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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 15 février 2021, n° 20/00426

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Versus (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

M. Roublot, Mme Harrivelle

TGI Strasbourg, du 18 déc. 2019

18 décembre 2019

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société par actions simplifiée (SAS) Versus, immatriculée le 6 juin 2018 et dont le siège social est sis [...], a pour activité principale la vente de vins, de champagne et spiritueux, en direct et en ligne, pour les particuliers et auprès des professionnels, ainsi que la vente de tous produits et accessoires liés à la vente de vin. Elle expose organiser également des animations telles que des dégustations, des voyages culinaires et des escapades chez des vignerons de la région ainsi que, en partenariat avec des restaurants strasbourgeois, des soirées à thème associant vins et plats. Elle indique avoir débuté son activité le 11 avril 2018, et exploiter l'enseigne « Versus ».

Pour sa part, la SARL A. exploite un fonds de commerce de restauration sis [...], sous la marque commerciale « Versus Brasserie et Plus », ayant fait l'objet d'un dépôt auprès de l'INPI le 4 février 2019 de marque semi-figurative et de marque verbale, par décisions, non contestées par la suite, publiées au Bulletin officiel de la propriété intellectuelle (BOPI) le 1er mars 2019.

Le 4 février 2019, la SAS Versus a mis en demeure la SARL A. de cesser l'exploitation du terme « Versus ».

Par assignation enrôlée le 3 juillet 2019, la SAS Versus a fait citer la SARL A. devant le président de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg statuant en référé à fin de voir, au visa des articles 808 et 809 du code de procédure civile et 1240 du code civil, condamner l'intimée, notamment à cesser toute exploitation du terme « Versus », sous peine d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à compter de la signification de la décision, arguant d'un risque de confusion engendré par l'utilisation d'une dénomination sociale et d'une enseigne, selon elle, identiques, et du parasitisme, à son sens, évident, en résultant, qu'elle estimait caractériser une situation de concurrence déloyale.

Par ordonnance rendue le 18 décembre 2019, le juge des référés commerciaux du tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné la SARL A. à retirer de son enseigne et de tout document commercial les termes « Versus » et à cesser toute exploitation du terme « Versus », sous peine d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard, passé un délai de six semaines suivant la signification de la décision, se réservant la compétence pour connaître du contentieux éventuel en liquidation de l'astreinte.

Il a condamné la SARL A. aux dépens, ainsi qu'à verser à la SAS Versus une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge a, notamment, retenu que si les deux parties n'étaient pas en situation de concurrence directe, elles exerçaient toutes les deux dans le secteur de l'offre alimentaire, des activités qui étaient complémentaires, s'adressant toutes deux à « une clientèle de proximité de l'Eurométropole disposée à affecter une partie de son budget à l'achat de vins et spiritueux et à des dépenses de bar et de restaurant », en faisant usage d'un signe strictement identique, constituant l'enseigne et la dénomination sociale de l'une, l'enseigne de l'autre qui a déposé auprès de l'INPI les marques verbales et semi-figuratives « Versus Brasserie et Plus » dont elle faisait usage.

Il relevait encore que, même si les couleurs n'étaient pas strictement identiques, la calligraphie était très proche et le risque de confusion entre les deux sociétés, indéniable comme en témoignaient les attestations, produites aux débats par la demanderesse, de clients et fournisseurs qui indiquaient avoir cru que la société Versus développait son activité en ouvrant un restaurant place du Corbeau.

Ainsi, pour le premier juge, l'utilisation par la société A. du terme « Versus » dans son enseigne et ses documents commerciaux caractérisait un acte de concurrence déloyale, constitutif d'un trouble manifestement illicite.

La SARL A. a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 16 janvier 2020.

Dans ses dernières conclusions en date du 11 décembre 2020, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, elle demande à la cour de déclarer son appel recevable et bien fondé, d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de dire n'y avoir lieu à référé, en déboutant la partie adverse de ses demandes, fins et conclusions et à son encontre, et en condamnant la SAS Versus aux dépens, ainsi qu'à lui régler une indemnité de 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Précisant exploiter son activité depuis le 1er juin 2018, soit deux mois après la date de commencement d'activité déclarée par la société Versus, elle entend, au préalable, indiquer n'avoir pas donné suite à la mise en demeure adverse en l'absence de confusion possible selon elle, et explique s'être conformé aux dispositions de l'ordonnance dont appel, en dépit de quoi elle a été attraite par la partie adverse en liquidation d'astreinte, dans le cadre d'une procédure à l'issue de laquelle la société Versus a été déboutée de l'ensemble de ses fins et prétentions, après constat la nullité de l'acte de signification de l'ordonnance de référé.

Elle entend, par ailleurs, relever que l'examen et la caractérisation d'un acte de concurrence déloyale par confusion, qui suppose un examen au fond, dont relève l'existence de la confusion entre les deux enseignes, la recherche d'une faute et la caractérisation d'un préjudice, excède les compétences du juge des référés, et soutient qu'en l'espèce, les critères de qualification du manquement qui lui est imputé, et du trouble manifestement illicite susceptible d'en résulter ne seraient pas réunis, qu'il s'agisse :

- de l'exploitation de signes distinctifs identiques, qui ne peut résulter de la seule exploitation du même nom commercial, de la même dénomination sociale ou la même enseigne, en l'absence de risque de confusion, que les signes distinctifs de chacune des parties présenteraient des différences suffisamment marquées pour éviter, seul le terme « Versus » étant commun aux deux sociétés, au regard des termes complémentaires qui lui sont adjoint respectivement par chacune des parties, même sans faire partie de la dénomination sociale elle-même, et auxquels elles attachent, manifestement selon elle, une signification particulière ; à cela s'ajouterait l'absence d'identité visuelle des signes distinctifs des deux sociétés, qui résulterait de l'examen, même non approfondi, de l'intégralité des éléments constitutifs des chartes graphiques, en appréciant, de façon objective et subjective, au-delà de simples nuances, les critères de distinction entre les enseignes respectives des parties ; enfin serait à prendre en compte l'analyse de l' « impression d'ensemble », en opposant une impression plus légère, moderne et dynamique, conformé à l'activité de restauration, expressément précisée sur l'enseigne à un aspect classique et formel, renvoyant à l'idée de l'héritage et de la tradition, avec la mention de l'activité de caviste, à quoi s'ajoute encore l'usage répandu de la dénomination « versus » dans le domaine de la restauration et de la vente de boissons alcoolisées,

- de l'exercice d'activité identiques ou similaires, l'intimée exerçant exclusivement, aux termes mêmes de son objet social, une activité de caviste, tandis que la concluante exploite une activité de restauration, étant soutenu que, la complémentarité des activités s'appréciant strictement, l'activité de caviste, participant aux soirées de promotion de la restauration et du vin, ne pourrait être assimilée à l'activité de restauration classique, d'autant qu'elle n'apparaît ni dans l'objet, ni dans les supports commerciaux de la société Versus, qui n'apporte pas la preuve contraire, les éléments versés aux débats par l'intimée conduisant même la concluante, qui les détaille, à s'interroger sur la réalité des prestations invoquées, critiquant les explications adverses comme insuffisantes ou incohérentes ; et pour sa part, la concluante, qui a déposé la marque « Versus » dans la classe 43 et non dans les classes 32 et 33 relatives à la commercialisation de boissons alcoolisées, à l'instar de multiples cavistes, à l'exception certes de la société N., n'est pas elle-même caviste, fût-ce à titre complémentaire, se limitant à commercialiser du vin à consommer sur place et à titre purement accessoire à la vente de nourriture, la vente à emporter étant liée au contexte sanitaire actuel et dans la limite de la licence de restauration, distincte de celle des cavistes, sans que ne puisse, en outre, lui être opposé un algorithme Facebook dont il n'est pas justifié du mode de fonctionnement, et qui ne saurait fonder une complémentarité au sens donné par la société Facebook, d'ailleurs régie par la loi étrangère ; à cela s'ajoute, selon la concluante, la singularité du nom de domaine internet de l'intimée, avec l'adjonction « .wine » dont elle affirme le caractère distinctif, associé à d'autres éléments, en contestant, en outre, tout risque de confusion, dans la perception de la clientèle respective des parties, qui doit s'apprécier en fonction de tout client d'attention moyenne, cette absence de confusion étant reconnue par les clients concernés, à l'exclusion de toute attestation complaisante, l'attestation contestée démontrant au contraire l'absence de confusion, y compris chez des personnes supposées averties,

- de l'exercice de l'activité dans une même zone géographique, compte tenu de l'implantation centrale de la concluante, tandis que la partie adverse exerce en périphérie à plus de 10 km, et que les activités événementielles de type soirées à thème qu'elle a organisées en lien avec des partenaires de la restauration l'ont été dans d'autres quartiers ou communes.

La SAS Versus s'est constituée intimée le 16 avril 2020.

Dans ses dernières écritures déposées le 11 décembre 2020, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, elle conclut au rejet des prétentions adverses comme non fondées et à la confirmation de la décision entreprise, ainsi qu'à la condamnation de l'appelante aux dépens, et à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Exposant avoir découvert, au mois de février 2019, que l'appelante exploitait place du Corbeau à Strasbourg une « brasserie » utilisant une désignation identique à la sienne, avec le même code de couleur, alors qu'elle exerçait jusqu'à cette date et depuis le 1er juin 2018 sous l'enseigne « Copains comme Cochon », et évoquant un risque de confusion selon elle patent, elle indique avoir vainement tenté de régler le litige amiablement et mis en demeure la partie adverse, sans par la suite pouvoir s'opposer ni factuellement, ni juridiquement, au dépôt de marques par cette dernière, qui a ouvert son restaurant. Elle évoque, en outre, une exécution, selon elle partielle, de l'ordonnance entreprise par l'appelante, que ce soit par l'utilisation persistante d'une enseigne évocatrice, ou le maintien, dans un premier temps, sur sa carte ou les réseaux sociaux de l'enseigne litigieuse, outre un règlement tardif des sommes dues en application de l'article 700 du code de procédure civile, toute exploitation du terme « versus » n'ayant pas cessé par la suite.

Et à l'appui de ses prétentions, elle invoque, tout d'abord, la compétence du juge des référés, s'agissant de faire cesser un « trouble manifestement illicite », dont elle se prévaut également, ce dernier résultant, en l'espèce, d'un risque de confusion dans l'esprit du public, du fait de l'emploi, par la société A., de signes constituant la dénomination sociale et l'enseigne de la concluante, ce qui portait, à son sens, atteinte à ses droits antérieurs, et était de nature à fausser la libre concurrence en laissant à penser qu'il s'agissait sinon du même acteur économique au moins qu'ils étaient associés.

Elle reproche, à ce titre, la commission de fautes civiles par la société A., du fait de l'usage de ces signes imitant sa dénomination sociale et son enseigne pour une activité « identique et similaire » sur une même zone de chalandise.

Elle évoque, ainsi, une identité verbale et phonétique, sans ajout ni modification, l'emploi des termes descriptifs « Brasserie et plus » étant sans incidence, car il s'agirait de termes descriptifs de l'activité, et non distinctifs. À cela s'ajoute, à son sens, une quasi-identité visuelle et conceptuelle des enseignes, au regard des éléments dominants et distinctifs, en particulier les codes de couleur, reprochant, à ce sujet, à l'appelante de se livrer à une analyse qu'elle qualifie d'artificielle des nuances de jaune et de bleu existantes, alors qu'il s'agit de se référer à la perception d'un consommateur d'attention moyenne. Elle conteste, par ailleurs, toute banalisation de l'usage du terme dans les secteurs de la restauration et des boissons.

Elle invoque, en outre un risque de confusion de la dénomination sociale et de l'enseigne, du fait du dépôt et de l'utilisation, en toute connaissance de cause, par la société A. des deux marques « Versus », qui serait illégale à double titre, d'une part comme ayant été enregistré en fraude des droits d'un tiers, d'autre part comme portant atteinte à des droits antérieurs en créant une confusion dans l'esprit du public. Elle entend, ainsi, détailler le risque de confusion entre sa dénomination sociale et son enseigne d'une part, et la marque verbale de la société A., d'autre part.

Concernant l'activité des deux entreprises, rappelant la motivation du premier juge, elle soutient que le risque de confusion s'étend aux activités complémentaires, soulignant être elle-même l'organisatrice de dîners, ce dont elle estime justifier, et qu'en outre, alors que les classes 32 et 33 concernent des produits et non des services, les cavistes, telle la société N., relevant bien de la classe 43, il a déjà été jugé de l'existence d'un risque de confusion entre des activités des services de restauration et des services de caviste engageant la responsabilité de la société postérieure, indiquant, enfin, que l'appelante reconnaît elle-même la commercialisation à titre accessoire de vins, comme la pratiquent d'autres établissements de restauration, y compris à emporter dans le contexte actuel de crise sanitaire. Elle ajoute encore, au vu d'une pièce adverse, que sa page internet renvoie à celle d'un restaurant se trouvant dans sa zone de chalandise, témoignant de la proximité d'activités que l'extension .wine de sa page, choisie pour des raisons d'indisponibilité d'autres extensions, ne sauraient, par ailleurs, suffire à distinguer. Elle fait aussi état de plusieurs attestations qui témoigneraient d'erreurs commises par des consommateurs d'attention moyenne.

Et s'agissant de la zone de chalandise, elle la qualifie d'identique, précisant que les deux sociétés visent la clientèle de proximité de l'Eurométropole de Strasbourg, tout en situant son siège social et la localisation de ses dîners par rapport aux locaux de la société A..

Elle fait, par ailleurs, valoir qu'elle justifierait d'un intérêt certain à faire cesser de tels agissements sans avoir à démontrer l'ampleur du dommage subi, l'existence d'un préjudice se déduisant nécessairement des actes déloyaux constatés. Le marché serait, ainsi, désorganisé, et la concurrence faussée, puisque les clients seraient amenés à penser que les entreprises sont économiquement liées.

Elle entend, enfin, préciser n'avoir pas à justifier du caractère d'urgence ni de l'absence de contestation sérieuse. Et au titre des mesures de cessation sollicitées, elle entend voir confirmer la décision de première instance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

L'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 26 octobre 2020, puis à celle du 14 décembre 2020.

MOTIFS :

Sur la demande principale :

La cour rappelle qu'en application de l'article 873 du code de procédure civile, le juge des référés commerciaux peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

À ce titre, les actes de concurrence déloyale, de nature à causer un préjudice aux concurrents, qu'ils relèvent de la confusion avec l'activité de la société concurrente, s'appréciant à l'aune d'un consommateur d'attention moyenne, et de nature à tromper et à attirer sa clientèle ou du parasitisme, consistant à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis, s'ils peuvent donner lieu à une action exercée sur le fondement de la responsabilité délictuelle en application de l'article 1240 du code civil, sont aussi constitutifs d'un trouble manifestement illicite et il entre dans les pouvoirs du juge des référés de les constater et d'en ordonner la cessation, au besoin sous astreinte.

En conséquence, dans les circonstances de l'espèce, l'action de la société Versus ne tendant pas, bien qu'elle évoque des fautes et l'existence d'un préjudice, à l'obtention de dommages-intérêts au titre de la responsabilité délictuelle de la partie adverse, il entre donc dans les pouvoirs de la juridiction des référés, non de caractériser des actes de concurrence déloyale en ce qu'ils constitueraient des agissements fautifs susceptibles de justifier d'une indemnisation et d'évaluer le préjudice en résultant, ce qui relèverait nécessairement des prérogatives du juge du fond, mais bien de déterminer si les agissements imputés par la société Versus à la société A. sont de nature à générer un trouble manifestement excessif qu'il lui appartiendrait, le cas échéant, de faire cesser en prenant les mesures conservatoires qu'elle estimerait s'imposer.

À cet égard, la cour relève, tout d'abord, que les deux sociétés, bien qu'elles aient une dénomination sociale différente, exploitent la même enseigne, qui est aussi la dénomination sociale de la société Versus, et dont il a été rappelé qu'elle avait fait l'objet, par la société A., d'un dépôt de marque semi-figurative et verbale auprès de l'INPI, et ce concomitamment à la mise en demeure qui lui avait été adressé par la société Versus de cesser de faire usage de ce nom. Au-delà de la seule exploitation de cette dénomination identique d'un point de vue phonétique comme visuel, au sens verbal et non esthétique du terme, c'est à juste titre que le premier juge a pu relever l'utilisation d'une calligraphie très proche, à quoi s'ajoute, même si l'identité des couleurs utilisées n'est pas stricte, l'usage de dominantes relevant des mêmes couleurs bleues et jaunes, nonobstant des nuances réelles mais relatives, qui peuvent raisonnablement échapper au consommateur d'attention moyenne, et le recours à en sous-titrage à la mention descriptive et non distinctive, dans un cas « Brasserie & plus », dans l'autre cas « VINS & SPIRITUEUX », avec des caractères de taille identique ou proche, où se retrouve, dans les deux cas, l'esperluette (&). La confusion liée à cet usage est, d'ailleurs, caractérisée à la lecture des attestations de clients et fournisseurs partageant la croyance que la société Versus entendait développer son activité.

Et ce d'autant que, par ailleurs, si la société Versus exerce une activité de caviste et la société A. une activité de restauration, il apparaît qu'elles s'adressent toutes deux, en réalité, à un segment comparable, si ce n'est identique, de clientèle locale associant la gastronomie et la dégustation de vins et spiritueux. C'est ainsi que la société Versus, au-delà d'une stricte activité de caviste ou de commercialisation de boissons, a pu développer son activité, sans elle-même verser dans la restauration, en s'associant à des établissements de restauration de l'agglomération strasbourgeoise pour des opérations de promotion commune dans un cadre dînatoire, opérations dont la cour estime qu'il est suffisamment justifié par l'intimée au regard tant des factures, au vu, notamment, de leur montant et de l'absence de règlement pour consommation d'alcool, si ce n'est un droit de bouchon pour l'une, que des plaquettes ou affiches et des attestations versées aux débats. Pour sa part, la société A. commercialisait, fût-ce accessoirement à son activité de restauration, des boissons alcoolisées, de sorte que la complémentarité de l'activité des deux sociétés est établie, surtout qu'il doit s'apprécier au regard des attentes de la clientèle concernée, dont il vient d'être indiqué qu'elle associait étroitement ces deux activités, si bien que le risque de confusion s'avère réel, surtout compte tenu de l'évolution de l'activité de la société Versus telle qu'elle vient d'être décrite, et qui a pu induire la croyance, pour le public concerné comme pour les partenaires, que l'ouverture d'un établissement de restauration s'inscrivait, comme mentionné ci-dessus, dans le cadre de cette évolution. Cette ambiguïté ne saurait être suffisamment levée au regard du dépôt par la société A. de la marque « Versus » dans la classe 43, qui s'applique certes aux services de restauration, mais sans exclure la commercialisation de vins et spiritueux produits par des tiers, comme en atteste l'exemple, fût-il isolé, de l'enseigne « N. », franchise de cavistes notoirement connue sur le territoire français et présente à Strasbourg. L'usage de l'extension .wine par la société Versus, d'ailleurs cantonné à la sphère, certes désormais prégnante, de l'internet, n'apparaît pas davantage de nature à prévenir tout risque de confusion, alors même que sa page est associée à celle de restaurants. Dès lors, le risque de confusion apparaît également, à ce titre, caractérisé.

Enfin, concernant la zone géographique dans lesquelles ces deux sociétés exercent leur activité, il apparaît suffisamment caractérisé, au vu de l'argumentation des parties et des pièces versées aux débats que, si l'établissement de la société A. est implanté en plein centre de Strasbourg, tandis que le siège social de la société Versus se trouve à Geispolsheim, c'est-à-dire à environ 10 kilomètres de là, il n'en demeure pas moins que ces deux établissements s'adressent en réalité principalement et de manière commune à une clientèle résidant dans l'ensemble de l'Eurométropole de Strasbourg, le développement de l'activité de la société Versus s'étendant, d'ailleurs, à des établissements situés en périphérie strasbourgeoise, et même dans l'hypercentre, ce qui traduit, au-delà du caractère ponctuel de ces manifestations invoqué par la société A., les documents versés par la société Versus caractérisant néanmoins une certaine fréquence durant l'année 2019, l'investissement croissant d'une clientèle ayant certaines attentes en termes de qualité et qui n'est pas limitée au secteur de Geispolsheim.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que l'utilisation par la société A. du terme « Versus » dans son enseigne et ses documents commerciaux caractérisait un acte de concurrence déloyale, constitutif d'un trouble manifestement illicite et a, en conséquence, fait droit à la demande selon les modalités qu'il a précisées, la décision entreprise devant être confirmée de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La société A. succombant pour l'essentiel sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande en outre de mettre à la charge de la société A. une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 500 euros au profit de la société Versus, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 18 décembre 2019 par le juge des référés commerciaux du tribunal de grande instance de Strasbourg,

Y ajoutant,

Condamne la SARL A. aux dépens de l'appel,

Condamne la SARL A. à payer à la SAS Versus la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL A..