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Décisions

ADLC, 4 mars 2021, n° 21-D-05

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la gestion technique des bâtiments de Lille métropole communauté urbaine

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Thomas Braud, rapporteur, et l’intervention de Mme Gwenaëlle Nouët, rapporteure générale adjointe, par M. Henri Piffaut, vice-président, président de séance, Mme Irène Luc et Mme Fabienne Siredey-Garnier, vice-présidentes

ADLC n° 21-D-05

4 mars 2021

L’Autorité de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre du 8 avril 2019 enregistrée sous le numéro 19/0016 F, par laquelle le ministre de l’Économie et des Finances a saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la gestion technique des bâtiments de Lille métropole communauté urbaine ;

Vu le livre IV du code de commerce et notamment son article L. 420-1 ;

Vu la décision du rapporteur général du 22 juin 2020 disposant que l’affaire fera l’objet d’une décision de l’Autorité de la concurrence sans établissement préalable d’un rapport ;

Vu les observations présentées par les sociétés Santerne Nord Tertiaire, Vinci Energies France, Vinci Energies, Vinci et le commissaire du Gouvernement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, les représentants des sociétés Santerne Nord Tertiaire, Vinci Energies France, Vinci Energies, Vinci et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 9 décembre 2020 ;

Adopte la décision suivante :

Résumé1

Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence a infligé solidairement une sanction de 435 000 euros à la société Santerne Nord Tertiaire (ci-après « Santerne ») en qualité d’auteur et à plusieurs sociétés du groupe Vinci en leur qualité de sociétés mères, pour avoir mis en œuvre une pratique concertée ayant pour objet de fausser la concurrence, prohibée par l’article L. 420-1 du code de commerce.

La décision rendue fait suite à une enquête réalisée par la DGCCRF dans le secteur de la gestion technique des bâtiments et à un refus de transaction de la part de la société Santerne ayant entraîné la saisine de l’Autorité.

Santerne a participé à des échanges d’informations avec une autre entreprise candidate en vue de la passation du marché de maintenance et de transformation des installations de gestion technique des bâtiments de Lille métropole communauté urbaine. Ces échanges sont intervenus préalablement aux dépôts des offres et portaient sur des éléments significatifs du marché (prix des équipements et matériels les plus importants et contenu de l’offre technique). Le dépôt de deux offres séparées, et donc en apparence indépendantes, a nécessairement conduit à tromper le maître d’ouvrage sur l’intensité de la concurrence qui s’est exercée entre les candidates. De tels échanges ont altéré le libre jeu de la concurrence et sont donc prohibés par l’article L. 420-1 du code de commerce.

I. Constatations

A. RAPPEL DE LA PROCEDURE

1. La Brigade interrégionale d’enquête de concurrence (ci-après « BIEC ») de Lille a rédigé un rapport administratif d'enquête le 4 septembre 2017 dans lequel elle a constaté la mise en œuvre de pratiques d’échanges d’informations confidentielles en réponse à deux appels d’offres tenus respectivement en 2013 et 2014, contraires à l’article L. 420-1 du code de commerce, dans le secteur de la gestion technique des bâtiments de Lille métropole communauté urbaine (ci-après « LMCU »), devenue Métropole européenne de Lille (ci-après « MEL ») à compter du 1er janvier 2015.

2. Ce rapport a été transmis par le ministre de l’économie au rapporteur général de l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité »). Ce dernier, par courrier du 29 décembre 2017, a répondu qu’il n’entendait pas proposer à l’Autorité de se saisir d’office de cette affaire2.

3. Conformément aux dispositions de l’article L. 464-9 du code de commerce, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (ci-après « DGCCRF ») a engagé une procédure d’injonction et de transaction que les sociétés Neu Automation (ci-après « Neu ») et Société de téléphone et de télédistribution nord (ci-après « STTN ») ont acceptée3.

4. Par un courrier du 17 décembre 2018, la société Santerne Nord Tertiaire  (ci-après « Santerne ») a informé les services de la DGCCRF qu’elle ne souhaitait pas transiger4.

5. Conformément à l’article L. 464-9 du code de commerce, qui dispose que « l'exécution dans les délais impartis des obligations résultant de l'injonction et de l'acceptation de la transaction éteint toute action devant l'Autorité de la concurrence pour les mêmes faits », l’action a donc été éteinte pour les sociétés Neu et STTN.

6. Par lettre enregistrée le 11 avril 20195, le ministre de l’économie a saisi, en application des articles L. 464-9 et R. 464-9-3 du code de commerce, l’Autorité de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la gestion technique des bâtiments de LMCU concernant la société Santerne, seule société n’ayant pas souhaité transiger. Cette saisine a été enregistrée sous le numéro 19/0016 F.

7. Par une décision du 22 juin 20206, prise en application des articles L. 463-3 et R. 463-12 du code de commerce, le rapporteur général a décidé que l’affaire serait examinée par l’Autorité sans établissement préalable d'un rapport.

8. Conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus, une notification des griefs simplifiée a été envoyée aux sociétés Santerne, Vinci Energies France, Vinci Energies, Vinci et au commissaire du Gouvernement le 22 juin 2020.

B. LE SECTEUR ET L’ENTREPRISE

1. L’ENTREPRISE CONCERNEE

9. La société Santerne Nord Tertiaire, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Arras sous le numéro 528 862 733, a pour activité principale les travaux d’installations électriques et CVC (chauffage, ventilation et climatisation). En 2018, Santerne a réalisé un chiffre d’affaires de 37,9 millions d’euros. L’établissement Santerne Tertiaire et Santé est un établissement secondaire de Santerne, qui est spécialisé dans les travaux de génie électrique pour les opérations tertiaires, plus particulièrement dans les domaines de la santé (public et privé), de l’enseignement (public et privé) et les grands ensembles immobiliers publics dans le Nord-Pas-de-Calais. Son activité principale est l’installation électrique courants forts (alimentation électrique) et courants faibles (câblage information, pilotage de domotique).

10. A la date des pratiques relevées, Santerne était intégralement détenue par Vinci Energies France Nord, filiale à 100 % de Vinci Energies, dont le capital était détenu en quasi-totalité (99,34 %) par la société anonyme Vinci.

11. Le 18 avril 2016, Vinci Energies France Nord a fait l’objet d’une fusion absorption au profit de la société Vinci Energies France7 et a été radiée du RCS le 30 juin 2016.

12. Depuis, Santerne est une filiale à 100 % de Vinci Energies France, filiale à 100 % de Vinci Energies, dont le capital est quasi intégralement (99,34 %) détenu par la société anonyme Vinci.

2. LE SECTEUR

13. La gestion technique des bâtiments (ci-après « GTB ») correspond, dans le cadre de l’exploitation d’un bâtiment, à l’ensemble des services permettant d’assurer les trois fonctions suivantes8 :

- la surveillance des installations techniques (équipements électriques, éclairage, chauffage, ventilation, climatisation, eau chaude, sanitaire, alarmes, contrôles d’accès, ascenseurs, etc.) afin d’en assurer la sécurité et la disponibilité ;

- la supervision de ces installations, qui vise à assurer le confort des occupants en optimisant les coûts d’exploitation (mesures, comptages, réglage et programmation des équipements) ;

- le suivi permettant de mesurer en détail les consommations du bâtiment et à mettre en place un plan de suivi (mesure de l’efficacité énergétique, bilan, pistes d’amélioration, etc.).

14. Pour la réalisation de ces différentes missions, le gestionnaire du bâtiment peut s’appuyer sur un système informatique de GTB défini comme « l’ensemble des systèmes de traitement des informations de chaque famille d’équipements techniques, eux-mêmes régulés individuellement par des systèmes de mesure et d’action (compteurs, capteurs, détecteurs, actionneurs) »9. Ce système fonctionne sur la base d’automates programmables et communicants permettant de suivre et de piloter à distance les équipements techniques d’un bâtiment.

15. Les systèmes de GTB reposent sur une organisation à trois niveaux, correspondant à chacune des missions présentées supra :

- un système « terrain » constitué de compteurs, de capteurs, de détecteurs ou encore d’actionneurs ;

- un système « régulation » qui mesure, programme, règle et actionne les équipements ;

- un système d’« archivage » qui communique, enregistre, traite et synthétise les informations.

16. Ces systèmes peuvent ainsi être comparés à la domotique dans le secteur de l’habitat individuel ou collectif.

17. La GTB constitue un marché émergent à fort enjeu économique et industriel qui est étroitement lié à la problématique de la transition énergétique.

3. LE MARCHE CONCERNE

18. Le marché public en cause porte sur la maintenance et la transformation des installations de GTB de LMCU.

19. Le 11 avril 2014, LMCU a lancé un appel d’offres sur la maintenance et la transformation des installations de GTB dont le règlement de la consultation10 précisait que :

- la durée de validité du marché était fixée à un an à compter de sa notification, reconductible de manière tacite trois fois pour une période d’un an, soit une durée maximum de quatre ans ;

- l’évaluation des offres reposait sur les critères suivants : prix, à hauteur de 40 % de la note globale ; valeur technique, à hauteur de 60 % de la note globale, dont 30 % au titre de la pertinence de la solution apportée par rapport au cahier des charges, 20 % au titre des moyens humains proposés et 10 % au titre de la pertinence de la méthode d’exploitation et de maintenance mise en œuvre.

20. Le marché comprenait, d’une part, des prestations forfaitaires (mise à niveau du logiciel de GTB et démontage de l’ancien système de GTB) et, d’autre part, des prestations hors forfait (maintenance préventive annuelle, mise à niveau du logiciel de GTB sur les sites non compris dans le forfait, maintenance curative sur bons de commande et commande de matériel sur bons de commande)11.

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 21. Plus précisément, le cahier des clauses techniques particulières (ci-après « CCTP »)12 rappelait que les domaines d’intervention du système de GTB de LMCU portaient entièrement sur les installations techniques (CVC, électricité, alarmes techniques) et que le marché devait notamment comprendre les prestations suivantes :

- la transformation et l’installation des équipements liés aux fonctions suivantes : suivi de l’énergie électrique consommée, analyse de la consommation, prise en compte des conditions climatiques afin de « prédire » le fonctionnement du chauffage sur plusieurs jours, prise en compte de la présence afin d’optimiser la régulation des installations de traitement de l’air, enregistrement des températures dans les ballons d’eau chaude, commande de l’éclairage des bureaux et des circulations à partir d’un système basé sur des contrôleurs d’éclairage, etc. ;

- des opérations de réception comprenant, par exemple, des contrôles visuels des installations sur le site ou en usine lors de la préfabrication, des tests fonctionnels des modules logiciels, des contrôles de fonctionnement et des essais des matériels installés en présence du titulaire du marché, etc. ;

- des opérations de mise en service et d’assistance à l’exploitant via la mise à disposition de personnel, une information du personnel, ou encore la mise en place d’une astreinte 24h/24 et 7 jours/7 ;

- la mise à niveau du logiciel de supervision : le titulaire était tenu de proposer de mettre en place toute nouvelle version correspondant aux logiciels implantés sur la GTB du marché (prestation forfaitaire) ;

- le démontage de l’ancien système de GTB Siemens (prestation forfaitaire) ;

- des prestations de maintenance préventive et curative ;

- une assistance technique, la formation du personnel technique (prestation comprise dans la redevance forfaitaire) ainsi que des formations au cas par cas ;

- l’analyse et la programmation pour l’optimisation de l’exploitation passant notamment par l’établissement régulier d’un document écrit proposant des améliorations à l’installation pour assurer un meilleur fonctionnement ou un meilleur rendement.

22. Le règlement de la consultation prévoyait que les dossiers de candidature devaient notamment comporter une lettre de candidature, une déclaration du candidat individuel ou du membre du groupement, l’acte d’engagement complété, le bordereau de prix unitaire (« BPU ») valant détail quantitatif estimatif (« DQE ») et retraçant les prix de certains équipements, matériels et prestations de l’offre, le cadre de mémoire technique détaillant la réponse technique proposée par le candidat, ainsi que plusieurs documents relatifs, par exemple, à la capacité technique, professionnelle et financière du candidat13.

23. A la date limite de réception des offres, fixée au 28 mai 2014, trois dossiers14 avaient été déposés :

- Neu, offre réceptionnée le 28 mai 2014 à 10h34 ;

- Santerne Tertiaire et Santé, offre réceptionnée le 28 mai 2014 à 11h08 ;

- Eiffage Energie Tertiaire Nord, offre réceptionnée le 28 mai 2014 à 11h33.

24. Le marché a finalement été attribué le 28 octobre 2014 à la société Neu15.

C. LES PRATIQUES CONSTATEES

1. LES ECHANGES D’INFORMATIONS ENTRE NEU ET SANTERNE

25. À l’occasion de l’appel d’offres lancé en 2014 par LMCU, Santerne et Neu ont échangé des informations avant la date limite de remise des offres.

26. Le 14 mai 2014, un premier contact téléphonique a eu lieu entre Santerne et Neu, ainsi qu’en attestent un courriel du même jour entre les deux sociétés16 et les déclarations du responsable du bureau d’études de Santerne : « nous avons contacté par téléphone NEU une fois le dossier de consultation en notre possession afin de faire une demande de prix en tant que fournisseur de matériel et de logiciel. A cette occasion, M. X… m’a indiqué que la société NEU allait candidater en direct »17.

27. À la suite de ce premier contact téléphonique, au moins neuf courriels ont été échangés entre les deux sociétés entre le 14 mai 2014 et le 27 mai 2014 (la veille de la date limite de dépôt des offres), ainsi que le reconnaît le responsable du bureau d’études de Santerne : « par la suite, nous avons échangé des courriels avec M. X… afin qu’il nous communique les tarifs de NEU en tant que fournisseur »18.

28. Dans un premier courriel le 14 mai 2014 à 17h15, Santerne a demandé à Neu la communication de son offre ainsi que de la partie du mémoire technique correspondante pour le 21 mai 2014. Ce courriel contient en pièces jointes le modèle de BPU vierge et le CCTP de « l’affaire reprise en objet », à savoir le « forfait mise à niveau logiciel GTB et maintenance préventive »19.

29. Le 23 mai 2014 à 11h58, en réponse à ce premier courriel, Neu a adressé à Santerne une première version du BPU complété à l’exception des parties « mise en œuvre » et « coefficient et prix unitaire pour les pièces hors BPU »20. Les prix renseignés dans le document concernaient par conséquent des éléments relatifs aux matériels et équipements rendus « nécessaires dans le cadre d’une évolution du système de supervision » (automates notamment), ainsi qu’une part importante de la maintenance préventive et de la maintenance curative. En revanche, les prix des articles qualifiés par la MEL21 de « moins importants » (câbles, gaines, tubes, etc.) ne figuraient pas dans ce document. Cette première version du BPU de Neu mentionne également un montant total estimatif s’élevant à 423 062,70 euros. Dans le corps du courriel, le directeur commercial de Neu précise en outre, que « pour l’acte d’engagement le prix forfaitaire de la migration est de 198 682.90 Euros »22.

30. Cinq documents figurent également en pièces jointes à ce courriel23, dont trois sont relatifs à trois logiciels de la suite Struxure Ware de Schneider Electric dont la mise en place figure dans l’offre technique de Neu.

31. Ce courriel est complété par deux envois du même jour à 12h1124 et à 12h1225 contenant des pièces jointes qui correspondent à des descriptifs techniques de certains équipements dont l’installation est également proposée dans le mémoire technique de Neu.

32. Neu a transmis une version de son mémoire technique26 à Santerne par courriel daté du 26 mai 2014 à 01h1627. Bien qu’incomplète, cette version contient l’essentiel de l’offre technique envisagée par Neu : moyens humains déployés, description des modalités de migration du système de supervision, des caractéristiques du logiciel et des matériels proposés à l’installation.

33. Ce courriel contient en outre un nouveau BPU établi par Neu reprenant et actualisant les postes figurant dans le premier document transmis à Santerne le 23 mai 2014 ainsi qu’un montant total estimatif actualisé s’élevant à 414 533,76 euros28.

34. Dans le corps du courriel, il est précisé que « pour le prix de l’acte d’engagement, il faut prévoir la partie démontage matériel Siemens et montage programmation et matériel automate nouveau. De mon côté le prix passe à 209 939 Euros. Il faut de votre côté prévoir le montant (1 AS et quelques modules E/S) et surtout le démontage de l’existant (j’ai un peu de mal à le quantifier) »29.

35. Dans sa réponse datant du même jour à 13h4730, Santerne demande la transmission des « annexes dont vous faite référence dans le mémoire exemple CV et analyse fonctionnelle ».

36. Les annexes demandées figurent en pièces jointes d’un courriel de réponse transmis par Neu le 26 mai 2014 à 19h5231. Il s’agit d’une analyse fonctionnelle réalisée par Neu dans le cadre d’un projet de « data center » en Tunisie32 et des curriculum vitae des cinq intervenants33 dont les noms figurent dans le mémoire technique de Neu34.

37. eux courriels35 ont en outre été échangés le 27 mai 2014 à 12h23, par lequel Santerne demande à Neu de « confirmer que votre solution de migration logiciel, inclus la mise à jour de la dernière version à la fin du contrat », et à 14h49, dans lequel le directeur commercial de Neu confirme « la mise à jour de la dernière version du logiciel à la fin du contrat », ce dernier faisant également état d’un « entretien téléphonique ».

2. LA NATURE DES INFORMATIONS ECHANGEES

38. Les éléments qui ont été transmis par Neu à Santerne sont énumérés dans le schéma ci-après.

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39. Les informations transmises par Neu à Santerne portaient sur les prix unitaires. Ainsi, sur 162 postes (hors sous-totaux et totaux) que comptait le BPU du marché public en cause, 76 postes (47 %) étaient renseignés dans le document transmis par Neu à Santerne le  26 mai 2014 et 60 postes (37 % du total des postes et 79 % des postes renseignés) étaient identiques dans le BPU transmis à Santerne et dans le BPU figurant in fine dans l’offre de Neu 36. Au total, Santerne disposait donc de 47 % de l’offre financière finale de Neu, hors partie forfaitaire relative à la migration du logiciel, et 34 % de son offre financière totale. Santerne avait en outre connaissance d’une part significative du mémoire technique de Neu. Seules les parties relatives à la maintenance préventive et curative et à la prise en compte de la gestion de maintenance assistée par ordinateur (GMAO) de LMCU manquaient dans le document transmis le 26 mai 201437.

40. Les informations transmises par Neu portaient également sur son mémoire technique, seules les parties relatives à la maintenance préventive et curative et à la prise en compte de la gestion de maintenance assistée par ordinateur (GMAO) de LMCU manquant dans le document transmis le 26 mai 201438.

3. L’ECART DE PRIX ENTRE LES DEUX OFFRES

41. Le tableau ci-après présente les écarts de prix entre les offres de Santerne et Neu.

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42. Il ressort du rapport d’analyse des offres39 et des offres40 des opérateurs, que le montant total de l’offre de Santerne (1 317 830,36 euros) est plus de 1,6 fois supérieur à celui de l’offre de Neu (809 345,69 euros).

43. Santerne justifie le différentiel de prix entre les offres des deux entreprises par la marge qu’elle aurait appliquée sur les différents postes qu’elle aurait sous-traités à Neu et des « tarifs différents sur les postes du BPU chiffrés individuellement et chacune de leur côté par les deux sociétés »41.

44. S’agissant de la partie « maintenance curative » qui, ainsi que l’a précisé la MEL, recouvrait en réalité un champ plus large comprenant : « la maintenance curative, la maintenance préventive ainsi qu’une liste d’équipements et matériels rendus nécessaires par la migration du système de Supervision. La migration de la supervision consistait en l’évolution de la partie logiciel et équipements (automates) à l’identique, en termes de reprise d’information, des anciens automates. Les équipements compris dans le montant estimé de la maintenance curative nous permettaient de répondre à de nouveaux besoins (récupérer plus de sondes de température par exemple) ou de prendre en compte les équipements à piloter entre le moment où le marché a été notifié et la migration dudit site »42, le prix proposé par Santerne (1 079 280,30 euros) était plus de 1,8 fois supérieur à celui proposé par Neu (594 006,69 euros).

45. En ne retenant que les lignes pour lesquelles Santerne avait connaissance des prix envisagés par Neu, le prix de l’offre de Santerne (891 663,29 euros) s’est avéré plus de deux fois supérieur tant au BPU transmis par Neu le 26 mai 2014 (414 553,76 euros) qu’au BPU figurant in fine dans l’offre de cette dernière (421 462,70 euros).

46. S’agissant de la partie forfaitaire concernant la « migration du logiciel », l’écart de prix entre les deux offres s’élevait à 28 611 euros, en défaveur de Santerne (238 550 euros), par rapport au BPU transmis par Neu le 26 mai 2014 (209 939 euros) et de 23 211 euros, en défaveur de Santerne, par rapport au prix figurant in fine dans l’offre de Neu (215 339 euros). Le prix proposé par Santerne était plus de 1,13 fois supérieur à celui proposé par Neu.

D. RAPPEL DES GRIEFS NOTIFIES

47. Le 22 juin 2020, les griefs suivants ont été notifiés : « Il est fait grief à la société Santerne nord tertiaire en tant qu’auteur des pratiques, et aux sociétés Vinci énergies France, Vinci énergies et Vinci en tant que sociétés mères, d’avoir échangé avec Neu avant le 28 mai 2014, date de réception des offres par le maître d’ouvrage, des informations sensibles sur leurs offres en vue de la passation du marché de maintenance et de transformation des installations de gestion technique des bâtiments de Lille métropole communauté urbaine 2014-2018. Ces pratiques qui ont eu pour objet et pour effet de limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises et de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence au détriment de Lille métropole communauté urbaine sont prohibées par l’article L. 420-1 du code de commerce ».

II. Discussion

48. Seront successivement examinés le marché pertinent (A), le bien-fondé des griefs notifiés (B), l’imputabilité (C) et les sanctions (D).

A. LE MARCHE PERTINENT

49. Conformément à la pratique décisionnelle de l’Autorité43, chaque marché public passé selon la procédure d’appel d’offres constitue un marché pertinent. Ce marché résulte de la confrontation d’une demande du maître d’ouvrage et des propositions faites par les candidats qui répondent à l’appel d’offres.

50. En l’espèce, le marché public relatif à la maintenance et la transformation des installations GTB lancé par LMCU par un appel d’offres du 11 avril 2014 constitue le marché pertinent.

B. SUR LE BIEN-FONDE DES GRIEFS NOTIFIES

1. RAPPEL DE LA PRATIQUE DECISIONNELLE

51. L’article L. 420-1 du code de commerce prohibe les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites entre les entreprises lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché.

52. En matière de marchés publics, selon la pratique décisionnelle constante de l’Autorité, il est établi que des entreprises ont conclu une entente anticoncurrentielle dès lors que la preuve est rapportée, soit qu’elles sont convenues de coordonner leurs offres, soit qu’elles ont échangé des informations antérieurement au dépôt des offres, qu’il s’agisse de l’existence des compétiteurs, de leur nom, de leur importance, de leur disponibilité en personnel et en matériel, de leur intérêt ou de leur absence d’intérêt pour le marché considéré ou des prix qu’elles envisageaient de proposer44.

53. En effet, les échanges d’informations entre sociétés soumissionnaires avant le dépôt des offres, et spécialement ceux portant sur les prix, perturbent nécessairement le jeu de la concurrence. Lors d’un appel d’offres fondé notamment sur le critère du moins-disant, chaque soumissionnaire subit deux incitations opposées : offrir un prix élevé pour maximiser son profit, offrir un prix faible pour maximiser ses chances de remporter le marché. L’intégrité concurrentielle du marché suppose que chacun choisisse son risque et effectue son choix en toute indépendance, sans disposer d’aucune information privilégiée concernant un ou plusieurs concurrents. En effet, toute information privilégiée éclairant les choix opérés par les autres concurrents, spécialement les informations relatives au prix que ces concurrents sont susceptibles d’avoir retenues, diminue artificiellement le risque pris par celui qui bénéficie de cette information au moment d’établir le prix de son offre, en réduisant ou supprimant l’incertitude dans laquelle il doit rester au regard du comportement des autres concurrents. Par conséquent, le seul fait de procéder à un échange d’informations avant le dépôt des offres, spécialement sur les prix, suffit à caractériser un accord de volontés des entreprises ayant pour objet ou pour effet de fausser la concurrence devant s’exercer entre elles.

54. Toutefois, conformément à la pratique décisionnelle de l’Autorité et à la jurisprudence de la cour d’appel de Paris, la faculté pour une entreprise de proposer une offre en coopération avec une autre entreprise, afin de s’adjoindre des compétences dont elle ne dispose pas en interne n’est pas illicite en soi. À cet égard, le Conseil puis l’Autorité de la concurrence ont plusieurs fois rappelé que la constitution, par des entreprises indépendantes et concurrentes, de groupements, en vue de répondre à un appel d’offres, peut avoir un effet « pro-concurrentiel », si elle permet aux entreprises ainsi regroupées de concourir, alors qu’elles n’auraient pas été capables de le faire isolément, ou leur permet de concourir sur la base d’une offre plus compétitive ou de meilleure qualité45.

55. Si la coopération d’entreprises indépendantes et concurrentes en vue de répondre à un appel d’offres n’est pas anticoncurrentielle en soi, cette coopération ne doit pas donner lieu à des échanges d’informations de nature à fausser la concurrence. Dans un arrêt du 13 janvier 1998, la cour d’appel de Paris a ainsi rappelé que s’« il est loisible à une société qui n’est pas en mesure d’assurer seule l’ensemble des travaux concernés par un appel d’offres, d’échanger des informations avec un éventuel sous-traitant, il demeure qu'elle doit le faire en respectant les règles de la concurrence »46.

56. Il ressort de la pratique décisionnelle de l’Autorité et de la jurisprudence de la cour d’appel de Paris que, lorsque des entreprises ont échangé des informations confidentielles entre elles pour répondre à un appel d’offres dans le cadre d’un projet de contrat de sous-traitance, celles-ci ne peuvent plus soumissionner individuellement par la suite à ce même appel d’offres. À cet égard, dans sa décision n° 07-D-47, le Conseil de la concurrence a rappelé que « lorsque des entreprises échangent des informations sur leurs prix pour une éventuelle sous-traitance en vue de l’exécution d’un marché sur appel d’offres, elles ne peuvent ensuite présenter simultanément des offres séparées pour ce marché. Dans ce cas, leurs offres ne sont pas indépendantes, même partiellement, et la concurrence est faussée »47.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

57. Il ressort des éléments du dossier que des échanges d’informations portant notamment sur les prix sont intervenus entre les sociétés Santerne et Neu, toutes deux soumissionnaires à l’appel d’offres lancé par LMCU dans le cadre de son marché de maintenance et de transformation des installations de GTB.

58. Ces échanges sont intervenus avant le dépôt des offres respectives de ces deux sociétés et ont porté sur une part significative de l’offre technique et financière de Neu. La réalité de ces échanges n’est pas contestée par ces deux sociétés.

59. Santerne conteste en revanche le caractère anticoncurrentiel de ces échanges en invoquant plusieurs arguments qui seront analysés successivement ci-après.

a) Sur l’absence d’échange d’informations entre l’ensemble des soumissionnaires à l’appel d’offres et de contrepartie en faveur de Santerne

60. Santerne soutient qu’en matière de marchés publics, les échanges d’informations qui ont été qualifiés d’anticoncurrentiels par l’Autorité étaient multilatéraux, portaient sur plusieurs marchés et faisaient toujours apparaître un jeu de compensations réciproques entre les entreprises soumissionnaires pour se répartir les marchés. Selon Santerne, lorsqu’un échange d’informations anticoncurrentiel porte sur un seul appel d’offres, il devrait, pour être qualifié d’anticoncurrentiel, s’accompagner d’une compensation financière au profit de l’entreprise ayant déposé une offre de couverture. Or, Santerne fait observer qu’en l’espèce, l’échange d’informations porte sur un seul marché, n’a pas concerné l’ensemble des soumissionnaires et qu’elle-même n’a obtenu aucune contrepartie financière de la part de Neu.

61. Les éléments avancés par Santerne ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère anticoncurrentiel de la pratique.

62. Tout d’abord, la circonstance que l’échange d’informations n’ait concerné qu’une partie des soumissionnaires à l’appel d’offres lancé en mai 2014, en l’occurrence Neu et Santerne, est sans incidence sur la qualification d’entente anticoncurrentielle. Une entente entre deux des trois soumissionnaires fausse le jeu de la concurrence. Par exemple, dans sa décision  n° 05-D-1748, le Conseil de la concurrence a estimé que des sociétés avaient enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, alors même que d’autres entreprises, extérieures à l’entente, avaient soumissionné aux appels d’offres en cause sans participer aux échanges anticoncurrentiels.

63. Ensuite, les échanges d’informations entre des entreprises candidates à un même marché préalablement aux dépôts de leurs offres respectives constituent une pratique autonome, prohibée en soi compte tenu de son objet anticoncurrentiel. Le jeu de la concurrence est faussé par l’échange d’informations. Il n’est pas pertinent de s’assurer de l’existence ou non d’une contrepartie financière, qui relève de l’examen des intentions des parties. Or, il est de jurisprudence constante que l’objet anticoncurrentiel attaché à une pratique est distinct de l’intention et qu’il est sans portée que les parties à l’échange n’aient pas eu l’intention ou même la conscience de fausser le jeu de la concurrence49.

64. La cour d’appel de Paris a précisé qu’en matière d’ententes lors d’appels d’offres, le concours de volontés caractérisant une pratique concertée au sens de l’article L. 420-1 du code de commerce est réalisé dès lors qu’une des entreprises a repris, au moins partiellement, des éléments de l’offre de l’autre pour réaliser sa propre offre50. Ainsi, le seul fait de procéder à un échange d'informations suffit à révéler l’accord de volonté des entreprises pour fausser la concurrence qui doit s’exercer entre elles, sans qu’il soit besoin de démontrer l’existence de compensations réciproques entre les entreprises, ni même un intérêt économique de la part des contrevenants à participer à de tels échanges.

65. Or, il ressort des éléments présents au dossier que les échanges d’informations, qui ont porté tant sur des éléments tarifaires que sur des éléments techniques, ont été effectués dans le but de préparer l’offre de Santerne. Ce moyen doit donc être écarté.

b) Sur la nécessité technique pour Santerne d’avoir recours aux services de Neu

66. Santerne justifie ces échanges, en soulignant que Neu était un sous-traitant indispensable pour déposer une offre conforme aux attentes du maître d’ouvrage, compte tenu des spécificités du marché. Selon Santerne, le système de GTB de LMCU étant un système « fermé », toute modification de celui-ci nécessitait d’avoir recours aux services de Neu, qui en avait assuré l’installation. Toutefois, LMCU n’ayant pas clairement défini son besoin, le marché comportant un certain nombre de prestations « hors forfait » réalisées et réglées à la suite de bons de commande, il n’aurait pas été possible pour les deux entreprises d’établir un contrat de sous-traitance et, partant, d’intégrer Neu dans l’offre déposée par Santerne.

67. Tout d’abord, il faut souligner que la nécessité de recourir à Neu n’est pas démontrée par Santerne. Ainsi, le troisième soumissionnaire, Eiffage, a déposé une offre autonome. En outre, le règlement de la consultation prévoyait la possibilité pour les candidats de proposer des variantes portant « sur la marque du logiciel de supervision à mettre à jour et les équipements qui en découlent » sans déposer d’offre de base51. Il était par conséquent loisible à Santerne de déposer une offre totalement autonome, prévoyant le remplacement du logiciel de supervision sans avoir recours aux services de Neu, tout en se conformant aux attentes du maître d’ouvrage.

68. Une entreprise peut consulter d’autres entreprises propres à lui apporter une expertise, des matériels ou des prestations techniques nécessaires à l’élaboration de ses propositions en réponse à un appel d’offres. Toutefois, lorsque cet échange d’informations intervient entre des entreprises candidates pour le même marché et qu’il porte au surplus sur de nombreux éléments tarifaires et techniques, il présente un caractère anticoncurrentiel dans la mesure où les offres des entreprises n’ont pas été élaborées de manière indépendante, alors qu’elles sont présentées comme telles. La question de la nécessité alléguée de recourir à Neu pour répondre à l’appel d’offres est indifférente à l’appréciation du caractère anticoncurrentiel par objet de l’échange d’information.

69. Au cas d’espèce, l’argument selon lequel le besoin du maître d’ouvrage n’étant pas clairement défini, il n’était pas possible pour Santerne de renseigner le nom du sous-traitant dans l’acte d’engagement remis lors du dépôt des offres ou de conclure un contrat de sous-traitance n’apparaît pas fondé et est, en tout état de cause, inopérant.

70. L’absence alléguée de définition précise du besoin par le maître d’ouvrage n’a pas empêché Santerne et Neu d’échanger des informations portant sur la prestation de sous-traitance de cette dernière, laquelle a par ailleurs été en mesure de délimiter strictement le périmètre de son intervention et de fournir une estimation chiffrée de ses prestations. Dès lors, les contours du marché étaient suffisamment précis pour permettre aux deux entreprises de déterminer le périmètre de leur coopération éventuelle et d’informer l’acheteur public d’un projet d’accord de sous-traitance. La circonstance que le marché public comprenait, pour partie, des prestations à bons de commande n’empêchait pas Santerne de déclarer Neu comme sous-traitant lors de la remise de son offre. À cet égard, le formulaire « DC4 », qui est un modèle type de déclaration de sous-traitance pour les marchés publics, prévoit de renseigner le nom du sous-traitant, la nature et le montant maximum des prestations qui seront sous-traitées. Contrairement à ce qu’a prétendu Santerne en séance, ce formulaire n’a donc aucunement pour effet d’engager le titulaire du marché vis-à-vis de son sous-traitant sur un montant minimum de prestations à réaliser.

71. Cet argument est en tout état de cause inopérant. En effet, à supposer même que le contenu de l’appel d’offres n’ait pas permis de définir les contours d’un contrat de sous-traitance, il convenait pour Santerne et Neu de déposer une seule offre (voir paragraphe 56) et de formaliser la relation de sous-traitance en la déclarant au maître d’ouvrage par la suite.

c) Sur la limitation du contenu des échanges à la prestation de sous-traitance de Neu

72. Santerne allègue que les échanges n’ont porté que sur les prestations de sous-traitance pour lesquelles Neu serait incontournable. Elle relève qu’elle n’avait connaissance que du prix de 76 postes sur les 162 postes que comptait le BPU. Elle rappelle enfin que Neu n’a jamais eu communication de l’offre de Santerne et que les échanges n’ont pas donné lieu à une coordination des offres des deux sociétés.

73. Cet argument est sans conséquence sur le caractère anticoncurrentiel de la pratique. Ni la jurisprudence ni la pratique décisionnelle n’exigent, pour retenir la qualification d’entente anticoncurrentielle, que l’échange d’informations ait porté sur l’ensemble des offres.

74. À cet égard, dans sa décision n° 07-D-47 du 18 décembre 2007 relative à des pratiques relevées dans le secteur de l’équipement pour la navigation, le Conseil de la concurrence a rappelé que « lorsque des entreprises échangent des informations sur leurs prix pour une éventuelle sous-traitance en vue de l’exécution d’un marché sur appel d’offres, elles ne peuvent ensuite présenter simultanément des offres séparées pour ce marché. Dans ce cas, leurs offres ne sont pas indépendantes, même partiellement, et la concurrence est faussée »52.

75. Dans le cas d’espèce, les éléments transmis par Neu ne sont pas marginaux et concernaient les éléments les plus importants du marché. Si Santerne avait effectivement connaissance des prix envisagés par Neu pour 47 % des postes du BPU, ces derniers, ainsi que le prix du forfait de migration logicielle dont Santerne avait également connaissance, représentaient près de 86 % du prix offert par Santerne (voir paragraphe 41).

76. De même, la circonstance que Neu n’ait jamais eu communication de l’offre de Santerne et que les échanges n’aient pas conduit à une coordination des offres des deux sociétés n’est pas de nature à démontrer l’absence d’accord de volontés, Santerne ayant sollicité des informations de la part de Neu, ayant répondu aux courriels envoyés par cette dernière et ayant repris une partie des éléments qu’elle lui a communiqués.

77. On rappellera en outre que les échanges prohibés par la jurisprudence et la pratique décisionnelle sont non seulement ceux portant sur des éléments du prix mais plus largement toux ceux qui peuvent porter sur « l’existence de compétiteurs, leur nom, leur importance, leur disponibilité en personnel ou en matériel, leur intérêt ou absence d’intérêt pour le marché considéré »53. Or, dans le cas d’espèce, Santerne et Neu, bien qu’ayant connaissance de leurs souhaits respectifs de soumissionner au marché lancé par LMCU, ont indiqué leur intérêt pour ledit marché et Santerne avait connaissance d’une part très significative du mémoire technique de Neu.

78. À cet égard, les parties 2-1 « Méthodologie mise en œuvre pour assurer la migration du système de supervision (planning, stratégie, impact) », 2-3 « Caractéristiques du logiciel et de son mode de fonctionnement, notamment au regard de l’interopérabilité » et 2-4 « Caractéristiques du matériel proposé à l’installation (avec fiches techniques en annexe) » du cadre de mémoire technique de Santerne reprennent quasi intégralement celles du mémoire technique transmis par Neu54.

d) Sur la nécessaire connaissance de l’existence d’un projet de sous-traitance entre Santerne et Neu par le maître d’ouvrage

79. Santerne soutient que LMCU ne pouvait ignorer l’existence d’un accord de sous-traitance entre elle et Neu, cette dernière étant incontournable pour répondre à l’appel d’offres. Elle rappelle avoir indiqué dans son mémoire technique que sa première solution technique précisait que la prestation de migration du logiciel de GTB serait confiée à Neu. Elle estime enfin que l’absence d’information du maître d’ouvrage s’appuie sur un témoignage de la MEL dont le caractère probant doit être relativisé.

80. Il convient à cet égard de rappeler que la MEL a indiqué aux services d’instruction qu’elle n’avait pas été informée des négociations intervenues entre ces deux sociétés55. Santerne n’a pas fourni d’éléments de nature à remettre en cause la fiabilité de ce témoignage. La réponse de la MEL indiquant ne pas avoir eu connaissance d’échanges entre Neu et Santerne est d’ailleurs corroborée par le fait que les cadres relatifs à la sous-traitance prévus dans les actes d’engagement n’étaient pas renseignés dans les offres des deux sociétés56. On relèvera tout au plus que le mémoire technique de Santerne précisait qu’une partie des prestations proposées devait être réalisée par Neu57.

81. En tout état de cause, la circonstance que le maître d’ouvrage ait eu connaissance, implicitement ou explicitement, d’un projet de sous-traitance entre Neu et Santerne ne justifie pas l’existence d’un échange d’informations entre les deux candidats. Ainsi, dans sa décision n° 09-D-34, l’Autorité a ainsi estimé qu’« il importe peu de déterminer si la sous-traitance devait être déclarée au maître d’ouvrage car la jurisprudence est désormais fixée en ce sens que si des entreprises échangent des informations dans la perspective d’une sous-traitance, elles ne sont pas autorisées à présenter des offres séparées pour ce marché »58.

e) Sur l’absence d’effets de la pratique sur le déroulement du marché

82. Santerne soutient que les échanges d’informations n’ont eu « aucun impact vis-à-vis du choix de l’attributaire opéré par LMCU ». Elle relève notamment que les échanges d’informations intervenus n’ont pas altéré l’autonomie de Santerne dans l’élaboration de son offre. Elle en tire la conclusion qu’« à supposer qu’une telle coordination soit caractérisée, elle n’a jamais conduit à tromper le maître d’ouvrage, ce dernier ayant au final privilégié l’offre la mieux notée qualitativement ».

83. S’agissant de l’absence d’effet sur le choix de l’attributaire, il résulte d’une jurisprudence et d’une pratique décisionnelle constantes qu’en matière d’appel d’offres, le caractère anticoncurrentiel d’un échange d’informations préalablement à la remise des offres résulte de la diminution de l’incertitude dans laquelle les soumissionnaires doivent se trouver et, partant, de l’intensité de la pression concurrentielle à laquelle ils auraient dû être soumis, et non du résultat de l’appel d’offres.

84. Ainsi, dans sa décision n° 05-D-17, le Conseil de la concurrence a rappelé que « Les sociétés Appia Sud Bourgogne et Roger Martin soutiennent aussi que cet échange d’informations sur les prix n’a pas eu d’effet concret sur la concurrence dans la mesure où les offres déposées par leurs sociétés n’étaient pas fondées sur les informations contenues dans le devis estimatif communiqué lors de la réunion. Mais le caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations résulte avant tout de la diminution de l’incertitude portant sur l’attribution du marché et sur le prix auquel il sera attribué. Cette réduction de l’incertitude est sensible dès l’échange d’informations entre les sociétés Roger Martin et Gerland BFC. Il n’est donc pas nécessaire de démontrer une élaboration en commun des offres à partir des informations échangées pour établir l’effet anticoncurrentiel de ces échanges. En outre, il n’est nullement demandé par la jurisprudence, pour établir une entente anticoncurrentielle, d’apporter la preuve que l’accord de volonté des entreprises parties à l’entente porte aussi sur l’obtention d’un effet anticoncurrentiel qu’elles auraient intentionnellement recherché »59 .

85. Santerne n’est en outre pas fondée à soutenir que l’échange d’informations n’a pas altéré son autonomie dans l’élaboration de son offre, dès lors qu’elle avait connaissance d’une part significative de l’offre financière et technique de sa concurrente sur laquelle, en indiquant avoir appliqué sa marge usuelle sur les prix dont elle avait eu connaissance, elle reconnaît s’être appuyée pour élaborer sa propre offre.

86. Le dépôt de deux offres séparées, et donc en apparence indépendantes, a nécessairement conduit à tromper le maître d’ouvrage sur l’intensité de la concurrence qui s’est exercée entre les candidates, dès lors que des informations portant sur cet appel d’offres ont été échangées entre elles, et ce quand bien même la pratique en cause n’aurait eu qu’un impact limité sur le choix de l’attributaire.

87. Il résulte par conséquent de ce qui précède que les échanges d’informations intervenus entre les sociétés Santerne et Neu – toutes deux soumissionnaires à l’appel d’offres lancé par LMCU dans le cadre de son marché de maintenance et de transformation des installations de GTB – qui portaient sur des éléments significatifs du marché (prix des équipements et matériels les plus importants et contenu de l’offre technique), ont altéré le libre jeu de la concurrence et sont donc prohibés par l’article L. 420-1 du code de commerce.

C. SUR L’IMPUTABILITE DES PRATIQUES

1. RAPPEL DES PRINCIPES

88. Il résulte d’une jurisprudence constante que les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et 101 et 102 du TFUE visent les infractions commises par des entreprises, comprises comme des entités exerçant une activité économique. Le juge de l’Union a précisé que la notion d’entreprise désigne une unité économique, même si, du point de vue juridique, celle-ci est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales60.

89. Au sein d’un groupe de sociétés, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques61. Ces solutions sont fondées sur le fait qu’en l’absence d’autonomie de la société filiale par rapport à la société mère, ces deux sociétés font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens du droit de la concurrence.

90. Dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteur d’un comportement infractionnel, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans ce cas de figure, l’autorité de concurrence sera en mesure de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché62.

91. À cet égard, il n’est pas exigé, pour imputer à une société mère les actes commis par sa filiale, de prouver que la société mère ait été directement impliquée dans les pratiques, ou ait eu connaissance des comportements incriminés. Ainsi que le relève le juge de l’Union, « (...) ce n’est donc pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu’elles constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE qui permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère »63.

92. En cas de transformation d’entreprise, il ressort d’une jurisprudence constante que tant que la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise qui a mis en œuvre des pratiques enfreignant les règles de concurrence subsiste juridiquement, elle doit en être tenue responsable. Si cette personne morale a changé de dénomination sociale ou de forme juridique, elle n’en continue pas moins à répondre de l’infraction commise64.

93. En revanche, lorsque la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise qui a commis les pratiques a cessé d’exister juridiquement, ces pratiques doivent être imputées à la personne morale à laquelle l’entreprise a juridiquement été transmise, c’est-à-dire celle qui a reçu les droits et obligations de la personne auteur de l’infraction, et, à défaut d’une telle transmission, à celle qui assure en fait sa continuité économique et fonctionnelle65. C’est en particulier le cas lorsqu’une personne morale est absorbée par une autre. Dans ce cas, les pratiques dont la société absorbée est l’auteur sont imputées à la personne morale qui a absorbé cette dernière66.

2. L’APPLICATION AU CAS D’ESPECE

94. Il y a lieu de retenir la responsabilité de la société Santerne en tant qu’auteur des pratiques. Ce point n’est d’ailleurs pas contesté par la mise en cause.

95. Les sociétés Vinci Energies France, Vinci Energies et Vinci contestent, en revanche, l’imputabilité des pratiques en leur qualité de sociétés mères.

a) Sur la violation alléguée de l’article L. 464-9 du code de commerce

96. Les sociétés Vinci Energies France, Vinci Energies et Vinci soutiennent que les services d’instruction ont violé les dispositions de l’article L. 464-9 du code de commerce, en leur notifiant les griefs en qualité de sociétés mères de Santerne. Au soutien de cet argument, les mises en cause prétendent que l’article L. 464-9 du code de commerce interdirait au ministre de l’économie de proposer une procédure de transaction à une entreprise qui a réalisé un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros en France lors de son dernier exercice clos. Selon elles, en s’estimant compétent pour traiter cette affaire, le ministre de l’économie aurait considéré que Santerne serait une entreprise autonome du groupe Vinci, dans la mesure où le chiffre d’affaires français de celui-ci excède très largement le seuil de 50 millions d’euros. Elles relèvent à cet égard que l’Autorité a été saisie par le ministre de l’économie « des pratiques imputables à la société Santerne Nord Tertiaire », et non à leurs sociétés mères. Elles invoquent, en deuxième lieu, une violation de leurs droits de la défense, au motif qu’elles n’ont pas été mesure de se défendre devant la DGCCRF, ni d’accepter le cas échéant l’offre de transaction proposée par cette dernière à leur filiale. Elles prétendent enfin qu’elles auraient été traitées de manière inégale par rapport à la société mère de Neu, qui ne s’est pas vu notifier un grief.

97. L’article L. 464-9 du code de commerce dispose que : « Le ministre chargé de l’économie peut enjoindre aux entreprises de mettre un terme aux pratiques visées aux articles L. 420-1 à L. 420-2-2 et L. 420-5 ou contraires aux mesures prises en application de l’article L. 410-3 dont elles sont les auteurs lorsque ces pratiques affectent un marché de dimension locale, ne concernent pas des faits relevant des articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne et sous réserve que le chiffre d’affaires que chacune d’entre elles a réalisé en France lors du dernier exercice clos ne dépasse pas 50 millions d’euros et que leurs chiffres d’affaires cumulés ne dépassent pas 200 millions d’euros. Le ministre chargé de l'économie peut également, dans les mêmes conditions, leur proposer de transiger. […] ».

98. La circonstance que le ministre de l’économie ait proposé une transaction à la société Santerne ne permet aucunement de caractériser l’autonomie de cette société vis-à-vis du groupe Vinci. L’article L. 464-9 du code de commerce prévoit que ses dispositions s’appliquent aux « entreprises auteurs » des pratiques. Contrairement à ce que prétendent les mises en cause, les seuils de chiffre d’affaires visés par cette disposition doivent donc être calculés en tenant compte du chiffre d’affaires réalisé par les seules sociétés auteurs des pratiques, et non du groupe auquel ces sociétés appartiennent. Partant, il était loisible au ministre de l’économie de proposer une transaction à Santerne, qui réalise un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros en France, alors même que cette société est contrôlée par le groupe Vinci, qui réalise un chiffre d’affaires bien supérieur à ce seuil de chiffre d’affaires.

99. En outre, si l’article L. 464-9 précité dispose qu’en cas de refus de transaction, le ministre chargé de l’économie saisit l’Autorité de la concurrence, il ne précise pas que seule la société mise en cause dans le cadre de la procédure devant la DGCCRF doit être destinataire de la notification des griefs au stade de la procédure devant l’Autorité.

100. De même, la circonstance que l’Autorité ait été saisie par le ministre chargé de l’économie « des pratiques imputables à la société Santerne Nord Tertiaire » est indifférente dans la mesure où, saisie in rem, l’Autorité n’est pas liée par la saisine ministérielle67. Au demeurant, l’allégation de Santerne selon laquelle le ministre de l’économie aurait considéré que Santerne formait une entreprise autonome du groupe Vinci en décidant de traiter l’affaire sur le fondement de l’article L. 464-9 du code de commerce est directement contredite par le rapport administratif d’enquête de la DGGCRF joint à l’acte de saisine de l’Autorité. Ce rapport d’enquête conclut très clairement à l’existence d’une « influence déterminante » exercée par les sociétés mères du groupe Vinci sur Santerne68.

101. Par ailleurs, si Vinci, Vinci Energies et Vinci Energies France n’ont pas été parties à la procédure devant la DGCCRF, elles ont pu déposer leurs observations dans le cadre de la procédure devant l’Autorité. Les trois sociétés mères de Santerne ont d’ailleurs produit des éléments en réponse à la notification de griefs et en séance, de sorte qu’aucune violation des droits de la défense et du contradictoire ne saurait être caractérisée à leur encontre.

102. Enfin, la société de tête du groupe Safety for people and industry (SFPI), auquel appartient Neu, ne s’est pas vue notifier de grief, dans la mesure où sa filiale a accepté la proposition de transaction de la DGCCRF. Les mises en cause ne se trouvent pas dans la même situation que cette société, puisque Santerne a refusé de transiger avec la DGCCRF. Elles ne sauraient donc invoquer l’existence d’une inégalité de traitement à leur encontre.

b) Sur le renversement de la présomption d’influence déterminante

103. S’appuyant notamment sur les décisions n° 08-D-30(69) et 08-D-25(70), ainsi que sur la décision n° 11-D-02(71) par laquelle l’Autorité a considéré que la société Degaine, détenue indirectement par Vinci, se comportait de manière autonome sur le marché, les sociétés Vinci, Vinci Energies et Vinci Energies France soutiennent, en premier lieu, que le groupe Vinci fonctionne de manière décentralisée, l’information et le contrôle des sociétés mères ne s’exerçant que pour les opérations dont les montants dépassent certains seuils qui excèdent le montant du marché public lancé par LMCU en l’espèce.

104. Les sociétés Vinci, Vinci Energies et Vinci Energies France prétendent, en second lieu, que Santerne « présente toutes les caractéristiques d’une entreprise bénéficiant d’une autonomie fonctionnelle et décisionnelle sur le marché vis-à-vis de ses sociétés mères » et « a fortiori, de la société faîtière du groupe VINCI ». Elles relèvent en particulier que le siège social de Santerne est distinct de ceux de ses sociétés mères. Vis-à-vis des tiers, Santerne apparaîtrait comme une entreprise autonome disposant de sa propre dénomination sociale, de son propre logo et d’adresses de courriels spécifiques. Par ailleurs, les salariés de Santerne seraient les seuls à représenter la société et ses établissements vis-à-vis des tiers.

105. À titre liminaire, on rappellera que Santerne est une filiale à 100 % de Vinci Energies France, laquelle appartient à 100 % à Vinci Energies dont le capital est détenu à plus de 99 % par Vinci. La présomption selon laquelle les sociétés mères exercent une influence déterminante sur le comportement de leur filiale s’applique donc en l’espèce. Aussi, il revient aux sociétés mises en cause de démontrer qu’elles n’exercent pas d’influence déterminante sur le comportement de leur filiale.

106. Or les éléments produits par Vinci Energies France, Vinci Energies et Vinci ne sont pas de nature à renverser cette présomption.

107. En premier lieu, les décisions et jurisprudence citées par les mises en cause n’apparaissent pas pertinentes, dans la mesure où les services d’instruction n’avaient pas utilisé la présomption d’influence déterminante dans le cadre de ces affaires pour imputer les pratiques des filiales à leurs sociétés mères. Ainsi, dans la décision n° 11-D-02, l’Autorité précise que l’imputabilité des pratiques aux sociétés mères a été déterminée, non sur le recours à une présomption, mais sur le fondement d’une analyse concrète des éléments relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent les sociétés d’un même groupe72.

108. En second lieu, les arguments avancés par les mises en cause n’apparaissent pas suffisants pour renverser, en droit, la présomption d’influence déterminante.

109. S’agissant des liens économiques entre une société mère et sa filiale, il sera rappelé que la simple circonstance que la société mère s’avère être une holding, même non opérationnelle, ne suffit pas à renverser la présomption d’imputabilité73. S’agissant de leurs liens organisationnels, la jurisprudence considère qu’une forte décentralisation ne constitue pas une preuve de l’absence d’exercice effectif d’une influence déterminante74. En ce sens, l’absence de personnel commun aux sociétés en cause ne constitue pas non plus une preuve permettant de renverser la présomption d’imputabilité75. La politique commerciale n’étant « qu’un élément parmi d’autres » et ne devant « pas être interprétée de manière restrictive »76, l’autonomie donnée à la filiale dans sa détermination ne constitue pas non plus une preuve de l’absence d’exercice effectif d’une influence déterminante77. Enfin, s’agissant de la perception par les tiers de l’image d’une société, le Tribunal a rappelé que celle-ci ne saurait suffire à démontrer qu’une filiale est autonome vis-à-vis de sa société mère78.

110. En tout de cause, les arguments sur la prétendue autonomie fonctionnelle de Santerne sont contredits par les éléments de fait figurant au dossier.

111. Ainsi, l’autonomie alléguée de Santerne par rapport à ses sociétés mères est contredite par les déclarations du chef d’entreprise de Santerne Tertiaire et Santé : « La stratégie d’entreprise de SANTERNE TERTAIRE ET SANTE est élaborée conjointement avec mon directeur M. Y…, de la société VINCI ENERGIE ainsi que les cadres de mon entreprise (responsables d’affaires, responsable du bureau d’étude et responsable du pôle gestion-secrétariat) » et « Nous disposons d’une base de données de chiffrage « OPTIMA » qui nous permet de bénéficier des remises dont le groupe VINCI ENERGIES dispose » 79.

112. La candidature de Santerne à l’appel d’offres de 2014 fait en outre référence à de multiples reprises à ses sociétés mères. Santerne souligne son adhésion « aux valeurs humanistes du Groupe Vinci »80 et rappelle qu’elle peut s’appuyer « sur une synergie d’entreprises appartenant à Vinci Energies, laquelle permet la mise en place de solutions rapides avec les meilleures compétences humaines régionales. Cette spécificité nous offre une réactivité sans égale, quel que soit le type de renforcement nécessaire ; en production, en technicité, en encadrement. Un interlocuteur unique fédère et mobilise au sein des entreprises de la société Santerne en Nord-Pas de Calais et de celle de Vinci Énergies Nord, l’ensemble des compétences nécessaires à la réussite de votre projet »81 et qu’elle « fait partie du groupe Vinci Energies (premier groupe d’installation électrique de France avec plus de 34 000 salariés). Vinci Energie Nord totalise plus 60 entreprises et 2 200 collaborateurs avec un principe fondamental de maillage fort au cœur de notre fonctionnement entre entreprises. Cette spécificité permet d’avoir recours à du personnel du groupe de manière immédiate dans le strict respect de la législation et des règles en vigueur. Cela nous permet une réactivité sans égale, quel que soit le type de besoin »82. Elle relève qu’un « organisme du Groupe Vinci dispense les formations » à ses salariés83 et joint une présentation de Vinci Energies.

113. En outre, et à titre surabondant, on relèvera que M. Y…, président de Santerne, se présente lui-même sur les réseaux sociaux comme directeur régional chez Vinci Energies84, laquelle, compte tenu notamment de sa raison sociale, ne saurait être perçue par les tiers comme autonome de la société Vinci dont elle est une filiale.

c) Conclusion

114. Au regard de ce qui précède, il convient de retenir la responsabilité des sociétés mères, qui détenaient à l’époque des faits la totalité ou quasi-totalité du capital de Santerne, pour les faits commis par cette dernière. Ainsi, il y a lieu de considérer Vinci Energies France (qui s’est substituée à Vinci Energies France nord), Vinci Energies et Vinci conjointement et solidairement responsables des pratiques imputées à Santerne en tant que sociétés mères.

D. LES SANCTIONS

1. SUR LA SANCTION FINANCIERE

115. Seront successivement abordés :

- les principes relatifs à la détermination des sanctions (a) ;

- la détermination du montant de base des sanctions (b) ;

- la prise en compte des circonstances propres aux entreprises concernées (c) ;

- les ajustements finaux (d).

a) Sur les principes relatifs à la détermination des sanctions

116. Le I de l’article L. 464-2 du code de commerce habilite l’Autorité à imposer des sanctions pécuniaires aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce.

117. Aux termes du quatrième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce « (s)i le contrevenant n’est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d’euros. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».

118. Par ailleurs, le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce prévoit que « les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation individuelle de l’organisme ou de l’entreprise sanctionné ou du groupe auquel l’entreprise appartient et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par le (titre VI du livre IV du code de commerce). Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».

119. L’article L. 464-5 du code de commerce dispose que l’Autorité peut, lorsqu’elle met en œuvre la procédure simplifiée prévue à l’article L. 463-3 du code de commerce, prononcer les sanctions prévues au I de l’article L. 464-2 de ce code. Toutefois, la sanction ne peut excéder 750 000 euros pour chacun des auteurs des pratiques prohibées.

120. En l’espèce, l’Autorité appréciera ces critères légaux selon les modalités pratiques décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après « le communiqué sanctions »).

121. L’entreprise en cause dans la présente affaire a été mise en mesure de formuler des observations sur les principaux éléments de droit et de fait du dossier susceptibles, selon les services d’instruction, d’influer sur la détermination de la sanction pouvant lui être imposée, à la suite de la réception de la notification des griefs simplifiée. La présentation de ces différents éléments par les services d’instruction ne préjuge pas de l’appréciation du Collège sur les déterminants de la sanction, qui relève de sa seule délibération.

b) Sur la détermination du montant de base des sanctions

Sur la méthode utilisée pour la détermination du montant de base

122. Le point 23 du communiqué sanctions prévoit que l’Autorité retient la valeur des ventes de l’ensemble des catégories de produits en relation avec l’infraction effectuées par chacune des entreprises en cause, durant son dernier exercice comptable complet de participation à cette infraction, comme assiette de leur sanction respective.

123. Toutefois, cette méthode peut être adaptée « dans les cas de pratiques anticoncurrentielles portant sur un ou plusieurs appels d’offres ponctuels et ne relevant pas d’une infraction complexe et continue. En effet, la valeur des ventes ne constitue pas un indicateur approprié de l’ampleur économique de ces pratiques, qui revêtent un caractère instantané, et du poids relatif de chaque entreprise ou organisme qui y prend part, en particulier lorsque leur implication consiste à réaliser des offres de couverture ou à s’abstenir de soumissionner » (point 66 du communiqué sanctions).

124. Dans ce cas, l’Autorité considère que « le montant de base de la sanction pécuniaire résultera alors de l’application d’un coefficient, déterminé en fonction de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie, au chiffre d’affaires total réalisé en France par l’organisme ou par l’entreprise en cause, ou par le groupe auquel l’entreprise appartient, en principe pendant l’exercice comptable complet au cours duquel a eu lieu l’infraction ou du dernier exercice comptable complet s’il en existe plusieurs. Ce coefficient tiendra compte du fait que ces pratiques, qui visent à tromper les maîtres d’ouvrage sur l’effectivité même de la procédure d’appel d’offres, se rangent par leur nature même parmi les infractions les plus graves aux règles de concurrence et sont parmi les plus difficiles à détecter en raison de leur caractère secret » (point 67 du communiqué sanctions). L’Autorité a appliqué cette méthode de détermination de la sanction pécuniaire dans plusieurs décisions, confirmées par la cour d’appel de Paris et la Cour de cassation, concernant des pratiques d’échanges d’informations à l’occasion d’appels d’offres85.

125. En l’espèce, les pratiques mises en œuvre par Santerne revêtent un caractère instantané et ont été mises en œuvre à l’occasion de la passation d’un marché public. Compte tenu des circonstances de l’espèce, il y a donc lieu d’appliquer la méthode prévue aux points 66 et 67 du communiqué sanctions, la valeur des ventes ne constituant pas un indicateur approprié en l’espèce.

126. Conformément à la méthode exposée, le montant de base de la sanction pécuniaire résultera de l’application d’un coefficient, déterminé en fonction de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie, au chiffre d’affaires total réalisé en France par Santerne pendant le dernier exercice comptable complet au cours duquel a eu lieu l’infraction.

127. En l’espèce, l’infraction a été commise entre le 14 mai 2014 et le 27 mai 2014. Le chiffre d’affaires total réalisé en France par Santerne pendant l’exercice 2014, est de 27 838 433 euros.

Sur la gravité des faits et l’importance du dommage causé à l’économie

Sur la gravité des faits

128. Santerne a participé à la mise en œuvre d’une pratique concertée avec Neu consistant en des échanges d’informations confidentielles en vue de la passation du marché de maintenance et de transformation des installations de GTB de Lille en 2014.

129. Conformément au point 26 du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, pour apprécier la gravité des faits, l’Autorité tient notamment compte des éléments suivants, en fonction de leur pertinence :

- la nature de l’infraction ou des infractions en cause et des faits retenus pour la ou les caractériser ainsi que la nature du ou des paramètres de la concurrence concernés ;

- la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause ;

- la nature des personnes susceptibles d’être affectées ;

- et les caractéristiques objectives de l’infraction ou des infractions.

130. S’agissant, en premier lieu, de la nature des infractions en cause, il y a lieu de rappeler que les ententes entre entreprises concurrentes sur un même marché commises à l’occasion d’appels d’offres sont parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles86. La cour d’appel de Paris a ainsi jugé qu’« il ne peut être sérieusement contesté que de telles pratiques sont particulièrement graves par nature, puisqu’elles limitent l’intensité de la pression concurrentielle à laquelle auraient été soumises les entreprises, si elles s’étaient déterminées de manière indépendante, le fondement même des appels à la concurrence résidant dans le secret dont s’entourent les entreprises intéressées pour élaborer leurs offres, chacune d’entre elles devant se trouver dans l’ignorance de la qualité de ses compétiteurs, de leurs capacités financières à proposer la meilleure prestation ou fourniture possible au prix le plus bas »87. Elle rappelle à cet égard que « les échanges d’informations entre entreprises antérieurs à la remise des plis, sont intrinsèquement graves en ce qu’elles libèrent les compétiteurs de l’incertitude de la compétition et leur permettent d’élaborer des offres ne prenant plus en compte seulement leurs données économiques propres, mais celles, normalement confidentielles, de leurs concurrents »88.

131. Santerne ne saurait prétendre que la pratique en cause n’a eu aucune incidence sur le résultat de l’appel d’offres et les prix pratiqués ou que la pratique ne revêtait aucun caractère occulte pour remettre en cause la gravité de la pratique.

132. En effet, l’objet même de l’appel d’offres sur un marché public est d’assurer une mise en concurrence pleine et entière des entreprises susceptibles d’y répondre au profit de la personne publique. Dès lors, la mise en échec du déroulement normal des procédures d’appel d’offres, en empêchant la fixation des prix par le libre jeu du marché et en trompant la personne publique sur la réalité et l’étendue de la concurrence qui s’exerce entre les entreprises soumissionnaires, perturbe le secteur où ont lieu de telles pratiques et porte une atteinte grave à l’ordre public économique.

133. En outre, la durée pluriannuelle du marché public en cause, en figeant la concurrence sur une période longue, a contribué à accroître la gravité des pratiques.

Sur l’importance du dommage causé à l’économie

134. Il est de jurisprudence constante que l’importance du dommage causé à l’économie s’apprécie de façon globale pour les pratiques en cause, c’est-à-dire au regard de l’action cumulée de tous les participants, sans qu’il soit besoin d’identifier la part imputable à chacun d’entre eux pris séparément89.

135. Ce critère légal ne se confond pas avec le préjudice qu’ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s’apprécie en fonction de la perturbation générale que ces pratiques sont de nature à engendrer pour l’économie90.

136. L’Autorité, qui n’est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l’économie, doit procéder à une appréciation de son existence et de son importance en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l’économie engendrée par les pratiques en cause91. L’existence du dommage à l’économie ne saurait donc être présumée.

137. En se fondant sur une jurisprudence établie, l’Autorité tient notamment compte, pour apprécier l’incidence économique de la pratique en cause, de l’ampleur de l’infraction telle que caractérisée entre autres par sa couverture géographique ou par la part de marché cumulée des parties sur le secteur concerné, de sa durée, des conséquences conjoncturelles ou structurelles, ainsi que des caractéristiques économiques pertinentes du secteur concerné92. Les effets tant avérés que potentiels de la pratique peuvent être pris en considération à ce titre93.

138. Si l’importance du dommage à l’économie ne peut être atténuée par la dimension locale du marché en cause, le montant du marché concerné peut être pris en considération pour mesurer l’ampleur des pratiques94. Dans le cas d’ententes portant sur des marchés d’appels d’offres, le montant des marchés affectés constitue en effet un des éléments d’appréciation de l’importance du dommage causé à l’économie95, même si le dommage peut prendre en compte d’autres paramètres.

139. En l’espèce, le montant estimatif du marché affecté était compris entre 200 000 euros et 800 000 euros hors taxes, et le montant estimé par Neu s’élevait à 809 345,69 euros au moment de l’appel d’offres. Le montant effectivement exécuté s’est quant à lui élevé à 642 711,41 euros96, soit un montant inférieur de plus de 20 % à celui initialement estimé.

140. L’effet des pratiques sur le résultat de l’appel d’offres et le prix pratiqué est à relativiser. Les échanges intervenus entre Neu et Santerne ont eu une incidence limitée sur le résultat de la consultation dans la mesure où une troisième offre – celle d’Eiffage – avait été déposée, et que cette offre était plus compétitive sur le plan tarifaire. Selon le rapport d’analyse des offres, l’issue de l’appel d’offres relève ainsi davantage de la supériorité de l’offre de Neu (par rapport à l’offre d’Eiffage) sur le plan qualitatif.

141. En outre, en l’absence d’échange d’informations, c’est-à-dire placée dans l’incertitude quant au contenu de l’offre de Neu, Santerne aurait pu être incitée à proposer une offre financière inférieure à celle qu’elle a effectivement déposée. Néanmoins, au regard de l’écart de notation entre les deux offres par les services techniques de LMCU et de la nécessité alléguée par Santerne d’avoir recours à Neu, il est peu probable que l’offre de Santerne aurait été plus compétitive que celle de Neu.

142. Il convient de conclure de ce qui précède que les pratiques en cause ont causé un dommage limité à l’économie.

Conclusion sur la proportion du chiffre d’affaires retenue au titre de la gravité et du dommage à l’économie

143. Compte tenu de l’appréciation qu’elle a faite ci-dessus de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie dans le secteur concerné, l’Autorité retiendra, pour déterminer le montant de base de la sanction des sociétés mises en cause, une proportion de 0,8 % du chiffre d’affaires total réalisé en France par Santerne sur l’exercice 2014, soit un montant de base de la sanction de 222 707 euros.

c) Sur l’individualisation de la sanction

S’agissant de la situation des sociétés du groupe Vinci

144. L’Autorité s’est engagée à adapter les montants de base retenus au regard du critère légal tenant à la situation individuelle de chacune des parties en cause, qu’il s’agisse d’organismes ou d’entreprises, appartenant le cas échéant à des groupes plus larges.

145. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d’espèce, elle peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de la mise en œuvre des infractions en cause, ainsi que d’autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle. Cette prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu’à la baisse.

146. Au cas présent, les éléments du dossier ne font pas ressortir d’éléments de nature à caractériser l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes propres à Santerne.

147. En revanche, l’appréciation de la situation individuelle d’une entreprise peut notamment conduire à prendre en considération, non seulement sa taille et ses ressources, au-delà de celles issues des produits ou services visés par l’infraction, mais aussi son appartenance à un groupe disposant lui-même d’une taille, d’une puissance économique et de ressources globales plus importantes97.

148. De fait, la circonstance qu’une entreprise, au-delà des seuls produits ou services en relation avec l’infraction, bénéficie d’un périmètre d’activités significatif, ou bien dispose d’une puissance financière importante, peut justifier que la sanction qui lui est infligée en considération d’une infraction donnée soit plus élevée que si tel n’était pas le cas, afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire98.

149. En l’espèce, l’Autorité tiendra compte de la taille du groupe Vinci, auquel appartient Santerne.

150. Les ressources financières globales du groupe Vinci sont très importantes. Ainsi, son chiffre d’affaires mondial consolidé pour 2018 atteint 43,5 milliards d’euros.

151. Le chiffre d’affaires de Santerne retenu comme assiette de la sanction est inférieur à 0,1 % du chiffre d’affaires total du groupe Vinci.

152. Compte tenu de ces éléments et alors que l’efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles requiert que la sanction soit effectivement dissuasive, au regard de la situation financière propre à l’entreprise au moment où elle est sanctionnée99, le montant de base de la sanction pécuniaire infligée à Santerne, solidairement avec ses sociétés mères Vinci Energies France, Vinci Energies et Vinci, doit être augmenté de 70 %.

La réitération

153. La réitération, visée de façon autonome par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce, constitue une circonstance aggravante que l’Autorité peut prendre en compte en augmentant le montant de la sanction de manière à lui permettre d’apporter une réponse proportionnée, en termes de répression et de dissuasion, à la propension de l’entreprise ou de l’organisme de s’affranchir des règles de concurrence100. La jurisprudence de l’Union va dans le même sens101.

154. Il est possible de retenir l’existence d’une réitération lorsque quatre conditions sont réunies (paragraphe 51 du communiqué sanctions) : une précédente infraction au droit de la concurrence doit avoir été constatée avant la fin de la commission de la nouvelle pratique ; la nouvelle pratique doit être identique ou similaire, par son objet ou ses effets, à celle ayant donné lieu au précédent constat d’infraction ; ce dernier doit avoir acquis un caractère définitif à la date à laquelle l’Autorité statue sur la nouvelle pratique ; le délai écoulé entre le précédent constat d’infraction et le début de la nouvelle pratique est pris en compte pour apporter une réponse proportionnée à la propension de l’entreprise à s’affranchir des règles de concurrence, étant indiqué que la réitération ne sera ainsi pas retenue lorsque le délai en question est supérieur à quinze ans.

155. En outre, en cas de réitération, le montant individualisé peut être « augmenté dans une proportion comprise entre 15 et 50 %, en fonction notamment du délai séparant le début de la nouvelle pratique du précédent constat d’infraction, et de la nature des différentes infractions en cause » (voir point 52 du communiqué susvisé).

156. Dans un arrêt du 27 septembre 2018, la cour d’appel de Paris a jugé que « la réitération peut être retenue pour de nouvelles pratiques identiques ou similaires, par leur objet ou leur effets, à celles ayant donné lieu au précédent constat d’infraction, sans que cette qualification exige une identité quant à la pratique mise en œuvre ou quant au marché concerné », et que « Les deux constats d’infractions présentent au contraire des similitudes marquées, tant par leur objet que par leurs effets. Dans les deux cas, la société EDF a été sanctionnée pour avoir mis en œuvre des pratiques d’abus de position dominante, en violation d’un même fondement légal, à savoir les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE »102.

157. Au cas d’espèce, il convient de relever que Vinci a été sanctionnée pour avoir notamment participé à des pratiques d’entente horizontale dans la décision n° 06-D-07 du 21 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux publics dans la région Île-de-France.

158. Les pratiques visées au titre du premier grief constituent également des pratiques d’entente horizontale et sont, au sens de la jurisprudence précitée relative à la réitération, similaires.

159. La décision n° 06-D-07 précité était définitive à la date de début des pratiques imputées (i.e. 14 mai 2014) et a fortiori à la date du constat de première infraction par l’Autorité dans la présente décision.

160. Enfin, le délai écoulé entre le constat de première infraction (i.e. 21 mars 2006) et le début des pratiques est d’un peu moins de 8 ans et trois mois.

161. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de considérer que les sociétés du groupe Vinci se trouvent dans une situation de réitération justifiant, dans les circonstances de l’espèce, une majoration de 15 % de la sanction.

Conclusion intermédiaire

162. Au vu de l’ensemble des éléments généraux et individuels tels qu’exposés ci-dessus, le montant des sanctions infligées aux entreprises mises en cause est fixé, à ce stade de la démonstration, à la somme arrondie suivante : 435 000 euros.

d) Sur les ajustements finaux

Sur la vérification du respect du maximum légal

163. Conformément au I de l’article L. 464-2 du code de commerce, lorsque le contrevenant est une entreprise, le montant maximum de la sanction pécuniaire est de 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante.

164. Le chiffre d’affaires de Santerne est consolidé par la société Vinci. Par conséquent, le montant maximum de la sanction pouvant être infligée conjointement à Santerne, Vinci Energies France, Vinci Energies et Vinci correspond à 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxe de Vinci pour l’année 2018 (43 519 000 000 €), soit 4 351 900 000 euros. En effet, le chiffre d’affaires hors taxes de la société Vinci pour l’année 2018 est le plus élevé depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre.

165. Néanmoins, aux termes de l’article L. 464-5 du code de commerce : « l’Autorité, lorsqu’elle statue selon la procédure simplifiée prévue à l’article L. 463-3, peut prononcer les mesures prévues au I de l’article L. 464-2. Toutefois, la sanction pécuniaire ne peut excéder 750 000 euros pour chacun des auteurs de pratiques prohibées ».

166. Le rapporteur général de l’Autorité ayant décidé de faire application des dispositions de l’article L. 463-3 du code de commerce, c’est ce dernier plafond qui doit être retenu en l’espèce, soit 750 000 euros.

167. La sanction infligée aux sociétés mises en cause est donc inférieure au plafond légal.

Sur la situation financière de l’entreprise

168. En l’espèce, les mises en cause n’invoquent aucune difficulté particulière et n’ont pas produit d’éléments financiers et comptables permettant de démontrer l’existence de difficultés financières affectant leur capacité à s’acquitter de la sanction que l’Autorité envisage de lui infliger.

Sur le montant final de la sanction

169. Au vu de l’ensemble des éléments généraux et individuels tels qu’exposés ci-dessus, le montant de la sanction infligée solidairement à Santerne, Vinci Energies France, Vinci Energies et Vinci est fixé à la somme arrondie de 435 000 euros.

2. L’OBLIGATION DE PUBLICATION

170. Par application de l’article L. 464-2 du code de commerce, l’Autorité peut également ordonner « la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci selon les modalités qu’elle précise (…). Les frais sont supportés par la personne intéressée ».

171. Afin d’appeler la vigilance des acteurs économiques concernés de l’infraction relevée, il y a lieu d’ordonner la publication, aux frais des mises en cause, dans l’édition papier et sur le site Internet du journal « La Voix du Nord » et de la revue « Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment » du résumé de la présente décision figurant ci-après :

Résumé de la décision

L’Autorité de la concurrence a infligé solidairement une sanction de 435 000 euros à la société Santerne Nord Tertiaire (ci-après « Santerne ») et à plusieurs sociétés du groupe Vinci (Vinci Energies France, Vinci Energies et Vinci), pour avoir mis en œuvre une pratique concertée d’entente ayant pour objet de fausser la concurrence, méconnaissant ainsi l’article L. 420-1 du code de commerce.

La décision rendue fait suite à une enquête réalisée par la DGCCRF dans le secteur de la gestion technique des bâtiments.

Santerne a participé à des échanges d’informations avec la société Neu Automation en vue de la passation du marché de maintenance et de transformation des installations de gestion technique des bâtiments de Lille métropole communauté urbaine. Ces échanges sont intervenus avant le dépôt des offres et portaient sur des éléments significatifs du marché (prix des équipements et matériels les plus importants et contenu de l’offre technique). Le dépôt de deux offres séparées, et donc en apparence indépendantes, a nécessairement conduit à tromper le maître d’ouvrage sur l’intensité de la concurrence qui s’est exercée entre les candidates. De tels échanges ont altéré le libre jeu de la concurrence et sont donc prohibés par l’article L. 420-1 du code de commerce.

Le texte intégral de la décision de l’Autorité de la concurrence est accessible sur le site www.autoritedelaconcurrence.fr ».

172. Elles adresseront sous pli recommandé, au service de la procédure, copie de cette publication, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

DÉCISION

Article 1er : Il est établi que la société Santerne Nord Tertiaire en tant qu’auteur, et les sociétés Vinci Energies France, Vinci Energies et Vinci en tant que sociétés mères ont enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce en participant à des échanges d’informations confidentielles avec la société Neu Automation en vue de la passation du marché de maintenance et de transformation des installations de gestion technique des bâtiments de Lille métropole communauté urbaine 2014-2018.

Article 2 : Il est infligé solidairement aux sociétés Santerne Nord Tertiaire, Vinci Energies France, Vinci Energies et Vinci une sanction pécuniaire de 435 000 euros.

Article 3 : Il est enjoint aux entités sanctionnées d’insérer, à leurs frais, le texte figurant au paragraphe 171 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans l’édition papier et sur le site Internet du journal « La Voix du Nord » et de la revue « Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment ». Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : « Décision de l’Autorité de la concurrence n° 21-D-05 du 4 mars 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la gestion technique des bâtiments de Lille métropole communauté urbaine ». Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris si un tel recours est exercé. Elles adresseront, sous pli recommandé, au service de la procédure, copie de cette publication, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

NOTES

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 Cote 18.

3 La DGCCRF a identifié des échanges anticoncurrentiels entre respectivement Neu et STTN à l’occasion d’un appel d’offres tenu en 2013 et Neu et Santerne pour l’appel d’offres tenu en 2014 qui fait l’objet de la présente décision.

4 Cote 14.

5 Cote 2.

6 Cote 2945.

7 Cote 2616.

8 Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), Missions et métiers de l’exploitation et de la maintenance des bâtiments publics, fiche n° 06, « La Gestion Technique du Bâtiment (GTB) : quel système choisir ? », février 2017.

9 Ibid.

10 Cotes 604 à 612.

11 Cahier des clauses administratives particulières, cotes 513 à 522.

12 Cotes 523 à 569.

13 Cote 607.

14 Cote 664.

15 Cote 718.

16 Cote 1378.

17 Cote 1373.

18 Cote 1373.

19 Cote 1378.

20 Cotes 1502 à 1506.

21 Cote 2088.

22 Cote 1379.

23 Cotes 1507 à 1526.

24 Cote 1529.

25 Cote 1556.

26 Cotes 1573 à 1590.

27 Cote 1383.

28 Cotes 1591 à 1595.

29 Cote 1383.

30 Cote 1598.

31 Cotes 1598 et 1601 à 1675.

32 Cotes 1601 à 1669.

33 Cotes 1670 à 1675.

34 Cote 1575.

35 Cote 1040.

36 Cotes 1812 à 1816.

37 Cotes 1573 à 1590.

38 Cotes 1573 à 1590.

39 Cote 695.

40 Cotes 623 à 627 (Neu automation) et 2099 à 2104 (Santerne).

41 Cote 2 623.

42 Cote 2087.

43 Décision n° 10-D-10 du 10 mars 2010 relative à des pratiques relevées à l’occasion d’un appel d’offres du conseil général des Alpes-Maritimes pour des travaux paysagers.

44 Décision n° 13-D-09 du 17 avril 2013 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la reconstruction des miradors du centre pénitentiaire de Perpignan, paragraphe 82.

45 Décision n° 18-D-19 du 24 septembre 2018, relative aux pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux d’éclairage public en Ardèche, paragraphe 62 ; décision n° 09-D-03 du 21 janvier 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire et interurbain par autocar dans le département des Pyrénées-Orientales, paragraphe 105 et arrêt de la cour d’appel de Paris du 5 janvier 2010, Société d’exploitation de l’entreprise Ponsaty e.a., n° 2009/02679, p. 7.

46 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 janvier 1998, Fougerolle Ballot.

47 Décision n° 07-D-47 du 18 décembre 2007 relative à des pratiques relevées dans le secteur de l’équipement pour la navigation, paragraphe 240.

48 Décision n° 05-D-17 du 27 avril 2005 relative à la situation de la concurrence dans le secteur des marchés de travaux de voirie en Côte d’Or.

49 Cour d’appel de Paris, 21 décembre 2017, n° 16/06962 ; décision n° 05-D-45 du 22 juillet 2005 relative à des pratiques mises en œuvre lors de la passation d’un marché de rénovation de l’usine d’incinération d’Issy les Moulineaux, paragraphe 40.

50 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 septembre 1993, Entreprise Pascal.

51 Cote 605.

52 Décision n° 07-D-47 du 18 décembre 2007 relative à des pratiques relevées dans le secteur de l’équipement pour la navigation, paragraphe 240.

53 Voir notamment la décision n° 06-D-08 du 24 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre de marchés publics de construction de trois collèges dans le département de l’Hérault confirmée par la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 23 octobre 2007 n° 2006/07494.

54 Cotes 2583 à 2594 pour le mémoire technique de Santerne et cotes 1577 à 1589 pour le mémoire technique transmis par Neu automation.

55 Cotes 1739 et 2686.

56 Cotes 618 à 619 et 2095 à 2096.

57 Cote 2583.

58 Décision n° 09-D-34 du 18 novembre 2009 relative à des marchés de travaux publics d’électricité et d’éclairage public en Corse, paragraphe 115, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du  16 septembre 2010, n° 2009/24813.

59 Décision n° 05-D-17 du 27 avril 2005 relative à la situation de la concurrence dans le secteur des marchés de travaux de voirie en Côte-d’Or, paragraphes 56 à 58.

60 Arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97/08 P, Rec. 2009

p. I-8237, point 55, du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C-201/09 P et C-216/09 P, Rec. 2011 p. I-2239, point 95, du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C-521/09 P, non encore publié au Recueil, point 53, et de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, p. 18.

61 Arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 58, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., précité, point 96, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 54, et Lacroix Signalisation e.a., précité, pp. 18 et 19.

62 Arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, aff. C-97/08 P (points 60 et 61), et de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., RG n° 2011/01228, page 19.

63 Arrêt du Tribunal du 27 octobre 2010, aff. T-24/05, Alliance One International Inc. e.a./Commission, point 169 ; voir également l’arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel NV e.a./Commission, aff. T-112/05, point 58.

64 Arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, point 59 ; voir également décision n° 01-D-14 du 4 mai 2001 relative à des pratiques relevées lors de marchés de fabrication et de mise en œuvre d’enrobés bitumeux sur les routes départementales de l’Isère, p. 20.

65 Arrêts BNP-Paribas e.a., précité, et de la cour d’appel de Paris du 14 janvier 2009, Eurelec Midi Pyrénées e.a., n° 2008/01095, p. 5.

66 Arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich/Commission, précité, paragraphe 326.

67 Voir en ce sens la décision n° 12-D-10 du 20 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’alimentation pour chiens et chats (paragraphes 138 à 142).

68 Cotes 77 et 78.

69 Décision n° 08-D-30 du 4 décembre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre par les sociétés des Pétroles Shell, Esso SAF, Chevron Global Aviation, Total Outre Mer et Total Réunion.

70 Décision n° 08-D-25 du 29 octobre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle vendus sur conseils pharmaceutiques.

71 Décision n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques.

72 Décision n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphes 597 à 600.

73 Arrêts de la Cour de justice du 29 septembre 2011, Arkema, C-520/09 P, point 48 et de la Cour de cassation du 30 mai 2018, TDF, n° 16 24792, point 15.

74 Arrêt de la Cour de justice du 8 mai 2013, Eni, C-508/11 P, point 64.

75 Arrêt de la Cour de justice du 8 mai 2013, Eni, C 508/11 P, point 65.

76 Arrêt de la Cour de justice du 18 juillet 2013, Schindler, C 501/11 P, point 112.

77 Arrêts du Tribunal du 7 juin 2011, Total et Elf Aquitaine, T-206/06, points 87 et 88, du 7 juin 2011, Arkema,

T-217/06, points 108 et suivants, du 16 juin 2011, FMC, T-197/06, points 104 à 106, du 13 juillet 2011, Otis,

T-141/07, point 88 et du 14 juillet 2011, Total, T-190/06, point 71.

78 Arrêts du Tribunal du 7 juin 2011, Total et Elf Aquitaine, T-206/06, point 99 et du 14 juillet 2011, Total, T-190/06, point 78.

79 Procès-verbal de déclaration et de prise de copie de documents du 19 septembre 2016 – cotes 1370 et 1372.

80 Cote 2113.

81 Cote 2117.

82 Cote 2552.

83 Cote 2121.

84 Cote 1710.

85 Décisions n° 11-D-13 du 5 octobre 2011 relative à des pratiques relevées dans les secteurs des travaux d’électrification et d’installation électrique dans les régions Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Auvergne et limitrophes, paragraphe 406, confirmée sur ce point par l’arrêt de la cour d’appel du 28 mars 2013, Allez et Cie e. a., n° 2011/20125, p. 34-35 et du 21 janvier 2016, Inéo Réseaux Sud-Ouest S.N.C e.a., n° 2014/22811,

p. 11-12 et par l’arrêt de la Cour de cassation du 27 septembre 2017, Spie Sud-Ouest e.a., n° 16-12.907, p. 7 ; n° 13-D-09 du 17 avril 2013 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la reconstruction des miradors du centre pénitentiaire de Perpignan, paragraphes 147-151, qui n’a fait l’objet d’aucun recours ;   n° 16-D-02 du 27 janvier 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin, paragraphes 169 à 175, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du      21 décembre 2017, Royer Holding SAS e. a., n° 16/06962 ; n° 16-D-28 du 6 décembre 2016 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de l’assistance foncière de l’établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes, paragraphes 152 à 154, confirmée sur ce point par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du

26 octobre 2017, Caisse des dépôts et consignations e. a., n° 2017/01658, p. 16-17, n° 18-D-05 du 13 mars 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la sécurisation des débits de tabac en Isère, paragraphes 98 à 103, confirmée sur ce point par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 décembre 2018, Sécurité Vol Feu, n° 2018/07772, p. 17.

86 Arrêt du 28 mars 2013, société Allez et Cie e.a. précité, page 32.

87 Arrêt du 28 mars 2013, société Allez et Cie e.a. précité, page 32.

88 Voir, également, la décision n° 10-D-04 du 26 janvier 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des tables d’opération, paragraphe 167, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 octobre 2010, Maquet SA précité.

89 Décision n° 13-D-09 du 17 avril 2013 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la reconstruction des miradors du centre pénitentiaire de Perpignan, paragraphe 162, arrêts de la Cour de cassation du 18 février 2004, CERP e. a., n° 02-11754 et de la cour d’appel de Paris du 17 septembre 2008, Coopérative agricole l’Ardéchoise, n° 2007/10371, p. 6

90 Voir, par exemple, arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2008, SNEF, n° 2007/18040, p. 4.

91 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France, n° 2010/12049, p. 5, confirmé sur pourvoi par l’arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012, n° 11-22144, et l'arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International e. a., n° 2010/23945, p. 89.

92 Voir, par exemple, l’arrêt de la cour d’appel du 30 juin 2011, Orange France précité, et du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord, n° 2011/03298, p. 70.

93 Voir, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005, Novartis Pharma, n° 04-13910.

94 Voir l’arrêt de la Cour de cassation du 21 octobre 2014 précité.

95 Décision n° 09-D-03 du 21 janvier 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire et interurbain par autocar dans le département des Pyrénées-Orientales, paragraphe 119.

96 Cote 1740.

97 Voir en ce sens, arrêts de la Cour de cassation du 28 avril 2004, Colas Midi-Méditerranée e.a., n° 02-15203 et de la cour d’appel de Paris, société Allez et Cie e.a. précité p. 34, et société des pétroles Shell (SPS) e.a. précité, p. 35.

98 Arrêt de la cour d’appel de Paris, Entreprise H Chevalier Nord e. a. précité p. 71

99 Voir arrêt de la Cour de cassation, 18 septembre 2012, Sephora e.a., n° 12.14401 e.a.

100 Voir notamment la décision n° 15-D-10 du 11 juin 2015relative à des pratiques mises en œuvre par TDF sur le site de la Tour Eiffel.

101 Arrêt de la Cour de justice du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C-3/06 P, point 47.

102 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 septembre 2018, n° 17/22720, points 33 et 41.