Cass. com., 3 mars 2021, n° 18-24.437
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Weil
Défendeur :
Lalique (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Darbois
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocat général :
Mme Beaudonnet
Avocats :
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2018), par un jugement du 7 juillet 2014, le tribunal de commerce de Paris a condamné la société Lalique, à laquelle étaient reprochés des actes de concurrence déloyale, à payer diverses sommes aux sociétés Daum Pte Ltd, de droit singapourien, et Daum.
2. Par une ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris du 11 décembre 2014, l'appel de ce jugement, formé par la société Lalique le 22 juillet 2014, a été déclaré caduc. Cette ordonnance a été confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 2 avril 2015.
3. Le 7 mai 2015, la société Lalique a engagé une action en responsabilité contre son avocat, M. Weil, pour l’avoir privée de son droit de former appel contre le jugement du tribunal de commerce de Paris du 7 juillet 2014 en omettant de signifier ses conclusions dans les délais.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. M. Weil fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Lalique la somme de 2 400 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de voir réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 7 juillet 2014, alors : « 1°) que le débauchage, même d’un petit nombre de salariés, voire d’un seul, constitue un acte de concurrence déloyale lorsqu’il permet à son auteur d’exploiter les connaissances acquises par les salariés de son concurrent pour détourner une partie de la clientèle de ce dernier ; qu’en l’espèce, M. Weil soutenait qu’en rejoignant la société Lalique, Mme d’Halewyn, directrice du service marketing de la société Daum, voulait faire bénéficier son nouvel employeur du résultat des études effectuées par son équipe au sein de la société Daum, en lui adressant, dans sa note du 30 juin 2011, pendant qu’elle était encore salariée de la société Daum, une étude circonstanciée sur les leviers de croissance qu’elle avait pu identifier pour la société Lalique, lui écrivant que “les best practice mis en place pour Daum permettront d’accélérer le positionnement de Lalique dans l’art”, et en décrivant précisément les “outils” mis en place pour la société Daum ; qu’il établissait que Mme d’Halewyn avait emporté, lors de son départ, des éléments essentiels se rapportant aux études et travaux accomplis par son équipe au sein de la société Daum ; que pour écarter le caractère déloyal de l’embauche de Mme d’Halewyn par la société Lalique, la cour d’appel s’est bornée à juger que “l’examen de ces questions” dans la note du 30 juin 2011 pouvait “s’inscrire dans le processus normal d’embauche” ; qu’en statuant ainsi, pour décider qu’il existait une chance que la cour d’appel, dans le litige entre les sociétés Daum et Lalique, ne retienne pas le caractère déloyal de l’embauche de Mme d’Halewyn, sans rechercher si Mme d’Halewyn avait emporté, lors de son départ, des éléments essentiels se rapportant aux études et travaux accomplis par son équipe au sein de la société Daum permettant à la société Lalique d’exploiter les connaissances acquises par la salariée auprès de son concurrent, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147, devenu 1231-1, du code civil. » ; 2°) que l’embauche de salariés d’une entreprise concurrente est susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale, même en l’absence de manoeuvre déloyale de débauchage de la part du nouvel employeur, dès lors qu’elle a eu pour effet de désorganiser cette entreprise ; qu’en l’espèce, M. Weil soutenait, à l’instar de la société Daum, que la société Lalique avait procédé à un débauchage ciblé des salariés les plus qualifiés de la société Daum au sein de son comité de direction et de son département de création; qu’il établissait que ce personnel ancien et qualifié occupait des postes stratégiques, dont la vacance avait profondément et durablement désorganisé la société Daum ; qu’en jugeant néanmoins, pour décider qu’il existait une chance que la cour d’appel, dans le litige entre les sociétés Daum et Lalique, ne retienne pas le caractère déloyal de l’embauche de Mme d’Halewyn, que l’embauche de Mme d’Halewyn par la société Lalique ne caractérisait pas un acte de déloyauté de cette dernière, la preuve que la salariée ait volontairement commis des fautes pour se faire licencier puis se faire embaucher par la société Lalique concurrente n’étant pas rapportée, sans rechercher si cette embauche avait désorganisé la société Daum, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147, devenu 1231-1, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 et l’article 1382, devenu 1240, du même code :
5. Selon le premier de ces textes, le débiteur d'une obligation est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts à raison, soit de l'inexécution de cette obligation, soit du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. Selon le second, tout fait quelconque, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
6. Pour décider qu’il existait une chance réelle et sérieuse que la cour d’appel écarte le caractère déloyal de l’embauche de Mme d’Halewyn par la société Lalique, l’arrêt retient que le mail de l’intéressée à son nouvel employeur pour résumer leur entretien et produit par la société Daum pour établir qu’elle avait commencé à travailler pour la société Lalique avant même son licenciement par la société Daum, fait apparaître que si cet entretien avait permis de définir les actions à mener dans le cadre de son nouvel emploi avec des objectifs à réaliser, des moyens à mettre en oeuvre et une nouvelle organisation du service à mettre en place, l’examen de ces questions pouvait néanmoins s’inscrire dans le processus normal d’embauche d’une directrice de marketing qui disposait déjà de certaines connaissances sur la société Lalique en raison du partenariat ayant existé entre elle et la société Daum. Il retient en outre que n’est pas rapportée la preuve que la salariée ait volontairement commis des fautes pour se faire licencier puis se faire embaucher par la société Lalique.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher si Mme d’Halewyn avait emporté, lors de son départ, des éléments essentiels se rapportant aux études et travaux accomplis par son équipe au sein de la société Daum permettant à la société Lalique d’exploiter les connaissances acquises par la salariée auprès de son concurrent, ni si l’embauche de Mme d’Halewyn n’avait pas eu pour effet de désorganiser la société Daum, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
8. M. Weil fait le même grief à l'arrêt, alors « que, dans son jugement du 7 juillet 2014, le tribunal de commerce de Paris a retenu que la filiale singapourienne de la société Lalique avait agi sur instruction de cette dernière pour débaucher massivement les salariés de la société Daum Pte Ltd, filiale de la société Daum, aux motifs qu’ “il n’est pas concevable qu’une petite filiale de commercialisation ait pu, de sa propre initiative, recruter cinq personnes, dont une responsable de magasin, toutes précédemment employées par la même société, employées dans le même domaine ; cette filiale n’a pu agir ainsi que selon les instructions et directives de sa maison mère la société Lalique SA” ; qu’il a également jugé que : “la société Lalique ne soulève aucun moyen au sujet des personnes qui ont été recrutées à Singapour ; ce recrutement quasi simultané de cinq personnes sur un effectif de huit de la société Daum Pte a manifestement désorganisé cette société, sur instruction de la société Lalique, comme il a été observé ci-dessus ; d’autant plus que sur ces cinq personnes il y a la totalité du service administratif et la directrice du magasin, ce qui établit une volonté de nuire” ; qu’en jugeant néanmoins, pour retenir que la société Lalique n’avait pas ordonné à sa filiale singapourienne de débaucher les salariés de la société Daum Pte, en conséquence de quoi la société Lalique avait une chance de voir écarter les faits commis au préjudice de la société Daum Pte, que le tribunal “ne fait pas la démonstration et n’énonce pas les éléments qui lui permettent de présumer de telles instructions”, omettant ainsi une partie des motifs dudit jugement, la cour d’appel a dénaturé le jugement du tribunal de commerce de Paris du 7 juillet 2014, en violation du principe qui interdit aux juges de dénaturer les éléments de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis :
9. Pour retenir que la société Lalique avait une chance réelle et sérieuse de voir la cour d’appel écarter les faits commis par sa filiale singapourienne de débauchage massif des salariés de la société Daum, l’arrêt retient que si le tribunal de commerce de Paris a jugé que la filiale de la société Lalique avait agi sur instruction de cette dernière, il n’en faisait pas la démonstration ni n’énonçait les faits qui lui permettaient de présumer de telles instructions.
10. En statuant ainsi, alors que dans son jugement, le tribunal de commerce retenait qu’« il n’est pas concevable qu’une petite filiale de commercialisation, ait pu de sa propre initiative, recruter cinq personnes, dont une responsable de magasin, toutes précédemment employées par la même société, employées dans le même domaine ; cette filiale n’a pu agir ainsi que selon les instructions et directives de sa maison mère la société Lalique » et que celle-ci « ne soulève aucun moyen au sujet des personnes qui ont été recrutées à Singapour ; ce recrutement quasi simultané de cinq personnes sur un effectif total de huit de la société Daum Pte, a manifestement désorganisé cette société, sur instruction de la société Lalique, comme il a été observé ci-dessus ; d’autant plus que sur ces cinq personnes il y a la totalité du service administratif et la directrice du magasin, ce qui établit une volonté de nuire. », la cour d'appel, qui n’a pris en considération qu’une partie des motifs du jugement, l’a dénaturé par omission et violé le principe susvisé.
Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
11. M. Weil fait le même grief à l'arrêt, alors : « 4°) que M. Weil soutenait que la société Lalique avait provoqué la démission brutale de trois membres du département administratif de la filiale singapourienne de la société Daum et de cinq autres salariés de cette filiale travaillant dans la boutique de Singapour concomitamment au débauchage de trois salariés haut placés de la société Daum à Paris ; que cette concomitance et cette similitude des faits, opérés tant à Paris qu’à Singapour, caractérisait le plan concerté et organisé par la société mère dans le but de déstabiliser et ruiner la filiale la plus prospère de la société Daum en Asie; qu’en jugeant néanmoins, pour décider que la société Lalique avait une chance de voir écarter les faits commis au préjudice de la société Daum Pte, que l’intervention de la société Lalique dans les agissements déloyaux de sa filiale n’était pas établie, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le contexte général de débauchage lors de la dissolution du partenariat unissant les sociétés Daum et Lalique, dont elle avait pourtant constaté la réalité, concernant deux salariés essentiels du département de création de la société Daum, lui permettant d’en déduire l’intervention de la société Lalique dans les agissements, non contestés, de sa filiale de Singapour, concomitants à ceux de Paris, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147, devenu 1231-1, du code civil. » 5°) que M. Weil produisait le procès-verbal de constat dressé par M. Chevrier de Zitter le 20 février 2012 établissant que les agissements de la filiale singapourienne de la société Lalique s’inscrivaient dans le cadre d’une stratégie délibérée de la société Lalique tendant à conquérir des parts de marché de son ancienne partenaire, redevenu son concurrent direct, en s’appropriant de manière illégitime son savoir-faire et en désorganisant sa structure; qu’en jugeant, pour décider que la société Lalique avait une chance de voir écarter les faits commis au préjudice de la société Daum Pte, que l’intervention de la société Lalique dans les agissements déloyaux de sa filiale n’était pas établie, sans analyser ledit procès-verbal, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, l’article 1382, devenu 1240, du même code et l’article 455 du code de procédure civile :
12. Selon le troisième de ces textes, tout jugement doit être motivé.
13. Pour statuer comme il fait, l’arrêt retient encore qu’il n’est pas démontré l’intervention de la société Lalique dans les agissements déloyaux de sa filiale.
14. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le contexte général de débauchage lors de la dissolution du partenariat unissant les sociétés Daum et Lalique, dont elle avait pourtant constaté la réalité, impliquant deux salariés essentiels du département de création de la société Daum, lui permettait d’en déduire l’intervention de la société Lalique dans les agissements, non contestés, de sa filiale de Singapour, concomitants à ceux de Paris, ni analyser, même sommairement, le procès-verbal de constat du 20 février 2012, dont se prévalait M. Weil pour établir que les agissements de cette filiale s’inscrivaient dans le cadre d’une stratégie délibérée de la société Lalique tendant à conquérir des parts de marché de son ancienne partenaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale et n'a pas satisfait aux exigences du troisième texte susvisé.
Sur le moyen, pris en sa sixième branche
Enoncé du moyen
15. M. Weil fait le même grief à l'arrêt, alors « que l’embauche de salariés d’une entreprise concurrente, aussitôt après leur démission, est susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale, même en l’absence de manoeuvre déloyale de débauchage de la part du nouvel employeur, dès lors qu’elle a eu pour effet de désorganiser cette entreprise ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que, dans son jugement du 7 juillet 2014, le tribunal de commerce de Paris avait retenu que l’embauche par la société Lalique de M. Akkab, responsable export pour le Moyen-Orient au sein de la société Haviland, faisant partie du groupe Daum, était déloyale aux motifs qu’“en rapprochant le recrutement de M. Akkad des autres recrutements, tant en France qu’en Asie, il est établi que la société Lalique a délibérément voulu désorganiser les sociétés Daum en s’appropriant la clientèle et les savoir-faire de ces sociétés” ; que pour retenir que la société Lalique avait une chance de faire juger que l’embauche de M. Akkad n’était pas déloyale, la cour d’appel a reproché au tribunal de ne pas avoir recherché si le fait que M. Akkab ait quitté la société Daum devait être imputé à la société Lalique ; qu’en statuant ainsi, tandis que l’absence de manoeuvre déloyale de débauchage de la part du nouvel employeur n’empêchait pas la caractérisation d’un acte de concurrence déloyale, dès lors que l’embauche a eu pour effet de désorganiser l’entreprise, la cour d’appel a violé l’article 1147, devenu 1231-1, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 et l’article 1382, devenu 1240 du même code :
16. Pour retenir que la société Lalique avait une chance sérieuse de faire juger que l’embauche de M. Akkad n’était pas déloyale, l’arrêt, après avoir retenu qu’en rapprochant le recrutement de M. Akkad des autres recrutements, tant en France qu'en Asie, il était établi que la société Lalique avait délibérément voulu désorganiser les sociétés Daum en s'appropriant la clientèle et les savoir-faire de ces sociétés, relève que le tribunal n’a pas recherché si le fait que M. Akkad ait quitté la société Daum devait être imputé à la société Lalique.
17. En statuant ainsi, alors que l’embauche des salariés du concurrent, qui a eu pour effet de désorganiser ce dernier, constitue un acte de concurrence déloyale, indépendamment de toute manoeuvre déloyale, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Sur le moyen, pris en ses septième et huitième branches
Enoncé du moyen
18. M. Weil fait le même grief à l'arrêt, alors : « 7°) qu’en toute hypothèse constitue un acte de concurrence déloyale le débauchage, même d’un petit nombre de salariés, voire d’un seul, lorsqu’il a permis à la société qui débauche d’exploiter les connaissances acquises par les salariés de son concurrent pour détourner une partie de sa clientèle ; que M. Weil soutenait que M. Akkad, responsable export pour le Moyen-Orient au sein de la société Haviland, faisant partie du groupe Daum, avait été embauché par la société Lalique aux mêmes fonctions que celles occupées au sein de la société Haviland, immédiatement après sa démission auprès de cette société et en emportant avec lui le bénéfice de ses contrats commerciaux et de la clientèle qui lui était attachée ; qu’en jugeant néanmoins, pour retenir que la société Lalique avait une chance de faire juger que l’embauche de M. Akkad n’était pas déloyale, que ce dernier avait une raison objective de quitter son employeur et qu’il n’était pas démontré que la société Lalique ait elle-même sollicité sa candidature, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. Akkad avait emporté avec lui le bénéfice de ses contacts commerciaux et de la clientèle qui lui était attachée, permettant à la société Lalique d’exploiter les connaissances acquises par le salarié auprès de son concurrent pour détourner une partie de sa clientèle au Moyen-Orient, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147, devenu 1231-1, du code civil. 8°) qu’en toute hypothèse M. Weil soutenait que M. Akkad avait été embauché par la société Lalique concomitamment à sa démission sans respecter son préavis de trois mois, de sorte que la société Lalique savait qu’il était encore salarié du groupe Daum jusqu’au 2 mars 2011 ; qu’il ajoutait que M. Akkad avait effectué un voyage de prospection immédiatement après son embauche, ce qui établissait qu’un programme d’action avait été fixé tandis qu’il était encore salarié de la société Haviland ; qu’en jugeant néanmoins, pour retenir que la société Lalique avait une chance de faire juger que l’embauche de M. Akkad n’était pas déloyale, que ce dernier avait une raison objective de quitter son employeur et qu’il n’était pas démontré que la société Lalique ait elle-même sollicité sa candidature, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Lalique savait, lorsqu’elle a embauché M. Akkad, qu’il était encore salarié du groupe Daum jusqu’au 2 mars 2011, caractérisant ainsi sa déloyauté et sa volonté de nuire à son concurrent en le désorganisant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147, devenu 1231-1, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 et l’article 1382, devenu 1240, du même code :
19. Pour statuer comme il fait, l’arrêt retient encore que M. Akkad avait une raison objective de quitter son employeur et qu’il n’était pas démontré que la société Lalique ait elle-même sollicité sa candidature.
20. En se déterminant ainsi, sans rechercher si M. Akkad avait emporté avec lui le bénéfice de ses contacts commerciaux et de la clientèle qui lui était attachée, permettant à la société Lalique d’exploiter les connaissances acquises par le salarié auprès de son concurrent pour détourner une partie de sa clientèle au Moyen-Orient, ni si la société Lalique savait, lorsqu’elle a embauché M. Akkad, qu’il était encore salarié du groupe Daum jusqu’au 2 mars 2011, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, La Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne M. Weil à payer à la société Lalique la somme de 2 400 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de voir réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 7 juillet 2014 et en ce qu’il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 11 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société Lalique aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, Rejette la demande formée par la société Lalique et la condamne à payer à M. Weil la somme de 3 000 euros.