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Décisions

Cass. com., 3 mars 2021, n° 19-13.533

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Selarl Berthelot (ès qual.), Financière d’Aguesseau (Sté)

Défendeur :

Achats Marchandises Casino (SAS), Distribution Casino France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

T. com. Paris, du 20 mars 2017, n° 20147…

20 mars 2017

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° C 19-13.533 et G 19-16.344 sont joints.   

Faits et procédure  

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 janvier 2019), la société Entreprises de services de promotion d'articles de sport (la société Espas), qui commercialisait des articles de sport, entretenait des relations commerciales avec la société EMC Distribution, devenue la société Achat marchandises Casino (la société AMC), centrale de référencement du groupe Casino, et  avec la société Distribution Casino France (la société Casino), toutes deux spécialisées dans la distribution, sous différentes enseignes allant de l'hypermarché au commerce de proximité.

3. Venue aux droits de la société Espas, la société Financière d'Aguesseau, a, par un jugement du 24 octobre 2013, été placée sous sauvegarde puis mise en liquidation judiciaire par un jugement du 19 septembre 2014. La société MJ Synergie, prise en la personne de M. Berthelot, a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire, puis remplacée en cette qualité par la société Berthelot (le liquidateur).

4. Reprochant aux sociétés EMC Distribution et Casino d'avoir facturé des fausses prestations de services de coopération commerciale et exigé des ristournes conditionnelles injustifiées, la société MJ Synergie, ès qualités, les a assignées en restitution des sommes versées à ce titre.  

Examen des moyens  

Sur le second moyen du pourvoi incident n° C 19-13.533 et le second moyen du pourvoi n° G 19-16.344, pris en leurs première et quatrième branches, rédigés en termes identiques, réunis et ci-après annexés  

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi incident n° C 19-13.533 et le premier moyen du pourvoi n° G  19-16.344, rédigés en des termes identiques, réunis

Enoncé des moyens  

6. Les sociétés AMC et Casino font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à restituer au liquidateur de la société Financière d'Aguesseau la somme de 107 956,21 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2010, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de les condamner au titre des frais irrépétibles, alors :

« 1°) que si est prohibé le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, la simple imprécision de la facture mentionnant le service rendu ne suffit pas à justifier la condamnation ; qu'en l'espèce, la cour a relevé la réalité des services rendus, en matière de centralisation sur la logistique et la facturation, ainsi qu'en matière d'adaptation de la politique commerciale à chacun des types de points de vente en fonction des caractéristiques des produits, source d'économies d'échelle conséquentes et de développement des ventes pour la société Financière d'Aguesseau ; qu'en se bornant dès lors à relever, pour faire droit à la demande de la société Financière d'Aguesseau, que la facture du 20 janvier 2010 ne comportait pas de mentions suffisamment précises quant aux prestations servies et à leur date de réalisation, se bornant à reproduire les rubriques prévues à l'accord commercial, motif insuffisant à justifier la condamnation des sociétés du groupe Casino, faute de caractériser, au-delà de l'imprécision de la facture, l'absence de service commercial effectivement rendu ou le caractère manifestement disproportionné du prix facturé au regard de la valeur du service rendu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 442-6, I, 1° et L. 441-3 du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ;

2°) que l'accord commercial liant les parties se bornait à prévoir, en son article 4, que "L'assortiment sera revu périodiquement tout au long de l'année selon les usages et le marché, pour permettre une optimisation des linéaires et une constante adaptation aux besoins du consommateur./ Il pourra être modifié à tout moment, par l'une ou l'autre des parties, moyennant un préavis conforme aux usages et à la réglementation en vigueur, par lettre recommandée avec accusé de réception./ Il est convenu notamment que la sous-performance des produits des fournisseurs par rapport aux objectifs fixés d'un commun accord entre les parties et/ou aux résultats annoncés par le fournisseur notamment par le biais d'un compte d'exploitation provisionnel, justifiera un déréférencement des produits concernés" ; que cette clause ne prévoyait aucun service rendu par le distributeur au fournisseur, de sorte qu'en jugeant pourtant, après avoir relevé la réalité des services rendus par le groupe Casino, qu'il n'était pas établi que ces services aient apporté une plus-value par rapport aux stipulations de l'article 4, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°) que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer que la production de planogrammes pour l'année 2009 serait insuffisante à justifier l'existence des services de coopération commerciale facturés le 20 janvier 2010, sans mieux expliquer en quoi aucun service n'aurait été rendu ou caractériser le caractère manifestement disproportionné du prix facturé au regard de la réalisation de ces planogrammes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I,1° du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour  

7. L'arrêt constate que la facture litigieuse se contente d'indiquer qu'elle est établie en exécution de l'accord commercial de 2009 et de reproduire les quatre rubriques de l'article de cet accord relatif aux « autres obligations destinées à favoriser les relations commerciales », à savoir l'Optimisation Marketing et/ou l'Optimisation de la diffusion et/ou l'Optimisation de la logistique et/ou l'Optimisation administrative, chaque rubrique étant décrite dans des termes très généraux (par exemple : «  De manière générale, EMC Distribution est en mesure de mettre en place différents dispositifs d'optimisation marketing spécifiques aux différentes enseignes du Groupe Casino...»), moyennant le paiement d'une somme de 267 956,21 euros HT dont les parties s'accordent à reconnaître qu'elle représente, conformément à l'accord commercial, 23 % du chiffre d'affaires de la société Espas. Il relève que cette facture ne comporte aucune autre indication, notamment quant aux prestations servies et à leur date précise de réalisation, seule l'année 2009 étant mentionnée, alors même qu'il s'agit d'un élément obligatoire permettant justement de démontrer la réalisation effective de ces prestations. Il retient que cette facture ne permet pas, non plus, de connaître avec précision la plus-value apportée par ces services par rapport aux stipulations de l'article 4 des conditions générales de vente relatives à un assortiment permettant « une optimisation des linéaires et une constante adaptation aux besoins du consommateur ». Il retient également que la seule production de planogrammes pour l'année 2009 est insuffisante à justifier l'existence de services de coopération commerciale facturés le 20 janvier 2010.

8. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines des éléments de preuve versés aux débats, faisant ressortir que les sociétés EMC et Casino n'établissaient pas, comme il leur incombait, avoir effectivement accompli des services se distinguant des obligations devant être assumées dans le cadre des opérations d'achat et de vente, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu la volonté des parties telle qu'elle avait été exprimée dans l'accord commercial litigieux, a pu statuer comme elle a fait.  

9. Les moyens ne sont donc pas fondés.

Sur le second moyen du pourvoi incident n° C 19-13.533 et le second moyen du pourvoi n° G 19-16.344, pris en leurs deuxième et troisième branches, rédigés en des termes identiques, réunis

Enoncé des moyens  

10. Les sociétés AMC et Casino font grief à l'arrêt de confirmer le jugement les condamnant in solidum à payer au liquidateur de la société Financière d'Aguesseau la somme de 21 410,94 euros HT et au titre des frais irrépétibles, alors :

« 2°) que si est prohibé le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, la simple imprécision de la facture mentionnant le service rendu ne suffit pas à justifier la condamnation ; qu'en se bornant à stigmatiser l'imprécision de la facture de 21 410,94 euros, motif insuffisant à lui seul à justifier la condamnation des sociétés du groupe Casino, faute de caractériser l'absence de service commercial effectivement rendu ou le caractère manifestement disproportionné du prix facturé au regard de la valeur du service rendu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 442-6, I, 1° et L. 441-3 du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ;

3°) que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer que la production du catalogue de Noël 2012 serait insuffisante à établir la réalité et l'exécution des services facturés et payés, sans mieux expliquer en quoi aucun service n'aurait été rendu ou caractériser le caractère manifestement disproportionné du prix facturé au regard de la réalisation de ce catalogue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 1° du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour  

11. L'arrêt relève que le libellé de la facture litigieuse est imprécis en ce que rien ne permet de déterminer à quelle opération cette facture correspond puisqu'elle indique seulement qu'elle a été établie en exécution de l'accord commercial de 2012, sous la ligne 917 « renfort communication - mise en place d'une opération commerciale spécifique - renfort communication ». Il constate que les sociétés EMC et Casino se bornent à affirmer que la nature des opérations de renfort communication, à savoir la production de catalogues dans le cadre d'opérations ciblées, ne peut être ignorée et estime que l'unique pièce constituée d'un catalogue de Noël 2012 est insuffisante à établir la réalité et l'exécution des services facturés.  

12. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines des éléments de preuve versés aux débats, faisant ressortir que les sociétés EMC et Casino n'établissaient pas, comme il le leur incombait, avoir effectivement accompli les services facturés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

13. Les moyens ne sont donc pas fondés.

Mais sur le second moyen du pourvoi incident n° C 19-13.533 et le second moyen du pourvoi n° G 19-16.344, pris en leur cinquième branche, réunis  

Enoncé des moyens

14. Les sociétés AMC et Casino font le même grief à l'arrêt, alors « que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans leurs conclusions, les sociétés du groupe Casino avaient expliqué, pièces à l'appui, que la société Financière d'Aguesseau n'avait pas payé le solde de la facture litigieuse, d'un montant de 3 003,08 euros HT, de sorte qu'elles ne pouvaient pas être condamnées à restituer une somme qu'elles n'avaient jamais perçue ; qu'en confirmant pourtant le jugement ayant condamné les sociétés du groupe Casino à restituer l'intégralité du montant de la facture, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour  

Vu l'article 455 du code de procédure civile :  

15. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

16. Pour fixer à 21 410,94 euros HT la somme due par les sociétés AMC et Casino au titre d'une « facture 2012 », l'arrêt retient que le montant de cette facture, correspondant à des services non effectués, doit être restitué au liquidateur.

17. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions faisant valoir qu'un solde de 3 003,08 euros HT sur la facture litigieuse n'avait pas été payé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.  

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi principal n° C 19-13.533

Enoncé du moyen

18. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés AMC et Casino à payer une somme de 1 042 607 euros au titre des ristournes conditionnelles injustifiées, alors « qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout commerçant, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; qu'en l'espèce, le liquidateur judiciaire de la société Financière d'Aguesseau recherchait la responsabilité des sociétés du groupe Casino pour avoir imposé à celle-ci des "ristournes conditionnelles" qui ne correspondaient à aucune contrepartie effective ; qu'il faisait valoir que ces ristournes avaient été soumises sans que la société Espas puisse utilement les négocier, exposant que, chaque année, un imprimé pré-rédigé lui était adressé à titre d'accord commercial, prévoyant l'application de telles ristournes, dont le taux était passé de 2,5 % en 2008 à 26,5 % les années suivantes, afin de compenser la limitation, par le groupe Casino, de la facturation de prestations de coopération commerciale qui étaient fictives ; que, pour rejeter cette demande, la cour d'appel a considéré que "les conditions contractuelles étaient discutées entre les parties et que la société Financière d'Aguesseau était en mesure d'obtenir que des modifications non négligeables y soient apportées", après avoir retenu qu'elle avait obtenu en 2009 la suppression d'une clause de reprise des invendus, et, en 2011, une baisse significative du total des remises octroyées par le fournisseur, passé de 23 % à 22,1 % et d'une ristourne de 1 % pour la mise en place d'une opération commerciale ne s'appliquant qu'à l'enseigne Casino  ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs sans rapport avec les ristournes conditionnelles imposées par le groupe Casino, et sans rechercher si ces ristournes avaient été soumises par le biais d'un document pré-rédigé, selon un taux qui avait considérablement augmenté, sans que la société Financière d'Aguesseau n'ait été en mesure de le refuser, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour  

Recevabilité du moyen  

19. Les sociétés AMC et Casino contestent la recevabilité du moyen en faisant valoir que le liquidateur n'a jamais soutenu qu'il fallait analyser le pouvoir de négociation de la société Espas sur la seule question des ristournes conditionnelles.

20. Cependant, les conclusions d'appel du liquidateur indiquaient que les ristournes conditionnelles critiquées n'avaient aucunement été librement négociées et consenties par la société Espas, que son référencement au sein du groupe Casino leur était subordonné, que la société Espas n'avait jamais négocié de conditions particulières de vente auxquelles se référaient ces ristournes conditionnelles, que la lettre produite par les sociétés AMC et Casino pour discuter d'une clause de reprise des invendus ne rapportait pas la preuve d'une véritable négociation sur les ristournes et que, de même, le fait que les échéances des acomptes aient été modifiées en 2009 et 2011 ne démontraient en rien que les montants mêmes de ces ristournes aient fait l'objet d'une négociation.

21. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen  

Vu l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 :

22. Selon ce texte, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.  

23. Pour rejeter la demande en restitution des sommes versées entre 2010 et 2012 au titre de remises conditionnelles, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés qu'il ressort des pièces produites que, dans le cadre de l'établissement des accords commerciaux, les parties ont mené de véritables négociations au cours desquelles la société Financière d'Aguesseau a été en mesure de faire valoir son point de vue sur les services proposés et les taux de rémunération dès lors que, notamment, dans le cadre de l'accord de 2009, elle a obtenu la suppression d'une clause de reprise des invendus souhaitée par la société EMC, ce dont elle l'a remerciée, que, dans le cadre de l'accord de 2011, elle a obtenu une baisse significative du « total remises », qui est passé de 23 % à 22,1 %, soit une amélioration de près de 4 % de sa marge, qu'une ristourne de 1 % pour la mise en place d'une opération commerciale spécifique ne s'applique qu'au seul profit de l'enseigne Casino, à l'exclusion des autres enseignes, et que l'évolution des conditions dans le temps ne montre pas une volonté des distributeurs de durcir progressivement la négociation, de sorte qu'il est établi que les conditions contractuelles étaient discutées entre les parties et que la société Financière d'Aguesseau était en mesure d'obtenir que des modifications, non négligeables, y soient apportées.

24. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la société Espas avait pu négocier les ristournes conditionnelles litigieuses et sans examiner la circonstance invoquée par cette société de l'imposition de telles ristournes par la voie d'un document pré-rédigé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le moyen, pris en sa sixième branche  

Enoncé du moyen

25. Le liquidateur fait le même grief à l'arrêt, alors « que la cour d'appel a considéré que le liquidateur judiciaire de la société Financière d'Aguesseau n'établissait pas le déséquilibre significatif résultant de la soumission, par le groupe Casino, de ristournes conditionnelles, dès lors qu'il ne produisait  "aucun élément permettant d'évaluer dans quelle mesure les remises consenties l'obligeaient à un effort économique susceptible de caractériser le déséquilibre économique" invoqué ; qu'elle a également adopté les motifs du jugement selon lequel "les ristournes consenties sont, dans le document contractuel, la contrepartie des avantages accordés par EMC Distribution"; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les ristournes litigieuses ne correspondaient à aucune contrepartie précise et si elles étaient conditionnées par la réalisation de services de coopération commerciale reconnus comme fictifs, ce qui suffisait à établir un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour  

Vu l'article L. 442-6 I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 :

26. Pour rejeter la demande en restitution des sommes versées entre 2010 et 2012 au titre des remises conditionnelles, l'arrêt retient encore que les premiers juges ont justement relevé que la société Financière d'Aguesseau, qui achetait les produits qu'elle distribuait et pouvait ainsi en apprécier le prix de revient, ne produisait aucun élément permettant d'évaluer dans quelle mesure les remises consenties l'obligeaient à un effort économique susceptible de caractériser le déséquilibre économique qu'elle invoquait, qu'elle n'en produit pas plus en appel et qu'en outre, elle n'établit pas, ni même n'allègue, avoir contesté précédemment les ristournes consenties entre 2010 et 2012, ses premières contestations datant de décembre 2014, et que sa bonne connaissance du marché en qualité de fournisseur des principaux grands distributeurs la mettait parfaitement en mesure d'apprécier les taux de rémunération consentis par rapport aux services rendus.  

27. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les ristournes litigieuses, qui étaient subordonnées à la réalisation de services résultant de conditions particulières de vente, correspondaient à une contrepartie précise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs,   

La Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne les sociétés Achat marchandises Casino et Distributeur Casino France in solidum à payer à la société MJ Synergie, en qualité de liquidateur de la société Financière d'Aguesseau, la somme de 21 410,94 euros HT et rejette la demande de cette dernière de condamnation des sociétés Achat marchandises Casino et Distributeur Casino France à lui payer une somme de 1 042 607 euros au titre des ristournes conditionnelles injustifiées, l'arrêt rendu le 9 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.