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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 février 2021, n° 19/20919

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cuisines Design Industries (Sasu)

Défendeur :

Sofiseb (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Depelley

Avocats :

Me Mayol, Me Boccon Gibod, Me Ohana

Poitiers, 1re civ., du 2 avr. 2010

2 avril 2010

FAITS ET PROCÉDURE

La société de droit suisse Sofiseb SA, a été créée en 1984 par la Société financière industrielle service exploitation Bonnet (la société Sofiseb), pour assurer la distribution en Suisse de mobiliers de cuisine.

A la faveur d'une augmentation de capital, M. Z, qui était depuis 1970 l'agent commercial de la société mère, a acquis 25 % du capital social de la société Sofiseb SA avant de devenir le directeur puis l'administrateur unique de cette société.

Après le redressement judiciaire de la société Sofiseb en 1996, ses actifs, dont les titres Sofiseb SA, ont été cédés à la société Sofiseb Industries devenue en 2001 la société Cuisines et Bains Industries (la société CBI).

Après avoir proposé sans succès à M. Z de lui racheter les actions qu'il détenait dans la société Sofiseb SA, la société CBI a demandé à M. Z de convoquer une assemblée générale extraordinaire afin de pourvoir à son remplacement, lui reprochant des agissements frauduleux entraînant une perte de confiance.

Un jugement du 23 août 2002 du tribunal de commerce de Genève, confirmé par un arrêt de la cour de justice du canton de Genève du 21 novembre 2002, a rejeté la demande de la société CBI tendant à être autorisée à convoquer elle-même ladite assemblée, au motif que si les droits patrimoniaux de la société Sofiseb SA avaient bien été cédés à l'acquéreur lors de la cession des actifs de la société Sofiseb, il n'en était pas de même concernant les droits sociaux y afférents, faute d'avoir obtenu l'aval de la société quant à la modification de son actionnariat, ainsi que le prévoyaient les statuts.

Le 24 septembre 2002, la société CBI a déposé plainte contre M. Z devant le procureur général de Genève pour des faits de gestion déloyale.

Par lettre du 15 janvier 2003, la société CBI a informé la société Sofiseb SA de ce qu'elle n'était plus autorisée à faire usage des marques Arthur Bonnet Cuisine et Bains, Coméra et Nautine à compter du 1er février 2003

Estimant cette rupture brutale et dénuée de fondement, la société Sofiseb SA a fait assigner la société CBI devant le tribunal de commerce de la Roche sur Yon qui, par un jugement du 13 juillet 2007, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 2 avril 2010, a débouté la société Sofiseb SA de ses demandes

Par un arrêt du 18 octobre 2011, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Sofiseb SA.

Le 28 août 2013, la chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours formé par la société CDI Cuisines Design Industries (la société CDI), venant aux droits de la société CBI, à l'encontre de la décision du tribunal de police du canton de Genève du 17 mai 2013 ayant acquitté M. Z des faits de gestion déloyale aggravée.

C'est dans ces conditions que la société Sofiseb, invoquant des circonstances nouvelles, a fait assigner la société Cuisines Design Industries, devant le tribunal de commerce de La Roche sur Yon, pour rupture brutale des relations commerciales.

Par jugement du 23 septembre 2014, le tribunal de commerce de La Roche sur Yon s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Rennes.

Par jugement du 12 mai 2015, le tribunal de commerce de Rennes a :

- constaté que M. Z a été relaxé du chef de tous les faits qui lui étaient reprochés au pénal devant les juridictions suisses,

- débouté la société CDI de sa fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée au motif qu'un événement est venu modifier la situation antérieurement reconnue en justice,

- débouté la société CDI de sa fin de non recevoir tirée de la règle de l'estoppel et du principe de la concentration des moyens,

- déclaré recevable l'action engagée par la société Sofiseb,

- enjoint à la société CDI de conclure au fond au plus tard le 30 juin 2015,

- enjoint à la société Sofiseb de conclure en réponse au plus tard le 30 juillet 2015,

- invité la société Sofiseb et la société CDI à se présenter devant le tribunal de commerce de Rennes à l'audience publique du 3 septembre 2015 à 14 heures 30 pour plaider,

- réservé les dépens,

- liquidé les frais de greffe à la somme de 96,26 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du code de procédure civile.

Par jugement du 15 décembre 2015, le tribunal de commerce de Rennes a :

- constaté la rupture de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442 - 6, I, 5° du code de commerce,

- condamné la société CDI à payer à la société Sofiseb la somme de 892 134 euros en réparation de son préjudice du fait de la rupture brutale, et a débouté cette dernière du surplus de sa demande,

- condamné la société CDI à payer à la société Sofiseb la somme de 100 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral,

- débouté la société Sofiseb de sa demande au titre de la restitution de documents comptables,

- débouté la société CDI de sa demande de compensation légale entre dettes et créances réciproques,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société CDI à payer à la société Sofiseb la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société CDI aux dépens de l'instance,

- liquidé les frais de greffe à la somme de 70,20 euros tels que prévu aux articles695 et 701 du code de procédure civile.

Par déclaration du 18 mars 2016, la société Cuisines Design Industries a interjeté appel des jugements rendus par le tribunal de commerce de Rennes les 12 mai et 15 décembre 2015.

Par arrêt du 28 mars 2018, la cour d'appel de Paris a :

- Infirmé intégralement les jugements des 12 mai 2015 et 15 décembre 2015 rendus par le tribunal de commerce de Rennes ;

Statuant à nouveau,

- Déclaré irrecevables l'ensemble des demandes de la société Sofiseb à l'encontre de la société CDI dans le cadre de cette instance ;

Y ajoutant,

- Débouté la société CDI de sa demande en paiement ;

- Débouté la société CDI de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Condamné la société Sofiseb aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer la somme de 20 000 euros à la société CDI par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur le pourvoi formé par la société Sofiseb SA, la Cour de cassation, par arrêt du 17 octobre 2019, a cassé l'arrêt rendu le 28 mars 2018 entre les parties par la cour d'appel de Paris ; a remis en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Vu les dernières conclusions de la société Cuisines Design Industries, notifiées et déposées le 17 juin 2020, par lesquelles il est demandé à la cour de :

INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de RENNES en date du 12 mai 2015

En conséquence,

DÉCLARER irrecevable la société SOFISEB en raison de la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel de POITIERS du 2 avril 2010 et, subsidiairement, de l'estoppel et du principe de la concentration des moyens ;

En conséquence,

DÉBOUTER la société SOFISEB de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER à titre reconventionnel la société SOFISEB à payer à la société CUISINES DESIGN INDUSTRIES la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

LA CONDAMNER en tous les dépens.

SUBSIDIAIREMENT :

Dans le cas où la Cour de céans n'infirmerait pas le jugement du Tribunal de commerce de RENNES en date du 12 mai 2015 :

INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de RENNES du 15 décembre 2015 ;

DIRE ET JUGER que la rupture des relations d'affaires entre la société CUISINES DESIGN INDUSTRIES et sa filiale de droit suisse SOFISEB n'a pas eu un caractère brutal et que la société CUISINES DESIGN INDUSTRIES était fondée à user de sa faculté de résiliation sans préavis ;

En conséquence,

DÉBOUTER la société SOFISEB de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Très subsidiairement, DIRE ET JUGER que le préavis de 15 jours fixé par la société CUISINES DESIGN INDUSTRIES dans son courrier du 15 janvier 2003 était un délai raisonnable ;

En toutes hypothèses,

DIMINUER considérablement l'indemnité allouée à la société SOFISEB pour rupture abusive ;

LA DÉBOUTER de toute demande indemnitaire au titre de son préjudice moral ;

En tout état de cause,

ORDONNER la compensation judiciaire avec la créance de CUISINES DESIGN INDUSTRIES sur la société SOFISEB à hauteur de la somme de 427 481 euros et à défaut CONDAMNER la société SOFISEB au paiement de la somme de 427 481 euros ;

En toute hypothèse, CONDAMNER la société SOFISEB à payer à la société CUISINES DESIGN INDUSTRIES la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la société SOFISEB aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions de la société Sofiseb notifiées et déposées le 9 juin 2020, par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu le jugement rendu par le Tribunal de commerce de RENNES les 12 mai 2015 et 15 décembre 2015 ;

Vu l'article 122 du CPC,

Vu les exceptions d'irrecevabilité soulevées par la société CDI,

Vu les décisions pénales intervenues, notamment :

- le jugement du Tribunal de police du 7 octobre 2010,

- l'arrêt de la Cour de justice du 4 juillet 2011,

- l'arrêt de la Cour de droit pénal du 7 février 2012,

- l'arrêt de la Cour de justice du 28 août 2013,

Vu le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil,

Vu le caractère absolu de cette autorité,

Vu la jurisprudence rendue en ce domaine,

1°) CONFIRMER le jugement entrepris rendu le 12/05/2015 en ce qu'il a rejeté les exceptions soulevées par la société CDI

Ce faisant, il lui est demandé de dire l'action menée par la société SOFISEB parfaitement recevable,

2°) CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que les décisions pénales suisses constituaient un élément nouveau de nature à remettre en cause l'autorité de la chose jugée attaché à l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 02/04/2010,

4°) CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'ayant considéré que la société SOFISEB était bien fondée en ses demandes d'indemnisation de son préjudice financier et moral du chef de la rupture abusive des relations contractuelles avec détournement de clientèle ;

Sur le fond,

Vu l'article 1134 du code civil,

Vu l'article L446-6-1-4 du code du commerce,

5°) CONFIRMER le jugement en ce qu'ayant retenu la responsabilité contractuelle de la société CDI du chef de la rupture abusive des relations contractuelles.

Subsidiairement,

6°) RETENIR sa responsabilité délictuelle au regard de ses agissements commis à l'encontre de sa filiale ayant fait de celle-ci une coquille vide,

7°) DIRE que sa responsabilité délictuelle est également encourue pour détournement de tous les clients de la filiale,

8°) DIRE que sa responsabilité délictuelle est encourue pour atteinte portée à l'image de marque et à la notoriété de la société SOFISEB,

En tout état de cause,

9°) DIRE que le préjudice matériel subi par la société SOFISEB correspond à une perte de chiffre d'affaires devant être indemnisée sur la base de deux ans correspondant au préavis raisonnable dont il convenait de faire application au regard de l'ancienneté des relations (24 ans),

10°) DIRE que cette somme se justifie d'autant que toute la clientèle de la société SOFISEB a été récupérée par la société mère,

11°) REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas pris en considération la totalité du préjudice financier de la filiale,

En conséquence,

12°) ALLOUER à la société SOFISEB deux ans de chiffre d'affaires, soit la somme de 9 852 590 CHF augmentée des intérêts au taux légal décomptés depuis la rupture des relations contractuelles,

13°) Sur les demandes reconventionnelles de la société CDI,

DIRE et juger que la présente procédure ne revêt aucun caractère abusif ;

En conséquence,

DEBOUTER la société CDI de sa demande formulée à ce titre qui constitue une demande nouvelle sur le fondement de l'article 564 du CPC

Sur la demande compensation

DIRE que les éléments fournis par la société CBI ne sont pas de nature à établir le caractère certain et exigible de sa créance,

CONSTATER que les juridictions pénales suisses lui ont refusé la qualité de partie civile en indiquant qu'elle ne pouvait soutenir avoir subi le moindre préjudice,

DIRE que la réalité de cette créance ne saurait en tout état cause être établie au regard d'une seule attestation non étayée de la moindre information ou du moindre document comptable et sans qu'aucun contexte factuel ne soit évoqué,

CONSTATER que si la créance de la société CDI devait être retenue, il n'existe aucune connexité avec la demande d'indemnisation à l'encontre de la société mère qui est l'objet de cette procédure,

En conséquence,

DEBOUTER la société CDI de sa demande reconventionnelle au titre de la compensation,

15°) CONDAMNER la société la société CUISINES DESIGN INDUSTRIES à régler à la société SOFISEB SA la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du NCPC,

16°) CONDAMNER la société la société CUISINES DESIGN INDUSTRIES aux entiers dépens dont ceux d'appel.

SUR CE, LA COUR

Sur l'infirmation du jugement du tribunal de commerce de Rennes du 12 mai 2015 sollicitée par la société Cuisines Design Industries (CDI)

La société CDI demande à la cour d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Rennes du 12 mai 2015 en ce qu'il a jugé recevable l'action de la société Sofiseb alors que les décisions pénales étrangères n'ont pas autorité sur le civil interne, que la relaxe de Monsieur Z ne constitue pas un événement modifiant la situation antérieurement reconnue en justice et qu'ainsi l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 2 avril 2010 a autorité de la chose de la jugée et enfin que la société Sofiseb a soutenu lors des deux procédures des positions incompatibles.

La société Sofiseb demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Rennes du 12 mai 2015 ayant rejeté les exceptions d'irrecevabilité, soulevées par la société CDI, tirées de l'autorité de la chose jugée, de la théorie de l'estoppel et du principe de la concentration des moyens.

Sur l'autorité de la chose de jugée des décisions pénales étrangères sur le civil français

Selon la société CDI, l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil est inopérante dès lors que le principe selon lequel « le criminel tient le civil en l'état » n'est pas applicable dans les rapports internationaux et que l'action civile en cours devant les juridictions françaises est distincte de l'action pénale qui s'est tenue devant les juridictions suisses et qu'elle n'a pas initiée.

Elle ajoute que l'instance pénale de la compétence des juridictions suisses était engagée contre M. E Z à titre personnel pour des faits de gestion déloyale et de gestion déloyale aggravée et que ce dernier n'est nullement partie à l'instance commerciale l'opposant devant les juridictions françaises mais uniquement la société anonyme de droit suisse Sofiseb, relativement à la seule problématique de la rupture des relations commerciales entre ces deux sociétés.

Mais, la société Sofiseb rétorque justement que les décisions pénales helvétiques bénéficient d'une reconnaissance immédiate sur le territoire français en vertu de l'article 33 la convention de Lugano du 30 octobre 2007, de sorte qu'il convient d'examiner l'incidence de la décision de relaxe prise par les autorités helvétiques à l'égard de M. X sur la recevabilité de l'action de la société Sofiseb retenue par le tribunal de commerce de Rennes dans son jugement du 12 mai 2015.

Sur la recevabilité de l'action au titre de l'autorité de la chose jugée

La société CDI soutient que l'action de la société Sofiseb est irrecevable dès lors que dans le cadre d'une première affaire opposant les mêmes parties en la même qualité et sur le même fondement, la cour d'appel de Poitiers a, par arrêt du 2 avril 2010 passé en force de chose jugée, confirmé le jugement du tribunal de commerce de la Roche Sur Yon en date du 13 juillet 2007, lequel avait débouté la société Sofiseb de ses demandes parmi lesquelles celle tendant à obtenir la condamnation de la société Cuisines et Bains Industries, aux droits de laquelle se trouve désormais la société CDI, au paiement d'une somme de 7 826 653 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des prétendus préjudices résultant de la rupture tout autant prétendument fautive des relations contractuelles. Elle demande à la cour de réformer le jugement du tribunal de commerce de Rennes sur ce point.

La société CDI ajoute que la relaxe de M. Z par les juridictions helvétiques intervenues postérieurement à l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers ne saurait caractériser un « événement postérieur venu modifier la situation antérieurement reconnue en justice' de nature à entrainer la perte d'autorité de chose jugée dudit arrêt. A cet égard, la société CDI fait valoir que la cour d'appel de Poitiers a retenu « qu'il est possible de statuer sur cette demande sans qu'il soit nécessaire de connaître l'issue de la procédure pénale qui est en cours devant les juridictions suisses ». La société CDI ajoute que la cour d'appel de Poitiers a considéré que la rupture, par la société CBI, de ses relations avec la société suisse Sofiseb, était justifiée et ce, indépendamment de la procédure pénale dont faisait l'objet M. Z devant les juridictions suisses, par une faute grave consistant en l'impossibilité, pour la société mère, d'exercer ses droits d'actionnaire majoritaire. Ainsi, selon la société CDI, la cour d'appel de Poitiers ne s'est pas fondée sur les poursuites pénales exercées à l'encontre de M. Z pour qualifier l'existence d'une faute civile justifiant la rupture immédiate des relations contractuelles.

La société Sofiseb, qui précise que les jugements rendus par les juridictions pénales helvétiques, ayant acquitté M. Z, sont définitifs, rétorque que c'est à juste titre que le tribunal de commerce de Rennes a considéré que les décisions pénales helvétiques avaient remis en question l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 30 juin 2010 et ont anéanti le fondement du jugement du tribunal de commerce de la Roche sur Yon du 13 juillet 2007.

Elle relève à cet égard que la motivation du tribunal de commerce de la Roche sur Yon du 13 juillet 2007 repose exclusivement sur les faits visés dans la première plainte déposée contre M. A

Elle ajoute que la motivation de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 30 juin 2010 repose sur les faits dénoncés par la société CDI dans sa première plainte déposée contre M. Z, sur le fait également que la société CDI aurait perdu le contrôle de sa filiale alors que l'instruction pénale menée par les juridictions helvétiques a révélé que les comptes de la filiale étaient totalement contrôlés par la société mère laquelle négociait tous les encours consentis aux clients de la filiale et sur le fait que la société CDI aurait été empêchée d'exercer ses droits sociaux alors que les décisions helvétiques ont indiqué que la société CDI n'avait jamais disposé des droits sociaux qui auraient normalement dus être attachés à ses titres, et ce, faute pour elle d'avoir sollicité, lors du transfert des actifs de la filiale, l'accord de celle-ci.

Sur ce,

L'autorité de la chose jugée de l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Poitiers du 2 avril 2010 ne peut être opposée à la société Sofiseb SA alors que, pour rejeter les demandes de cette dernière, l'arrêt avait relevé, par motifs adoptés, que cette société, sous la signature de M. Z, avait acheté des actions de la société GM Cuisines avec un paiement échelonné sur huit ans et que de tels actes de gestion ne pouvaient que nuire aux intérêts de la société CBI, créancière de sa filiale pour une somme importante depuis 2001 et relevé encore, toujours par motifs adoptés, que la société CBI avait porté plainte contre ces actes accomplis par M. X au nom de la société Sofiseb SA et que le bien-fondé de ces griefs avait été confirmé par les juridictions suisses. En conséquence, les décisions de relaxe prononcées par les juridictions helvétiques constituent un évènement nouveau modifiant la situation juridique des parties de nature à faire échec à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 2 avril 2010.

L'autorité de la chose jugée ne peut être opposée à l'action introduite par la société Sofiseb SA.

Sur la recevabilité de l'action au regard de l'estoppel et du principe de concentration des moyens

La société CDI estime que la société Sofiseb soutient deux positions incompatibles dans les deux instances qu'elle a engagées alors qu'elles sont de même nature, fondées sur les mêmes conventions, qu'elles opposent les mêmes parties et portent sur les mêmes demandes, en ce que lors de la première procédure, la société Sofiseb soutenait qu'il n'y avait aucunement lieu de tenir compte de la procédure pénale engagée devant les juridictions helvétiques par la société CDI à l'encontre de M. Z pour régler la question de l'indemnisation de ses prétendus préjudices liés à la rupture des relations commerciales entre les parties. Elle estime que cette attitude fautive caractérise un manquement à l'obligation de loyauté, justifiant de déclarer irrecevables les demandes de la société Sofiseb en application de la théorie de l'estoppel et, subsidiairement pour violation du principe de la concentration des moyens.

Selon la société Sofiseb, l'estoppel ne peut lui être opposée, ne s'étant pas contredite dans ses arguments et ses moyens puisqu'elle a affirmé devant le tribunal de commerce de la Roche sur Yon qu'il n'était pas nécessaire d'attendre l'issue de la procédure pénale pour constater le caractère abusif de la rupture des relations contractuelles intervenue sans motif, ni préavis après 24 ans d'ancienneté.

Elle ajoute que l'argument tiré de la concentration des moyens est également inopérant puisque les décisions pénales constituent des éléments nouveaux.

Sur ce,

Il ne saurait être fait grief à la société Sofiseb de s'être contredite au détriment d'autrui en soutenant initialement qu'il n'y avait pas lieu d'attendre l'issue de la procédure pénale concernant M. X pour se prononcer sur la rupture brutale des relations commerciales intervenue à son égard et en se prévalant ensuite de la relaxe prononcée par les juridictions helvétiques dont a bénéficié M. X, s'agissant d'un évènement nouveau venu modifier la situation antérieurement reconnue en justice par l'arrêt rendu par la cour d'appel de Poitiers le 2 avril 2010.

Il en est de même de la violation alléguée du principe de la concentration des moyens au regard de cet élément nouveau.

Les fins de non-recevoir invoquées sont rejetées.

Sur la rupture brutale des relations commerciales par la société Sofiseb

Sur la rupture brutale

La société CDI demande à la cour d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Rennes du 15 décembre 2015 en ce qu'il a constaté la rupture brutale des relations commerciales établies au sens de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce et l'a condamnée au paiement de dommages et intérêts alors qu'il aurait dû prendre en compte la spécificité des relations entre une société mère et une société fille et qu'il aurait dû retenir que la rupture était justifiée par une faute grave.

La société Sofiseb soutient que la rupture opérée par la société CDI a été brutale, dépourvue de tout motif dès lors que la société CDI avait décidé de supprimer sa filiale en vue de pouvoir récupérer les commissions de distribution qu'elle lui versait dans le cadre des ventes réalisées

Sur la nature spécifique des relations entre une société mère et une société fille

La société CDI argue que l'action pour rupture brutale d'une société fille envers sa société mère est exceptionnelle, dès lors qu'en principe il ne peut y avoir de contentieux entre elles, la filiale étant contrôlée par la société mère. Elle fait valoir qu'en l'espèce la société mère a perdu le contrôle de sa filiale, la société Sofiseb, du fait du comportement fautif de son administrateur unique, M. Z, qui, à l'occasion du changement d'actionnariat au sein de la société mère, a utilisé l'artifice du non-respect de la clause statutaire d'agrément stipulée au sein de la filiale, pour garder la « haute main » sur la société, non dans l'intérêt social, mais uniquement dans son intérêt propre. Elle fait valoir à cet égard que l'intéressé a pu ainsi échapper depuis 2002 à une demande de révocation de son mandat d'administrateur unique.

Elle ajoute que le tribunal de commerce de Rennes s'est livré à une analyse erronée de l'arrêt de rejet de la cour de cassation du 18 octobre 2011 (Sa pièce 53)

Mais, ainsi que le fait valoir la société Sofiseb, celle-ci constitue une société distincte juridiquement de la société CDI, de sorte que la circonstance que la première soit la filiale de la seconde ne fait pas obstacle à l'existence d'un litige fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies au regard du principe de l'autonomie des personnes morales.

Sur la faute grave

La société CDI soutient que la perte de contrôle sur sa filiale étrangère, la société Sofiseb, dont elle contrôlait l'actionnariat à 75 %, pour seul motif de l'absence de mise en jeu de la clause d'agrément prévue aux statuts la privant de ses droits sociaux, constitue une faute grave de la société Sofiseb justifiant la rupture sans préavis de leurs relations commerciales. Elle sollicite en conséquence la réformation du jugement du tribunal de commerce de Rennes, lequel a retenu de façon erronée que la lettre de rupture n'était pas motivée, alors qu'est visé le refus de la société Sofiseb que la société Cuisines et Bains Industries exerce ses droits sociaux. Elle se prévaut à cet égard de l'arrêt de rejet de la Cour de cassation du 18 octobre 2011.

La société CDI précise que M. Z a privilégié ses intérêts personnels au travers sa participation au sein de la société GM Cuisines, client de la société Sofiseb, par l'intermédiaire de la société Sorimont et lui a refusé l'agrément de l'actionnariat pour l'empêcher de reprendre le contrôle de sa filiale, la société Sofiseb. Elle relève à cet égard que la société GM Cuisines était débitrice d'un important encours à l'égard de la société Sofiseb qu'elle a dû abandonner en partie (sa pièce 94).

Elle ajoute qu'elle n'avait pas connaissance de la qualité d'actionnaire de M. Z au sein de la société Sorimont, laquelle contrôlait la société GM Cuisine, important client de la société Sofiseb (sa pièce 32).

La société Sofiseb rétorque que le motif allégué par la société CDI selon lequel la rupture de leurs relations serait intervenue dans le cadre de la perte totale de contrôle par la société mère de sa filiale est inopérant.

Sur ce,

L'article L. 442-6, I, 5° ancien du code de commerce applicable au litige, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels et que cette disposition ne fait « pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure (...) ».

L'existence de relations établies entre la société CDI et son distributeur en Suisse, la société Sofiseb SA, n'est pas contestée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 janvier 2003, la société Cuisines Design Industries (CBI) a informé la société Sofiseb SA de ce qu'elle n'était plus autorisée à faire usage des marques Arthur Bonnet Cuisines et Bains, Coméra et Nautine à compter du 1er février 2003, (sa pièce 92), justifiant cette décision par le refus de M. Z de lui voir reconnaître ses droits sociaux d'actionnaire majoritaire.

Le même jour, la société Cuisines Design Industries a adressé à l'ensemble des clients suisses de la société Sofiseb SA, une lettre leur indiquant que pour des raisons internes au groupe, elle les remerciait de prendre note qu'à compter du 1er février 2003, toutes les commandes de fournitures devaient lui être adressées.

Le refus allégué de M. X, dirigeant de la société Sofiseb SA, de voir reconnaître à la maison mère ses droits sociaux d'actionnaire majoritaire ne peut constituer une faute grave de nature à justifier une rupture avec un préavis de 15 jours des relations commerciales entre les parties, alors que la perte de contrôle de Cuisines Design Industries sur sa filiale étrangère dont elle contrôlait l'actionnariat à 75 %, est imputable à cette dernière qui, a omis de mettre en jeu de la clause d'agrément prévue aux statuts, la privant ainsi de ses droits sociaux.

Le tribunal de commerce de Rennes doit être approuvé en ce qu'il a retenu que la société Cuisines Design Industries avait rompu ses relations car elle considérait avoir perdu le contrôle de sa fiiliale, règlant ainsi un conflit entre associés qui ne concernait pas la personne morale Sofiseb et que Cuisines Design Industries ne fait pas la démonstration que l'existence de ce conflit rendait impossible la poursuite de ses relations commerciales.

Il convient de constater que la preuve d'une faute suffisament grave de la société Sofiseb SA pour justifier la rupture sans préavis suffisant des relations commerciales établies, n'est pas rapportée.

Sur le préjudice causé par la rupture brutale

La société CDI demande à la cour de réformer le jugement du tribunal de commerce de Rennes en ce qu'il l'a condamnée au paiement de dommages et intérêts pour réparer le préjudice économique et le préjudice moral que la société Sofiseb aurait subis.

Elle estime suffisant le préavis de 15 jours qu'elle a fixé dans le courrier du 15 janvier 2003. Elle relève que le tribunal de commerce de Rennes aurait dû prendre en compte de la spécificité du rapport entre une société mère et sa filiale pour considérer que le préavis raisonnable devait nécessairement être relatif dès lors que dans le cadre d'un groupe l'intérêt de la société mère prime. Elle ajoute que la disparition de sa filiale n'a eu qu'une conséquence très limitée sur le personnel puisque la société ne comptait qu'un unique salarié, le secrétaire de M. A F précise également que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'activité en cause ne consiste pas en la fourniture de produits sous marque distributeur, dès lors que la société Sofiseb commercialisait des produits de la marque Arthur Bonnet.

Concernant le préjudice économique, la société CDI demande à la cour de réformer le jugement du tribunal de commerce de Rennes qui l'a condamnée au paiement de la somme de 892 134 euros alors que la société Sofiseb ne justifie pas la réalité de son préjudice, demande une indemnité correspondant aux chiffres d'affaires et non à la marge brute.

La société Sofiseb demande à la cour, concernant le préjudice financier, de condamner la société CDI à lui verser l'équivalent de deux ans de chiffre d'affaires, en raison de la rupture des relations commerciales établies mais également en raison de la spoliation de toute sa clientèle. Ainsi, elle demande à la cour de réformer le jugement du tribunal sur ce point.

Sur ce,

En accordant un préavis de 15 jours pour rompre des relations commerciales établies entre les parties de près de 18 années (1985 au 15 janvier 2003), la société Cuisine Design Industries a rompu brutalement les relatios commerciales établies avec sa filiale la société Sofiseb SA, peu important les relations mère fille existant entre les deux sociétés.

Au regard de la durée des relations commerciales entre les parties et de la dépendance économique totale de la filiale à l'égard de sa société mère, un préavis de 12 mois aurait dû être accordé.

En outre, le tribunal a justement considéré que le préavis devait être doublé en application de l'article L. 442-6, la relation commerciale portant sur la fourniture de produits sous marque de distributeur. En effet, la société CDI vient aux droits de la société Cuisnes Bains Industrie (CBI) qui conçoit, fabrique et commercialise des meubles de cuisines et la lettre de rupture du 15 janvier 2003 (pièce 92 CDI) mentionne que Sofiseb n'est plus autorisée à faire usage des marques "Arthur Bonnet Cuisines et Bains, Comera et Nautine".

Le tribunal doit être approuvé en ce qu'il a retenu la somme de 482 912 francs suisses au titre de la marge sur coûts variables sur 12 mois., soit la somme de 965 824 francs suisses sur 24 mois.

Il convient dès lors de condamner la société CDI à payer à la société Sofiseb SA la contrevaleur en euros de la somme de 965 824 francs suisses en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale intervenue.

Les dispositions de l'article L. 442-6 I, 5° ancien du code de commerce ayant vocation à réparer le seul préjudice résultant de la brutalité de la rupture et non celui causé par la rupture elle-même, la spoliation alléguée de toute sa clientèle ne peut ainsi être prise en compte, étant observé que cette demande est formée à titre subsidiaire aux termes du dispositif de ses conclusions.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande au titre de intérêts au taux légal à compter de la rupture.

Sur le préjudice moral,

Concernant le préjudice moral, la société CDI demande à la cour de réformer le jugement qui l'a condamnée au titre du préjudice moral alors que dans le cadre d'une stratégie de groupe et dans une situation normale excluant la circonstance exceptionnelle de la perte de contrôle liée au défaut d'agrément de l'associé majoritaire, c'est toujours l'intérêt de la société mère qui prime par rapport à la filiale et l'évocation de la perte de chance d'une possibilité de « se reconvertir » est totalement inexistante.

La société Sofiseb demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Rennes en ce qu'il a condamné la société CDI à régler la somme de 100 000 euros à titre de préjudice moral.

Sur ce,

Le jugement doit être infirmé de ce chef, faute de démonstration d'un préjudice moral causé à la société Sofiseb par la société CDI, l'atteinte causée à la personne de M. X, fût-il l'administrateur unique de la société, par les procédures pénales engagées étant à cet égard, insuffisante pour justifier l'atteinte à son image et à sa réputation.

La demande de ce chef est rejetée.

Sur le compte entre les parties

La société CDI demande à la cour, infirmant le jugement, de prononcer une compensation judiciaire au titre des fournitures impayées s'élevant, sauf à parfaire, à la somme de 627 124 francs suisse, soit 427 481 euros.

Concernant la demande de compensation, la société Sofiseb s'y oppose, soutenant que la pièce produite à cet égard par CDI ne le permet pas.

Sur ce,

L'attestation du commissaire aux comptes produite (pièce 96 de CDI) indique que le document « Déclaration concernant la créance SOFISEB Suisse chez Cuisines et Bains Industries au 31 décembre 2002 » a été établi dans le cadre d'un litige l'opposant à M. X, sous la responsabilité de la société CDI à partir des livres comptables ayant servi à la préparation des comptes annuels pour l'exercice clos le 31 décembre 2002, comptes ayant fait l'objet d'un audit par un autre commissaire aux comptes.

M. W dans son attestation du 26 octobre 2016 précise que ses travaux ont consisté à vérifier la concordance des informations dans le document joint à la présente attestation pour l'exercice clos le 31 décembre 2002 avec les données issues des comptes annuels pour le même exercice.

Cette attestation n'est pas de nature à établir l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible de la société CDI à l'égard de la société Sofiseb à hauteur de la somme de 427 480,62 euros.

Dès lors, la demande de compensation de cette somme avec les sommes dues par CDI ne peut prospérer.

S'agissant de la demande subsidiaire tendant à voir condamner Sofiseb SA au paiement de cette somme, les éléments produits sont insuffisants à établir l'existence de la créance invoquée par la société CDI.

Cette demande, à la supposer recevable, sera rejetée.

Sur la procédure abusive alléguée par la société Cuisine Design Industries (CDI)

La société CDI soutient que la procédure engagée par la société Sofiseb est abusive et demande à la cour de la condamner à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, dès lors qu'il est particulièrement fautif d'engager une nouvelle instance opposant les mêmes parties sur le même fondement pour les mêmes demandes et ce, après que dans le cadre de la première instance est intervenu un arrêt d'appel passé en force de chose jugée objet d'un arrêt rejetant tout pourvoi.

Mais le sens de l'arrêt conduit à rejeter une telle demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société CDI qui succombe, est condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle est, en revanche, condamnée sur ce fondement, à payer à la société Sofiseb SA la somme supplémentaire en cause d'appel de 20 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 17 octobre 2019 cassant en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 28 mars 2018 par la cour d'appel de Paris ;

Confirme le jugement rendu le 12 mai 2015 du tribunal de commerce de Rennes ;

Confirme le jugement rendu le 15 décembre 2015 par le tribunal de commerce de Rennes sauf en ce qu'il a condamné la société CDI à payer à la société Sofiseb la somme de 892 134 euros en réparation de son préjudice du fait de la rupture brutale et en ce qu'il a condamné la société CDI à payer à la société Sofiseb la somme de 100 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral :

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société CDI à payer à la société Sofiseb la contrevaleur en euros de la somme de 965 824 francs suisses en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale intervenue ;

Déboute la société Sofiseb de sa demande en réparation de son préjudice moral ;

Déboute la société CDI de sa demande de condamnation de la société Sofiseb à lui payer la somme de 427 480,62 euros ;

La déboute de ses demandes au titre de la procédure abusive et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société CDI aux dépens d'appel et à payer la société Sofiseb la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.