CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 9 mars 2021, n° 19/19073
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Mov'in (SAS)
Défendeur :
JCF Sports (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Douillet
Conseillers :
Mme Barutel, Mme Bohée
EXPOSÉ DU LITIGE
La société MOV'IN exploite un réseau national de salles de sports au travers l'octroi de licences de marques. Elle a signé avec la société JCF SPORTS un contrat de licence de sa marque, « MOVING EXPRESS », le 11 septembre 2013.
Prétextant le défaut de déclaration de son chiffre d'affaires pour l'année 2014 par la société JCF SPORTS, la société MOV'IN lui a facturé une somme forfaitaire de 28 800€ au titre du contrat de licence de marque.
Mettant en avant des difficultés financières et reprochant à la société MOV'IN un défaut d'accompagnement, la société JCF SPORTS a demandé le 13 septembre 2015 à être exonérée du paiement de la redevance et à résilier le contrat de licence de marque de manière anticipée.
Un protocole transactionnel a été régularisé entre les parties le 15 octobre 2015 mettant fin au contrat de licence de marque, la société MOV'IN renonçant au paiement de la redevance.
Postérieurement à la conclusion de la transaction, la société MOV'IN a appris que la société JCF SPORTS avait conclu un contrat de licence de marque le 1er décembre 2015 avec un concurrent, la société LIBERTY GYM.
C'est dans ce contexte que la société MOV'IN a fait assigner la société JCF SPORTS devant le tribunal de commerce de Paris par acte d'huissier de justice du 21 juillet 2016 pour voir sanctionner ces agissements qu'elle qualifie de déloyaux.
Par jugements du 20 septembre 2017 et du 13 juin 2018, le tribunal de commerce a fait injonction à la société JCF SPORTS de produire des éléments d'information complémentaires de nature à l'éclairer sur le litige et notamment les documents contractuels la liant à la société LIBERTY GYM.
Devant le tribunal de commerce, la société JCF SPORTS a essentiellement mis en avant le fait que le contrat avait été signé avec la société LIBERTY GYM le 1er décembre 2015, soit postérieurement à la signature de l'accord transactionnel, tandis que la société MOV'IN lui a reproché d'avoir négocié son nouveau contrat avec la société LIBERTY GYM avant la date du 1er décembre 2015, qu'elle a ainsi utilisé le prétexte de ses difficultés financières pour la tromper et s'affilier à un réseau concurrent à une date antérieure au 1er décembre 2015, comportement de nature à remettre en cause le protocole transactionnel.
Par jugement rendu le 16 septembre 2019 dont appel, le tribunal de commerce de Paris a rendu la décision suivante :
- Déboute la SAS MOV'IN de sa demande d'annulation du protocole transactionnel du 15 septembre 2015,
- Déboute la SAS MOV'IN de sa demande de résolution du protocole transactionnel du 15 septembre 2015 pour inexécution,
- Déboute la SAS MOV'IN de sa demande de paiement de 28 800 € TTC au titre de redevance de chiffre d'affaires,
- Déboute la SAS MOV'IN de sa demande de condamnation de la S.A.R.L. JCF SPORTS à hauteur de 172 800 € pour non-respect de ses obligations financières,
- Déboute la SAS MOV'IN de sa demande d'indemnité de 35 497,60 € au titre de la violation de l'obligation de non-concurrence,
- Déboute la SAS MOV'IN de sa demande de condamnation de la S.A.R.L. JCF SPORTS au titre de l'obligation de non ré-affiliation,
- Déboute la SAS MOV'IN de sa demande de condamnation de la S.A.R.L. JCF SPORTS à hauteur de 100 000 € à titre de dommages et intérêts,
- Déboute la S.A.R.L. JCF SPORTS de sa demande d'indemnité de 25 000 € pour procédure abusive,
- Condamne la S.A.R.L. JCF SPORTS à payer à la SAS MOV'IN la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Déboute les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires,
- Ordonne l'exécution provisoire,
- Condamne la S.A.R.L. JCF SPORTS aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 183,39 € dont 30,14 € de TVA.
La société MOV'IN a interjeté appel de ce jugement le 11 octobre 2019, l'affaire étant enrôlée sous le N° de RG 19/19073.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 13 janvier 2020 par la société MOV'IN, appelante, qui demande à la cour de :
- RECEVOIR la société MOV'IN SAS en ses demandes et les déclarer bien fondées,
- INFIRMER le jugement du 16 septembre 2019 en ce qu'il a débouté MOV'IN de ses demandes,
Par conséquent, et statuant à nouveau
A titre principal,
- DIRE ET JUGER que la transaction conclue le 15 octobre 2015 entre la société JCF SPORTS et MOV'IN SAS est nulle pour dol et absence de concession réciproque,
Par conséquent,
- PRENDRE ACTE de la résiliation du contrat de licence de marques conclu entre les sociétés JCF SPORTS et MOV'IN à compter du 21 avril 2016,
- CONDAMNER la société JCF SPORTS à payer à la société MOV'IN SAS la somme de 28 800 euros TTC au titre de la facture n°01 033,
- CONDAMNER la société JCF SPORTS à payer à la société MOV'IN la somme de 172 800 euros au titre de l'article 15 intitulé « clause pénale » du contrat de licence de marques,
- CONDAMNER la société JCF SPORTS à payer à la société MOV'IN la somme de 35 497,60 euros en réparation du préjudice subi par la société MOV'IN du fait de la violation par JCF SPORTS de son obligation de non-concurrence pendant l'exécution du contrat de licence de marques,
- CONDAMNER la société JCF SPORTS à payer à la société MOV'IN la somme de 63 181,38 euros en réparation du préjudice subi par la société MOV'IN du fait de la violation par JCF SPORTS de son obligation de non ré-affiliation à un réseau concurrent,
A titre subsidiaire,
- ORDONNER la résolution de la transaction conclue le 15 octobre 2015 entre la société JCF SPORTS et MOV'IN du fait de son inexécution par JCF SPORTS,
Par conséquent,
- PRENDRE ACTE de la résiliation du contrat de licence de marques conclu entre les sociétés JCF SPORTS et MOV'IN à compter du 21 avril 2016,
- CONDAMNER la société JCF SPORTS à payer à la société MOV'IN la somme de 28 800 euros TTC au titre de la facture n°01 033,
- CONDAMNER la société JCF SPORTS à payer à la société MOV'IN SAS la somme de 172 800 euros au titre de l'article 15 intitulé « clause pénale » du contrat de licence de marques,
- CONDAMNER la société JCF SPORTS à payer à la société MOV'IN la somme de 35 497,60 euros en réparation du préjudice subi par la société MOV'IN du fait de la violation par JCF SPORTS de son obligation de non-concurrence pendant l'exécution du contrat de licence de marques,
- CONDAMNER la société JCF SPORTS à payer à la société MOV'IN la somme de 63 181,38 euros en réparation du préjudice subi par la société MOV'IN du fait de la violation par JCF SPORTS de son obligation de non ré-affiliation à un réseau concurrent,
A titre infiniment subsidiaire,
- CONSTATER que la société JCF SPORTS a violé son obligation de non ré-affiliation telle qu'elle résulte de l'article 14 du contrat de licence de marque,
- CONDAMNER la société JCF SPORTS à payer à la société MOV'IN la somme de 63 181,38 euros en réparation du préjudice subi par la société MOV'IN du fait de la violation par JCF SPORTS de son obligation de non ré-affiliation à un réseau concurrent,
En tout état de cause,
- CONDAMNER la société JCF SPORTS à payer à la société MOV'IN la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice d'image et de l'atteinte à la réputation subis par la société MOV'IN,
- CONDAMNER la société JCF SPORTS à payer à la société MOV'IN la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en ce compris les droits de recouvrement et d'encaissement de l'Article 10 du Décret du 8 mars 2001 N° 2001-21 et complété par l'article 17 du Décret du 25 juin 2014.
L'intimée n'a pas constitué avocat. Une assignation devant la cour avec signification de conclusions lui a été délivrée le 20 janvier 2020.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2021.
Par jugement rectificatif rendu le 12 novembre 2019 dont appel, le tribunal de commerce de Paris a rectifié son jugement en date du 16 septembre 2019 en ces termes :
- Dit qu'il convient de rectifier le jugement prononcé le 16 septembre 2019, de la façon suivante :
Dans les motifs (page 8), il convient de lire :
« Sur les demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la défenderesse les frais, non compris dans les dépens, engagés pour faire reconnaître ses droits, le tribunal condamnera MOV'IN à payer à JCF SPORTS la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus.
Sur les dépens
MOV'IN, qui succombe, sera condamnée aux dépens. »
Au lieu de :
« Sur les demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la demanderesse les frais, non compris dans les dépens, engagés pour faire reconnaître ses droits, le tribunal condamnera MOV'IN à payer à JCF SPORTS la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus.
Sur les dépens
JCF SPORTS, qui succombe, sera condamnée aux dépens. »
Et dans le dispositif (page 9), il convient de lire :
« - condamne la SAS MOV'IN à payer à la SARL JCF SPORTS la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la SAS MOV'IN aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 183,39 € dont 30,14 € de TVA. »
Au lieu de :
« - condamne la SARL JCF SPORTS à payer à la SAS MOV'IN la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la SARL JCF SPORTS aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 183,39 € dont 30,14 € de TVA. » (....) »
La société MOV'IN a formé appel contre ce jugement le 27 novembre 2019, l'affaire étant enrôlée sous le n° de RG 19/21848.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 février 2020 par la SAS MOV'IN, appelante, qui demande à la cour de :
A titre principal,
- ANNULER le jugement rectificatif rendu le 12 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Paris,
A titre subsidiaire,
- DIRE ET JUGER que le tribunal de commerce de Paris n'était pas compétent pour se prononcer sur la demande en rectification d'erreur matérielle formulée par la société JCF SPORTS,
- DIRE ET JUGER que le tribunal n'a commis aucune erreur matérielle quant à la fixation de la condamnation au paiement des indemnités dues au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la charge de la société JCF SPORTS ainsi que les entiers dépens de l'instance.
- CONDAMNER la société JCF SPORTS à payer à la société MOV'IN SAS la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en ce compris les droits de recouvrement et d'encaissement de l'Article 10 du Décret du 8 mars 2001 N° 2001-21 et complété par l'article 17 du Décret du 25 juin 2014.
L'intimé n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel lui a été signifiée le 6 février 2020 et l'assignation devant la cour avec signification de conclusions le 28 février 2020.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2021.
Lors de l'audience de plaidoirie du 27 janvier 2021, il a été procédé à la jonction entre les deux instances, l'affaire étant retenue sous le N° de RG 19/19073.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
L'article 472 du code de procédure civile dispose que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée, cette disposition étant applicable en cause d'appel lorsque l'intimé n'est pas constitué.
Puis, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens de la société appelante, aux conclusions écrites qu'elle a transmises, telles que susvisées.
- Sur les chefs du jugement non contestés :
La cour constate que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a débouté la société JCF SPORTS de sa demande d'indemnité pour procédure abusive.
- Sur la nullité de la transaction du 15 octobre 2015
- Nullité pour dol
La société MOV'IN soutient que son consentement a été vicié par les manœuvres dolosives de la société JCF SPORTS qui, selon elle, a prétexté de l'imminence d'un dépôt de bilan et de la perte d'une offre d'un potentiel acquéreur de son fonds pour obtenir un abandon de sa créance, la renonciation à l'application d'une clause de non-concurrence, la résiliation anticipée du contrat de licence et à tout recours relativement à l'objet de la transaction litigieuse, lui permettant ensuite de négocier un nouveau contrat avec un concurrent.
L'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, définit le dol comme une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Sur ce, la cour constate que la société MOV'IN se contente de procéder par affirmations en prétendant avoir été victime d'agissements dolosifs commis par la société JCF SPORTS l'ayant contrainte à régulariser le protocole d'accord mais sans en justifier par aucune pièce.
Il ressort au contraire des seules pièces versées que la société JCF SPORTS a imputé les difficultés qu'elle a pu rencontrer à un défaut de soutien et d'assistance de la part de son franchiseur, qui, en échange de la renonciation à toute action en justice sur ce point, a renoncé notamment à réclamer le paiement d'une redevance.
Par ailleurs, le fait que la société JCF SPORTS a, postérieurement à la signature du protocole d'accord, décidé de conclure un nouveau contrat de franchise avec un de ses concurrents n'est pas susceptible de constituer un agissement dolosif l'ayant contrainte à négocier.
En conséquence, faute de démontrer tout agissement dolosif commis par la société JCF SPORTS qui aurait contraint la société MOV'IN à régulariser le protocole d'accord en cause, ses demandes formulées sur ce point doivent être rejetées.
- Nullité pour absence de concession réciproque
La société MOV'IN soutient qu'aux termes du protocole d'accord, la société JCF SPORTS ne s'est engagée qu'à informer les adhérents de la fermeture du club, à en justifier auprès d'elle et à renoncer à toute action en justice à son égard, que ces concessions sont dérisoires et quasi-inexistantes par rapport aux siennes, puisqu'elle s'est engagée à abandonner sa créance de 28 800€ et à résilier le contrat de manière anticipée sans paiement d'une indemnité.
Sur ce, il convient de constater que si la société MOV'IN s'est effectivement engagée à réaliser un certain nombre de concessions financières au bénéfice de la société JCF SPORTS, il n'en demeure pas moins que cette dernière s'est engagée également non seulement à cesser d'exploiter la licence mais, également, à renoncer à toute action en justice contre la société MOV'IN, alors qu'elle lui faisait grief de ne pas l'avoir assistée pour le lancement de son club de sport et d'être ainsi à l'origine de ses difficultés financières.
Ainsi, le protocole transactionnel, rédigé par les soins de la société MOV'IN, faisant état dans son article premier du fait qu'il a pour objet de « trouver une solution transactionnelle et amiable au différend les opposant en faisant, chacune pour leur part des concessions réciproques », remplit les conditions posées par l'article 2044 du code civil et ne saurait être annulé de ce chef.
Le jugement contesté doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la société MOV'IN de sa demande d'annulation du protocole transactionnel.
- Sur la demande subsidiaire de résolution du protocole pour inexécution :
L'appelante expose que la société JCF SPORTS n'a pas respecté certains des engagements souscrits dans le protocole d'accord, de sorte qu'elle est bien fondée à en poursuivre la résolution, le tribunal ayant fait une mauvaise lecture et interprétation des obligations mises à la charge de l'intimée.
En l'espèce, aux termes de l'article 3.2 du protocole d'accord intitulé « Information des adhérents du club », la société JCF SPORTS s'est engagée à « informer les adhérents du club en les prévenant de la fermeture prochaine du club. Cette information vise à préserver l'image de la marque « MOVING EXPRESS », l'article suivant prévoyant les différentes modalités de cessation du contrat de licence de marque.
En conséquence, il ne peut être soutenu par la société MOV'IN que la société JCF SPORTS s'était engagée à cesser son activité, mais bien, selon la commune intention des parties, comme l'intitulé de l'article 3.2 visé ci-dessus le mentionne, à informer les adhérents de la cessation de l'activité du club sous l'enseigne visée par le contrat de licence. Cette obligation, comme l'a justement retenu le tribunal de commerce, a été remplie puisque la société JCF SPORTS a informé l'ensemble de ses adhérents de son changement d'enseigne.
La cour relève, en outre, qu'il apparaît pour le moins contradictoire que l'appelante soutienne, dans le même temps, que dans le cadre du protocole d'accord, la société JCF SPORTS n'aurait procédé à aucune concession, pour affirmer ensuite, qu'elle s'était en réalité engagée à cesser son activité.
La société JCF SPORTS s'est également engagée, selon les articles 3.3 b) « à faire disparaître intégralement toutes les enseignes, panneaux, panonceaux, fléchages et toutes signalétiques MOVING EXPRESS tant à l'extérieur des locaux qu'à l'intérieur du centre » et f) à « résilier les lignes et numéros de téléphone, fax ou télex, adresse-mail, sites internet etc..., antérieurement affectés à la marque MOVING EXPRESS et supprimer l'appellation MOVING EXPRESS dans tous annuaires, guides ou autres documents d'information ».
La société MOV'IN a fait réaliser le 4 mars 2016 un procès-verbal de constat duquel il ressort, sur le site exploité par la société JCF SPORTS, que plus aucune signalétique portant la mention MOVING EXPRESS n'est présente à l'exception d'une mention sur une boîte à lettre « JCF SPORTS MOVING EXPRESS », l'ensemble des autres affichages portant la mention « LIBERTY GYM », soit la nouvelle marque sous licence exploitée par l'intimée. L'appelante verse par ailleurs dans ses conclusions un extrait des pages jaunes où figurent les coordonnées téléphoniques et l'adresse de la société JCF SPORTS avec la mention « référence : MOVING EXPRESS SAINT DIE DES VOSGES ».
Cependant, ces deux éléments ne sauraient constituer des infractions justifiant le prononcé de la résolution du protocole d'accord, la mention sur la boîte à lettre, ne se situant pas à proximité immédiate du local ouvert au public, étant à peine visible et la référence sur les pages jaunes n'étant nullement datée, alors que force est de constater que la société JCF SPORTS exploite très visiblement son activité sous le nom de LIBERTY GYM.
Il convient en conséquence de débouter la société MOV'IN de l'ensemble de ses demandes au titre de la résolution du protocole d'accord pour inexécution et de confirmer le jugement rendu sur ce point.
- Sur les demandes formulées à titre infiniment subsidiaire au titre de la violation de l'obligation de non ré-affiliation :
Dans l'hypothèse où le protocole transactionnel est considéré valable, l'appelante soutient que l'intimée n'est pas exonérée de son obligation de non ré-affiliation à un réseau concurrent découlant de l'article 14 du contrat de licence. A cet égard, elle rappelle que si, par le protocole, elle a renoncé à toute « réclamation qu'elle qu'en soit la nature ou le montant, notamment à la réparation de tout préjudice en relation avec l'exécution et ou la cessation du contrat de licence de marque conclu avec la société JCF SPORTS », cette renonciation n'est pas applicable à ce nouveau différend puisque ce n'est qu'après la signature du protocole qu'elle a découvert que l'intimée avait adhéré à un réseau concurrent. Elle ajoute que l'obligation de non ré-affiliation post-contractuelle n'a pas été réaménagée par le protocole et que cette obligation demeure à la charge de l'intimée. La société MOV'IN ainsi demande à la cour d'infirmer le jugement du 16 septembre 2019 et de condamner l'intimée à lui payer la somme de 63 181,38 euros.
Sur ce, le protocole d'accord régularisé entre la société MOV'IN et la société JCF SPORTS dans son article 2 impose une série d'obligations à la charge de la société MOV'IN, ayant trait à la renonciation au paiement de la redevance ou à toute action en justice. Puis, en son article 2.2 intitulé « levée de la clause de non-concurrence », la société MOV'IN « consent à renoncer à l'application de l'article 13 du contrat de licence de marque qui encadre la non-concurrence du licencié de la marque. »
Le contrat de licence quant à lui comporte un article 13 intitulé « Non-concurrence » interdisant au licencié pendant la durée du contrat de s'affilier à un réseau concurrent de MOV'IN. Il est suivi d'un article 14 intitulé « Non-affiliation post contractuelle » par lequel, en substance, le licencié s'oblige pendant une durée de 12 mois à n'exploiter son centre que sous sa propre enseigne ou son propre nom, à titre indépendant, et à ne pas s'affilier à un concurrent de la société MOV'IN.
Ainsi, si le protocole d'accord, par lequel les parties ont négocié la cessation du contrat de licence de marque, stipule clairement en son article 2.2 la levée de la clause de non-concurrence telle que mentionnée à l'article 13, il ne fait, en revanche, aucune mention à la renonciation par la société MOV'IN à la clause de non ré-affiliation figurant dans l'article 14, totalement distinct, ce qui au vu de la rédaction claire, non équivoque et précise du protocole, ne peut s'apparenter à une simple omission, comme l'a retenu à tort le tribunal de commerce. Et, dans la mesure où le protocole n'a pas levé cette interdiction, elle a vocation à survivre à la cessation du contrat de licence, dont elle organise une des modalités.
En outre, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal de commerce, si effectivement la clause de non-concurrence stipulée à l'article 13 avait vocation, par définition, à disparaître avec la cessation du contrat, cette renonciation, dans le protocole, conserve un sens puisqu'elle interdit également à la société MOV'IN de se prévaloir d'un éventuel manquement antérieur caché par la société JCF SPORTS.
Il s'en évince que la société MOV'IN, dans le cadre du protocole d'accord, n'a pas consenti à renoncer à l'application de l'article 14 de la convention de licence de marque conclue avec la société JCF SPORTS. Elle est donc bien fondée à voir constater son non-respect par la société JCF SPORTS, qui a régularisé un nouveau contrat de licence de marque avec un concurrent de la société MOV'IN moins de 12 mois après la résiliation du contrat, violation découverte postérieurement à la signature du protocole.
L'article 14 de la convention de licence de marque stipule qu'en cas « d'infractions constatées aux présentes dispositions, le contrevenant devra au cédant, pour chaque contravention, une indemnité pénale égale à la somme de redevances que celui-ci a payé au concédant pendant la durée de son contrat, sans préjudice de tout autre dommage pouvant être généré par cette infraction et dont il sera demandé réparation indépendamment de l'application de la pénalité ». La société MOV'IN réclame à ce titre la condamnation de la société JCF SPORTS à lui verser une somme de 63 181,38 €.
La cour constate cependant que la société MOV'IN n'explique nullement les modalités de calcul retenues pour aboutir à la somme ainsi réclamée, dont le montant ne correspond pas au montant des redevances payées, alors que, dans le cadre de la mise en demeure adressée par son conseil à la société JCF SPORTS le 22 mars 2016, elle réclamait à ce titre, une somme de 28 800€.
Aussi, et dans la mesure où, en application de l'article 1152 du code civil alors applicable à la cause, le juge peut même d'office modérer une clause pénale qu'il juge excessive, l'indemnité due par la société JCF SPORTS en raison de la violation de la clause de non ré-affiliation post-contractuelle à la société MOV'IN doit être plus justement fixée à la somme de 15 000€.
En conséquence, il convient de condamner la société JCF SPORTS à verser à la société MOV'IN la somme de 15 000€ et d'infirmer le jugement entrepris sur ce point.
- Sur le préjudice moral et l'atteinte à l'image de la société MOV'IN :
L'appelante formule une demande de dommages et intérêts à hauteur de 100 000€ en invoquant le préjudice qu'elle aurait subi en raison du trouble causé à son fonctionnement ainsi que de l'atteinte portée à son image et à sa réputation par la société JCF SPORTS.
Cependant, il convient de constater, comme le tribunal, que la société MOV'IN ne justifie d'aucun préjudice subi sur ce point distinct de celui déjà indemnisé au titre du non-respect de la clause de non ré-affiliation contractuelle.
Il convient en conséquence de la débouter des demandes formulées à ce titre et de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
- Sur le jugement de rectification d'erreur matérielle du 12 novembre 2019
- Sur la nullité du jugement :
La société MOV'IN soutient, en substance, que le tribunal de commerce n'a pas respecté les droits de la défense puisqu'elle n'a pas été en mesure de présenter ses observations à l'occasion de la requête en rectification d'erreur matérielle présentée par la société JCF SPORTS et à laquelle il a été donné une suite favorable.
Sur ce, la cour rappelle qu'en application de l'article 462 du code de procédure civile, le juge, saisi d'une requête en rectification d'erreur matérielle qui décide de tenir une audience doit entendre ou appeler les parties et que, lorsqu'il statue sans audience, le juge doit s'assurer que la requête a été portée à la connaissance des autres parties et qu'il a été laissé un temps suffisant aux parties pour préparer leur défense.
Or, il ne ressort d'aucune mention expresse du jugement que l'examen de la requête a fait l'objet d'une audience, où les parties auraient été entendues ou appelées, ni que la société MOV'IN a été même avisée de l'existence de cette requête.
Et, à supposer que la mention figurant au jugement « les parties ont été avisées par courrier du 24 octobre 2019 de la mise à disposition au greffe de la présente rectification », implique que la requête ait été portée à la connaissance de la société MOV'IN, dans la mesure où le tribunal a retenu et délibéré de l'affaire le 25 octobre 2019, tout en rendant son délibéré au 12 novembre 2019, le délai d'un jour accordé ne peut être considéré comme un temps suffisant accordé à la société MOV'IN pour préparer sa défense.
En conséquence, il convient de dire que le principe du contradictoire n'a pas été respecté, de sorte que le jugement ainsi rendu le 12 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Paris doit être annulé.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société JCF SPORTS, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel, sans qu'il n'y ait de raison de déroger aux dispositions relatives aux frais d'huissiers pour le recouvrement forcé prévu à l'article 10 du décret du 8 mars 2001, complété par l'article 17 du décret du 25 juin 2014, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
L'équité et la situation des parties commandent de rejeter la demande formulée en appel par la société MOV'IN au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement rendu le 16 septembre 2019 par le tribunal de commerce sauf en ce qu'il a débouté la société SAS MOV'IN de sa demande de condamnation de la S.A.R.L. JCF SPORTS au titre de l'obligation de non ré-affiliation,
L'infirme sur ce point et statuant à nouveau,
- Dit que la société JCF SPORTS a violé son obligation de non ré-affiliation prévue à l'article 14 du contrat de licence de marque,
- Condamne en conséquence la société JCF SPORTS à verser à la société MOV'IN une somme de 15 000€,
Annule le jugement en rectification d'erreur matérielle rendu par le tribunal de commerce de Paris le 12 novembre 2019,
- Déboute la société MOV'IN de ses demandes formulées en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société JCF SPORTS au paiement des dépens de l'instance en appel.