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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 18 février 2021, n° 19/03124

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Performance In Lighting France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Muller, M. Nut

T. com. Versailles, du 29 mars 2019

29 mars 2019

EXPOSE DU LITIGE

Le 1er décembre 2005 la société de droit belge Dircks SA a passé avec M. X agissant en tant qu'agent commercial, « une convention de collaboration » en vue de développer les ventes sur le marché français de ses matériels d'éclairage dans les départements 16-17-24-33-40-47-64.

La société Performance in Lighting France (ci-après Pil) venue aux droits de Dircks à la suite du rachat de cette société par sa maison mère italienne, et la société Y ont conclu le 19 janvier 2009 un contrat d'agent commercial, faisant référence à la convention de collaboration conclue le 1er décembre 2005 et convenant « de poursuivre leurs relations contractuelles en y apportant » des modifications.

A la suite du rachat par Pil, de la société Spittler, il a été établi le 15 octobre 2009 un avenant au contrat du 19 janvier 2009 en y intégrant les produits de cette marque. Un nouvel avenant a été signé le 1er avril 2016, afin d'intégrer au contrat la marque Prisma appartenant à Pil, élargissant à cette occasion le territoire de Y à 14 départements supplémentaires, portant sa rémunération à 8 % de ses ventes, et prévoyant une participation financière forfaitaire de Pil de 1 500 euros HT par mois pour l'aide au développement des régions Auvergne et Midi-Pyrénées.

Par communiqué en date du 8 septembre 2017, Pil a annoncé l'acquisition d'une branche d'activité d'un partenaire décrit comme historique du groupe, Cgel, et l'intégration de ses réseaux commerciaux.

Par courrier du 28 septembre 2017, Pil a reproché à Y « d'avoir délibérément violé son contrat d'agent commercial depuis une durée indéterminée », en ayant accepté de représenter la marque concurrente Arkoslight, et l'a convoquée pour un entretien préalable le 6 octobre 2017.

Par nouveau courrier recommandée avec réception du 19 octobre 2017, Pil a notifié à Y la rupture immédiate de son contrat d'agent commercial. Y estimant que son mandant lui devait une indemnité compensatrice, a engagé la présente instance.

C'est dans ces conditions que par acte extrajudiciaire du 31 janvier 2018, la société Y a assigné à la société Performance in Lighting devant le tribunal de commerce de Versailles aux fins de la voir condamner à lui verser la somme de 188 638,98 euros, au titre d'indemnité compensatrice de préjudice, la somme de 15 719,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, et 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par jugement du 29 mars 2019, le tribunal de commerce de Versailles a :

- Débouté la société Performance In Lightning France de sa demande d'expertise ;

- Condamné la société Performance In Lightning France à payer à la société Y la somme de 141 478,44 majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2017 ;

- Débouté la société Y du surplus de ses demandes ;

- Débouté la société Performance In Lightning France de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

- Condamné la société Performance In Lightning France à payer à la société Y la somme de 8 000 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la Société Performance In Lightning France aux dépens ;

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 26 avril 2019, la société Performance In Lighting France a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 18 juillet 2019, la société la société Performance In Lighting demande à la cour de :

Avant dire droit,

Désigner tel expert qu'il lui plaira avec pour mission de :

- comparer les résultats de l'action de la société Y sur 3 secteurs (Bordeaux, Toulouse et Centre) avec les performances réalisées par la société Reso qui l'a remplacée, le tout à la date du mois d'août 2018

- en perspective avec le montant total des commissions et avantages conférés à la société Y pendant la même période

- évaluer le préjudice causé à la société Performance In Lighting par les fautes de la société Y en termes de perte de chiffre d'affaires et d'image

- fixer le montant de la consignation des honoraires de l'expert à la charge de la société Performance In Lighting

A titre principal, sur le fondement des articles 1134 et 1382 du code civil, ancienne numérotation ;

A titre subsidiaire, sur le fondement des articles 1103, 1196 et 1104 du code civil, 1240 et suivants du code civil nouvelle numérotation ;

Vu les fautes graves réalisées par la société Y dans le cadre de l'exécution du contrat d'agent commercial,

Reformer le jugement entrepris

Et statuant à nouveau

- Débouter la société Y de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

- Statuant sur la demande reconventionnelle de la société Performance In Lighting,

- Condamner la société Y à verser à la société Performance les sommes de :

250 000 en compensation du préjudice subi sur le secteur Aquitaine

75 000 sur la moyenne du préjudice subi sur le secteur Toulouse

68 490 euros à titre de dommages et intérêt sur le fondement de 1240 du code civil.

5 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile

Par dernières conclusions notifiées le 17 octobre 2019, la société Y demande à la cour de :

- Constater que la société Performance In Lighting a mis unilatéralement fin aux deux contrats d'agent commercial la liant à la société Y,

- Constater que la société Performance In Lighting n'établit pas l'existence d'une faute grave de nature à priver la société Y de toutes indemnités,

- Constater, dire et juger fautive la rupture intervenue unilatéralement à la demande de la société Pil et établi et réel le préjudice de la société Y,

En conséquence,

- Confirmer le jugement en qu'il a considéré que la preuve de la faute grave de la société Y n'était pas rapportée,

Et,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Rejeté la demande d'expertise inutile et irrecevable,

- Dit que la société Y avait droit à une indemnité compensatrice de préjudice,

- Alloué à la société Y le bénéfice de son préavis et condamné la société Pil à lui payer de ce chef la somme de 15 719,92 à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre intérêts au taux légal à compter de la date du courrier de mise en demeure du 20 novembre 2017.

- Alloué à la société Y la somme de 8 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeté les demandes reconventionnelles de la société Performance In Lighting,

Et, faisant droit à l'appel incident de la concluante, réformant pour le surplus,

- Condamner la société Performance In Lighting à verser à la société Y la somme de 188 638,98 correspondants à 3 années de commissions à titre d'indemnité compensatrice de préjudice, outre intérêts au taux légal à compter de la date du courrier de mise en demeure du 20 novembre 2017.

- Condamner la société Performance In Lighting à verser à la société Y la somme de 10 000 à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- Condamner la société Performance In Lighting à verser à la société Y la somme de 10 000 à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- Dire que les sommes dues seront assorties du taux d'intérêt fixé par la banque centrale européenne pour son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage et ce à compter du 20 novembre 2018 jusqu'à la date du paiement,

Y ajoutant,

- Condamner la société Performance In Lighting à verser à la société Y la somme de 15 719,92 outre TVA à titre de commissions de retour sur échantillonnage,

- Condamner la société Performance In Lighting à verser à la Société Y la somme complémentaire de 8 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la même aux entiers dépens qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er octobre 2020.

Sur ce, la cour,

Sur la procédure

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée et l'examen des pièces de la procédure ne révèle l'existence d'aucune fin de non-recevoir susceptible d'être relevée d'office.

L'article 901 du code de procédure civile dispose que la déclaration d'appel est faite par acte contenant notamment, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et le troisième alinéa de l'article 57 (dans sa version en vigueur au 1er janvier 2021), et à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il ressort de l'article 562 alinéa 1er du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Il est rappelé qu'en application de l'article 954 alinéas 3 et 4 du code de procédure civile la cour ne statue, dans la limite de l'effet dévolutif de l'appel, que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, étant précisé qu'en application de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que les demandes de « constater » ne constituant pas des prétentions au sens de l'article précité mais des rappels des moyens invoqués à l'appui des prétentions, ne conférant pas -hormis les cas prévus par la loi- de droit à la partie qui les requiert, il ne sera pas statué par la cour sur ces différents points.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Sur le fond

Il ressort des pièces produites qu'une « convention de collaboration » a été établie à effet au 1er décembre 2005 entre la société Dirckx et M. X qui devait agir pour le compte de cette dernière société en qualité d'agent commercial rémunéré à la commission dans les département 16, 17, 24, 33, 40, 47 et 64, sans aucune précision de marques. L'exemplaire produit ne comporte aucune signature ni aucune date mais n'est pas contesté par les parties. La cour relève que la Sarl Y, personne morale indépendante de M. X n'est pas partie à cette « convention ». Toutefois, il a été ensuite expressément convenu entre la société Pil « venue aux droits de la société Dircks Sa » et la société Y, par contrat d'agent commercial du 19 janvier 2009, « de poursuivre leurs relations contractuelles en y apportant les modifications ci-après » laissant entendre que les parties se considéraient liées par la « convention » établie entre M. X à la société Dirckx à partir du 1er décembre 2005. Ce contrat d'agent commercial qui a été conclu pour une durée indéterminée pour la négociation et la vente des produits Aldabra, Lumis, Prisma Logic, Prisma Archi et Klewe a été complété par un avenant daté du 15 octobre 2009 étendant le mandat aux produits Spittler.

Sur les fautes reprochées à la société Y

L'article L. 134-4 du code de commerce dispose que :

Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties.

Les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information.

L'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat.

L'article L. 134-12 alinéa premier du code de commerce énonce que :

En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Selon l'article L. 134-13 du même code :

La réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;

.../...

Ainsi, pour que la faute soit grave, il faut qu'elle porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rende impossible le maintien du lien contractuel.

- Sur l'activité concurrente avec la société Arkos

La société Pil critique le jugement en ce que les juges ne disposaient d'aucun élément prouvant que la société Y l'ait informée de ce qu'elle démarchait déjà pour le compte de la société Arkos Light avant la signature du contrat les liant. Elle reproche à la société intimée de ne pas pouvoir exécuter le contrat loyalement à compter de l'instant où elle représente plusieurs marques et d'avoir proposé des produits Arkos à un prix inférieur aux produits Pil de même catégorie. Elle soutient que la société Y ne prouve pas la date à laquelle elle est entrée en relation avec la société Arkos Light. Elle réaffirme qu'à aucun moment la société Y lui a adressé une information claire et loyale sur les relations concurrentes avec la société Arkos Light. Elle conteste la valeur probante de la pièce n° 5 produite par la société Y qui prouverait qu'elle aurait reçu en 2009 l'information de la représentation par cette dernière société de la marque Arkos Light considérant qu'il s'agit d'un montage.

La société Y s'oppose aux prétentions de la société Pil et après avoir rappelé la chronologie des relations entre les sociétés Dirckx, Arkos et Pil, elle explique communiquer des factures datant de 2008 et 2009 confirmant l'antériorité des relations commerciales entretenues avec la société Arkos par rapport à l'avenant de 2009 et soutenant sur la société Pil n'ignorait pas cette relation puisque l'information figurait sur tous ses supports commerciaux et notamment ses courriels. Elle explique que la société Pil n'a jamais fait la moindre observation ce qui confirme qu'elle acceptait cette situation et en conclut que la faute alléguée est inexistante et qu'elle ne revêt pas le critère de gravité exigé par la jurisprudence.

L'article L. 134-3 du code de commerce dispose que :

L'agent commercial peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants. Toutefois, il ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de celle de l'un de ses mandants sans accord de ce dernier.

Il ressort des pièces versées aux débats que ni la « convention de collaboration » entre M. X et la société Dircks du 1er décembre 2005, ni le contrat d'agent commercial du 19 janvier 2009 précités ne prévoient de clause de non-concurrence.

Toutefois, même en l'absence d'exclusivité, l'agent commercial est tenu de se comporter loyalement vis-à-vis de son mandat, ce qui implique, conformément à l'article L. 134-3, de l'informer pour obtenir son autorisation au cas où il voudrait mener des activités similaires avec un concurrent.

Il n'est pas contesté par les parties que la société Arkos fabrique des luminaires de décoration et architecturaux et que la société Pil est une entreprise spécialisée dans la distribution de matériel électrique comprenant notamment des luminaires vendus sous les marques Aldadra, Lumis, Prisma, prima archi et Klewe.

La société Y qui produit des factures adressées à la société Arkos de 2007 et 2008, justifie ainsi des relations commerciales qu'elle entretenait avec cette dernière société antérieurement au contrat la liant à la société Pil conclu le 19 janvier 2009. Il ressort par ailleurs des courriels adressés tant par le personnel et le représentant de la société Y au personnel et à la représentante de la société Pil comportant la mention « AGENT D'USINES POUR : ... -ARKOS- que la société PIL ne pouvait ignorer que la société Y représentait la société Arkos durant l'exécution du contrat d'agent commercial. Il ne saurait être reproché à la société Y d'avoir commis une faute en ayant poursuivi une relation contractuelle antérieure au contrat du 19 janvier 2009. Ainsi, la faute grave ne pouvant reposer que sur des griefs nés postérieurement à la signature du contrat et la société Y ayant justifié entretenir des relations commerciales avec la société Arkos depuis 2007, soit antérieurement au contrat liant les parties au procès, la représentation de la société Arkos par la société Y ne peut constituer une faute grave.

La société Pil sera déboutée de sa demande et le jugement confirmé de ce chef.

- Sur la création d'une nouvelle société d'agence commerciale Lab

La société appelante fait état d'une deuxième faute grave qui aurait été commise dès lors que M. X a créé en 2015 une nouvelle société d'agent commercial dénommée Lab qu'il aurait dissimulé à la société Pil et considère que par sa seule participation à une autre société ayant le même objet social, par la communauté du siège des informations et de l'ensemble des éléments stratégiques de l'entreprise Y, M. X et la société Y ont violé les obligations du contrat d'agent commercial passé avec elle.

La société Y répond que la société Lab a été créée par M. X afin de faire entrer au capital un de ses employés qui a vocation à prendre sa suite et que cette société qui ne gère qu'une seule carte, la société Beg, ne peut nuire à la société Y et à la société Pil.

La cour relève que la société Lab a été constituée par M. X et non la société Y, seule partie présente au litige qui l'oppose à la société Pil. Partant, aucune faute ne peut être reprochée à la société Y étrangère à la création et à l'activité de cette société Lab. La société Pil sera déboutée de sa demande présentée de ce chef.

- Sur le manquement à son devoir d'information

La société Pil considère que la société Y a commis une troisième faute en n'ayant pas exécuté ses obligations d'information et de rapport régulier du mandant du déroulement de ses opérations considérant que M. X et la société Y ne sont pas capables de prouver la réalité de leur travail en mentionnant mois par mois sur les trois dernières années prises en référence, la réalité de leurs contacts, ni de la relation entre leur action personnelle et le niveau de commande et qu'ils produisent des chiffres fantaisistes qui correspondent à un travail qu'ils n'ont pas réellement effectués.

La société Y nie toute absence de compte rendu et explique que M. X était en relation permanente avec Mme Z justifiant ainsi de l'activité et du sérieux de ses diligences.

L'article 7 paragraphe 3 du contrat du 19 janvier 2009 dispose que :

Dans l'intérêt commun des parties, l'agent s'oblige à informer régulièrement le mandant de l'état du marché, des souhaits de la clientèle, des difficultés rencontrées et des actions de la concurrence.

La société Y communique des tableaux produits lors d'une réunion qui s'est tenue le 5 octobre 2017, antérieurement à la résiliation du 19 octobre 2017. Toutefois, ces tableaux ne peuvent être constitutifs d'informations régulières sur l'état d'un marché, les souhaits des clients, les difficultés rencontrées et les actions de concurrence ainsi que l'ont voulu les parties aux termes du contrat. La société Y a donc commis une faute en ne procédant pas à cette information régulière. En revanche, la société Pil qui n'a fait que relever cette absence d'information régulière et qui n'explique pas en quoi ces manquements sont suffisamment graves pour qu'ils puissent justifier la privation d'indemnité de rupture et ce d'autant plus qu'elle ne s'est jamais plainte de ne pas avoir reçu d'information depuis 2009, sera déboutée de sa demande.

- Sur la diminution du chiffre d'affaires

La société appelante reproche à la société Y d'avoir commis une quatrième faute en raison de la diminution constante du chiffre d'affaires en dépit d'un récent transfert de clientèle augmentant sa zone d'intervention au cours de l'année 2016.

La société intimée conteste l'insuffisance de résultat invoqué par la société appelante et considère que ses résultats ont progressé et qu'elle a réalisé un chiffre d'affaires supérieur à l'objectif qui lui était fixé. Elle conteste la comparaison du chiffre d'affaires qu'elle réalisait avec celui de l'agent commercial qui lui a succédé au motif que ces chiffres d'affaires ne portent pas sur les mêmes produits.

La cour observe qu'aucun objectif financier n'est prévu au contrat et aux avenants liant les parties, la société Pil ne produisant aucun contrat d'objectif. La baisse d'un chiffre d'affaires durant l'exécution du contrat d'agent commercial, si toutefois elle est établie, ou la réalisation d'un chiffre d'affaires inférieur à celui effectué par l'agent commercial qui lui a succédé ne constitue pas en soi une faute grave. La société appelante n'établit pas que la baisse du chiffre d'affaires relevée par son expert-comptable serait due à une activité insuffisante du mandataire ou à un comportement critiquable de celui-ci. Elle ne démontre ni une quasi inexistence de la prospection, ni que la société Y a mené une activité insuffisante.

La société Pil ne précise pas en quoi la demande de contribution est excessive et non justifiée, ni en quoi les sommes versées au titre de l'indemnisation forfaitaire seraient dissipées dans des conditions inconnues. Elle n'établit donc pas l'existence d'une faute grave à ce titre et sera donc déboutée de sa demande.

- Sur le manquement à l'obligation de confidentialité

La société Pil reproche à la société Y d'avoir violé son obligation de confidentialité en annonçant le 29 septembre 2017 la rupture d'un contrat avec la société PIL ainsi que son mécontentement et la mise en place par M. X d'une procédure avec l'aide de son avocat.

La société Y conteste l'attestation produite par la société appelante en soutenant que M. X n'était pas à Auxerre mais à Paris.

Il ressort de l'attestation produite par la société appelante établie par Mme A qui n'a pas précisé si elle avait des liens d'alliance, de subordination, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec la société Pil contrairement à l'obligation qui lui en est faite par l'article 202 du code de procédure civile, que le 29 septembre 2017, « certains commerciaux » l'ont informée que « M. X leur avait signifié sa rupture de contrat avec Pil et que très mécontent il allait mettre en œuvre une procédure auprès de son avocat contre Perfomance In Lighting ».

Or cette attestation qui ne rapporte pas les propos tenus par M. X le 29 septembre 2017, mais des propos qui auraient été tenus par des personnes qui ne sont pas identifiables, n'est pas probante. La société Pil qui ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par la société intimée sera déboutée de sa demande présentée à l'appui de ce nouveau moyen exposé pour la première fois en appel.

Sur la demande de désignation d'un expert

La société PIL, soutenant que l'une des causes essentielles de la rupture de la relation commerciale qu'elle entretenait avec la société Y est l'insatisfaction des résultats commerciaux de cette dernière société, demande la désignation d'un expert car la société Y a refusé de produire ses bilans et le détail des chiffres d'affaires réalisés pour ses clients concurrents.

La société Y s'oppose à cette demande d'expertise qu'elle considère comme étant irrecevable et inutile aux motifs que le juge dispose de suffisamment d'éléments pour apprécier les circonstances de la rupture du contrat d'agent commercial.

L'article 146 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que :

En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

La société Pil demandant la désignation d'un expert afin qu'il ait pour mission d'évaluer le préjudice qui lui aurait été causé par les fautes de la société Y en termes de perte de chiffre d'affaires et d'image, faute pour la société Pil d'avoir établi l'existence d'une faute commise par la société Y dans l'exécution du contrat d'agent commercial en l'absence notamment d'objectifs imposés, cette société sera déboutée de sa demande d'expertise.

Sur les préjudices subis par la société Y

- Sur l'indemnité compensatrice de préjudice subi par la société Y

La société Y qui forme appel incident à l'encontre du jugement lui ayant accordé une indemnité calculée sur deux années de commissions perçues en y ajoutant la somme de 1 500 euros versée mensuellement par la société Pil sur deux années, outre les trois mois de préavis, considère qu'en raison de son chiffre d'affaires qui était en hausse, et de la séparation de son sous-agent avec lequel un contrat avait été régularisé pour s'occuper des nouveaux secteurs confiés par la société Pil, et du refus de cette dernière que la société Y prenne une « carte » qu'elle jugeait concurrente, il convient de lui accorder trois années pour réparer son préjudice.

La société Pil soutient que la société intimée n'a subi aucun préjudice.

Il ressort de l'article L. 134-12 du code de commerce précité, qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, sauf à perdre ce droit s'il n'a pas notifié au mandant, dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.

La société Y, qui se contente de produire un tableau, ne communique aucune pièce établie par un expert-comptable faisant état de l'évolution du chiffre d'affaires réalisé avec les produits de la société Pil. Elle ne justifie pas non plus avoir versé une indemnité de rupture à son sous-agent avec lequel elle a contracté le 6 mai 2016 afin de développer la carte Pil dans les départements 87, 19, 15, 63 et 23. Quant au refus de la société Pil que la société Y prenne une « carte » qu'elle jugeait concurrente, cette décision n'est que l'application du droit régissant la relation des parties interdisant notamment tout acte de concurrence, la société Y ne pouvant soutenir avoir subi un préjudice lié à l'exécution du contrat. Il convient dans ces conditions de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu le montant des commissions perçues au cours des deux dernières années augmentées de la somme de 1 500 euros versée chaque mois par la société Pil et des trois mois de préavis qu'elle n'a pas respecté, soit la somme de 141 478,44 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2017.

- Sur le préjudice moral subi par la société Y

La société Y soutient que, du fait de la mauvaise foi de la société Pil, elle s'est vue obligée de s'adresser à justice et que le caractère injuste et infondé des griefs dénoncés pour l'évincer et la priver de toute indemnité ainsi que la plainte pénale qui aurait été déposée ont fait naître un préjudice moral conséquent.

La société intimée qui ne justifie d'aucune plainte pénale et qui ne peut souffrir d'un préjudice en l'absence de faute alors que la procédure judiciaire a été engagée par ses soins, sera donc déboutée de sa demande présentée à ce titre.

- Sur les commissions de retour sur échantillonnage

La société Y qui soutient que ses diligences ont donné lieu à des commandes fermes dont elle n'a pas pu avoir connaissance du fait de son éviction et qu'elles représenteraient trois mois de commissions ne rapporte pas la preuve de ces commandes.

Elle sera donc déboutée de sa demande présentée de ce chef.

- Sur le préjudice subi par la société Y du fait de la résistance abusive de la société Pil

La société Y sollicite la condamnation de la société Pil à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus de droit que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

En l'absence de faits de nature à faire dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir en justice et de faute établie, la société intimée sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Pil

La société Pil, qui n'a pas établi que la société Y avait commis une faute sera déboutée de ses demandes indemnitaires.

Etant tenue de réparer le préjudice subi par la société Y du fait de la cessation des relations avec l'agent commercial, la société appelante ne justifie pas plus avoir subi une perte d'image et sera déboutée de sa demande.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Etant par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de la société Y les frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel, la société Pil sera condamnée à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Cette dernière succombant en son appel sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Performance In Lighting à payer à la société Y la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE la société Performance In Lighting aux dépens d'appel.