des répondants aux tests de marché ont, en effet, identifié un risque de refus d’accès par la nouvelle entité à ses infrastructures pour ces petits MVNO. La disparition d’EIT suscite donc un risque élevé de verrouillage de l’accès au marché pour les petits MVNO et, in fine, de paupérisation de l’offre à destination des consommateurs finals.

91. La partie notifiante admet que l’opération aura pour effet la disparition d’EIT et se caractérisera par [confidentiel] et par la disparition du principal MVNA fournisseur d’accès des petits MVNO. Sans la présence d’EIT, le panel de solutions mobiles disponibles pour les petits MVNO et leurs clients « entreprises » sera réduit, ce qui engendrera des surcoûts, voire la disparition d’offres au détriment des consommateurs finals. Selon les entreprises interrogées, l’ensemble de ses caractéristiques permettait, en effet, à EIT, de créer un espace économique qui lui était propre et de se distinguer des autres acteurs de ce secteur, MNO et MVNA.

92. Or, les barrières à l’entrée sur le marché sont nombreuses pour un MVNA qui voudrait prendre l’espace économique que libérera la disparition d’EIT :

- en termes de volume d’affaires suffisant pour pouvoir proposer des offres tarifaires attractives aux petits MVNO. EIT est, en effet, capable de proposer des offres tarifaires suffisamment attractives pour les petits MVNO, permettant à ces derniers de construire leurs propres offres, car elle dispose d’un nombre important de clients sur le marché de détail, qui lui permet de négocier des tarifs réduits auprès des MNO ;

- en termes de compétences et de savoir-faire ; EIT a, en effet, développé une offre répondant aux besoins spécifiques de ses clients MVNO tant en termes techniques qu’économiques en leur permettant à leur tour de construire des offres adaptées aux exigences de leur clientèle « entreprises » ;

- en termes de coûts auxquels sont exposés les clients MVNO d’EIT en cas de changement de fournisseur ; ces MVNO ont consenti à des investissements importants pour se raccorder au cœur de réseau d’EIT et ne sont pas nécessairement en mesure de réaliser, à court terme, de tels investissements pour se raccorder au cœur de réseau d’un nouveau fournisseur d’accès.

93. En ce sens, la majorité des répondants aux tests de marché estime que l’offre d’EIT permet à ses clients MVNO de proposer au consommateur final une offre économiquement viable qu’ils ne pourraient pas proposer s’ils devaient souscrire aux offres des MNO.

94. Bouygues Telecom soutient, cependant, que le cadre réglementaire et les engagements pris par les MNO en matière d’accès à leur réseau font obstacle à une éventuelle stratégie de verrouillage des intrants. Elle souligne que les décisions d’attribution des autorisations d’utilisation de fréquences de l’ARCEP imposent aux MNO un ensemble d’engagements qui portent principalement sur les contrats conclus entre les MNO et les MVNO.

95. Toutefois, l’Autorité observe que les engagements pris par les MNO lors des décisions d’attribution des autorisations d’utilisation de fréquences, qu’elle a parfois elle-même pris en considération dans ses analyses concurrentielles, ne sont pas toujours suivis d’effets selon les répondants au test de marché. À titre d’illustration, force est de constater que Free n’accueille aucun MVNO et que Bouygues Telecom n’en accueille que trois, dont EIT49.

96. De plus, une large majorité des répondants estime que les MVNO sont en concurrence directe avec les MNO sur le marché de détail, les deux catégories d’opérateurs ayant potentiellement les mêmes clients « entreprises », ce qui n’est pas le cas des MVNA qui commercialisent leurs offres auprès des petits MVNO et, en particulier d’EIT. Ainsi, après l’opération, Bouygues Télécom aura, par exemple, la capacité de mettre en place un mécanisme de ciseaux tarifaires en proposant à la clientèle « entreprises » des offres tarifaires qui ne permettront pas aux petits MVNO de le concurrencer sur le marché de détail, compte tenu des conditions tarifaires d’accès qu’il aura lui-même négociées sur le marché de gros avec ces opérateurs.

97. Certes, d’autres MVNA, plus modestes qu’EIT, tels que Transatel ou Alphalink, sont susceptibles de proposer des tarifs intéressants aux petits MVNO. D’autres opérateurs exerçant à ce jour des activités de MVNO sont également susceptibles de développer des services de MVNA. Il en va ainsi, par exemple, de Netcom.

98. Cependant, à court et à moyen termes, la disparition [confidentiel] d’EIT constitue un sujet de préoccupation pour la quasi-totalité de ses clients ayant répondu aux tests de marché car leur propre offre dépend de l’ensemble des caractéristiques tarifaires et techniques de l’offre d’EIT et ne pourra pas être garantie au consommateur final si EIT disparaît. Ces opérateurs ont consenti à des investissements substantiels auprès d’EIT pour développer leurs offres à destination des entreprises. Toutes les fonctionnalités développées, telles que la convergence fixe vers mobile, devront être développées à nouveau, et les investissements nécessaires apparaissent comme étant trop importants au regard du chiffres d’affaires de ces entreprises.

99. Enfin, l’Autorité prend également en compte dans son analyse concurrentielle les évolutions prévisibles de l’environnement technique concerné. En l’espèce, l’Autorité évalue les conséquences de la présente opération au regard des conditions dans lesquelles les MVNO pourront continuer à animer le marché de la téléphonie mobile, dans un contexte de profonde mutation technique. En 2013, dans son avis n° 13-A-02 précité, l’Autorité avait ainsi relevé que « dans un contexte marqué par une forte baisse des prix et l’arrivée de la 4G, il est indispensable que les conditions qui leur sont faites par les opérateurs hôtes leur permettent, dès à présent, de bâtir des offres attractives ». Dans le contexte actuel du développement de la 5G, l’Autorité rappelle que les MNO doivent accorder aux MVNO des conditions tarifaires et techniques leur permettant de développer, sur la base de cette technologie nouvelle, des offres répondant aux besoins des clients finals.

100. Les répondants au test de marché ont, par ailleurs, exprimé leur inquiétude quant à la disparition, à l’issue de l’opération, de l’offre multi-réseaux qu’EIT propose à ses clients MVNO.

101. Néanmoins, l’Autorité relève que la prolongation de l’offre multi-réseaux ne dépend pas de la seule volonté de Bouygues Télécom mais nécessite l’accord d’Orange et SFR.

102. En conclusion, la disparition [confidentiel] d’un MVNA important, répondant à des besoins spécifiques d’accès au marché de la téléphonie mobile, dans le contexte du développement de la 5G, ne permet pas de garantir aux MVNO concernés de continuer à bénéficier à l’avenir d’une offre d’accès suffisante, alors même que ces MVNO ont un rôle important d’animation du marché pour certaines clientèles spécifiques, tout en bénéficiant des mutations techniques susvisées. En d’autres termes, le renforcement de la position de la nouvelle entité sur le marché considéré n’est pas compensé par une offre alternative crédible et suffisante de la part des opérateurs concurrents. L’opération est donc susceptible de porter atteinte à la concurrence.

103. Afin de remédier aux risques anticoncurrentiels identifiés ci-dessus, la partie notifiante a déposé des engagements, dont la dernière version a été transmise le 18 décembre 2020, et qui sont présentés en section IV.

B. LE MARCHÉ DE LA DISTRIBUTION DES PRODUITS ET DES SERVICES DE TÉLÉPHONIE MOBILE

1. SUR LA PRISE EN COMPTE DU RÉSEAU DE DISTRIBUTION COMPOSÉ DE 4200 CAISSES ET* AGENCES BANCAIRES CM-CIC

104. Bouygues Telecom et la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel se sont accordés sur les termes du contrat de distribution qui organisera, suite à l’opération de concentration, la distribution des offres d’EIT et de Bouygues Telecom par le réseau bancaire pour une durée potentielle de [confidentiel] ans, assortie d’une période d’exclusivité de [confidentiel] ans. Aux termes de ce contrat, les offres de Bouygues Telecom seront commercialisées dans le réseau bancaire, constitué de 4 200 agences et caisses* CIC et Crédit Mutuel.

105. Le réseau de distribution de Bouygues Telecom comprend déjà :

- les points de vente à l’enseigne « Bouygues Telecom », développés et animés par sa filiale Réseau Clubs Bouygues Telecom (ci-après « RCBT »), soit un réseau de 503 points de vente, [confidentiel] ;

- les points de vente spécialisés à l’enseigne Darty et certains points de vente à l’enseigne Fnac Connect du groupe Fnac–Darty ;

- les points de vente à l’enseigne Welcom’ du groupe Comcentre ;

- les points de vente alimentaires à l’enseigne Auchan ;

- les points de vente de proximité (tabac, presse, etc.) desservis par des grossistes spécialisés en offres prépayées.

106. La partie notifiante considère que l’analyse de la structure locale de la concurrence sur le marché de la distribution des offres Bouygues Telecom ne doit pas prendre en compte les 4 200 agences bancaires susmentionnées, considérant que Bouygues Telecom ne prendra pas le contrôle, au sens du droit des concentrations, dudit réseau bancaire.

107. Toutefois, en l’espèce, l’Autorité estime que les conséquences liées à la conclusion du contrat de distribution exclusive doivent être prises en compte dans le cadre de l’analyse concurrentielle, dès lors que le réseau bancaire ne sera pas autonome commercialement s’agissant de la commercialisation des offres Bouygues Telecom.

108. L’Autorité considère que le pouvoir de marché d’un distributeur doit s’apprécier en tenant compte des magasins détenus en propre et de ceux exploités en réseau, quel que soit leur statut juridique, dès lors que leur politique commerciale n’est pas suffisamment autonome par rapport à la tête de réseau50.

109. En l’espèce, l’Autorité s’est donc interrogée sur le fait de savoir si les agences et caisses* CIC et Crédit mutuel devaient être rattachées aux activités de distribution des parties aux fins de l’analyse concurrentielle.

110. L’Autorité a, notamment, considéré que les critères suivants permettaient d’inférer l’absence d’autonomie des membres d’un réseau : (i) la possibilité de la tête de réseau de fixer des prix maximum à ses adhérents, impactant la liberté de l’adhérent de fixer ses prix de manière indépendante, (ii) les obligations d’approvisionnement des adhérents auprès du groupement pour une part importante de leurs achats, (iii) l’obligation de respecter des clauses de préemption, de substitution et de préférence au profit du groupement en cas de cession de leur magasin en dehors du périmètre familial, (iv) l’obligation de participer à un certain nombre d’opérations promotionnelles par an, durant lesquelles les adhérents doivent mettre en vente les produits au prix indiqué sur les documents publicitaires, (v) l’obligation de référencer plus de 50 % des lignes de produits de la tête de réseau, (vi) la durée plus ou moins longue des contrats.

111. Au cas d’espèce, s’agissant du contrat de distribution à venir entre Bouygues Telecom, EIT et le réseau bancaire CM-CIC, il apparaît que : concernant le point (i) mentionné ci-dessus, le réseau bancaire doit pratiquer les tarifs définis par Bouygues Telecom ; concernant le point (ii), le contrat de distribution prévoit une exclusivité de [confidentiel] ans, empêchant, pendant cette période, le réseau bancaire en cause de distribuer des offres mobiles d’opérateurs concurrents de Bouygues Telecom ; concernant le point (iv), le réseau bancaire s’engage à relayer dans ses points de vente au moins [confidentiel] campagnes de communication nationales [confidentiel] chacune mettant en avant les produits et services de Bouygues Telecom ; et, concernant le point (vi), le contrat est conclu pour une durée de [confidentiel] ans.

112. Il résulte de ce qui précède que le réseau bancaire CM-CIC ne disposera pas d’une autonomie commerciale par rapport à la tête de réseau. Le réseau bancaire doit donc être intégré dans le cadre de l’analyse concurrentielle.

2. SUR LES PARTS DE MARCHÉ

113. Au niveau national, s’agissant du calcul des parts de marché, la pratique décisionnelle retient, de manière constante, comme indicateur, pour l’année concernée, le rapport entre les ventes brutes de téléphonie mobile réalisées par les parties et le total des ventes brutes enregistré par l’ARCEP51.

114. Au niveau local, s’agissant du calcul des parts de marché, la pratique décisionnelle retient, de manière constante, comme indicateur, le rapport entre le nombre de points de vente contrôlés par les parties et le nombre total de points de vente présents dans la commune considérée52.

115. Toutefois, l’Autorité a estimé, dans la décision Numéricable/SFR, que l’indicateur en nombre de points de vente nécessitait d’être adapté dans le cas particulier de la téléphonie mobile afin de tenir compte des éléments d’hétérogénéité attachés aux réseaux des différents opérateurs sur le marché, qui conditionnent leur attractivité. Une pondération des parts de marché en nombre de boutiques, tenant compte des ventes brutes moyennes réalisées par les boutiques en matière de téléphonie mobile, a ainsi pu être utilisée53.

116. Cette analyse quantitative s’accompagne d’une analyse qualitative, tendant à prendre en considération différents éléments tels que :

- la concurrence des réseaux de distribution des MNO et des distributeurs multimarques spécialistes ou généralistes54 ;

- la concurrence des opérateurs présents à proximité des zones de chalandise (parcs d’activités commerciales, centres commerciaux situés à proximité immédiate, boutiques de centre, etc.)55 ;

- la pression concurrentielle des ventes en ligne56.

117. En l’espèce, au niveau national, les parts de marché cumulées des parties sont inférieures    à 25 %.

118. Au niveau local, Bouygues Telecom a communiqué des estimations des parts de marché des parties au contrat de distribution et de leurs concurrents sur le marché de la distribution de produits et services de téléphonie mobile au niveau des zones de chalandise délimitées.

119. Comme précisé aux paragraphes 46 et suivants, le calcul des parts de marché a été établi selon la méthode des empreintes réelles, telles qu’utilisées, par exemple, dans la décision n° 20-DCC- 38, du 28 février 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Hexagone Santé Méditerranée et de la SCI Bonnefon-Carnot par le groupe Elsan, les zones étant agrégées en fonction du critère du temps de trajet.

120. Les parts de marché de Bouygues Telecom et du réseau bancaire ont été calculées en tenant compte du nombre de points de vente physiques dont ils disposent au sein de leurs réseaux.

121. Néanmoins, l’Autorité a estimé, dans la décision Numéricâble/SFR57, que l’indicateur en nombre de points de vente nécessitait d’être adapté dans le cas particulier de la téléphonie mobile afin de tenir compte des éléments d’hétérogénéité attachés aux réseaux des différents opérateurs sur le marché, qui conditionnent leur attractivité. Les réseaux se distinguent en effet sur un certain nombre de critères, tels que le positionnement concurrentiel des offres, la date d’entrée sur le marché de l’opérateur, la place accordée à l’activité de distribution de téléphonie mobile dans les points de vente et la largeur de gamme proposée aux consommateurs, qui ne sont pas reflétés dans une analyse en nombre de points de vente. Sur cette base, l’Autorité a pondéré dans la décision Numéricâble/SFR, les parts de marché de La Poste, afin de tenir compte des spécificités de son réseau et du caractère marginal que représente pour cet acteur la distribution de téléphonie mobile, ainsi que les parts de marché de Numéricâble, au regard du fait que cet opérateur, historiquement positionné sur la fourniture d’accès à internet, réalisait également des ventes accessoires en matière de téléphonie mobile.

122. Ainsi, en l’espèce, les points de vente du réseau bancaire ont été pondérés pour tenir compte du fait qu’il ne s’agit pas d’un réseau spécialisé dans la vente de produits et services de téléphonie mobile. Les parts de marché des concurrents ont ensuite été estimées en appliquant une pondération des seuls points de vente concurrents « non spécialisés »58, suivant la méthode déjà retenue par l’Autorité59.

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123. Pour chacune des zones concernées, la partie notifiante a communiqué la position des parties sur le marché de la distribution de produits et services de téléphonie mobile, tel que défini par la pratique décisionnelle à ce jour, et sur les éventuels segments de la distribution d’offres premium et d’offres non-premium envisagés par les services d’instruction.

124. Toutefois, les points de vente de Bouygues Telecom et du réseau bancaire ne sont pas simultanément actifs sur ces segments. Les points de vente Bouygues Telecom commercialisent [confidentiel] des offres premium, et les points de vente du réseau bancaire commercialisent les offres CIC/CM Mobile, qui sont considérées comme non-premium. Les activités de Bouygues Telecom et du réseau bancaire ne se chevauchent donc que si un marché global de la distribution d’offres de téléphonie mobile est considéré (en incluant premium et non-premium).

a) Approche quantitative

125. L’Autorité distingue les zones dans lesquelles les parts de marchés cumulées des parties à l’opération sont comprises entre 25 et 50 %, avant d’analyser les zones dans lesquelles ces parts de marchés cumulées sont supérieures à 50 %.

Zones dans lesquelles les parts de marché cumulées de Bouygues Telecom et du réseau bancaire sont comprises entre 25 % et 50 %

126. Sur le marché total des ventes (de toutes offres, premium et non-premium) en points de vente physiques, Bouygues Telecom et le réseau bancaire disposeront de parts de marché cumulées comprises entre 25 % et 50 % dans 420 zones.

127. Dans les 420 zones, Bouygues Telecom et le réseau bancaire ne sont, par ailleurs, jamais les seuls distributeurs physiquement présents, que l’on considère le marché total ou le segment non-premium.

128. La pression concurrentielle exercée par ces points de vente concurrents est significative :

- dans 383 zones, l’un au moins des opérateurs de téléphonie dispose d’une part de marché au moins égale à 20 % ;

- dans les 37 zones restantes, plusieurs opérateurs concurrents sont simultanément présents. Plus particulièrement, Orange et SFR détiennent une part de marché comprise entre [10-20] % et [10-20] %.

Zones dans lesquelles les parts de marché cumulées de Bouygues Telecom et du réseau bancaire sont supérieures à 50 %

129. Sur le marché total des ventes (de toutes offres, premium et non-premium) en points de vente physiques, Bouygues Telecom et le réseau bancaire disposeront de parts de marché cumulées supérieures à 50 % dans 16 zones.

130. Dans 8 zones, l’un au moins d’entre eux, parmi Orange, SFR, La Poste Mobile ou Free, détient une part de marché supérieure à 20 %.

131. Parmi les 8 zones restantes figurent deux zones de la petite couronne parisienne (les zones de chalandises des points de vente RCBT de Clichy-sous-Bois et Livry-Gargan). Les habitants de ces zones ont facilement accès à des offres concurrentes. Dans les six autres zones restantes (les zones de chalandise des points de vente RCBT de Colmar, Vitry le François, Miramas, Sélestat, Denain et Houssen), au moins deux concurrents sont présents et l’un d’entre eux détient une part de marché d’au moins [10-20] %.

b) Analyse qualitative

132. En l’espèce, l’Autorité considère que le risque potentiel consiste à ce que le maillage territorial ainsi mis en place par le contrat de distribution conduise Bouygues Telecom à baisser la qualité de ses offres et à augmenter les prix au niveau national.

133. Néanmoins, ces risques peuvent être écartés, compte tenu des éléments suivants.

134. L’Autorité relève d’abord que les politiques commerciales des opérateurs nationaux et, plus précisément, les prix pratiqués en agences RCBT sont définis au niveau national (prix unique, publicité nationale, etc.).

135. En outre, le test de marché mené par l’Autorité révèle que la conclusion du contrat de distribution entre le réseau bancaire et Bouygues Telecom ne sera pas de nature à modifier sensiblement la structure de la concurrence entre les quatre opérateurs MNO. Plus encore, en termes de maillage territorial, l’Autorité constate que le réseau de La Poste distribuant les offres concurrentes de La Poste Mobile dispose d’un réseau quasiment deux fois plus important que celui dont disposera Bouygues Telecom via les agences bancaires et le RCBT. Or, le principal concurrent d’EIT est La Poste mobile, au vu tant de la nature des offres que du nombre de ventes par point de vente. Cependant, les bureaux de poste s’adressent à une clientèle beaucoup plus large que celle des agences bancaires : alors que ces dernières ne commercialisent leurs offres mobiles qu’auprès de leurs seuls clients, les bureaux de poste ont une clientèle beaucoup plus large car ils proposent de nombreux services (service postal universel, colis, banque postale, etc.), permettant d’adresser leurs offres mobiles à un volume bien plus important de clients potentiels.

136. Par ailleurs, la présence de nombreux points de vente multimarques, exploités sous différentes enseignes (Vivre Mobile, Internity, Tel and Com, Mobile Hut, Prestige Phone, Darty, Boulanger, Carrefour, etc), qui ne sont pas pris en compte pour estimer les parts de marché, garantit la disponibilité de l’ensemble des offres des opérateurs du marché auprès des consommateurs dans les zones dans lesquelles sont implantées ces enseignes.

137. Enfin, il convient de rappeler, dans le prolongement de la pratique décisionnelle de la Commission européenne60, que les ventes en ligne, bien qu’exclues du calcul des parts de marché locales, doivent néanmoins être regardées comme exerçant, en l’espèce, une pression concurrentielle sur les distributeurs physiques.

138. Il découle de l’ensemble de ce qui précède que :

- une augmentation des prix et une baisse de la qualité dans les points de vente du réseau RCBT exposerait Bouygues Telecom à perdre une partie significative de ses clients en « boutique » au profit des offres commercialisées par ses concurrents, que ce soit en ligne ou en boutique ;

- une augmentation de prix et une baisse de qualité dans les agences bancaires, qui, au demeurant, ne concernerait que très peu de clients ([confidentiel]), inciteraient ces clients à se tourner vers les offres concurrentes, en particulier celle de la Poste Mobile.

139. En conclusion, l’Autorité considère que l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur les marchés de la distribution d’offres de téléphonie mobile.

IV. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS

140. Afin d’apprécier les effets de cette opération de concentration, l’Autorité a procédé à une analyse concurrentielle permettant d’évaluer les conséquences de l’opération sur les marchés concernés. Il ressort de cette analyse que la concentration projetée est de nature à modifier substantiellement la structure de la concurrence en matière d’offre de gros de l’accès et du départ d’appel sur les réseaux téléphoniques mobiles à destination des opérateurs alternatifs, dits « MVNO », commercialisant leurs offres notamment auprès des entreprises.

141. En effet, l’Autorité a identifié un risque de disparition de l’offre proposée par EIT en tant que MVNA auprès de certains MVNO sur le marché français de l’accès et du départ d’appel sur les réseaux téléphoniques mobiles, entraînant un risque de verrouillage de l’accès à ce marché pour ces MVNO.

142. Afin d’écarter tout risque d’atteinte significative à la concurrence, susceptible de résulter de la présente opération, la partie notifiante a déposé le 3 décembre 2020 une proposition d’engagements. Cette proposition a été modifiée en dernier lieu le 18 décembre 2020 pour tenir compte, notamment, des résultats du test de marché. Le texte de ces engagements, joint en annexe, fait partie intégrante de la présente décision.

1. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS

143. Dans le cadre des engagements souscrits, Bouygues Telecom envisage de maintenir une offre de gros à destination des clients MVNO a minima jusqu’au terme des engagements pris devant l’Autorité. Le maintien de l’offre de gros à destination des MVNO est garanti pendant 5 ans après la date d’effet de la présente décision d’autorisation, période éventuellement renouvelable pour une durée équivalente.

144. Pendant cette période, Bouygues Telecom organisera la migration progressive des clients MVNO d’EIT vers son propre cœur de réseau, pendant une période de trois ans, en leur proposant de rejoindre son cœur de réseau dès que son offre de gros sera disponible.

145. Bouygues Telecom s’engage (1) à maintenir les contrats en cours avec les MVNO clients d’EIT, (2) à organiser la migration de ces clients sur le cœur de réseau de Bouygues Telecom et (3) à assurer la commercialisation de l’offre de gros. Enfin, Bouygues Telecom s’engage à compenser financièrement les MVNO clients d’EIT dans l’hypothèse où le service multi- réseaux ne pourrait être poursuivi par EIT à l’issue de l’opération, admettant ainsi que la disparition de ce service participera à la dégradation de l’attractivité commerciale des offres proposées par les MVNO clients d’EIT (4).

146. Bouygues Telecom facilitera, conformément à ce qui est exposé à l’article 3 de la lettre d’engagement annexée à la présente décision, la migration des MVNO clients d’EIT vers son cœur de réseau, en prenant à sa charge les frais de raccordement et d’envoi de nouvelles cartes SIM61 qui en résulteront, et une partie des autres frais liés au changement de carte SIM.

147. Une fois la migration achevée, Bouygues Telecom propose donc de poursuivre en son sein, et à partir de ses propres infrastructures de réseau, les contrats en cours avec les MVNO clients d’EIT et, plus généralement, la commercialisation de l’offre de gros, équivalente en contenu et en tarifs aux offres d’EIT.

148. Ces engagements sont présentés ci-après, tels que Bouygues Telecom les a explicités à l’Autorité.

2. APPRÉCIATION DES ENGAGEMENTS PROPOSÉS

a) Sur l’objectif des engagements

149. L’Autorité veille à ce que les engagements répondent à plusieurs critères :

- ils doivent être efficaces, c’est-à-dire qu’ils permettent effectivement de remédier aux atteintes à la concurrence identifiées ;

- leur mise en œuvre ne doit pas soulever de doute, ce qui implique qu’ils soient rédigés de manière précise, sans ambiguïté, et que les modalités opérationnelles pour les réaliser soient suffisamment détaillées ;

- leur mise en œuvre doit être rapide, la concurrence n’étant pas préservée tant qu’ils ne sont pas réalisés ;

- ils doivent être contrôlables.

b) Sur l’adéquation des mesures proposées

Le maintien des contrats en cours avec les MVNO clients d’EIT

150. À l’égard des clients MVNO d’EIT, cet engagement garantit la poursuite de leurs contrats, avec EIT et à partir du cœur de réseau d’EIT, tant qu’EIT et son cœur de réseau seront exploités. L’engagement garantit également la poursuite des contrats par Bouygues Telecom à l’issue de la période de maintien du cœur de réseau d’EIT, une fois la migration vers le cœur de réseau de Bouygues Telecom effectuée.

151. Concrètement, à l’issue de l’opération, les clients MVNO d’EIT pourront rester clients de cette dernière sans avoir à effectuer une modification de leur raccordement ou de leurs propres outils (système d’information, par exemple) pendant une durée de trois ans.

152. Les MVNO clients d’EIT pourront choisir le moment de leur migration sur le cœur de réseau de Bouygues Telecom sous réserve de la faisabilité technique de cette migration, compte tenu du plan de charge des migrations pour Bouygues Telecom. Ils en informeront Bouygues Telecom avec un préavis de [confidentiel] mois. Bouygues Telecom pourra également proposer aux MVNO clients d’EIT de migrer vers les cœurs de réseau de Bouygues Telecom au cours de la période de maintien du cœur de réseau, s’ils le souhaitent.

153. En toute hypothèse, les MVNO clients d’EIT décidant de rejoindre le cœur de réseau de Bouygues Telecom devront migrer l’ensemble de leurs lignes sur le cœur de réseau de Bouygues Telecom avant le terme de la période de maintien du cœur de réseau d’EIT.

154. À la fin de la période de maintien du cœur de réseau d’EIT, leurs contrats seront transférés à Bouygues Telecom qui en poursuivra l’exécution elle-même aux mêmes conditions, notamment financières. Cet engagement garantit donc aux clients MVNO d’EIT, qui le souhaitent, que leurs droits contractuels seront maintenus.

155. Bouygues Telecom s’engage à poursuivre les contrats en cours avec les MVNO clients d’EIT, ce qui implique pour Bouygues Telecom de ne pas solliciter la résiliation des contrats pour des motifs qui résulteraient de la réalisation de l’opération.

156. EIT et Bouygues Telecom pourront néanmoins faire usage des autres cas de résiliation spécifiques visés par les contrats conclus entre EIT et ses clients MVNO. Bouygues Telecom s’engage dans ces cas à ouvrir au bénéfice du MVNO client résilié une période de réversibilité de 12 mois à compter de la notification de la demande de résiliation, qui viendra prolonger son approvisionnement au-delà du délai de préavis contractuel.

157. De la même manière, Bouygues Telecom s’engage à ouvrir cette période de réversibilité en cas de résiliation à la demande du MVNO. Cette clause a pour objet de donner un temps supplémentaire au client MVNO d’EIT pour leur permettre de réorganiser son approvisionnement en cas de résiliation, que ce soit à la demande de EIT ou de Bouygues Telecom ou à sa demande. Elle ne s’appliquera pas, en revanche, si EIT et Bouygues Telecom sollicitent la résiliation du contrat du fait d’une inexécution du contrat par le MVNO client d’EIT.

L’organisation de la migration des MVNO clients d’EIT sur le cœur de réseau de Bouygues Telecom

158. Bouygues Telecom assurera la poursuite des contrats des clients MVNO d’EIT via EIT et à partir du cœur de réseau de celle-ci pendant la période de maintien du cœur de réseau d’EIT.

159. Bouygues Telecom développera et commercialisera en parallèle sa propre offre de gros, qu’elle pourra proposer aux clients MVNO d’EIT qui souhaiteront anticiper leur migration sur le cœur de réseau de Bouygues Telecom.

160. Dans tous les cas, en prévision de la fin de la période de maintien du cœur de réseau d’EIT, Bouygues Telecom proposera aux MVNO clients d’EIT de souscrire à son offre de gros.

161. Cet engagement a pour objet de faciliter la migration des MVNO clients d’EIT sur le cœur de réseau de Bouygues Telecom en les exonérant de l’ensemble des frais induits par la migration des clients MVNO d’EIT vers son cœur de réseau qui sont « à la main » de Bouygues Telecom, c’est-à-dire qu’elle facture elle-même pour le raccordement d’un MVNO à son cœur de réseau. Cette facilité s’appliquera quel que soit le moment de la migration choisi par le MVNO client d’EIT.

162. Bouygues Telecom compensera également les autres frais générés par le changement des cartes SIM des clients finals des clients MVNO (logistique et envoi, service client, suivi de projet) dans la limite de 3,5 euros hors taxes par carte SIM.

163. À ce jour, un certain nombre de clients MVNO d’EIT ont choisi de se raccorder au cœur de réseau d’EIT par l’intermédiaire de deux partenaires. À l’issue de l’opération, Bouygues Telecom s’engage à faire ses meilleurs efforts pour fournir à ces deux opérateurs un accès direct au réseau de Bouygues Telecom. Ceci permettra aux clients MVNO d’EIT concernés de migrer sur le réseau de Bouygues Telecom via ces deux partenaires, a priori sans modification substantielle de leurs propres outils et systèmes.

La commercialisation de l’offre de gros auprès de nouveaux clients MVNO

164. À l’égard des nouveaux MVNO clients, cet engagement garantit le maintien de la commercialisation d’une offre de gros équivalente à l’offre MVNA actuelle d’EIT, tant du point de vue de son contenu que de ses conditions notamment tarifaires.

165. Cette offre de gros sera commercialisée d’abord par EIT, à partir de son cœur de réseau. Elle sera ensuite commercialisée par Bouygues Telecom une fois la migration achevée. Si Bouygues Telecom le souhaite, elle pourra également commercialiser son offre de gros aux côtés de celle d’EIT au cours de la période de la migration, c’est-à-dire pendant les 3 premières années de mise en œuvre de l’engagement.

166. À la fin de la période de migration, les nouveaux clients MVNO ayant souscrit à l’offre de gros d’EIT pourront migrer, à leurs frais, sur le réseau de Bouygues Telecom.

167. Les tarifs de l’offre de gros qui sera commercialisée via EIT et via Bouygues Telecom (à périmètre constant par rapport à l’offre MVNA d’EIT) seront plafonnés au niveau des tarifs EIT.

168. Bouygues Telecom s’engage à améliorer l’offre de gros d’EIT, tant envers les MVNO clients d’EIT que les éventuels nouveaux clients MVNO, en y ajoutant les services en lien avec la connectivité qu’elle propose elle-même sur le marché de gros ou le marché de détail, dans la mesure où ces améliorations sont (i) opérables sur le marché de gros et (ii) compatibles avec le cœur de réseau d’EIT.

169. Cet engagement est limité aux services :

- en lien avec la connectivité, dans la mesure où les autres services proposés par Bouygues Telecom Entreprise sur le marché de détail (par exemple, services de sécurité) sont disponibles sur le marché auprès de prestataires tiers ou peuvent être développés par le MVNO lui-même pour ses clients B2B ;

- qui, en raison de leurs caractéristiques, peuvent être raisonnablement proposés aux MVNO sur le marché de gros (ceci excluant, à titre d’exemple, les services qui nécessitent des processus manuels lourds nécessitant des déplacements chez les clients finals) ; et,

- pouvant être ajoutés à l’offre d’EIT sans investissement supplémentaire significatif sur son cœur de réseau. [confidentiel]6263.

c) Sur la prise en charge par Bouygues Telecom des conséquences pour les MVNO clients d’EIT de l’éventuelle disparition de l’offre multi-réseaux

170. Bouygues Telecom s’efforcera de maintenir le service multi-réseaux au profit des MVNO clients d’EIT pendant la période de maintien du cœur de réseau. À cet effet, en tant que MVNO, EIT sollicitera auprès d’Orange et de SFR la poursuite des contrats Orange et SFR. [Confidentiel].

171. Néanmoins, il ne peut être exclu que l’offre multi-réseaux ne soit pas maintenue si EIT ne trouve pas d’accord avec Orange et/ou SFR.

172. Dans de telles circonstances, Bouygues Telecom s’engage à compenser (i) l’impact de la perte de l’un des réseaux radio aujourd’hui commercialisés par EIT pour son parc de clients MVNO et (ii) la moindre attractivité de leur offre commerciale s’ils ne peuvent à l’avenir commercialiser qu’un ou deux réseaux radio parmi les réseaux radio d’Orange, SFR et Bouygues Telecom au lieu de trois.

173. Ainsi, dans le cas où EIT ne trouverait pas d’accord avec Orange ou SFR permettant le maintien du service multi-réseaux dans sa configuration actuelle avec trois réseaux :

- les lignes installées du client MVNO affectées par la perte de l’accès à l’un des deux réseaux radio d’Orange ou SFR, Bouygues Telecom laissera audit client MVNO le choix du réseau radio sur lequel les lignes de ses clients seront repositionnées. Pour les lignes que le client aura choisi de positionner sur son réseau radio, Bouygues Telecom proposera une remise de [confidentiel] ;

- EIT offrira également à ses clients MVNO une réduction de prix sur les nouvelles lignes commercialisées à compter de la perte du service multi-réseaux. [confidentiel].

174. Le niveau des remises est notamment justifié par l’impact plus ou moins important de la perte du réseau concerné sur l’attractivité de l’offre du MVNO.

d) Le suivi du respect des engagements

175. Pour ce qui est de la mise en œuvre des engagements, Bouygues Telecom proposera à l’Autorité de la concurrence la nomination d’un mandataire, dit « mandataire de contrôle », qui aura pour mission de veiller au respect des obligations résultant de la présente décision.

176. Les engagements proposés, en ce qu’ils visent à maintenir une offre de gros répondant aux besoins de certains MVNO qui s’adressent à une clientèle spécifique, répondent au risque de verrouillage de l’accès de ces MVNO au marché français de l’accès et du départ d’appel sur les réseaux téléphoniques mobiles.

177. L’Autorité considère ainsi que les engagements proposés par la partie notifiante sont suffisants pour éliminer les atteintes à la concurrence résultant de l’opération.

DÉCIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 20-118 est autorisée sous réserve des engagements décrits aux paragraphes 140 à 177 ci-dessus et annexés à la présente décision.

NOTES

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

* Rectification d’erreur matérielle.

* Rectification d’erreur matérielle.

2 Certains marchés sur lesquels les parties entretiennent une relation verticale mais sur lesquels ne se posent aucun problème de concurrence, ne sont pas traités dans la présente décision. Il s’agit des marchés de gros de la terminaison d’appels mobiles, du marché de gros des services d’itinérance internationale et des marchés de gros des télécommunications fixes, hors téléphonie.

3 Décisions de l’Autorité n° 14-DCC-179 du 27 novembre 2017 relative à la prise de contrôle d’Omer Telecom Limited par Numéricâble, points 10 et s. ; n° 14-DCC-160 du 30 octobre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de SFR par le groupe Altice, points 92 et s. ; n° 12- DCC-95 du 17 juillet 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de Darty Télécom par le groupe Bouygues, points 9 et s. ; n° 11-DCC-07 du 28 janvier 2011 relative à la création d’une entreprise commune de plein exercice par La Poste et SFR, points 12-13 ; n° 09-DCC-65 du 30 novembre 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de Tele2 Mobile par Omer Telecom Limited, point 8.

4 Décisions de la Commission du 8 octobre 2018, COMP/M.8842, Tele2/Com Hem Holding, points 65 et s. ; du 9 juillet 2018, COMP/M.8808, T-Mobile Austria/UPC Austria points 130 et s. ; du 7 octobre 2016, COMP/M.8131, Tele2 Sverige/TDC Sverige points 102 et s. ; du 4 février 2016, COMP/M.7637, Liberty Global/Base, points 99 et s. ; du 12 décembre 2012, COMP/M.6497, Hutchison 3G Austria/Orange Austria, points 59 et s. ; du 1er mars 2010, COMP/M.5650, T-Mobile/Orange, point 28 ; du 20 août 2007, COMP/M.4748, T-Mobile/Orange Netherlands, point 17

5 Par opposition aux architectures dites « light » et « super light ».

6 Le multiroaming consiste à utiliser simultanément les réseaux de plusieurs opérateurs. Des accords de multiroaming entre opérateurs permettraient à l’utilisateur d'étendre la zone d'utilisation potentielle du téléphone. En 2016, l’ARCEP avait ainsi indiqué, dans le cadre de ses lignes directrices sur le partage de réseaux mobiles, que « la fourniture de services mobiles à haute disponibilité [pouvait] être pertinente pour répondre à des besoins particuliers ». En mai 2020, l’ARCEP, constatant la faible présence d’offres de multiroaming sur le marché B2B français malgré l’existence de besoins spécifiques, a lancé un appel à manifestation d’intérêt afin de dresser un état des lieux des besoins et des offres en projet et ainsi contribuer à leur essor.

7 L’instruction a très rapidement identifié l’absence de singularité des offres grand public proposées par les MVNO en comparaison des offres des MNO notamment celles de Free et des offres à bas prix des trois autres opérateurs.

8 Comme précisé ci-avant, l’architecture dite « full MVNO » permet une indépendance technique et tarifaire du MVNA laquelle est essentielles pour proposer une offre dynamique et « sur-mesure » aux MVNO. Cela a été unanimement confirmé par les tests de marché.

9 Free n’est pas présent sur le marché de gros.

10 Avis n° 13-A-02 du 21 janvier 2013 relatif à la situation des opérateurs de réseaux mobiles virtuels (MVNO) sur les marchés de la téléphonie mobile en France (voir le communiqué de presse par exemple).

11 À titre d’illustration, dans le cadre de la convergence technologique, il peut être important pour les entreprises développant les outils connectés (voitures connectées, par exemple) de développer leurs propres filiales MVNO, leur permettant ainsi de répondre au mieux aux besoins techniques de leur clientèle. Par exemple, en cas de problème technique, l'utilisateur de la voiture connectée se tournera vers l'opérateur intégré en mesure de lui apporter une réponse personnalisée. A contrario, un MNO qui est trop éloigné de « l'expérience utilisateur » sera plus difficilement en mesure de répondre efficacement au problème du consommateur final. Plus encore, le constructeur de la voiture connectée contrôle totalement l’accès très sensible au CAN (Controller Area Network), qui relie les unités de contrôles électroniques de la voiture individuelle. Ceci est primordial pour éviter un accès involontaire ou malveillant.

12 Décisions de la Commission précitées, Tele2/Com Hem Holding, points 65 et s., T-Mobile Austria/UPC Austria, points 130 et s. ; Tele2 Sverige/TDC Sverige, points 102 et s. ; Liberty Global/Base, points 99 et s. ; Hutchison 3G Austria/Orange Austria, points 74 et s. ; T- Mobile/Orange, point 31 ; T-Mobile/Orange Netherlands, point 18.

13 Décisions de l’Autorité précitées, n° 14-DCC-179, points 15 et s. ; n° 14-DCC-160, points 94 et s. ; n° 12-DCC-95, point 27 ; n° 11-DCC- 07, point 24.

14 Décisions de la Commission précitées Tele2/Com Hem Holding, points 43 et s. ; T-Mobile Austria/UPC Austria, points 117 et s. ; Tele2 Sverige/TDC Sverige, points 11 et s. ; Liberty Global/Base, points 34 et s. ; Hutchison 3G Austria/Orange Austria, points 30 et s. ; T- Mobile/Orange, points 20 et s. ; T-Mobile Austria/Tele.ring, points 10 et s.

15 Décisions de l’Autorité n° 17-DCC-43 du 7 avril 2017 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Capcom par la Banque Fédérative du Crédit Mutuel, point 16 ; n° 16-DCC-136 du 19 août 2016 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Groupama Banque par Orange aux côtés de Groupama, point 41 ; n° 14-DCC-179 précitée, point 17 ; n° 14-DCC-160 précitée, point 97 ; n° 13-DCC-199 du 24 décembre 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Mobius SAS par Altice Blue Two SAS, point 30 ; n° 13-DCC-69 du 25 juin 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société New BBED Limited par la société Carphone Warehouse Group PLC, point 7 ; n° 12- DCC-95 précitée, point 13 ; n° 11-DCC-07 précitée, point 14.

16 Décision de l’Autorité n° 09-DCC-65 précitée, point 7.

17 Décisions de l’Autorité précitées n° 16-DCC-136, points 41 et 42 ; n° 14-DCC-179, point 17 et s. ; n° 14-DCC-160, point 97 et s. ; n° 13- DCC-199, point 32 ; n° 13-DCC-69, point 8 ; n° 11-DCC-07, point 18 et décision n° 11-DCC-118 du 20 juillet 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Compagnie Européenne de Téléphonie par la société France Télécom SA, point 10.

18 Décision de l’Autorité précitée ° 17-DCC-43, point 18.

19 Décisions de la Commission précitées Tele2/Com Hem Holding, point 43 ; T-Mobile Austria/UPC Austria, point 121 ; Tele2 Sverige/TDC Sverige, point 13 ; Liberty Global/Base, points 36 et 37.

20 Décisions de l’Autorité précitées n° 13-DCC-199, point 31 ; n° 11-DCC-118, point 9 ; n° 11-DCC-07, point 15 ; lettre du ministre chargé de l’économie C2007-150 du 23 novembre 2007, aux conseils des sociétés SFR et Somart, relative à une concentration dans le secteur des produits et services de téléphonie mobile, p. 6.

21 Décisions de la Commission précitées, T-Mobile Austria/UPC Austria, point 312 et Liberty Global/Base, points 209 et s.

22 Décisions de l’Autorité précitées n° 17-DCC-43, point 19, n° 16-DCC-136, point 43 ; n° 14-DCC-179, point 20 et s. ; n° 14-DCC-160, point 100 ; n° 13-DCC-199, point 34 ; n° 13-DCC-69, point 11.

23 Décisions de l’Autorité précitées n° 17-DCC-43, point 21, n° 16-DCC-136, point 45 ; n° 14-DCC-179, point 22 et s. ; n° 14-DCC-160, point 102. Voir aussi les décisions précitées n° 09-DCC-65, point 9 ; n° 11-DCC-07, point 20 ; n° 11-DCC-110, point 12 ; n° 11-DCC-118, point 14 ; n° 15-DCC-142, point 33 et la décision n° 09-DCC-35 du 6 août 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Cinq sur Cinq par la société SFR, point 17.

24 Décisions de l’Autorité précitées n° 09-DCC-35, point 18 ; n° 09-DCC-65, point 10 ; n° 11-DCC-07, point 21 ; n° 11-DCC-118, point 15 ; n° 14-DCC-160, point 103 ; n° 14-DCC-179, point 23 ; n° 15-DCC-142, point 34 ; n° 17-DCC-43, point 22.

25 Décisions de l’Autorité précitées n° 09-DCC-35, points 18-19 ; n° 09-DCC-65, points 10-11 ; n° 11-DCC-07, points 21-22 ; n° 11-DCC- 118, points 15-16 ; n° 14-DCC-160, points 103-104 ; n° 14-DCC-179, points 23-24 ; n° 15-DCC-142, points 34-35 ; n° 17-DCC-43, points 22-23.

26 Décision de l’Autorité précitée n° 14-DCC-160, point 105.

27 Décisions de l’Autorité précitées n° 17-DCC-43, points 22 et 23, n° 16-DCC-136, point 45 ; n° 14-DCC-179, points 23 et 24 ; n° 14-DCC- 160, points 103 et 104.

28 Décision de l’Autorité précitée n° 14-DCC-160, point 106.

29 Décisions de l’Autorité précitées n° 14-DCC-160, point 106 ; n° 14-DCC-179, points 26-27 ; n° 15-DCC-142, point 36 ; n° 16-DCC-136, point 47 ; n° 17-DCC-43, points 26-27.

* Rectification d’erreur matérielle.

30 Voir, par exemple, décision n° 20-DCC-38 du 28 février 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Hexagone Santé Méditerranée et de la SCI Bonnefon-Carnot par le groupe Elsan, paragraphe 42.

31 Décision n° 19-DCC-199 du 28 octobre 2019 portant réexamen des engagements de la décision n° 14-DCC-160 et des injonctions de la décision n° 17-D-04, point 48.

32 Décisions de l’Autorité précitées n° 14-DCC-179, point 30 et n° 14-DCC-160, point 72. 33 Décisions de l’Autorité précitées n° 19-DCC-199, point 72 et n° 14-DCC-160, point 30. 34 Décisions de l’Autorité précitées n° 14-DCC-179, point 31 et n° 14-DCC-160, point 73. 35 Décision de l’Autorité précitée n° 14-DCC-160, point 73 et s.

36 Décision de l’Autorité précitée n° 14-DCC-160, point 95.

37 Décisions de l’Autorité précitées n° 14-DCC-179, point 32 et n° 14-DCC-160, point 74.

38 Décisions de la Commission précitées, Tele2/Com Hem Holding, points 29 et s. et Liberty Global/Base, points 47 et s.

39 Décisions de l’Autorité précitées n° 14-DCC-179, points 109 et s. et n° 14-DCC-160, points 37 et s.

40 Décisions de l’Autorité précitées n° 14-DCC-179, point 33 et n° 14-DCC-160, point 74. 41 Décisions de l’Autorité précitées n° 14-DCC-179, point 34 et n° 14-DCC-160, point 83. 42 Décisions de l’Autorité précitées n° 14-DCC-179, point 35 et n° 14-DCC-160, point 84.

43 Voir sur ce point, les développements relatifs à la prise en compte du réseau de distribution composé de 4200 agences bancaires CM-CIC aux paragraphes 109 et suivants.

44 Décisions de l’Autorité précitées n° 14-DCC-179, point 36 et n° 14-DCC-160, point 85.

45 Décisions de l’Autorité n° 19-DCC-157, du 12 août 2019 relative à la création d’une entreprise commune par les sociétés France Télévisions, TF1 et Métropole Télévision (Salto) et n° 14-DCC-179, précitée.

46 Ibid.

47 Ibid.

48 Ibid.

49 Les deux autres sont Lebara et Lycamobile, deux MVNO spécialistes commercialisant leurs offres auprès du grand public.

* Rectification d’erreur matérielle.

50 Ainsi, dans la décision n° 14-DCC-160 précitée, alors que SFR avait conclu un accord de distribution exclusive avec La Poste similaire à celui analysé en l’espèce, l’Autorité a examiné si les bureaux de poste disposaient d’une autonomie commerciale vis-à-vis de SFR, afin de déterminer s’il fallait tenir compte de ces bureaux au titre de l’analyse concurrentielle et de l’appréciation du pouvoir de marché de la nouvelle entité. En l’espèce, elle a considéré que les points de vente de La Poste ne disposaient d’aucune autonomie commerciale et devaient donc être pris en compte dans l’analyse du pouvoir de marché de la nouvelle entité.

* Rectification d’erreur matérielle.

51 Décisions de l’Autorité précitées n° 09-DCC-35, point 39 ; n° 11-DCC-118, point 35 et n° 14-DCC-179, point 53.

52 Décisions de l’Autorité précitées n° 09-DCC-35, point 46 ; n° 11-DCC-118, point 42 ; n°14-DCC-179, point 57 et n° 17-DCC-43, point 33.

53 Décisions de l’Autorité précitées n° 14-DCC-160, point 641 ; n° 14-DCC-179, points 58-59 et n° 17-DCC-43, point 38.

54 Décisions de l’Autorité précitées n° 09-DCC-35, point 48 ; n° 11-DCC-118, point 44 ; n° 14-DCC-160, point 643 ; et n° 14-DCC-179, point 63.

55 Décision de l’Autorité précitée n° 14-DCC-179, point 65.

56 Décision de l’Autorité précitée n° 14-DCC-179, point 66.

57 Décision de l’Autorité précitée n° 14-DCC-160.

58 S’agissant de Free, les points de vente retenus sont des bornes et Free Center. Une pondération est appliquée compte tenu du nombre relativement limité de ventes que ces points de vente réalisent

59 Voir la décision de l’Autorité précitée n° 14-DCC-160.

60 Voir la décision de la Commission COMP/M.7259, du 25 juin 2014, Carephone Whareghouse/Dixons, §60.

61 SIM - Subscribe Identification Module - Carte d'identification de l'abonné. Le module d'identification de l'abonné (SIM) est une carte couramment utilisée dans un téléphone GSM. Elle renferme une puce qui stocke les informations et crypte les transmissions voix et données, rendant quasiment impossible l'écoute d'un appel en cours. La carte SIM renferme également des informations qui identifient l'appelant de l'opérateur réseau. La carte SIM renferme toutes les informations relatives au téléphone (numéro de téléphone, annuaire, compte, etc.),

62 [Confidentiel].

63 [Confidentiel].