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Décisions

Cass. 2e civ., 4 mars 2021, n° 19-25.092

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Diffusion Tourisme (SAS)

Défendeur :

Les Clefs d'Excellence (Sarlu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Kermina

Avocat général :

M. Aparisi

Avocats :

SCP Alain Bénabent, SARL Corlay

Aix-en-Provence, ch. 3 sect. 1, du 19 se…

19 septembre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 septembre 2019), la société Diffusion tourisme et la société Les Clefs d'excellence - tourisme d'affaires (société Les Clefs d'excellence) ont conclu un contrat de partenariat d'affaire.

2. Se plaignant de l'attitude déloyale de la société Diffusion tourisme dans l'exécution de ses obligations contractuelles, la société Les Clefs d'excellence a saisi le président d'un tribunal de commerce, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, d'une requête afin de voir confier à un huissier de justice, assisté d'un informaticien, diverses mesures d'investigations au siège de la société Diffusion tourisme.

3. La requête a été accueillie par une ordonnance du 15 juin 2017, qui a constitué l'huissier de justice séquestre des documents appréhendés, et a prévu qu'il ne pourra être mis fin au séquestre que par une décision de justice contradictoire l'autorisant à remettre les documents à un expert judiciaire à désigner.

4. L'huissier de justice a exécuté sa mission.

5. Sur assignation de la société Les clefs d'excellence, le président du même tribunal de commerce, statuant en référé par ordonnance du 20 décembre 2017, a désigné un expert informatique avec pour mission de se faire remettre les documents sous séquestre.

6. Le 8 janvier 2019, la société Diffusion tourisme a saisi le juge des référés d'une demande de rétractation de l'ordonnance du 15 juin 2017.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La société Diffusion Tourisme fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de rétractation de l'ordonnance du 15 juin 2017 et de la confirmer en toutes ses dispositions, alors : « 1°) que le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond ; que la cour d'appel a confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle avait rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête présentée par la société Diffusion tourisme au motif qu'elle avait agi tardivement en « laiss[ant] la procédure se dérouler sans solliciter la rétractation de l'ordonnance avant le 8 janvier 2019 » ; qu'elle a ensuite elle-même statué au fond et jugé que la demande de rétractation n'était pas fondé ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et violé l'article 122 du code de procédure civile ; 2°) qu'en outre, les articles 496 et 497 du code de procédure civile, seuls applicables à la demande de rétractation d'une ordonnance sur requête, ne prévoient aucun délai pour en référer au juge qui l'a rendue; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de rétractation de l'ordonnance du 15 juin 2017 présenté par la société Diffusion tourisme, la cour d'appel a retenu, par motifs adopté du premier juge, qu'elle avait « laissé la procédure se dérouler sans solliciter la rétractation de l'ordonnance avant le 8 janvier 2019 » et qu'elle ne « justifi[ait] pas de circonstances nouvelles permettant la rétractation de cette ordonnance » ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 496 et 497 du code de procédure civile ; 3°) qu'en toute hypothèse, les mesures d'instruction destinés à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait défendre la solution d'un litige ne peuvent être ordonnés sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ; qu'il appartient au juge, saisi d'une demande de rétractation, de vérifier si l'ordonnance a caractérisé l'existence de telles circonstances ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'ordonnance du 15 juin 2017 avait satisfait aux exigences de motivation en visant la requête de la société Les Clefs d'excellence, dont elle s'était approprié les motifs ; qu'elle a encore constaté que cette requête se bornait quant à elle à énoncer qu'aucune mesure de constat ne pouvait être sollicitée contradictoirement car « toute demande en ce sens inciterait la société DIFFUSION TOURISME à faire disparaître tout élément [de preuve] » ; qu'en se déterminant ainsi, lorsqu'il ressortait de ses propres constatations que ni l'ordonnance, ni la requête, ne faisait état de circonstances précises justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, la cour d'appel a violé les articles 145 et 493 du code de procédure civile ; 4°) qu'en toute hypothèse, il appartient au juge saisi d'une demande de rétractation d'une mesure d'instruction in futurum de rechercher si elle a été limitée aux investigations strictement nécessaires à la preuve des faits litigieux, de manière à ne pas porter une atteinte illégitime aux liberté fondamentales du défendeur, notamment au secret des affaires et au droit au respect de sa vie privé ; que ce contrôle s'effectue au regard de l'étendue des pouvoirs conféré aux enquêteurs par l'ordonnance sur requête, laquelle est immédiatement exécutoire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que les mesures ordonnés par l'ordonnance du 15 juin 2017 étaient ciblés et limités grâce au recours à des mots-clés encadrant les investigations des enquêteurs, tels que définis par une ordonnance du 20 décembre 2017 ; qu'en se déterminant ainsi au regard d'une ordonnance postérieure à la mesure d'instruction, lorsque celle-ci, exécuté dès le 27 juin 2017, avait permis aux enquêteurs de saisir, sans aucune limitation par mots-clés, l'intégralité des contenus informatiques des téléphones et ordinateurs, tant personnels que professionnels, de tous les employé du groupe Vacances bleues, la cour d'appel a violé les articles 145, 493 et 495 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

8. D'une part, ayant à juste titre retenu que le juge des requêtes, en visant la requête de la société Les Clefs d'excellence, s'en était approprié les motifs, la cour d'appel, qui a constaté que la requête faisait état de circonstances précises démontrant que la société Les Clefs d'excellence ne pouvait s'attendre de la part de la société Diffusion tourisme à aucune communication spontanée des informations justifiant des opérations contractuelles effectuées, toute demande en ce sens risquant au contraire d'inciter celle-ci à faire disparaître les éléments permettant la reconstitution de leur chronologie, a légalement justifié qu’il soit dérogé au principe de la contradiction.

9. D'autre part, ayant constaté que par ordonnance du 15 juin 2017, l'huissier de justice était autorisé à accéder à divers moyens informatiques énumérés, notamment ceux d'utilisateurs nommément désignés, à se faire communiquer les comptes et mots de passe permettant d'accéder aux matériels et logiciels concernés, à extraire et réaliser une copie papier et/ou numérique du chiffre d'affaires, généré par l'activité tourisme d'affaires « classe d'affaires » mois par mois, et par établissement par le biais de supports définis, à procéder à la copie numérique de l'ensemble des courriers et courriels émis ou reçus enregistrés dans les médias définis entre le 1 janvier 2015 et le jour des constatations, er et à consulter et à se faire remettre les copies papier et/ou numériques des documents indiqués, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a pu déduire de ces constatations que les mesures ordonnées, non générales et proportionnées au but poursuivi, étaient légalement admissibles.

10. Le moyen, qui manque en fait en ses première et deuxième branches, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS,  La Cour : REJETTE le pourvoi.