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Décisions

Cass. com., 3 mars 2021, n° 18-21.486

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Goliath France (SAS), Goliath BV (Sté)

Défendeur :

Pihan, Boyaux (Epoux), Corneilles (SCI), Splash Toys (SAS), Nordy (SARL), Holding Financière Normande (SARL), Bourgoin (ès qual.), Diesbecq - Zolotarenko (SCP)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocats :

SCP Ortscheidt, Me Goldman

Paris, Pôle 5 ch. 1, du 19 juin 2018

19 juin 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2018), la société Goliath France est l'agent exclusif de la société Goliath BV, de droit néerlandais, pour la commercialisation en France des jeux, jouets et articles de loisirs produits par cette dernière.  

2. Pour mettre un terme au litige qui les opposait à M. Pihan, directeur général salarié de la société Goliath France de janvier 2000 à août 2011, à qui elles imputaient des faits de concurrence déloyale, les sociétés Goliath France et Goliath BV (les sociétés Goliath) ont, le 28 février 2012, conclu avec celui-ci, ainsi qu'avec son épouse, Mme Pihan, et leurs sociétés, Holding financière normande (HFN), Splash Toys, et Nordy, une transaction mettant à la charge de ces derniers une obligation de non-concurrence.

3. Reprochant à la société Splash Toys et à M. et Mme Pihan de commercialiser des jouets en violation de cette clause, les sociétés Goliath ont assigné en paiement de dommages-intérêts les sociétés HFN, Nordy et Splash Toys puis, cette dernière ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, avant de bénéficier d'un plan de sauvegarde, ont appelé en intervention forcée les sociétés AJ associés et Diesbecq-Zolotarenko, désignées respectivement commissaire à l'exécution de ce plan et mandataire judiciaire de la société Splash Toys, outre M. et Mme Pihan et la SCI des Corneilles, dont elles ont demandé la condamnation solidaire.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, sixième et septième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen  

Enoncé du moyen

5. Les sociétés Goliath font grief à l'arrêt d'ordonner que la pièce no 84 soit écartée des débats et que soit écartée toute mention relative à cette pièce et à son contenu des conclusions des sociétés Goliath et de rejeter, en conséquence, leur demande de condamnation solidaire des sociétés Splash Toys, Nordy et HFN ainsi que de M. et Mme Pihan et de la SCI des Corneilles à leur payer une certaine somme, alors : « 1°) que le secret des correspondances des avocats ne concerne que les correspondances échangées entre l'avocat et son client ou entre l'avocat et ses confrères, les notes d'entretien et les pièces du dossier, mais ne s'impose pas au client ; qu'en estimant que la pièce no 84 serait couverte par le secret professionnel de l'avocat pour ordonner qu'elle soit écartée des débats, de même que les passages des conclusions des sociétés Goliath qui s'y réfèrent, après avoir constaté que cette pièce était un courrier adressé par M. Agid, avocat de MM. Pihan et Martin, à ses clients, qui avait été transmis par ce dernier aux sociétés Goliath avec sa pièce jointe – le projet de la transaction conclue le 28 février 2012 – et que M. Martin avait donné son accord pour que ces pièces soient produites en justice, la cour d'appel a violé l'article 66-5 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; 2°) que le secret des correspondances des avocats ne peut être opposé lorsque les informations contenues dans une correspondance sont connues des parties ; qu'en estimant que la pièce no 84 serait couverte par le secret professionnel de l'avocat pour ordonner qu'elle soit écartée des débats, de même que les passages des conclusions des sociétés Goliath qui s'y réfèrent, quand il résulte de ces propres constatations que cette pièce, courrier adressé par M. Agid, avocat de MM. Pihan et Martin, à ses clients auquel était annexé un projet de la transaction conclue par les parties le 28 février 2012 que lui avait adressé M. de Gaulle, avocat des sociétés Goliath, de sorte que ces documents ne contenaient aucune information dont les parties n'auraient pas, toutes, été informées, la cour d'appel a violé l'article 66-5 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. »

Réponse de la Cour  

6. D'une part, il ne résulte ni de l'arrêt, ni de leurs conclusions que les sociétés Goliath aient soutenu devant la cour d'appel que la production de la pièce no 84 devait être admise dès lors que les informations qui y étaient contenues étaient déjà connues des parties et qu'aucun secret n'avait ainsi pu être violé. Le moyen, en sa seconde branche, est donc nouveau et mélangé de fait et de droit.

7. D'autre part, ayant constaté, d'un côté, que la pièce no 84 était un courriel adressé à M. Pihan et à une autre personne par leur avocat, qui y citait textuellement, entre guillemets, les termes d'une correspondance qu'il avait lui-même reçue de l'avocat des sociétés Goliath, à laquelle était annexé le projet de la transaction conclue le 28 février 2012, ce dont elle a déduit que cette correspondance, échangée entre avocats, et dont il n'était pas allégué qu'elle eût été revêtue de la mention « officielle », était couverte par le secret professionnel, et, de l'autre, que, si le second destinataire avait donné son accord à sa production en justice, il n'en était pas de même de M. Pihan, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté cette pièce des débats, ainsi que les passages des conclusions y faisant référence.  

8. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Mais sur le second moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

9. Les sociétés Goliath font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de condamnation solidaire des sociétés Splash Toys, Nordy et HFN, ainsi que de M. et Mme Pihan et la SCI des Corneilles à leur payer un certaine somme, alors « qu'en considérant que l'article 12 de la transaction du 28 février 2012 n'aurait pas interdit à la société Splash Toys de vendre des jouets ayant été commercialisés antérieurement par les sociétés Goliath et qu'une telle clause aurait dû être expressément prévue pour recevoir en l'espèce application, sans répondre au moyen péremptoire des exposantes, tiré de ce que la finalité de cet article 12 était d'éviter que la société Splash Toys, qui avait été créée grâce au pillage, par M. Pihan, des ressources des sociétés Goliath, ne poursuive son activité par le recel des produits de cette fraude, ce qui impliquait nécessairement que l'interdiction stipulée concernait les jouets qui avaient été commercialisés par la société Goliath France par le passé, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour  

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

11. Pour rejeter la demande des sociétés Goliath, l'arrêt retient que l'article 12 de la transaction du 28 février 2012 stipule une clause de non-concurrence qui n'interdit pas à la société Splash Toys de vendre des jouets ayant été commercialisés antérieurement par les sociétés Goliath et qu'une telle clause aurait dû être expressément prévue pour recevoir en l'espèce application.

12. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des sociétés Goliath qui faisaient également valoir que la finalité de cet article était d'éviter que la société Splash Toys, dont elle soutenait qu'elle avait été créée grâce au pillage, par M. Pihan, de leurs ressources, ne poursuive son activité par le recel des produits de cette fraude, ce qui impliquait nécessairement que l'interdiction stipulée concernait les jouets qui avaient été commercialisés par la société Goliath France par le passé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs,  

La Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que confirmant le jugement, il déboute les sociétés Goliath France et Goliath BV de leur demande de condamnation solidaire des sociétés Splash Toys, Nordy et Holding financière normande ainsi que de M. et Mme Pihan et la société SCI des Corneilles à leur payer la somme de 37 548 600 euros et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. et Mme Pihan, les sociétés SCI des Corneilles, Splash Toys Nordy, Holding financière normande, ainsi que les société AJ associés et Diesbecq-Zolotarenko, respectivement en qualité de commissaire du plan de sauvegarde et mandataire judiciaire de la société Splash Toys, aux dépens ;  

En application de l'article 700 du code de procédure civile,  

Rejette leur demande et les condamne à payer à la société Goliath France et à la société Goliath BV la somme globale de 3 000 euros.