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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 février 2021, n° 19/11996

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Denis Hayat (EIRL)

Défendeur :

Conseils et Ventes de Matériels Industriels (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Depelley

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Guidoux, Me Hatet Sauval, Me Descotes

T. com. Lyon, du 15 mai 2019

15 mai 2019

FAITS ET PROCEDURE

La société Conseils et ventes de matériels industriels (ci-après « CVMI ») a pour activité la commercialisation de tous matériels industriels et en particulier, les machines destinées à la fabrication de miroiterie. M. X a été associé à 49 % dans la société CVMI dont il a été le cogérant avec M. Y, son beau-frère, jusqu'au 31 mai 2010, date à laquelle il a donné sa démission de ses fonctions de co-gérant tout en conservant ses parts dans la société.

Le 3 janvier 2011, M. X a créé l'EIRL Denis Hayat pour exercer une activité commerciale auprès de la société CVMI pour laquelle il facturait forfaitairement 750 euros par jour travaillé.

Après la dégradation des relations entre les parties et une altercation survenue entre elles le 16 novembre 2016, M. Y a notifié à M. X la rupture des relations commerciales par lettre du 17 novembre 2016.

Estimant avoir subi une rupture de son contrat d'agent commercial outre le non-paiement de factures, et subsidiairement une rupture brutale de la relation commerciale, par acte du 20 décembre 2017, l'EIRL Denis Hayat a assigné la société CVMI devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement du 15 mai 2019, le tribunal de commerce de Lyon, a :

- dit que les parties au litige n'étaient pas liées par un contrat d'agent commercial,

- débouté l'EIRL Denis Hayat de sa demande tendant à voir condamner la société Conseils et Ventes de Matériels Industriels à lui verser une indemnité de rupture égale à la somme de 128 108,57 euros.

- débouté l'EIRL Denis Hayat de sa demande tendant à voir condamner la société Conseils et Ventes de Matériels Industriels à lui verser une indemnité de préavis de 17 816 euros,

- débouté l'EIRL Denis Hayat de sa demande tendant à voir condamner la société Conseils et Ventes de Matériels Industriels à lui verser la somme de 32 027 euros au titre des affaires conclues postérieurement à la cessation de ses relations avec la société Conseils et Ventes de Matériels Industriels,

- débouté l'EIRL Denis Hayat de sa demande tendant à voir condamner la société Conseils et Ventes de Matériels Industriels à lui verser la somme de 128 108,57 euros au titre de la rupture brutale et sans préavis des relations commerciales établies,

- condamné la société Conseils et Ventes de Matériels Industriels à payer à l'EIRL Denis Hayat la somme de 25 000 euros TTC au titre des factures restant impayées,

- débouté l'EIRL Denis Hayat de sa demande tendant à voir condamner la société Conseils et Ventes de Matériels Industriels à lui verser la somme de 183 272,75 euros au titre des frais engagés,

- rejeté la demande de la société Conseils et Ventes de Matériels Industriels visant à condamner l'EIRL Denis Hayat à lui verser la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- rejeté la demande de la société Conseils et Ventes de Matériels Industriels visant à condamner l'EIRL Denis Hayat à lui verser la somme de 10 587,37 euros en règlement de la facture n° 2016-224.

- Condamné la société Conseils et Ventes de Matériels Industriels à payer à l'EIRL Denis Hayat la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 CPC.

- dit les parties non fondées quant au surplus de leurs demandes, fins et conclusions et les en déboute respectivement,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

- condamné la société Conseils et Ventes de Matériels Industriels aux entiers dépens.

Le 12 juin 2019, l'EIRL Denis Hayat a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 2 mars 2020, l'EIRL Denis HAYAT demande à Cour de :

Vu les articles L. 134-1, L. 134-6, L. 134-7, L. 134-11 et 134-12 du Code de commerce,

Vu l'article L. 442-6, 5° du Code de commerce

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence produite,

Vu l'ensemble des pièces versées aux débats,

RECEVOIR l'EIRL DENIS HAYAT en son appel et y faisant droit,

CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 15 mai 2019 en ce qu'il a :

. Rejeté la demande de la société CONSEILS ET VENTES DE MATERIELS INDUSTRIELS de condamner l'EIRL Denis HAYAT à lui verser la somme de 10 587,37€ en règlement de la facture n° 2016-224 ;

. Rejeté la demande de la société CONSEILS ET VENTES DE MATERIELS INDUSTRIELS de condamner l'EIRL Denis HAYAT à lui verser la somme de 5 000€ de dommages et intérêts pour procédure abusive.

. Condamné la société CONSEILS ET VENTES DE MATERIELS INDUSTRIELS à payer à l'EIRL Denis HAYAT la somme de 25 000 euros TTC au titre des factures restant impayées.

. Condamné la société CONSEILS ET VENTES DE MATERIELS INDUSTRIELS à payer à I'EIRL Denis HAYAT la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Lyon en date du 15 mai 2019 en ce qu'il a :

. Dit que les parties au litige n'étaient pas liées par un contrat d'agent commercial ;

. Débouté l'EIRL Denis HAYAT de sa demande tendant à voir condamner la société CONSEILS ET VENTES DE MATERIELS INDUSTRIELS à lui verser une indemnité de rupture égale à la somme de 128 108,57 € ;

. Débouté l'EIRL Denis HAYAT de sa demande tendant à voir condamner la société CONSEILS ET VENTES DE MATERIELS INDUSTRIELS à lui verser une indemnité de préavis de 17 816€ ;

. Débouté l'EIRL Denis HAYAT de sa demande tendant à voir condamner la société CONSEILS ET VENTES DE MATERIELS INDUSTRIELS à lui verser la somme de 32 027 € au titre des affaires conclues postérieurement à la cessation de ses relations avec la société CONSEILS ET VENTES DE MATERIELS INDUSTRIELS ;

. Débouté l'EIRL Denis HAYAT de sa demande tendant à voir condamner la société CONSEILS ET VENTES DE MATERIELS INDUSTRIELS à lui verser la somme de de 128 108,57 € au titre de la rupture brutale et sans préavis des relations commerciales établie ;

. Dit les parties non fondées quant au surplus de leurs demandes, fins et conclusions et les en déboute respectivement, mais uniquement lorsqu'il dit non fondé le surplus des demandes de Monsieur Denis Hayat (EIRL) et l'en déboute.

Et statuant à nouveau, de :

A titre principal, s'agissant de la qualification de la relation contractuelle en contrat d'agent commercial :

- Dire et juger que les parties étaient liées par un contrat d'agent commercial ;

- Dire et juger que la société CVMI a rompu brutalement ce contrat d'agent commercial le 14 novembre 2016 ;

Par conséquent,

- Condamner la société CVMI à verser à l'EIRL DENIS HAYAT, en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, une indemnité de rupture égale à la somme de 128 108,57 € ;

- Condamner la société CVMI à verser à l'EIRL DENIS HAYAT, en application de l'article L. 134-11 du Code de commerce, une indemnité de préavis de 17 816 € ;

- Condamner la société CVMI, en application de l'article L. 134-7 du Code de commerce,

. à titre principal, à verser à l'EIRL DENIS HAYAT la somme de 35 631,84 au titre des affaires conclues postérieurement à la cessation de ses relations avec la société CVMI ;

. à titre subsidiaire, à communiquer son grand livre des ventes pour la période comprise entre le 1er octobre 2016 et le 30 juin 2017 ;

A titre subsidiaire, si le Tribunal ne retenait pas la qualification d'agent commercial :

- Dire et juger que les parties étaient liées par une relation commerciale établie ;

- Dire et juger que la société CVMI a rompu brutalement la relation commerciale le 14 novembre 2016 sans respecter un préavis écrit ;

- Condamner la société CVMI à verser à l'EIRL DENIS HAYAT la somme de 128 108,57 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi ;

En tout état de cause,

- Condamner la société CVMI à verser à l'EIRL DENIS HAYAT la somme de 28 154,40 € TTC € au titre des factures impayées ;

- Condamner la société CVMI à payer la somme de 20 000 € à l'EIRL DENIS HAYAT en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société CVMI aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 10 décembre 2019, la société CVMI demande à Cour, de :

Vu le jugement du Tribunal de Commerce de LYON en date du 15 mai 2019,

Vu les conclusions et pièces produites par la société CVMI et ses demandes incidentes ;

Vu les dispositions légales relatives aux agents commerciaux et aux pratiques restrictives de concurrence,

Vu la facture n° 2016-0224 due par l'EIRL DENIS HAYAT à la société CVMI,

Vu les articles 559 et 700 du code de procédure civile,

- De confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'EIRL Denis HAYAT de ses demandes principales pour qualifier le contrat d'agent commercial, de ses demandes subsidiaires au titre de la brusque rupture et de ses demandes infiniment subsidiaires au titre des frais.

A titre incident,

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Condamné la société CVMI à payer la somme de 25 000 € ttc

- Condamné la société CVMI à payer la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du C. P.C

- Rejeté les demandes de la société CVMI au titre de factures impayées et de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau,

- Débouter l'EIRL DENIS HAYAT de toute prétention au titre du paiement de factures pour la somme de 28 154,40 € relatives à des prestations pour la période de juin à novembre 2016, en ce qu'elles sont non fondées ;

- Rejeter toutes les demandes de l'EIRL DENIS HAYAT au titre des frais irrépétibles et dépens,

- Constater le caractère abusif des prétentions et actions menées par l'EIRL DENIS HAYAT contre la société CVMI ;

- Condamner l'EIRL DENIS HAYAT à verser à la société CVMI la somme de 5 000 € de dommages et intérêts pour procédures abusives ;

- Condamner l'EIRL DENIS HAYAT à payer à la société CVMI la somme de 10 587,37€ en règlement de la facture n° 2016-224 outre intérêts de droit à compter de l'Arrêt à intervenir ;

- Condamner l'EIRL DENIS HAYAT à payer à la société CVMI la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du C. P.C. ;

- Condamner l 'EIRL DENIS HAYAT aux entiers dépens distraits au profit de la SCP NABOUDET HATET par application de l'article 699 C. P.C.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la nature de la relation commerciale entre les parties

L'EIRL Denis Hayat fait valoir qu'il bénéficiait d'un contrat d'agent commercial, en ce qu'il avait pour mission de proposer les conditions tarifaires au client, de négocier les tarifs avec CVMI, d'établir des devis, de procéder à la démonstration des produits chez le client, de négocier les conditions de règlements et ou de livraison, de prospecter des clients et de prendre en charge le service après-vente. Il est soutenu que l'EIRL Denis Hayat disposait d'une marge de manœuvre dans la conduite de ses missions, et peu important sa rémunération forfaitaire, l'absence de contrat écrit ou d'inscription au registre spécial des agents commerciaux.

La société CVMI réplique que M. X n'avait aucun pouvoir pour personnellement et seul, au nom de la société CVMI, conclure des contrats, le gérant de la société CVMI devant systématiquement valider et approuver les très rares propositions commerciales auxquelles M. X était indirectement concerné et aucune commande pour le compte de la société CVMI n'a jamais été prise par M. X. Elle soutient en outre qu'elle n'a jamais versé aucune commission à l'EIRL Denis Hayat mais que cette dernière, dans une opacité totale, facturait sans justifier des prétendues prestations « commerciales, administratives et financières » pour la somme forfaitaire de 750 euros HT par jour, alors que l'essence même du contrat d'agent commercial tient au mode de rémunération des prestations effectuées sous la forme de commissions proportionnelles.

Sur ce,

Il résulte de l'article L. 134-1 du code de commerce, qui transpose l'article 1 de la directive européenne n° 86/653/CEE du 18 décembre 1986, que doit être qualifié d'agent commercial le mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux, quoiqu'il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services.

Il est de principe que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention, ni de l'inscription de l'intermédiaire au registre spécial des agents commerciaux, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée, la mission permanente de négocier étant essentielle.

La négociation dont est chargé l'agent commercial s'entend de l'ensemble des démarches, discussions et rencontres organisées par lui en vue de trouver des prospects et de les inciter à conclure un contrat avec le mandant, étant rappelé que l'essence de sa mission est de rechercher et procurer à ce dernier des nouveaux clients et de les fidéliser, tout en étant libre de l'organisation de ses modalités de travail et sachant que la clientèle ainsi constituée sera commune aux deux parties, mandant et agent,

Il est rappelé en outre que la qualité de mandataire indépendant de l'agent commercial s'entend tout à la fois de ce qu'il exerce à ses risques et se trouve libre et autonome s'agissant de son organisation de travail, ce qui le différencie du simple mandataire.

La rémunération selon une base forfaitaire ne permet pas d'écarter, à elle seule, le statut d'agent commercial.

En l'espèce, la société CVMI ne conteste pas avoir régulièrement rémunéré l'EIRL Denis Hayat entre les années 2011 et 2016. Le gérant de la CVMI a lui-même déclaré (pièce n°13 procès-verbal d'audition) que M. X avait fait valoir ses droits à la retraite en 2010 et en parallèle avait monté une structure en EIRL pour intervenir pour le compte de la société CVMI auprès des clients dans le conseil, la vente, l'après-vente et la recherche de produits nouveaux. Il ressort également des explications des parties que M. X était jusqu'au 31 mai 2010 co-gérant de la société CVMI avec M. Y et exerçait les fonctions commerciales au sein de cette société.

Il résulte de différents échanges de courriels courant 2016 produits aux débats par l'EIRL Denis Hayat qu'il procédait effectivement pour le compte de la société CVMI à la prospection de clients (pièces n° 10, 26,57,59) à l'établissement des devis et au recueil des commandes (pièces n° 12,13, 14, 31, 34, 35). Il s'occupait en particulier de négocier les offres qu'il établissait en concertation avec le gérant de la CVMI notamment sur les prix (pièces n° 11, 14, 15, 16, 24, 25, 32, 36, 56) et disposait d'une marge de manœuvre certaine pour organiser ses visites de clients et négocier les conditions techniques et commerciales des ventes (pièces n° 44 et 50, 25, 20, 19, 51). Il ressort de l'ensemble des échanges de courriels et attestations que M. X disposait d'une large autonomie et menait les discussions en direct sur la détermination des prix avec les clients et la proposition de vente de prestations et de produits, sans être utilement contredit par la production des quelques pièces de la société CVMI (les pièces n° 29).

Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments l'EIRL Denis Hayat devait bénéficier du statut d'agent commercial dans sa relation avec la société CVMI, peu important sa rémunération sur la base d'un forfait. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les sommes dues à la suite de la rupture de la relation commerciale

. sur les indemnités de rupture et de préavis

L'EIRL Denis Hayat sollicite la somme de 128 108,57 euros au titre de l'indemnité de rupture en application de l'article L. 134-12, soit l'équivalent de deux années de rémunération selon la pratique et calculée sur une moyenne annuelle de facturation entre 2014 et 2016 de 64 054,28 euros. Il est soutenu que la société CVMI a abusivement profité de l'incident intervenu le 16 novembre 2016 et qu'aucune faute grave n'a été reprochée pendant l'exercice de l'activité d'agent commercial. Il est également demandé la somme de 17 816 euros à titre d'indemnité de préavis, soit l'équivalent de trois mois de rémunération en application de l'article L. 134-11 du code de commerce.

La société CVMI réplique à ces demandes par l'inexistence du contrat d'agent commercial.

Sur ce,

Par lettre du 17 novembre 2016, la société CVMI a mis fin à la relation avec l'EIRL Denis Hayat, sans préavis, au motif de faits graves d'agression et vol de documents comptables survenus le 16 novembre 2016.

Par lettre du 7 décembre 2016, l'EIRL Denis Hayat a pris acte de la rupture et notifié son intention de se prévaloir de l'indemnité de cessation de contrat en application de l'article L. 134-12 du code de commerce.

L'article L. 134-12 al. 1er du code de commerce prévoit que « En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ».

Si la société CVMI conteste l'existence du statut d'agent commercial et évoque divers manquements de M. X notamment lors de leur altercation du 16 novembre 2016 à l'appui de son argumentation au titre de l'application de l'article L. 442-6, elle ne soutient pas l'existence d'une faute grave sur le fondement de l'article L. 134-13 du code de commerce pour écarter l'application de l'article L. 134-12 du même code. Il sera par ailleurs relevé que les parties apportent une version différente de l'altercation survenue le 16 novembre 2016. M. Y a déposé plainte pour vol de documents comptables avec violence. M. X a pour sa part déposé plainte le 28 juin 2017 en sa qualité d'associé de la société CVMI du chef des abus de biens sociaux commis par M. Y. Au vu des éléments de fait et de droit des parties, il ne sera pas retenu de faute grave de la part de M. X au sens des dispositions de l'article L. 134-13 précité.

L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Son quantum n'étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause, même s'il existe un usage reconnu qui consiste à accorder l'équivalent de deux années de commissions, lequel usage ne lie cependant pas la Cour.

En l'espèce, M. X a exercé l'activité d'agent commercial pour le compte de la société CVMI pendant près de 6 années de janvier 2011 à novembre 2016, tout en faisant valoir ses droits à la retraite à compter de 2010 après avoir quitté ses fonctions de co-gérant de la même société. L'EIRL Denis Hayat n'explicite cependant pas le résultat de son activité pendant toutes ses années et notamment l'amplitude du développement de la clientèle. Compte tenu de ces circonstances particulières, il y a lieu d'accorder l'équivalent d'une année de rémunération.

Il est justifié que la "prestation commerciale" de l'EIRL Denis Hayat était facturée et payée suivant une rémunération forfaitaire de 750 euros par journée. Il ressort de la facturation émise par ce dernier, que celui-ci facturait également de manière distincte des prestations « financières » et « administratives » sans justifier concrètement à quoi correspondait ces prestations et si elles étaient en lien direct avec l'activité d'agent commercial. Autrement dit, l'EIRL Denis Hayat n'établit pas qu'il résultait de la commune intention des parties que ces prestations faisaient partie intégrante de la rémunération de l'activité d'agent commercial.

Pour le calcul de l'indemnité, il sera dès lors retenu 65 % de la facturation moyenne annuelle établie à 64 054,30 euros par l'EIRL Denis Hayat, soit une indemnité de 41 635, 30 euros.

En application de l'article L. 341-11 [sic] du code de commerce, l'EIRL Denis Hayat est en droit de bénéficier d'une indemnité de préavis équivalente à trois mois de rémunération. Il sera retenu 65 % de la facturation mensuelle moyenne de 2016 (5 938,6 euros), soit une indemnité de 11 580 euros (3 x 3 860 euros).

En conséquence la société CVMI sera condamnée à verser à l'EIRL Denis HAYAT les sommes de 41 635,30 euros à titre d'indemnité de rupture et de 11 580 euros à titre d'indemnité de préavis. Le jugement sera infirmé sur ces points.

. sur le droit aux commissions conclues postérieurement à la cessation du contrat

L'article L. 134-5 dispose que :

« Tout élément de la rémunération variant avec le nombre ou la valeur des affaires constitue une commission au sens du présent chapitre.

Les articles L. 134-6 à L. 134-9 s'appliquent lorsque l'agent est rémunéré en tout ou partie à la commission ainsi définie.

Dans le silence du contrat, l'agent commercial a droit à une rémunération conforme aux usages pratiqués, dans le secteur d'activité couvert par son mandat, là où il exerce son activité. En l'absence d'usages, l'agent commercial a droit à une rémunération raisonnable qui tient compte de tous les éléments qui ont trait à l'opération. »

L'article L. 134-7 dispose que :

« Pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.

Lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe ».

Il ressort des pièces versées aux débats et des explications des parties que la rémunération de l'EIRL Denis Hayat pour son activité d'agent commercial était au forfait et ne comportait pas de partie variable avec le nombre ou la valeur des affaires.

L'EIRL Denis Hayat n'étant pas rémunérée en tout ou partie à la commission, ne peut prétendre à l'application des dispositions de l'article L. 134-7 précité.

En conséquence, l'EIRL Denis Hayat sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 35 631,84 euros et de communication de pièces. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement de factures de l'EIRL Denis Hayat

L'EIRL Denis Hayat fait valoir que par courrier du 1er décembre 2016, elle a mis en demeure la société CVMI de lui payer les factures sur commission demeurées impayées suivantes :

- une facture d'août 2013 pour un montant de 5 382 € TTC ;

- une facture de décembre 2013 pour un montant de 5 382 € TTC ;

- une facture de septembre 2014 pour un montant de 6 300 € TTC ;

- une facture de mars 2016 pour laquelle reste à payer un montant de 2 190 € TTC ;

- une facture d'avril 2016 pour un montant de 7 200 € TTC ;

- une facture de mai 2016 pour laquelle reste à payer un montant de 1 700,4 € TTC ;

- une facture de juin 2016 pour laquelle reste à payer un montant de 4 299,9 € TTC ;

ainsi que les 3 dernières factures des mois de septembre, octobre et novembre 2016, précédant la rupture, demeurant impayées en totalité :

- une facture de septembre 2016 pour un montant de 6 300 € TTC ;

- une facture d'octobre 2016 pour un montant de 7 200 € TTC ;

- une facture de novembre 2016 pour un montant de 7 200 € TTC.

Le tribunal ayant fait droit à la demande en paiement des factures pour les mois de juin 2016 à novembre 2016, il est demandé également la condamnation de la société CVMI en paiement de la somme de 28 154,40 euros au titre de toutes les autres factures impayées. A l'appui de la demande en paiement, l'EIRL Denis Hayat soutient que l'ensemble des factures ont fait l'objet d'une mise en demeure en décembre 2016, qu'elles sont échues et correspondent toutes à des prestations réalisées et faute de contestation de la part de la société CVMI, leur paiement est dû.

La société CVMI conclut à l'infirmation du jugement et au rejet des demandes en paiement de ses factures de la part de l'EIRL Denis Hayat. Il est soutenu que l'EIRL Denis Hayat non seulement n'a pas réclamé le montant des factures qu'il estime impayées depuis 2013, mais qu'il résulte d'un échange de mail courant juillet 2016 que la société CVMI contestait la réalité des prestations facturées et en demandait des justifications.

Sur ce,

Il ressort des pièces versées aux débats que la société CVMI a régulièrement honoré les factures de prestations de la société EIRL Denis Hayat jusqu'en juin 2016 et que ce dernier ne justifie d'aucune réclamation jusqu'à la première mise en demeure en 2016.

Il ressort toutefois d'un échange de courriel courant juillet 2016 (pièces CVMI n° 8 à 12) que le gérant de la société CVMI a demandé à l'EIRL Denis Hayat de justifier de la réalité des prestations dont la facturation était demandée depuis juin 2016.

Il appartient à l'EIRL Denis Hayat de justifier des prestations dont il est demandé le paiement par l'établissement de factures.

Pour l'ensemble des prestations facturées pour 2013, 2014 et jusque fin juin 2016, l'EIRL Denis Hayat ne justifie d'aucune réclamation, ni explicite les actions ou les activités pour le compte de la société CVMI qui n'auraient pas fait l'objet d'un paiement.

Pour les prestations facturées de juillet 2016 à novembre 2016, à l'appui de sa demande en paiement, l'EIRL Denis Hayat n'explicite aucunement les actions ou activités qui ont donné lieu à la facturation telle que produite pour cette période, alors même que depuis juillet 2016, elle était requise par le gérant de la CVMI d'expliquer et de justifier sa facturation.

Il ressort néanmoins de l'ensemble des échanges de courriels produits à l'appui de la demande de reconnaissance du statut d'agent commercial que l'EIRL Denis Hayat, a bien eu une activité commerciale pour le compte de la société CVMI notamment courant juillet, août 2016. En l'état de ces éléments, il ne sera fait droit à la demande en paiement de l'EIRL Denis Hayat qu'à hauteur du montant de la facture de septembre 2016, soit 6 300 euros TTC.

En conséquence, la société CVMI sera condamnée à payer à l'EIRL Denis Hayat la somme de 6 300 euros TTC. L'EIRL Denis Hayat sera déboutée du surplus de ses demandes au titre des factures impayées. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement de la société CVMI de la facture n° 2016-224 d'un montant de 10 587,37 euros

La société CVMI réclame le paiement d'une facture à l'encontre de l'EIRL Denis Hayat pour une somme de 10 587,37 euros, restée impayée après mise en demeure du 8 avril 2017. Il est soutenu que cette demande en paiement n'a suscité aucune réaction ni contestation sur la nature des frais, des réparations et des amendes qui sont exclusivement imputables à l'EIRL Denis Hayat.

L'EIRL Denis Hayat conteste la somme réclamée. Il est relevé que la facture est datée du 31 décembre 2016 alors qu'elle fait référence à des contraventions datées de 2017 et 2018.

Sur ce,

Comme l'a retenu le tribunal, par des motifs pertinents, qui ne sont contredits par aucune nouvelle pièce de la part de la société CVMI à hauteur d'appel, et que la Cour adopte, que la facture établie par la société CVMI se compose d'un recensement de dépenses diverses sans qu'aucune pièce justifiant les différentes sommes ne soit versée ni que lesdites dépenses puissent être rattachées à des frais engagés par Monsieur X, qui n'a fait l'objet d'aucune réclamation.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société CVMI de sa demande en paiement au titre de la facture n° 2016-224.

Sur la demande d'indemnité pour procédure abusive de la société CVMI

Compte tenu du sens de la décision rendue, la société CVMI sera déboutée de sa demande d'indemnité pour procédure abusive. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société CVMI aux dépens de première instance et à payer à l'EIRL Denis Hayat la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société CVMI, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile en appel, la société CVMI sera déboutée de sa demande et condamnée à verser à l'EIRL Denis Hayat la somme de 6 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- dit que les parties au litige n'étaient pas liées par un contrat d'agent commercial,

- débouté l'EIRL Denis Hayat de sa demande au titre d'une indemnité de rupture,

- débouté l'EIRL Denis Hayat de sa demande au titre d'une indemnité de préavis,

- condamné la société Conseil et ventes de matériels industriels à payer à l'EIRL Denis Hayat la somme de 25 000 euros TTC au titre des factures restant impayées,

Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que l'EIRL Denis Hayat avait la qualité d'agent commercial à l'égard de la société Conseil et ventes de matériels industriels (CVMI),

Condamne la société Conseil et ventes de matériels industriels à payer à l'EIRL Denis Hayat la somme de 41 635, 30 euros à titre d'indemnité de rupture,

Condamne la société Conseil et ventes de matériels industriels à payer à l'EIRL Denis Hayat la somme de 11 580 euros à titre d'indemnité de préavis,

Condamne la société Conseil et ventes de matériels industriels à payer à l'EIRL Denis Hayat la somme de 6 300 euros TTC au titre de la facture de septembre 2016,

Déboute l'EIRL Denis Hayat du surplus de ses demandes,

Condamne la société Conseil et ventes de matériels industriels aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon la procédure de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Conseil et ventes de matériels industriels à payer à l'EIRL Denis Hayat la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

Rejette toute autre demande.