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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 10 mars 2021, n° 19/00844

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

P&M Distribution (SARL)

Défendeur :

Abris Conseil (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

M. Gagnaux, Mme Strunk

T. com. Nîmes, du 11 janv. 2019

11 janvier 2019

EXPOSÉ :

Vu l'appel interjeté le 22 février 2019 par la société P&M Distribution à l'encontre d'un jugement prononcé le 11 janvier 2019 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n° 190143.

Vu les dernières conclusions déposées le 19 novembre 2019 par la société P&M Distribution, appelant, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions déposées le 21 août 2019 par la société Abris Conseil, intimée et appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu l'ordonnance du 4 mars 2020 de clôture de la procédure à effet différé au 28 janvier 2021 et de fixation de l'affaire à l'audience du 4 février 2021.

La société P&M Distribution est spécialisée dans la commercialisation d'abris de piscine de la marque hongroise « Aquacomet ».

La société Abris Conseil est une société spécialisée dans la vente et l'installation à domicile d'abris piscine.

Par acte sous seing privé du novembre 2015, la société P&M Distribution et la société Abris Conseil ont conclu un contrat de distribution exclusive.

Aux termes de ce contrat, la société P&M Distribution, le concédant, a confié à la société Abris Conseil, le concessionnaire, la distribution exclusive des produits contractuels de marque Aquacomet sur un territoire défini :

« Abris de piscines structure aluminium de toutes formes :

- Abris télescopiques sur platines GAA, plats, bas, mi-hauts, hauts : Star, Star Plus, Sun, Sky, Visual, Harmonie, Harmonie Plus, Practic, Créative, Professional, Zénith Standard, Zénith Flat, Horizon ;

- Abris télescopiques sans rail au sol bas, mi-hauts, hauts : Sun On Roll, Orion ;

- Abris fixes : Galaxy ;

- Abris terrasses : Centaure ;

- Pergolas : Pergopolis.

En exclusivité sur le(s) département(s) suivant(s) : 07, 11, 12, 13, 34, 48, 66. »

En contrepartie, la société Abris Conseil s'engageait à s'approvisionner auprès de la société P&M Distribution pour l'ensemble des produits contractuels et de ne pas représenter, vendre, s'approvisionner directement ou indirectement par tout autre marque, revendeur et fabricant des produits contractuels.

Ce contrat de distribution était conclu pour une durée de 5 ans qui devait expirer le 18 novembre 2020.

Par courriel du octobre 2016, Monsieur X gérant de la société P&M Distribution, rappelait à Monsieur Y, gérant de la société Abris Conseil, les termes du contrat de distribution et notamment l'interdiction de vendre des abris de piscine, autres que ceux de la marque Aquacomet sur les secteurs relevant de l'exclusivité convenue.

Par mail du 8 mai 2017, Monsieur Y questionnait la société P&M Distribution sur la vente et la livraison de plusieurs abris piscine sur le secteur défini par le contrat d'exclusivité par une autre société.

En réponse - et arguant de la commercialisation par la société Abris Conseil de produits équivalents à ceux proposés par la marque Aquacomet sur les territoires concernés par le contrat de distribution exclusive - la société P&M Distribution adressait le 9 mai 2017 à son cocontractant une mise en demeure d'avoir à respecter les obligations contractuelles valant résiliation de plein droit du contrat aux torts exclusifs du concessionnaire à l'issue du délai d'un mois. La société P&M Distribution invitait alors la société Abris Conseil à l'indemniser du préjudice résultant de cette résiliation de plein droit, démarche restée sans effet.

Le juillet 2017, la société P&M Distribution assignait la société Abris Conseil devant le tribunal de commerce de Nîmes, formulant les demandes suivantes :

- constater les manquements caractérisés de la société Abris Conseil ;

- prononcer la résiliation du contrat de Distribution aux torts exclusifs de la société Abris Conseil ;

- déclarer recevables et bien fondées les demandes d'indemnisation de la société P&M Distribution ;

- condamner la société Abris Conseil au paiement de la somme de 433 803 € au titre du manque à gagner pour la société P&M Distribution ;

- condamner la société Abris Conseil au paiement de la somme de 50 000 € nécessaire à la mise en place d'un nouveau contrat ;

- interdire la société Abris Conseil d'utiliser la marque et les outils promotionnels de la marque ;

- condamner la société Abris Conseil à payer à la société P&M Distribution la somme de 10 000 € au titre des actes de concurrences déloyales caractérisés ;

- condamner la société Abris Conseil au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

le tout assorti du bénéfice de l'exécution provisoire.

Le 11 janvier 2019, le tribunal de commerce de Nîmes déboutait la société P&M Distribution de l'intégralité de ses demandes, ainsi que la société Abris Conseil de ses demandes reconventionnelles, disait n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnait la société P&M Distribution aux dépens de l'instance que le tribunal liquidait et taxait à la somme de 78,04 euros en ce non compris le coût de la citation introductive.

La société P&M Distribution a interjeté appel de la décision et demande à la cour, au visa des articles, 138, 139, 142 et 563 du Code de procédure civile, 1134, 1147 et 1184 de l'ancien Code civil et 10, 1156, 1157, 1161 et 1162 du Code civil, de :

- annuler à tout le moins réformer chefs de jugement ayant :

- débouté la société P&M Distribution de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;

- condamné la société P&M Distribution aux dépens de l'instance ;

- confirmer le jugement pour le surplus en ce qu'il a débouté la société Abris Conseil de ses demandes reconventionnelles

Statuant à nouveau :

- ordonner à la société Abris Conseil la production forcée des pièces suivantes :

. bilans (actif et passif) de la société Abris Conseil des exercices 2016 et 2017 ;

. Les comptes de résultat de la société Abris Conseil des exercices 2016 et 2017 ;

. Les grands livres de la société Abris Conseil des exercices 2016 et 2017 ;

. Les balances générales de la société Abris Conseil des exercices 2016 et 2017.

- déclarer l'ensemble des moyens nouveaux et preuves nouvelles de la SARL P&M Distribution ;

- constater la vente de produits concurrents par la société Abris Conseil sur le secteur concédé par la société P&M Distribution ;

- constater le non-respect des quotas contractuels par la société Abris Conseil ;

- dire et juger la résiliation anticipée du contrat de distribution par la société P&M Distribution aux torts exclusifs de la société Abris Conseil justifiée.

En conséquence,

- condamner la société Abris Conseil à payer à P&M Distribution la somme de 433 802 € en réparation de son préjudice au titre du manque à gagner ;

- condamner la société Abris Conseil à lui payer la somme de 50 000 € en réparation des investissements nécessaires à la mise en place d'un nouveau contrat de Distribution sur le secteur ;

- condamner la société Abris Conseil paiement d'une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- débouter la société Abris Conseil l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à titre reconventionnel ;

- condamner la société Abris Conseil aux entiers dépens et frais de procédure de première instance et d'appel.

La société P&M Distribution motive la mise en œuvre de la clause résolutoire au regard de la violation réitérée par la société Abris Conseil des obligations définies au contrat.

Elle fait en effet grief au concessionnaire de s'être approvisionné chez des fournisseurs d'abris de piscine espagnols (espace Cover) et polonais (Aluna) d'avoir commercialisé ces abris de marques concurrentes sur le territoire concédé violant ainsi l'obligation d'exclusivité et la clause de non-concurrence. Elle dénonce par ailleurs le non-respect des quotas, la société Abris Conseil s'étant engagée à la vente de 30 abris.

La société P&M Distribution considère que le non-respect du contrat de distribution par le concessionnaire lui a causé un important préjudice lié à sa rupture anticipée entraînant un manque à gagner et à la nécessité de mettre en place de nouveaux contrats sur le secteur concédé.

La société Abris Conseil demande à la cour, au visa des articles, 1142, 1147, 1162, 1184 et 1382 de l'ancien code civil, 564 et 32-1 du code de procédure civile, de :

confirmer le jugement en ce qu'il a:

- débouté la société P&M Distribution de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamné la société P&M Distribution aux dépens ;

- le réformer pour le surplus en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société Abris Conseil ;

Et statuant à nouveau :

à titre préalable :

- prononcer la nullité de la clause de non-concurrence invoquée par la société P&M Distribution faute d'être limitée dans le temps et dans l'espace ;

- déclarer les demandes nouvelles de la société P&M Distribution relatives à la transmission des coordonnées des époux Y à la communication de Monsieur Y sur Facebook et à la prétendue réitération d'agissements déjà commis en 2016, irrecevables devant la cour d'appel ;

à titre principal :

- débouter la société P&M Distribution de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en toutes fins qu'elles comportent ;

à titre subsidiaire:

- ramener les demandes de la société P&M Distribution à de plus justes proportions et raisonnablement à l'euro symbolique

reconventionnellement :

- dire et juger que la société P&M Distribution a engagé sa responsabilité contractuelle à son égard en ne maintenant pas en place les abris d'exposition prévus au contrat de Distribution et en vendant des produits contractuels dans le territoire qui lui était réservé ;

En conséquence,

- la condamner à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison des manquements commis à ses obligations contractuelles ;

- la condamner à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat de Distribution ;

- la condamner à lui payer une indemnité de 10 000 euros pour procédure abusive ;

- la condamner à la somme de 5 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Abris Conseil conteste les griefs exposés par l'appelante, en ce qu'elle n'a pu respecter l'obligation de quotas pour l'année 2017 au regard de la rupture prématurée de la relation contractuelle.

Elle dénonce par ailleurs la lecture extensive de la clause d'exclusivité faite par l'appelante dénaturant la portée des relations contractuelles. Elle considère pour sa part que ce contrat ne lui interdisait pas la commercialisation d'autres produits.

Elle considère pour sa part que la clause d'exclusivité d'approvisionnement était limitative et ne concernait que les abris piscine du fabricant hongrois Aquacomet. Elle considère dès lors ne pas avoir méconnu la clause d'exclusivité consentie, les abris piscine Borealis et Atlanta invoqués par la société P&M Distribution n'entrant pas dans le champ d'exclusivité. Elle soulève enfin la nullité de la clause de non-concurrence qui lui est de ce fait inopposable.

L'absence de faute est de nature à remettre en cause les conditions de la résiliation du contrat de Distribution qu'elle considère avoir été prononcée de manière abusive par le concédant.

Elle conteste le montant des sommes indemnitaires sollicitées en présence d'un préjudice qu'elle juge inexistant.

De son côté, elle reproche à la société P&M Distribution de ne pas avoir respecté son obligation contractuelle de mise à disposition d'abris de démonstration sur les showrooms. Enfin, elle lui reproche de ne pas avoir respecté l'exclusivité qui lui incombait en vendant des abris à d'autres personnes sur le territoire concédé.

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur la production de pièces :

L'article 142 du code de procédure civile énonce que les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu, conformément aux dispositions des articles 138 et 139 du code de procédure civile.

Le juge dispose d'un pouvoir discrétionnaire d'ordonner ou non la production d'une pièce sans être tenu de s'expliquer sur une telle demande.

La SARL P&M Distribution réclame la production par la société Abris Conseil de diverses pièces comptables, faute pour la partie adverse d'avoir déférée à la sommation de communiquer qui lui a été délivrée en mai 2019.

Cet incident n'a pas été soulevé devant le magistrat de la mise en état et saisir directement la cour de la difficulté démontre son caractère dilatoire.

En l'absence de motif légitime, cette demande sera rejetée.

Sur la demande principale :

- sur la nullité de la clause de non-concurrence :

Les parties sont liées par un acte sous seing privé du novembre 2015 (pièce 3) aux termes duquel la société P&M Distribution, le concédant, confiait à la société Abris Conseil, concessionnaire, la distribution exclusive des produits contractuels de marque Aquacomet sur un territoire défini :

« Abris de piscines structure aluminium de toutes formes :

- Abris télescopiques sur platines GAA, plats, bas, mi-hauts, hauts : Star, Star Plus, Sun, Sky, Visual, Harmonie, Harmonie Plus, Practic, Créative, Professional, Zénith Standard, Zénith Flat,Horizon ;

- Abris télescopiques sans rail au sol bas, mi-hauts, hauts : Sun On Roll, Orion ;

- Abris fixes : Galaxy ;

- Abris terrasses : Centaure ;

- Pergolas : Pergopolis.

En exclusivité sur le(s) département(s) suivant(s) : 07, 11, 12, 13, 34, 48, 66. »

La société Abris Conseil sollicite la nullité de la clause de non-concurrence invoquée par la société P&M Distribution faute d'être limitée dans le temps et dans l'espace.

A titre liminaire, il sera dit que la clause de non-concurrence ne se présume pas et doit être dûment convenue par les parties qui ont entendu se soumettre à une clause d'exclusivité.

En effet, le contrat de distribution a été conclu le 19 novembre 2015 pour une durée de 5 ans pour expirer le 18 novembre 2020. L'exclusivité concerne le secteur suivant : départements 07, 11, 12, 13, 34, 48, 66. Cette clause est clairement énoncée comme étant une clause d'exclusivité et non une clause de non-concurrence.

La demande tendant à obtenir la nullité de la clause de non-concurrence est donc sans objet.

La clause d'exclusivité est définie dans le temps et dans l'espace sans violer les dispositions d'ordre public de l'article L. 330-1 du code de commerce, justifiant le rejet de la demande en nullité présentée par la société Abris Conseil.

- sur le respect des obligations contractuelles par la société Abris Conseil :

La société P&M Distribution fait grief à la société Abris Conseil d'avoir commercialisé des abris de piscine concurrents et de ne pas avoir respecté les quotas minimum d'achats justifiant l'envoi le 9 mai 2017 d'une mise en demeure d'avoir à respecter les obligations contractuelles, démarche restée sans effet selon le concédant qui a donc prononcé la résiliation de plein droit du contrat aux torts exclusifs de la société Abris Conseil à l'issue du délai d'un mois soit le 9 juin 2017.

En réponse, la société Abris Conseil estime d'une part les demandes nouvelles de la société P&M Distribution relatives à la transmission des coordonnées des époux Y et à la communication de Monsieur Y sur Facebook irrecevables. Elle considère d'autre part ne pas avoir méconnu la clause d'exclusivité consentie, les abris piscine Borealis et Atlanta invoqués par la société P&M Distribution n'entrant pas dans le champ d'exclusivité.

Le tribunal de commerce a débouté la société P&M Distribution de ses demandes indemnitaires pour résiliation aux torts exclusifs de la société Abris Conseil, considérant que la preuve du manquement à l'exclusivité contractuelle n'est pas rapportée et que le non-respect des quotas n'est pas justifié.

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

S'agissant des règles d'interprétation du contrat, « on doit dans les conventions rechercher quelle a été l’intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes. »

Selon les articles 1156 du code civil, « lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun ».

L'article 1157 indique que « toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier. »

L'article 1161 du code civil précise que « dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.

Au cas présent, et au visa de l'article 7 dudit contrat, la société Abris Conseil s'engageait à « s'approvisionner exclusivement auprès de la société P&M Distribution pour tous les produits contractuels. Il ne pourra commercialiser d'autres produits directement ou indirectement concurrents à la gamme des produits contractuels... ».

A titre liminaire, il sera précisé que les parties n'ont pas convenu d'une clause d'exclusivité de portée générale comme dénoncé par la société Abris Conseil mais ont clairement limité l'interdiction de vente faite à la société Abris Conseil sur des produits similaires ou concurrents de ceux fabriqués par son concédant.

De même, la demande aux fins d'irrecevabilité ne saurait prospérer, s'agissant non pas de prétentions nouvelles comme indiqué par la société Abris Conseil mais de nouveaux arguments développés par la société P&M Distribution qui peut à bon droit évoquer de nouveaux moyens de preuve tenant à la production d'une page Facebook ou bien la situation des consorts Y.

Pour le surplus, s'agissant du non-respect des quotas, l'article 7 du contrat d'exclusivité prévoit que « le concessionnaire s'engage, afin de participer à la dynamique nécessaire à la mise en place et au développement du réseau de Distribution, à acquérir un minimum annuel de produits contractuels « objectifs » en annexe ».

Les parties ont convenu d'un nombre de 30 abris minimum par année sur l'ensemble des départements concédés.

La société P&M Distribution fait grief à son concessionnaire de n'avoir vendu aucun abri sur la période allant de novembre 2016 à mai 2017 alors que sur la même période de l'année précédente, 18 abris avaient été vendus.

Ce grief ne saurait être retenu, cette obligation de résultat devant s'apprécier sur une période annuelle. A ce titre, la société P&M Distribution ne pouvait dénoncer valablement le non-respect de quotas en mai 2017, alors même que son concessionnaire disposait encore d'une durée de 6 mois pour s'exécuter.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

S'agissant de la vente d'abris de marque concurrente, le concédant soutient que la société Abris Conseil s'est approvisionnée chez des fournisseurs d'abris de piscine espagnols, marque Espace Cover, et polonais, marque Aluna.

Elle justifie ce grief par la production d'un mail adressé le 14 juin 2017 par la société Abris Conseil aux consorts M. en vue d'organiser une visite chez les consorts Y, domiciliés au Cres (34) chez qui elle a vendu un abri Atlanta de marque Aluna (pièce 20).

Cette pièce n'établit pas la preuve de la commercialisation d'un abri concurrent au cours de la relation contractuelle en l'absence de date de livraison ou d'installation.

La société se prévaut également de la communication de la page Facebook de la société Abris Conseil lequel se présente comme l'importateur de la marque Aluna sur toute la France (pièce 17).

Là encore, cette pièce est insuffisante pour justifier du grief allégué en l'absence de date figurant sur la page Facebook qui ne permet pas de vérifier si la commercialisation alléguée a été effectuée alors que la clause d'exclusivité s'imposait à la société Abris Conseil.

La société P&M Distribution produit enfin trois bons de commande non signés et établis au nom des consorts M. durant la période contractuelle :

. bon du 10 avril 2017 pour un abri Borealis sur rail de marque Espace Cover comportant un clapet (pièce 6) ;

. bon de commande du 21 avril 2017 qui a annulé et remplacé le précédent et a porté sur un abri Borealis sur rail de marque Espace Cover (pièce 7) ;

. nouveau bon de commande du 11 mai 2017 pour un abri piscine de marque Aluna, modèle Atlanta (pièce 9).

La société P&M Distribution produit également l'attestation de Monsieur M. confirmant le fait que le vendeur de la société Abris Conseil n'a jamais proposé d'abris de la marque Aquacomet mais uniquement les modèles Boréalis et Atlanta (pièce 18).

Ces pièces suffisent à montrer qu'au cours de la relation contractuelle, la société Abris Conseil a présenté deux abris de marque concurrente à un client.

Elle estime que cette démarche est une violation de la clause d'exclusivité en présence de propositions portant sur des abris concurrents offrant les mêmes caractéristiques.

L'offre, qui a été présentée au cours de la relation contractuelle, a porté sur un abri sur rail modèle Borealis de marque Espace Cover puis un abri modèle Atlanta de marque Aluna.

Le tableau de correspondance communiqué en pièce 11, et les caractéristiques techniques avec photographies en pièces 14 et 15 montrent effectivement une correspondance entre ces deux abris et les modèles de la marque Aquacomet ; le modèle atlanta correspond en effet au modèle sun, sky zenith standard de marque Aquacomet et le modèle Boréalis est l'équivalent du modèle abri horizon.

Dès lors, la société P&M Distribution justifie que la société Abris Conseil a proposé deux abris de marque concurrente aux consorts M. en méconnaissance de la clause d'exclusivité.

- Sur la demande tendant à la résolution de la vente et ses conséquences

L'article 1231 de l'ancien code civil énonce que « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

La résiliation judiciaire s'apprécie selon la gravité du manquement allégué par l'une des parties.

Aux termes du contrat d'exclusivité et de l'article 7, la société P&M Distribution s'est réservée le droit de résilier le contrat aux torts du concessionnaire aux conditions visées à l'article 15. Il est prévu que le contrat peut être résilié « par anticipation en cas de violation de l'un quelconque des engagements en résultant... la résiliation interviendra automatiquement un mois après une mise en demeure restée sans effet signifiée par la partie défaillante par lettre recommandée avec demande d'avis de réception indiquant l'intention de faire application de la présente clause résolutoire exprès ».

La société P&M Distribution considère que la réitération des manquements contractuels a justifié sa décision de dénoncer le contrat d'exclusivité justifiant ainsi l'envoi le 9 mai 2017 à son cocontractant d'une mise en demeure d'avoir à respecter les obligations contractuelles valant résiliation de plein droit du contrat aux torts exclusifs de la société Abris Conseil à l'issue du délai d'un mois.

Au soutien de son argumentation, elle fait état d'un courriel adressé le octobre 2016, par Monsieur X gérant de la société P&M Distribution, à Monsieur Y, gérant de la société Abris Conseil, à qui il était rappelé les termes du contrat de distribution et notamment l'interdiction de vendre des produits autres que ceux de la marque Aquacomet sur les secteurs relevant de l'exclusivité convenue. La société concédante faisait alors référence à la vente d'abris terrasse espagnol sur la foire de Montpellier.

Ce « rappel » ne démontre nullement l'effectivité des faits dénoncés en l'absence de pièces probantes et permet d'écarter la réitération des manquements allégués par le concédant.

Aujourd'hui, la résiliation du contrat repose sur l'unique proposition de deux abris concurrents aux consorts M. en avril et mai 2017.

Cet acte isolé ne peut à lui seul justifier la résiliation aux torts exclusifs de la société Abris Conseil du contrat en présence d'une relation contractuelle ayant débuté 18 mois plus tôt sans qu'aucune autre faute n'ait pu être constatée et alors même que la société Abris Conseil avait satisfait aux objectifs financiers sur la période antérieure avec la vente de 36 abris.

En l'absence de preuve d'une faute d'une particulière gravité, la société P&M Distribution ne pouvait valablement dénoncer le contrat aux torts exclusifs du concessionnaire. Elle sera donc déboutée des demandes indemnitaires afférentes.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré mais sur le moyen pris de l'absence de gravité suffisante du grief reproché et non sur l'absence de grief.

Sur les demandes reconventionnelles :

- sur le non-respect des obligations contractuelles :

La société Abris Conseil reproche à la société P&M Distribution ne pas avoir respecté son obligation contractuelle de mise à disposition d'abris de démonstration sur les showrooms et lui reproche de ne pas avoir respecté l'exclusivité qui lui incombait en vendant des abris à d'autres personnes sur le territoire concédé ce qui est contestée par le concédant.

Le tribunal de commerce a écarté cette demande sans motiver sa décision.

Au cas présent, aux termes du contrat d'exclusivité, et en vertu de son article 5, la société P&M Distribution s'interdisait d'installer sur le territoire concédé un autre concessionnaire ou revendeur des produits contractuels et s'engageait à approvisionner le concessionnaire de façon exclusive sur cette zone mais également de commercialiser lui-même directement sous quelque forme que ce soit, les produits contractuels sur le territoire défini sauf accord préalable et écrit du concessionnaire.

S'agissant de l'installation concurrente, la société Abris Conseil soutient que le concédant a vendu des abris Aquacomet à d'autres personnes sur le secteur concerné à savoir auprès des époux A à Saint-Drézéry (34), aux époux B en Ardèche (07) et à deux autres personnes résidant dans les départements de l'Hérault et de l'Ardèche.

Elle produit l'attestation établie par Monsieur Z (pièce 23) qui déclare :

« j'ai assisté à un rendez-vous avec M. X en 2016 chez B, Mme A domiciliés [...] pour vendre un abri de piscine de marque Aquacomet. L'abri a été livré et installé en 2016. j'ai installé dans le département du 13 un abri de piscine de marque Aquacomet modèle zénith chez la cliente Mme B domiciliée [...]. J'ai également installé un abri de piscine modèle harmonie dans le département du 34 Mauguio ou Lattes et un modèle galaxy toujours de la marque Aquacomet dans le département du 07 Ardèche ».

La société P&M Distribution justifie que ces ventes ont été réalisées par la société Promicover, autre concessionnaire, dont le siège social était situé sur Nîmes, qui commercialisait les abris de marque Aquacomet sur le secteur du Gard non concerné par le contrat d'exclusivité et qui a été placée en liquidation judiciaire le 30 novembre 2016 (pièce 26).

Elle produit le devis établi le 26 février 2016 par la société Promicover pour les époux P. (pièce 27) ainsi que le bon de commande passé par la même société le 2 juin 2016 pour Mme Solange M. (pièce 28), les deux bons ayant été passés au centre d'exposition de Nîmes non compris dans le secteur dévolu au concessionnaire.

Pour le surplus, l'imprécision de l'attestation tant sur la date ainsi que sur les lieux ne permet pas de retenir le grief allégué.

La société Abris Conseil ne démontre pas le non-respect par la société concédante de son obligation.

S'agissant du showroom de Nîmes, et aux termes de l'article 1 dudit contrat, le concédant s'engageait à laisser à disposition les abris d'expositions installés sur le secteur concédé, dont la liste est en annexe, pendant 24 mois. Il était également convenu que la société P&M Distribution autorisait le concessionnaire à utiliser le show-room de Nîmes en tant que support de ventes pour ses clients aux heures d'ouverture en avertissant le concédant au préalable.

Au cas présent, la fermeture est justifiée et non contestée par la société P&M Distribution qui produit un constat d'huissier établi le 31 mai 2017 par Me R. qui confirme effectivement cette clôture (pièce 29). Les parties s'entendent ainsi sur une fermeture intervenue le 1er mai 2017.

La société P&M Distribution estime avoir satisfait à son obligation en procédant à l'ouverture d'un autre showroom sur Marguerittes (30320) et y avoir transféré les abris exposés sur Nîmes avec effet au 1er mai 2017 en produisant un contrat de stockage et de mise à disposition de matériel (pièce 30).

Le contrat prévoyait néanmoins l'accès au show-room de Nîmes étant précisé que le concédant ne justifie pas avoir informé la société Abris Conseil du changement de lieu d'exposition.

S'il peut être dès lors retenu que la société P&M Distribution a manqué à son obligation en procédant à la fermeture du show-room le 1er mai 2017 privant ainsi le concessionnaire de sa mise à disposition pour 5 semaines, il sera néanmoins constaté que la société Abris Conseil ne justifie d'aucun préjudice en relation avec cette faute si bien que la demande indemnitaire sera rejetée.

La société Abris Conseil sera déboutée de ses demandes.

Le jugement déféré sera confirmé.

- sur la résiliation abusive :

La société Abris Conseil sollicite la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat de distribution.

Il est justifié qu'en l'absence de preuve d'une faute d'une particulière gravité, la société P&M Distribution ne pouvait valablement dénoncer le contrat aux torts exclusifs du concessionnaire.

Toutefois, cette seule faute ne peut suffire à faire droit à la demande indemnitaire présentée par la société Abris Conseil.

Si le concessionnaire justifie de son droit à indemnisation, il lui appartient néanmoins de démontrer la réalité du préjudice subi qui ne peut découler du seul constat de la rupture abusive de la relation contractuelle.

Il est ainsi admis que les dommages-intérêts alloués à la victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit. Ainsi, l'indemnisation n'est fondée qu'à la condition de caractériser le dommage subi.

La société Abris Conseil ne peut donc solliciter une indemnisation « forfaitaire » de son préjudice qu'elle doit justifier par des éléments objectifs ce qu'elle ne fait pas en l'espèce.

La société Abris Conseil sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Le jugement contesté sera donc confirmé sur ce point mais sur le moyen pris que la société Abris Conseil ne justifie pas de l'existence de son préjudice.

- Sur la procédure abusive :

En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice, de mauvaise foi ou une erreur grave équipollente au dol.

Toutefois, l'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas en soi, constitutive d'une faute ce qui est le cas en l'espèce.

Ainsi, la demande présentée par la société arbis conseil sera rejetée sur ce point.

Sur les frais de l'instance :

La société P&M Distribution, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à la société Abris Conseil une somme équitablement arbitrée, à 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déboute la société P&M Distribution de la demande de production de pièces par la société Abris Conseil,

Déboute la société Abris Conseil de la demande en nullité de la clause d'exclusivité,

Pour le surplus,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant en nouveau,

Condamne la société P&M Distribution à payer à la société Abris Conseil une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société P&M Distribution à supporter les dépens d'appel.