CA Lyon, 3e ch. A, 4 mars 2021, n° 18/02696
LYON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
SM Europe (Sasu)
Défendeur :
Groupe Sober (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Esparbes
Conseillers :
Mme Homs, Mme Clerc
EXPOSE DU LITIGE
La société SM Europe SASU (SM Europe), immatriculée au RCS de Rennes depuis le 26 octobre 1998, est spécialisée dans la distribution de matériels médicaux, plus spécifiquement de matériels orthopédiques.
De 2003 jusqu'au 31 mars 2017, SM Europe, qui référencie divers fournisseurs, a été le distributeur exclusif en France de certains produits de marque « Ezywrap » fabriqués et commercialisés par la société américaine Professional Products Inc. (PPI).
Durant cette période, SM Europe a été rachetée en novembre 2014 par le fonds d'investissement Riverside propriétaire de la société espagnole Orliman, laquelle commercialise des produits orthopédiques sous cette même dénomination Orliman. En 2015, l'ensemble SM Europe-Orliman a été racheté par le fonds Magnum, qui l'a revendu au laboratoire Cinfa en septembre 2017.
A compter du 1er avril 2017, la société Groupe Sober SAS (Groupe Sober), créée fin 2016 comme issue par voie de plans de cession de diverses sociétés et qui est spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de dispositifs orthopédiques, est devenue distributeur exclusif des produits américains Ezywrap, à la suite donc de SM Europe.
En décembre 2016, Groupe Sober a invoqué à l'encontre de SM Europe des actes de concurrence déloyale et parasitaire de nature à détourner la clientèle et les commandes des produits Ezywrap au profit des produits Orliman.
Autorisée par ordonnance du président du tribunal de commerce de Villefranche-Tarare du 14 novembre 2017, Groupe Sober a fait assigner SM Europe par acte du 15 novembre 2017 à l'audience du 23 novembre 2017 aux fins de constatation des actes de concurrence de la part de SM Europe, d'obtention de diverses mesures d'interdiction, publicité et publication, ainsi que d'une indemnisation de son préjudice, à assortir de l'exécution provisoire.
L'affaire a été plaidée le 21 décembre 2017. SM Europe a soutenu l'irrecevabilité des demandes et en tous cas leur mal-fondé. Elle a invoqué notamment l'existence de deux protocoles transactionnels conclus avec le fournisseur américain PPI les 25 mai 2016 et 28 juillet 2017 qui, d'après elle, ont mis fin aux litiges résultant des plaintes de PPI qui avait allégué, outre une rupture brutale de relations commerciales établies, des pratiques commerciales déloyales de sa part (de SM Europe) du fait de la commercialisation de produits Orliman directement concurrents des produits PPI. SM Europe a également fait valoir que Groupe Sober n'était pas préparée à devenir distributeur exclusif des produits Ezywrap.
Le tribunal a statué par un jugement du 5 avril 2018 assorti de l'exécution provisoire dont SM Europe a interjeté appel par acte du 9 avril 2018 en saisissant la juridiction du premier président qui a aménagé certaines dispositions du jugement par une ordonnance du 20 avril 2018, ce qui, pour plus de lisibilité, sera noté entre crochets relativement aux dispositions concernées du jugement.
Le tribunal a donc :
Déclaré recevables et bien fondés les demandes, fins, moyens et conclusions de Groupe Sober,
Constaté que les agissements de SM Europe constituent des actes de concurrence déloyale envers Groupe Sober, fait interdiction à SM Europe, à compter de la présente décision, de réaliser tout acte susceptible d'entraîner une confusion entre ses propres produits et ceux commercialisés par Groupe Sober, notamment en présentant les produits Orliman comme des produits de remplacement des produits Ezywrap, le tout sous astreinte de 100€ par infraction et par jour, fait interdiction à SM Europe, à compter de la présente décision, de procéder à tout détournement de commande au préjudice de Groupe Sober, notamment par le biais des codes ACL, le tout sous astreinte de 100 euros par infraction et par jour, ordonné à SM Europe de faire parvenir, sous contrôle d'huissier de justice désigné ci-dessous, à l'ACL, aux éditeurs de bases de données de dispositifs médicaux et aux éditeurs de logiciels de gestion d'officines pharmaceutiques, aux grossistes/répartiteurs et à tous les organismes publics pour lesquels des appels d'offres ont été remportés avec des produits Ezywrap, une lettre indiquant qu'elle n'est plus autorisée à commercialiser ou distribuer les produits Ezywrap en France depuis le 1er avril 2017, ce droit étant désormais dévolu exclusivement à Groupe Sober, et transmettre la liste de l'ensemble des codes ACL attribués aux produits Ezywrap, afin que lesdits organismes puissent procéder aux mises à jour, notamment en mettant en place le renvoi « ou chaînage » des codes ACL attribués aux produits Ezywrap commercialisés par Orliman, vers les produits Ezywrap commercialisés par Groupe Sober, dans les huit jours de la signification de la présente décision le tout à ses frais et sous astreinte de 100€ par infraction constatée et jour de retard, [la juridiction du premier président a suspendu l'exécution provisoire relativement à cette lettre], ordonné à SM Europe de faire parvenir, sous contrôle d'huissier de justice désigné ci-dessous, une lettre sur papier à en-tête SM Europe à l'ensemble de ses clients, intermédiaires et prospects, et notamment les grossistes/répartiteurs, les éditeurs de logiciel de gestion d'officines pharmaceutiques, les groupements de pharmacies, les groupements de revendeurs de matériels orthopédiques, les centrales d'achat pour les hôpitaux et organismes publics et pour l'armée, indiquant, à l'exception de toute autre information, qu'elle n'est plus autorisée à commercialiser ou distribuer les produits Ezywrap en France depuis le 1er avril 2017, ce droit étant désormais dévolu exclusivement à Groupe Sober dont les coordonnées et modalités de commandes seront jointes, et d'en justifier à Groupe Sober dans les huit jours de la signification de la présente décision, le tout à ses frais et sous astreinte de 100€ par infraction constatée et jour de retard, [la juridiction du premier président a constaté l'exécution effective de cet envoi à la date du 16 avril 2018], nommé pour effectuer ces contrôles, une SCP d'huissiers à Rennes, réservé sa compétence pour la liquidation, même provisoire, des astreintes, condamné SM Europe à verser à Groupe Sober la somme de 750 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, [la juridiction du premier président en a ordonné la consignation entre les mains d'un huissier lyonnais], autorisé Groupe Sober à publier et/ou diffuser tout ou partie de la présente décision, sur tout support qui lui plaira et à la fréquence qui lui plaira, à ses frais, pendant trois mois à compter de la présente décision, [la juridiction du premier président a suspendu l'exécution provisoire attachée à cette disposition],
Condamné en outre S.M. Europe à payer à Groupe Sober la somme de 10 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 23 septembre 2019, au visa des articles 31, 32, 122, 455 et 458 du code de procédure civile, 6 de la CEDH, L. 642-3 du code de commerce, 1240, 1241 et 1383-2 du code civil, SM Europe demande à la cour de déclarer recevable et bien fondé son appel :
1°) pour voir annuler ce jugement, en l'absence de réponse à ses conclusions en défense, de motivation des condamnations prononcées et du non-respect de son droit à un procès équitable,
2°) pour voir réformer le jugement pour, statuant à nouveau :
À titre principal,
Constater que Groupe Sober ne justifie ni de la constitution de son capital social et de ses liens capitalistiques directs ou indirects avec PPI, ni du contrat conclu avec PPI,
Constater que Groupe Sober est irrecevable et en tout état de cause mal fondée en ses demandes
Déclarer les demandes de Groupe Sober irrecevables et en tout état de cause mal fondées et l'inviter à se pourvoir contre PPI si elle l'estime utile,
Juger que Groupe Sober n'est pas recevable à invoquer de fautes antérieures au 28 juillet 2017 (date du second protocole d'accord) et à tout le moins au 1er avril 2017 (date du contrat avec PPI),
Rejeter des débats la pièce 44 de Groupe Sober,
Constater qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale au détriment de Groupe Sober,
Débouter en conséquence Groupe Sober de l'intégralité de ses demandes,
Subsidiairement,
Constater que Groupe Sober ne justifie pas de son préjudice,
Débouter en conséquence Groupe Sober de l'intégralité de ses demandes,
Dans tous les cas,
Ordonner que lui soit restituée la somme de 750 000€ consignée en exécution de l'ordonnance de la juridiction du premier président et dire que la non-restitution de ces fonds l'autorisera à en poursuivre la restitution forcée avec intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt infirmatif à intervenir,
Constater que Groupe Sober a commis une faute engageant sa responsabilité civile, en exécutant de manière brutale, précipitée et excessive le jugement déféré,
Condamner Groupe Sober à lui verser la somme de 300 000€ de dommages-intérêts au titre du préjudice subi,
L’autoriser à publier, à compter de son prononcé, l'arrêt à intervenir en intégralité ou par extrait accompagné d'un résumé, dans 5 publications de son choix ainsi que sur son site internet et sur celui de Groupe Sober pendant une durée de six mois, aux frais de Groupe Sober sans que chaque insertion ne puisse excéder la somme de 5 000€ HT,
L’autoriser à écrire, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à sa clientèle et aux intermédiaires afin de leur communiquer l'arrêt en intégralité ou par extrait accompagné d'un résumé, le tout aux frais de Groupe Sober,
Condamner Groupe Sober sous astreinte de 100€ par jour à compter des dix jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir, à adresser une lettre sur son papier à en-tête, à l'ensemble des destinataires des courriers et courriels expédiés suite au jugement par les deux sociétés, lequel sera rédigé comme suit et signé du dirigeant, ou toute autre rédaction comme bon semblera à la cour :
« Madame, Monsieur
Par courrier du X/X/2018, nous vous avons informé que notre société était victime d'actes de concurrence déloyale caractérisée commis par la société SM Europe et que cette dernière avait été sanctionnée par jugement du tribunal de commerce de Villefranche-Tarare du 5 avril 2018.
Par arrêt du X/X/XXXX, la cour d'appel de Lyon a réformé le jugement et a estimé que SM Europe n'avait commis aucune faute à l'encontre de notre société.
Par la présente nous tenons à présenter nos excuses à SM Europe et vous invitons à ne pas tenir compte du courrier et des messages de dénigrement que nous avons adressés à son encontre.
Veuillez agréer Madame, Monsieur, l'expression de nos sentiments distingués »,
Condamner Groupe Sober à lui verser une somme de 60 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et aux entiers dépens qui comprendront les frais de constat,
Par conclusions déposées le 24 septembre 2019 fondées sur l'article 6 de la CEDH, 122, 341, 342, 455, 458 et 562 du code de procédure civile, L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire, 1240 et 1241 du code civil et L. 642-3 du code de commerce, Groupe Sober demande à la cour de :
Déclarer SM Europe irrecevable à soulever la nullité du jugement déféré en raison de la composition du tribunal,
Juger que ce jugement est conforme aux exigences légales d'impartialité de la juridiction et, en tout état de cause, de motivation,
Déclarer ce jugement valide,
La déclarer recevable à invoquer toutes les fautes commises par SM Europe, notamment celles antérieures au 28 juillet 2017 et à tout le moins au 1er avril 2017,
Réformer le jugement déféré en ce qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice, et le confirmer pour le surplus, (en substance) sur la constatation que les agissements de SM Europe constituent des actes de concurrence déloyale et parasitaire envers elle, sur les interdictions de ces actes sous peine d'astreinte dont la liquidation est réservée à la juridiction commerciale, sur les mesures de publicité par l'envoi des deux lettres sous surveillance d'huissier de justice et sur l'autorisation de publication et/ou diffusion de tout ou partie de la présente décision sur tout support et à la fréquence qu'il lui plaira à ses frais pendant trois mois,
Y ajoutant,
Porter le montant des astreintes prononcées à 500€ par infraction et par jour de retard,
Condamner SM Europe à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi entre le 1er avril 2017 et la décision à intervenir, provisoirement fixé à la somme de 5 851 216€ au 31 août 2019, sauf à parfaire au jour de la décision à intervenir sur la base d'une estimation de perte de marge brute de 198 727€ par mois,
En tout état de cause,
Juger qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du jugement déféré,
Débouter SM Europe de ses demandes reconventionnelles tendant, en substance, à sa condamnation à lui verser 300 000€, à une publication et publicités de l'arrêt à ses frais et sous astreinte,
Débouter SM Europe de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Condamner SM Europe à lui verser la somme de 60 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur la demande d'annulation du jugement
En premier lieu, SM Europe fait grief en substance au premier juge d'une insuffisance de motivation pour n'avoir répondu à aucun des arguments qu'elle a soulevés dans ses 61 pages de conclusions, n'avoir mené aucune analyse des pièces produites aux débats, pour avoir statué en se basant exclusivement sur les allégations de Groupe Sober, par exemple en ne se prononçant pas sur l'incidence des protocoles transactionnels signés entre elle et PPI, sur la consistance des droits dévolus par PPI à Groupe Sober, en ne prenant pas en compte la chronologie, fondamentale dans le litige, ou en commettant des erreurs sur celle-ci, en s'abstenant de référence aux pièces produites pour se contenter de considérations générales, ou en citant imprécisément un document, en commettant des erreurs factuelles ou inexactitudes, par exemple sur le chaînage automatique, et en ne motivant pas les éléments fondant le préjudice estimé à un forfait de 750 000€ tout en procédant à un renversement de la charge de la preuve par le visa du refus de production de la part de Groupe Sober du contrat de distribution la liant à PPI, enfin, en ayant pris un dispositif qui est le copié-collé quasi-parfait du dispositif des conclusions de Groupe Sober.
Ce qui doit être écarté.
A l'examen des termes du jugement, il s'avère que le premier juge, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ce dont la cour n'est pas plus tenue, a effectivement répondu à leurs prétentions par des motifs existants, même exposés succinctement, et il n'était pas plus contraint de viser la ou les pièces fondant telle ou telle décision, dès lors que sa discussion s'est appuyée sur les productions des parties versées à son dossier, sans nécessité non plus pour lui de s'expliquer sur des éléments de preuve qu'il n'a pas pris en considération. Il lui était loisible en outre de reproduire des arguments ou moyens développés par les parties pour asseoir sa décision.
Aucun élément ne conforte une prétendue absence de réponse à conclusions de défense, ni une prétendue absence de motivation des condamnations prononcées.
Surtout, ces griefs ne tendent en réalité qu'à remettre en cause l'appréciation des premiers juges sur leur retenue d'actes engageant la responsabilité de l'appelante, et notamment celle, souveraine, relative à l'estimation du préjudice subi par la demanderesse, que le tribunal a d'ailleurs limité à un tiers de ses prétentions. Ils relèvent en réalité d'une discussion au fond.
En second lieu, SM Europe argue d'un non-respect du droit à un procès équitable, au regard du droit à être jugé par une juridiction indépendante et impartiale.
Ce qui doit être jugé irrecevable.
Si les juges qui ont rendu le jugement déféré ont eu à intervenir dans le cadre des procédures collectives des sociétés Laboratoires Sober, Ormihl-Danet, Inter Ortho et Alteor, et donc dans l'autorisation des plans de cession des actifs de ces sociétés au profit de Groupe Sober, suscitant des rencontres avec le dirigeant de celle-ci (M. X, également ancien dirigeant d'InterOrtho et de ses trois filiales précitées), cette seule circonstance n'établit pas leur partialité ni leur manque d'indépendance. Notamment, la présence dans la composition ayant prononcé le jugement déféré d'un juge-commissaire ayant connu de la reprise par Groupe Sober n'est pas de nature à révéler un doute raisonnable sur son impartialité en l'absence de tout autre élément la caractérisant.
Surtout, cette prétention est irrecevable pour n'avoir pas été sollicitée avant la clôture des débats (article 342 du code de procédure civile).
En effet, le fait que le conseil de SM Europe soit basé à Rennes est inopérant pour fonder sa prétendue méconnaissance du nom des juges appelés à statuer, dès lors qu'il disposait d'un avocat local correspondant, et que le nom des juges s'étant prononcés dans les procédures des sociétés précitées était connu de SM Europe qui communique les jugements afférents.
Est tout aussi inopérant le fait que l'affaire a été fixée à bref délai par le tribunal, ce qui n'a aucune incidence sur la connaissance du nom des juges du tribunal de commerce appelés à siéger au fond dans l'affaire.
Sur les moyens d'irrecevabilité
Au visa des deux protocoles transactionnels qu'elle a conclus avec PPI les 23 mai 2016 et 28 juillet 2017 qui ont, selon elle, mis un terme aux griefs présentement formulés par Groupe Sober, ainsi que du refus de celle-ci de communiquer le contrat de distribution la liant à PPI, SM Europe invoque une absence de qualité et d'intérêt à agir de la part de l'intimée, à qui il appartient selon SM Europe plutôt de se retourner contre son fournisseur (PPI).
SM Europe précise avoir eu vent d'une probable participation de PPI, directe ou indirecte, dans le capital social de Groupe Sober, ce qui expliquerait que Groupe Sober recherche plutôt sa responsabilité (de SM Europe) au lieu de celle de PPI, et elle s'interroge sur les droits concédés par ce fournisseur à Groupe Sober, sans lesquels à ses dires, il est impossible de vérifier la recevabilité de l'intimé.
Groupe Sober rétorque, à bon droit, que sa qualité de distributeur exclusif depuis le 1er avril 2017 de produits de PPI est suffisamment attestée par l'écrit du dirigeant de ce fournisseur du 26 juin 2018 qu'elle communique. Elle justifie le refus de communication du contrat conclu avec PPI par le secret des affaires, ce dont prend acte la cour, qui jugera donc en l'état des productions des parties. Il est d'ailleurs observé que SM Europe n'a pas plus communiqué le contrat de distribution conclu avec PPI lui ayant, avant Groupe Sober, conféré la qualité de distributeur exclusif de PPI.
Groupe Sober soutient également, à juste titre, que la situation de concurrence déloyale qu'elle dénonce de la part de SM Europe lui donne le droit de protéger son activité, ce qui est exact, mais dans le cadre temporel ci-après précité.
En effet, la détention par Groupe Sober de ses droits de distributeur des mains de PPI depuis le 1er avril 2017 la rend irrecevable à agir pour des fautes préjudiciables imputées à SM Europe antérieures à cette date, SM Europe étant restée distributeur exclusif de PPI jusqu'au 30 mars 2017 (sauf exception jusqu'au 30 juin 2017 pour les produits existants comme il sera vu ultérieurement).
Groupe Sober est recevable en revanche pour des faits survenus à compter du 1er avril 2017, ayant qualité à agir eu égard à sa qualité de distributeur de PPI depuis ce jour-là, et sous réserve toutefois que ces faits ne soient pas inclus dans ceux visés et clôturés par le second protocole transactionnel conclu entre SM Europe et PPI le 28 juillet 2017.
Ainsi, Groupe Sober reproche à SM Europe des fautes de nature délictuelle constituées à son égard par des actes de concurrence déloyale valant aussi manquements de la part de SM Europe aux protocoles que celle-ci n'aurait pas respectés selon la version de l'intimée. Le fait que PPI se soit engagée par les protocoles à ne pas agir en concurrence déloyale contre SM Europe, n'interdit pas à Groupe Sober, non partie aux protocoles, d'agir contre SM Europe. Le principe de l'estoppel avancé par SM Europe n'est pas plus applicable.
De plus, la circonstance que le litige exige l'examen des protocoles transactionnels conclus entre SM Europe et PPI, non partie au litige, constitue une considération de fond.
Il en est de même de la question du chaînage des codes ACL à propos de laquelle SM Europe relève qu'aucun préjudice n'est subi par Groupe Sober dès lors qu'elle (SM Europe) a cessé d'utiliser les codes ACL Ezywrap pour les produits équivalents Orliman à partir du 9 février 2017, ce qui relève tout autant du fond du litige.
Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire
Liminaire
SM Europe fait grief au premier juge d'avoir retenu à son encontre des actes de concurrence déloyale au détriment de Groupe Sober.
Celle-ci au contraire, pour appuyer sa demande de confirmation du jugement sur l'existence d'actes fautifs à l'encontre de SM Europe, soutient que, depuis son rachat par Riverside en septembre 2014, SM Europe a mis en place un stratagème savamment orchestré pour :
- d'une part, se départir de son contrat de distribution exclusive avec PPI pour les produits Ezywrap et surtout de l'engagement de non-concurrence qu'il contenait afin d'implanter les produits Orliman en France où ils étaient encore inconnus,
- et d'autre part, déployer ces produits sur le marché sans bourse délier en les présentant comme remplaçant des produits Ezywrap et ainsi économiser le temps et les investissements nécessaires à l'implantation loyale d'une nouvelle marque sur un marché mature.
Les productions des parties autorisent la confirmation du jugement sur la retenue d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de SM Europe, mais partiellement, comme développé ci-après.
S'il est exact que les produits Orliman étaient inconnus en France avant leur distribution par SM Europe, il en avait été de même pour les produits Ezywrap fabriqués par PPI. Ceux-ci étant reçus par SM Europe en vrac, c'est bien SM Europe qui a, par des investissements dont elle justifie y compris en termes d'équipes de commerciaux ainsi que charte graphique et packaging, à convenir toutefois avec le fournisseur, assuré la promotion des produits Ezywrap auprès de son réseau. SM Europe était certes en droit de profiter de tels investissements pour distribuer d'autres produits que ceux de marque Ezywrap, d'autant qu'elle distribuait, comme elle en justifie, de nombreuses autres marques, mais sous la condition que ces autres produits n'entrent pas en concurrence avec ceux fabriqués par PPI par des procédés déloyaux, contraires au principe de la liberté du commerce et de l'industrie.
Tout abus de cette liberté qui cause un trouble commercial est en effet illicite. Il en est ainsi de la reproduction des biens et signes distinctifs d'une entreprise ou encore de la présentation d'un bien dit en remplacer un autre, de nature à engendrer une confusion dans l'esprit de la clientèle, ainsi détournée de certains produits au bénéfice d'autres produits. De plus, est constitutif de parasitisme toute action d'une entreprise destinée à se placer dans le sillage d'une autre en profitant indûment de la notoriété acquise.
Il est d'ailleurs admis entre les parties que les clientèles de Groupe Sober et SM Europe sont identiques, essentiellement les pharmacies, puis les hôpitaux et les orthoprothésistes, et que ces clients passent commande des orthèses principalement par le biais d'intermédiaires d'achats que sont les bases de données, les logiciels de gestion d'officines et les grossistes-répartiteurs.
Les engagements de SM Europe à l'égard de PPI et les protocoles transactionnels
Le litige implique nécessairement la connaissance des éléments ayant lié SM Europe à PPI, même si celle-ci n'est pas partie à l'affaire, puisque, comme exposé plus haut, Groupe Sober invoque au soutien de son action contre SM Europe des fautes délictuelles de la part de SM Europe résultant de ses manquements (à SM Europe) dans l'exécution de ses obligations de (premier) distributeur des produits Ezywrap. Dès lors que Groupe Sober n'invoque pas à l'égard de SM Europe des fautes de nature contractuelle, aucun effet relatif des protocoles n'est ici en jeu.
C'est ainsi que les parties discutent notamment de l'effet des protocoles transactionnels conclus en 2016 puis en 2017, au sujet de deux litiges ayant opposé SM Europe à PPI, dont les éléments essentiels doivent être rappelés pour comprendre la chronologie et l'exacte teneur du conflit.
Le contrat de distribution conclu entre SM Europe et PPI n'est pas communiqué, il est dit daté de 2003 par SM Europe et de 2002 par Groupe Sober qui indique son renouvellement en 2012. Il est donc ignoré si ce contrat comportait pour SM Europe des obligations en termes de non-concurrence.
En revanche, SM Europe verse au débat l'avenant à ce contrat, daté du 27 novembre 2014, dont Groupe Sober souligne à juste titre qu'il est intervenu après le rachat de SM Europe par Orliman (en septembre 2014). Groupe Sober affirme aussi que cet avenant s'appliquait jusqu'en 2022 terme du contrat ce qui n'est pas discuté par l'appelante. En même temps qu'il stipulait un engagement d'achat minimal du distributeur SM Europe, cet avenant a prévu d'ajouter à un article 3.2 du contrat une clause de non-concurrence à charge de SM Europe, ainsi libellée :
« Le Distributeur ne devra pas vendre de nouvelles marques de produits directement en concurrence avec les produits du Fournisseur sur le territoire et dans les segments orthopédiques pertinents. Toutefois, le Distributeur devra être habilité à continuer à vendre les marques et produits SM Europe et Orliman existants qui peuvent entrer en concurrence avec les produits du Fournisseur sur le territoire (voir en annexe 2 la liste des noms des marques). En outre, par souci de clarté, le Distributeur devra rester libre de vendre tout produit ou une marque en dehors de la gamme de produits PPI existants, même dans n'importe quel catalogue ou n'importe quelle brochure SM Europe ».
Sans nécessiter d'interprétation tant la clause de cet avenant est claire, dès lors que SM Europe a entendu distribuer aussi des produits Orliman, il lui était interdit de vendre des produits directement concurrents à ceux de PPI appartenant au même segment, sauf à poursuivre la vente des produits existants au jour de l'avenant.
Groupe Sober souligne, à juste titre, au vu des catalogues 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 édités par SM Europe, que celle-ci avait fait le choix, à cette époque, de commercialiser l'ensemble de ses produits (de plusieurs marques) sous le seul nom Ezywrap, l'utilisant ainsi comme marque d'appel, figurant en titre de ses catalogues, dénomination, packaging, PLV (points de vente) etc., que ces produits vendus sous diverses marques aient été ou non fabriqués par PPI.
Au contraire, les catalogues 2016 et 2017 édités par SM Europe sont titrés Orliman et présentent des modes de merchandising (PLV, packaging) sous la marque Orliman.
C'est effectivement en 2016 (mise en demeure du 4 mai 2016) que PPI, au regard d'une chute drastique des commandes de la part de SM Europe, s'est plainte d'une concurrence déloyale et parasitaire de la part de celle-ci ainsi que d'une rupture brutale des relations commerciales établies entre les deux partenaires, précisément de la vente de produits Orliman directement concurrents de PPI dans le but de créer une confusion dans l'esprit de la clientèle.
Sur la base de l'avenant précité du 27 novembre 2014, pour clore ce premier litige, PPI et SM Europe ont conclu un premier protocole transactionnel daté du 25 mai 2016 aux termes duquel, notamment :
- la fin de relation contractuelle entre PPI et SM Europe a été fixée au 1er avril 2017, avec information effective aux clients de SM Europe de la fin du partenariat avec PPI ;
Ainsi, SM Europe n'a plus été en charge de la distribution des produits Ezywrap de PPI à compter du 1er avril 2017, date à laquelle PPI l'a confiée à Groupe Sober, sauf écoulement par SM Europe de ses stocks Ezywrap jusqu'au 30 juin 2017,
- SM Europe s'engageait à des commandes de produits PPI de 1,5 à 2 millions de dollars en 2016, puis 0,4 à 1 million de dollars en 2017 « (dernière année de partenariat) » ;
Ainsi, le non-respect du chiffre pour 2016 a conduit SM Europe à verser à PPI une indemnité de 600 000US$,
- SM Europe devait « présenter à PPI au plus tard le 30 septembre 2016 un design général et une charte graphique concernant sa nouvelle gamme de produits », PPI admettant sous réserve de cette présentation, son accord de principe pour un design qui aura pour base des produits majoritairement de couleur noire avec un liseré bleu et parfois des parties de couleur grise ;
Ainsi, SM Europe justifie d'un power-point adressé à PPI en annexe d'un courrier du 20 septembre 2016, dont les termes sont dénués de toute ambiguïté puisque SM Europe écrit « Comme convenu dans notre accord de mai 2016, je vous adresse un document reprenant notre design général et charte graphique utilisés pour tous les nouveaux produits développés chez SM Europe sous la marque Orliman » ;
Ce dont il résulte, comme le confirment les copies de pages d'écran annexées au courrier portant la marque Orliman, que cette charte graphique visant notamment des produits et des emballages n'a concerné que les produits Orliman commercialisés par SM Europe, nullement les produits Ezywrap ;
Étant rappelé que ces produits étaient reçus en vrac de PPI, ce power-point écarte l'argument de l'appelante quant à sa liberté prétendue sur l'organisation des modalités de la promotion de ces produits Ezywrap (merchandising etc.).
Un second litige initié par PPI a concerné (initialement) l'usage des « codes ACL » par SM Europe.
Un code ACL (à 13 chiffres) identifie chaque produit (entrant dans la catégorie des produits de santé) pour assurer sa traçabilité. Parmi plusieurs canaux d'approvisionnement des produits, ceux-ci peuvent être commandés directement auprès de SM Europe ou auprès de grossistes-répartiteurs via des plateformes en ligne dédiées en saisissant le code ACL du produit souhaité. L'attribution d'un code ACL est opérée par une association interprofessionnelle dénommée ACL regroupant l'ensemble des partenaires de la distribution des produits de santé (hors médicaments) d'officine et hospitaliers ainsi que grossistes-répartiteurs. Le code ACL, code unique et qui ne peut être réutilisé s'il est supprimé, identifie un produit et un seul produit. Tout changement de marque, de nom, de quantité, forme, couleur etc. d'un produit doit fait l'objet d'une modification du code ACL précisément pour ne pas entraîner de confusion.
SM Europe s'était chargée en sa qualité de distributeur à faire référencer les produits Ezywrap de PPI, mais, contrairement à ce qu'elle prétend en faisant référence aux éléments constitutifs de son fonds de commerce, cette opération ne lui attribue aucun droit de propriété sur ces codes ACL.
Ce second litige a ainsi débuté par une lettre de mise en demeure adressée le 23 décembre 2016 par PPI à SM Europe, la première reprochant des actes de concurrence déloyale à la seconde aux motifs que des produits Orliman étaient commercialisés par SM Europe avec des codes ACL attachés aux produits Ezywrap, puis reprochant à SM Europe une absence de commande en 2017 à hauteur des 400 000 US $ convenus au premier protocole.
A la suite d'une ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 24 février 2017 disant n'y avoir lieu à référé et de la saisine de ce tribunal au fond par PPI, les deux sociétés ont transigé par un second protocole transactionnel du 28 juillet 2017 aux termes duquel, après récapitulatif de leurs griefs, qui inclut notamment «la concurrence déloyale vis-à-vis du marché», PPI s'est désistée de sa procédure et de son action tandis que SM Europe a accepté ces désistements sans formuler aucune demande reconventionnelle (outre engagement respectif de non-dénigrement), ce qui a été conditionné :
- à un règlement, effectif, de 440 000 US $ (cf 1er rapport expert B.) à charge de SM Europe au profit de PPI puisque les commandes par SM Europe auprès de PPI se sont limitées à 115K€ (pièce 61 Groupe Sober),
- à des messages précédemment adressés par SM Europe à sa clientèle au sujet des nouveaux codes ACL (pour référencer des produits Orliman) dès lors que les codes Ezywrap n'étaient plus en vigueur (objet de l'Annexe 1), sur les efforts raisonnables consentis par SM Europe pour délivrer aux pharmaciens tapant les codes ACL Ezywrap afin que ne leur soient pas livrés de produits Orliman sans information (objet de l'Annexe 2) et sur la présentation d'un catalogue général 2017 des produits Orliman par SM Europe (objet de l'Annexe 3) ;
À ce sujet, SM Europe affirme que les informations délivrées à sa clientèle et aux pharmaciens excluent toute faute de sa part dans un mauvais usage des codes ACL, n'étant pas responsable de la maîtrise du logiciel par les pharmaciens.
Les manquements de SM Europe
Groupe Sober impute précisément à SM Europe quatre manquements, dont le dernier est dit avoir été révélé postérieurement au jugement déféré.
Il est rappelé au préalable que, si SM Europe invoque sa liberté d'organisation du réseau de distribution qu'elle a orchestré, elle est tenue par les engagements contractés avec ses fournisseurs, notamment PPI, et si elle insiste pour affirmer que sa clientèle était plus attachée à elle-même qu'aux produits, elle n'en justifie pas, sa clientèle pouvant tout aussi bien souhaiter un produit d'une marque précise.
- 1er manquement : packaging et présentation des produits, entretenant une confusion entre les produits Orliman et les produits Ezywrap
Il a été exposé précédemment qu'à la suite du 1er protocole transactionnel du 25 mai 2016, SM Europe avait adressé à PPI un power-point justifiant de la nouvelle présentation des produits et de leur packaging en annexe d'un courrier du 20 septembre 2016 qui n'a concerné, suivant l'accord de ces deux sociétés, que le produit Orliman, nullement le produit Ezywrap. SM Europe est donc infondée à soutenir que PPi avait validé la charte graphique de ses produits Orliman.
Au soutien de cette faute reprochée à SM Europe, Groupe Sober propose comme élément probant, tout d'abord, les catalogues diffusés par SM Europe en août 2016 et mars 2017, qui en effet présentent :
- au titre du merchandising, un PLV portant en titre uniquement la marque orthopédie Orliman, les produits étant présentés dans des emballages qui, certes, distinguent les deux marques soit Orliman soit Ezywrap par de menus détails, mais qui présentent un visuel global identique, qui n'autorise pas à identifier facilement les produits Ezywrap,
- au titre de la présentation de la gamme correspondant à un siège corporel particulier des orthèses (par exemple, épaule-bras ou poignet-main), une présentation de l'échelle de maintien en phases chronique ou traumatique qui ne distingue nullement les deux marques, aucune mention d'Ezywrap n'y étant notée, et le titre de ces doubles-pages étant systématiquement et uniquement Orliman.
Comme l'indique Groupe Sober, ces présentations sont susceptibles d'induire une confusion entre les deux marques, laissant croire de plus au fait que les produits Ezywrap font partie d'une gamme homogène, voire que des produits Orliman portant le préfixe « Néo » sont des nouveaux modèles d'un même produit.
Cependant, pour contester toute responsabilité à ce titre, SM Europe est fondée à rappeler que ces actes de concurrence, porteurs de confusion, qui sont visés dans l'assignation en référé initiée par PPI contre SM Europe le 8 juin 2017, sont à l'origine du second protocole transactionnel du 28 juillet 2017 qui les mentionne expressément. Ils ont donc été transigés.
Aussi, à défaut pour Groupe Sober de prouver des actes déloyaux de la part de SM Europe postérieurs à cette date, ou différents de ceux transigés, sa démonstration doit être écartée.
- 2e manquement : diffusion d'une information erronée aux clients et partenaires
Groupe Sober reproche à SM Europe de n'avoir pas adressé l'information prévue au second protocole du 28 juillet 2017, par lequel celle-ci s'engageait à mettre un terme à la confusion qu'elle faisait régner chez ses clients et prospects en les informant d'une note de quatre pages d'une part, qu'elle cessait la distribution des produits Ezywrap, et d'autre part, qu'un nouveau distributeur Ezywrap serait agréé.
Un tel engagement pour SM Europe résulte en effet des termes du second protocole et de son annexe 1 listant les clients ayant reçu le message relatif aux nouveaux codes et sur le fait que les codes Ezywrap n'étaient plus en vigueur, ainsi que de son annexe 2 montrant les efforts de SM Europe pour délivrer une information aux pharmaciens tapant les codes ACL Ezywrap afin que ne leur soit plus livré de produit Orliman sans information.
SM Europe communique le constat d'huissier du 17 mars 2017 prouvant l'exécution par elle de la diffusion du communiqué commun avec PPI pour l'annonce de la fin de leur partenariat en France, que Groupe Sober n'est pas fondé à critiquer.
Celle-ci ne justifie pas plus du fait que SM Europe a fait parvenir à ses clients un catalogue qui serait comme elle le prétend d'une part, non validé par PPI présentant les produits Orliman comme remplaçant les produits Ezywrap, et d'autre part, qui n'était accompagné que des pages 3 et 4 de la note validée avec PPI à l'exclusion des pages 1 et 2 qui sont les seules à indiquer que les produits Ezywrap seront toujours disponibles auprès d'un tiers.
En effet, parmi les preuves qu'elle propose, aucune ne vise ces griefs, concernant plutôt la problématique des codes ACL (cf le 3è manquement), évoqué par le constat d'huissier du 17 février 2017 versé au débat par SM Europe et par celui du 19 septembre 2017 que Groupe Sober communique.
Le protocole indique que le désistement de PPI, accepté par SM Europe, est lié à la bonne exécution de ces deux actions. Or, il n'est pas discuté par les deux parties que ce désistement de la part de PPI et l'acceptation de SM Europe sont intervenus postérieurement, ce dont il se déduit que les actions opérées par SM Europe auprès de sa clientèle ont été réalisées conformément au protocole.
A défaut d'autre élément probant, aucun acte fautif n'est en conséquence retenu de ce chef.
- 3e manquement : chaînage des codes ACL
En dépit de l'information sus-visée aux pharmaciens, et en violation de ses engagements pris dans le cadre du second protocole du 28 juillet 2017, SM Europe a sollicité des éditeurs de logiciels et de bases de données qu'ils associent les anciens codes ACL désignant les produits Ezywrap aux produits Orliman, procédé dénommé « chaînage », alors que les codes ACL dont bénéficiait SM Europe pour désigner les produits Ezywrap étaient la seule propriété de l'ACL.
Les éléments communiqués par les parties au sujet de ces codes établissent qu'en effet, ce seul droit d'usage conféré à SM Europe devait l'obliger, à l'expiration du terme du contrat de distribution soit au 1er avril 2017, sauf pour les produits Ezywrap existants jusqu'au 30 juin 2017, à solliciter l'attribution de nouveaux codes ACL pour désigner les produits Orliman, sans pouvoir utiliser les codes antérieurement affectés aux produits Ezywrap qu'elle devait cesser d'utiliser, et à communiquer spontanément la suppression de ces codes aux éditeurs des bases de données et de logiciels.
Or, le chaînage frauduleux ultérieurement organisé par SM Europe a été constaté par huissier de justice fin septembre 2017 dans un grand nombre de pharmacies et sur les logiciels les plus utilisés par les officines de pharmacie, comme le démontrent le constat du 19 septembre 2017 et les sept constats datés des 20 septembre 2017 communiqués par Groupe Sober, dont les dates sont postérieures au 30 juin 2017 jour ultime jusqu'auquel SM Europe avait le droit d'écouler ses produits existants, et postérieures aussi au protocole transactionnel du 28 juillet 2017 qui n'a pas pu les régler.
Ces procès-verbaux prouvent par le biais notamment de simulations de commandes, une confusion totale par le biais des codes ACL entre les marques Ezywrap et Orliman, celle-ci étant présentée tantôt comme une nouvelle marque ayant succédé à la première ou l'ayant expressément remplacée, ou certains produits Orliman étant présentés comme remplaçant d'autres produits Ezywrap équivalents. A aucun moment, il n'a été repéré que SM Europe avait laissé à un autre distributeur le soin de diffuser les produits Ezywrap, une notice mentionnant au contraire la possibilité pour SM Europe-Orliman de pouvoir honorer une commande Ezywrap dans la limite des stocks disponibles en appelant un numéro de téléphone, précisé.
En revanche, si Groupe Sober communique des témoignages de pharmaciens des 21 et 29 octobre 2016 ainsi que 13 janvier 2017, qui, commandant des produits Ezywrap, ont reçu et ont été facturés de produits Orliman, ou qui ont révélé qu'un code identique référençait deux produits Ezywrap et Orliman, ainsi qu'un constat d'huissier du 14 décembre 2016 opéré auprès du grossiste-répartiteur OCP-Répartition, qui établit que des commandes de produits Ezywrap ont donné lieu à des arrivées de produits Orliman, ces pièces sont datées de la période antérieure au second protocole du 28 juillet 2017, qui les ont donc incluses dans la transaction. Elles ne peuvent donc plus soutenir un grief dans le cadre de la présente instance.
Revenant aux actes postérieurs, révélés par les nombreux constats précités de septembre 2017, SM Europe tente de se dédouaner en soulignant en premier lieu, que, ayant demandé de nouveaux codes ACL dès septembre 2016 au début de la commercialisation de produits Orliman, elle a communiqué clairement sur ce changement de code, et en second lieu, sans avoir mis en place de chaînage interdit, et que le tribunal a qualifié de chaînage ce qui n'était selon elle qu'une proposition de substitution d'un produit à un autre. Elle vise ainsi un constat du 4 septembre 2017 qui démontre que 4 tests opérés chez un pharmacien ont conduit à vérifier l'automaticité du changement de code SM Europe en un code Sober.
Sur le premier point, alors même que SM Europe admet dans ses écritures avoir tardé à solliciter de nouveaux codes s'agissant de 4 produits soit 25 codes pour 25 références (alors qu'elle distribuait les produits Ezywrap sous 142 codes, soit 17'%), codes obtenus seulement le 19 janvier 2017 pour une mise en place au 9 février 2017, ACL atteste, par courriel et listing annexé, de la suppression de la commercialisation par SM Europe d'anciens codes désignant des produits Ezywrap, à la date seulement du 18 décembre 2017, accréditant une antériorité concurrentielle.
Sur le second point, iI est exact que SM Europe établit que, dans le déroulé d'une commande, le praticien, certes professionnel averti, doit valider son choix par deux fois pour, finalement, commander un produit Orliman, après qu'il lui ait été indiqué que le produit Ezywrap soit « ne se fait plus » soit est «en arrêt de commercialisation», ce qui est aussi confirmé par le constat du 13 décembre 2017 qu'elle produit.
Cependant, même si ce procédé aboutit à la délivrance de l'information que le produit Ezywrap n'est plus disponible dans la base des produits distribués par SM Europe, les anciens codes Ezywrap ne devaient pas aboutir à une commande Orliman, qui a été effective, et alors qu'aucun élément ne prouve un manquement des praticiens dans l'usage des codes au sein de leur propre logiciel.
Groupe Sober est en conséquence fondée à critiquer un chaînage sciemment organisé par SM Europe, qui n'est pas seulement une proposition de substitution de produits, révélateur d'une automaticité en bien plus grand nombre de ces renvois sur des produits Orliman, telle que SM Europe l'avait été déjà organisée antérieurement au second protocole.
De plus, ce qui atteste de la même antériorité frauduleuse, après prononcé du jugement déféré, SM Europe a fait constater par procès-verbal d'huissier du 16 avril 2018 avoir procédé à des modifications système aboutissant à la suppression du lien entre les codes ACL SM Europe/Ezywrap et les codes ACL SM Europe/Orliman auprès des éditeurs du logiciel officine Winpharma, ainsi qu'auprès de la société Vidal propriétaire de bases de données (cf les courriels de ces derniers des 2 et 11 septembre 2017), ainsi qu'à la suppression, dans le protocole de passation des commandes Pharma ML des fichiers disponibilité et substitution antérieurement affectés aux produits Ezywrap, preuves du détournement de commandes massif organisé par SM Europe.
Ces fautes liées au chaînage ACL sont caractérisées.
- 4e et nouveau manquement : utilisation frauduleuse de la dénomination Ezywrap pour désigner des produits Orliman
En 1er volet, ce manquement concerne un nom de domaine.
Groupe Sober expose qu'elle a découvert ensuite du prononcé du jugement, l'existence d'un nom de domaine www.smeurope-ezywrap.com qui était affecté d'un renvoi automatique vers le site internet www.orliman.fr, s'effectuant en deux étapes d'abord depuis www.smeurope-ezywrap.com vers www.smeurope.fr, puis de ce dernier vers www.orliman.fr, ce dont elle justifie par la production de sa pièce 44 portant la date du 23 septembre 2017.
Par ce renvoi, l'internaute utilisant www.smeurope-ezywrap.com visualisait sur son navigateur le site internet de SM Europe et donc la présentation des produits Orliman.
SM Europe conteste ce grief en sollicitant d'une part que la pièce 44 soit écartée des débats, au motif qu'elle est issue du site <www.archives.org> dont la jurisprudence dit l'irrecevabilité en l'absence de sa fiabilité. Cependant, outre que cet argument s'appuie sur un arrêt de cour d'appel visant des pages tirées de ce site en 2007, alors que celles proposées dans ce litige sont datées d'une période bien postérieure de 2017, cette pièce est soumise à l'appréciation de la cour, au même titre que les autres productions des parties, de sorte que la demande doit être rejetée.
D'autre part, SM Europe souligne qu'aucun renvoi direct n'est opéré entre les deux sites, ce qui est inopérant dès lors que ce renvoi même indirect aboutit à une visualisation quasi-immédiate des produits Orliman non initialement sollicités.
Encore, les échanges de courriels d'avril 2017 communiqués par SM Europe ne démontrent pas l'effectivité du transfert au bénéfice de Groupe Sober de divers noms de domaine dont celui précité, dont le transfert est dit « en cours » ce qui exclut la démonstration de son caractère effectif et définitif.
Au demeurant, si le constat d'huissier du 12 avril 2018 produit par SM Europe, en dépit des captures d'écran peu lisibles qu'il annexe, illustre l'absence de renouvellement de ce nom de domaine en 2018 et la suppression du renvoi automatique vers son site internet, ce constat ne permet pas d'authentifier le bénéfice transmis à Groupe Sober lorsque celui-ci est devenu distributeur de PPI une année avant, en avril 2017.
En second volet, Groupe Sober est fondé à reprocher à SM Europe son utilisation de la dénomination Ezywrap, non seulement pour renvoyer vers ces produits, mais également pour désigner ses produits Orliman sur les logiciels et sur les bases de données qui sont diffusées aux pharmaciens via les logiciels de gestion de leurs officines, après que le fabricant ou le distributeur tel que SM Europe, ait transmis la description des produits et leurs dénominations.
Groupe Sober établit en effet, par un listing associé à des commandes de pharmaciens au cours de la période du 13 avril au 31 mai 2018, qu'à la suite de l'envoi des courriers d'information postérieurement au prononcé du jugement (communiqués), qui a entraîné la mise à jour manuelle par certains destinataires pour remplacer SM Europe par Groupe Sober en qualité de distributeur des produits Ezywrap, il a reçu des demandes de livraison de produits Orliman comportant un code ACL Orliman mais dont l'intitulé informatique contenait la dénomination Ezywrap, frauduleuse, alors qu'ils n'étaient pas de la fabrication de PPI.
Groupe Sober indique en effet, ce qui est retenu au regard des productions, qu'il revient au fabricant ou au distributeur de produits de transmettre aux éditeurs de bases de données (Vidal, Claude B.) les descriptions des produits et leurs dénominations, qui sont ensuite diffusées aux pharmaciens via les logiciels de gestion de leurs officines.
La fraude est donc bien imputable à SM Europe, qui a communiqué aux bases de données une dénomination fausse de produits.
A ce propos, SM Europe ne justifie pas d'une confusion qui aurait résulté pour les praticiens des termes du courrier d'information reçu suite au jugement.
Ce grief est donc également retenu à l'encontre de SM Europe.
Les autres défenses de SM Europe
Pour protester contre les accusations de la part de Groupe Sober, SM Europe entend démontrer que ce nouveau distributeur, après le terme de son propre contrat, au 1er avril 2017, n'était pas prêt ni préparé à assurer ses engagements de distribution des produits Ezywrap, compte tenu de son retard prétendu à solliciter ses propres codes ACL (codes Sober), à éditer son catalogue et à engager des commerciaux.
Les productions des parties, notamment le constat d'huissier du 19 décembre 2017 produit par SM Europe et les catalogues Sober versés par l'une et l'autre partie, prouvent au contraire que Groupe Sober a obtenu l'attribution de codes ACL pour les produits Ezywrap à partir du 20 avril 2017 et a édité un premier catalogue en avril 2017, ce qui, au regard d'un démarrage d'activité au 1er avril 2017 n'est pas critiquable. Quant à la force de vente, Groupe Sober justifie de 4 embauches successives à compter du 1re mars 2017, pour chiffrer un effectif moyen mensuel de 13 ou 10 salariés pour la période du 1er avril 2017 au 31 mai 2018 suivant attestation de son commissaire aux comptes. SM Europe qui avance le chiffre de ses 43 commerciaux, n'a pas plus établi que ces derniers étaient tous affectés aux produits Ezywrap. L'affirmation de SM Europe même appuyée par divers tableaux et frises chronologiques, tendant à dire selon elle que Groupe Sober n'a débuté la commercialisation des produits Ezywrap qu'en septembre 2017, avec un catalogue prétendument imprimé en septembre 2017 et avec un site inexploitable, est donc erronée.
Surtout, à supposer même que Groupe Sober ait tardé à assurer le circuit de distribution des produits Ezywrap, ce qui n'est pas démontré, ce fait n'est nullement exonératoire pour SM Europe qui a, au contraire, comme précédemment motivé et en dépit des sévères avertissements résultant des deux protocoles conclus avec PPI et des indemnités versées par deux fois pour compenser aussi son non-respect des engagements de commandes, poursuivi des actes concurrentiels déloyaux relativement aux produits Ezywrap, sabotant le marché comme le dit exactement Groupe Sober dans ses écritures, pour un profit tourné vers ses propres produits Orliman, directement concurrents.
Il en est de même de l'affirmation de la part de SM Europe que Groupe Sober devrait se retourner contre son fournisseur, alors d'une part que PPI est absente de cette instance et donc ne peut être critiquée, d'autre part que la présente action de Groupe Sober est fondée sur des manquements délictuels de la part de SM Europe et non pas de PPI, et enfin, qu'il appartient à chaque plaideur d'engager et de mener toute action qu'il estime utile.
Sur la réparation du préjudice subi par Groupe Sober
Les deux griefs retenus à l'encontre de SM Europe, sur les quatre invoqués par Groupe Sober, ont conduit à un indéniable préjudice subi par l'intimée, à raison des manœuvres opérées par SM Europe par l'usage frauduleux des codes ACL, du nom de domaine et de la dénomination Ezywrap au profit des produits Orliman, ayant conduit à une confusion entre les produits et un détournement avéré de commandes.
Groupe Sober est donc fondée à solliciter la réparation intégrale de son préjudice afin d'être rétablie dans la possibilité de développer paisiblement et sans trouble la distribution exclusive en France des produits Ezywrap.
L'indemnisation
En cause d'appel, Groupe Sober a sollicité une analyse financière auprès de M. B. (cabinet Bruyas Moncorgé & associés) inscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour, qui a rédigé un premier rapport le 9 juillet 2018, pour contrarier l'indemnisation forfaitaire accordée par le premier juge (750 000€) alors qu’elle avait calculé son préjudice, dit de 2 millions fin 2017 à parfaire de 250 000€ par mois, préjudice qui se poursuit selon elle jusqu'au jour du prononcé du présent arrêt, sur les ventes manquées en fonction du chiffre d'affaires de SM Europe entre 2010 et 2017 pour opérer une moyenne entre les «années fastes et les années où SM Europe s'est détournée d'Eazywrap».
En réplique, SM Europe a sollicité l'intervention de M. B. également inscrit sur cette liste, qui a rédigé un rapport le 19 février 2019.
M. B. a répliqué par un second rapport le 23 mai 2019, que M. B. a critiqué dans un second rapport du 11 septembre 2019, également contesté par M. B. dans un écrit du 19 septembre 2019.
Les experts ont ainsi longuement développé un raisonnement contraire.
De la discussion des parties appuyée sur leurs productions, notamment ces expertises privées, la cour retient tout d'abord que l'indemnisation allouée à Groupe Sober doit compenser les ventes non réalisées depuis le 1er avril 2017 en raison de la confusion entretenue par SM Europe et ses détournements, étant précisé que leurs effets perdurent même postérieurement à leur constatation, notamment par le fait de l'automaticité de commande au sein des logiciels de gestion des officines.
Ensuite, ce préjudice n'est pas nul comme le conclut l'expert B. et SM Europe à sa suite, en affirmant que la présence des produits PPI a très fortement diminué sur le marché français en 2017 «en parfait accord avec cette société», alors qu'en réalité, cette diminution drastique des produits PPI, et donc leur moindre visibilité sur le marché, «inondé des produits Orliman» selon l'expression de l'expert, est précisément corrélée aux actes concurrentiels développés par SM Europe qui l'a amenée à indemniser PPI par de lourdes sommes des conséquences des actes commis avant le 28 juillet 2017 (date du second protocole), actes qu'elle a poursuivis ensuite.
Autrement dit, le fait pour SM Europe d'avoir contraint PPI à un courant d'affaires négocié, fort réduit avant cette date, n'implique pas la faiblesse structurelle du marché dont Groupe Sober aurait dû se contenter pour la période à compter de sa prise de qualité de distributeur.
Le préjudice de Groupe Sober n'est pas plus estimable, comme le dit l'expert B., à une perte de marge limitée à 7,5K€ dans l'hypothèse, qui a été effectivement retenue par la cour, d'une utilisation abusive des codes ACL par SM Europe, ce chiffre étant calculé par l'expert suivant un pourcentage au profit de Groupe Sober de 10'% maximum du chiffre d'affaires réalisé par SM Europe soit 1,6 % de son chiffre d'affaires total, sur l'estimation que le chiffre d'affaires de SM Europe se réalise par les codes ACL seulement à hauteur de 16 %.
En effet, ces estimations ne tiennent compte que des actes liés aux codes ACL, et elles sont d'autant moins fiables que l'expert rappelle, à juste titre, que ces calculs ont été déterminés suivant un taux de la marge perdue alors que la jurisprudence retient plutôt la marge sur coût variable, donnée ignorée.
Il est noté en revanche, que le pourcentage de taux de marge retenu tant pour SM Europe que pour Groupe Sober est proche, de 57'% environ, de sorte que SM Europe est infondée à prétendre que le calcul de Groupe Sober est erroné en ce qu'il serait corrélé à son propre taux de marge (de SM Europe), ce dernier justifiant de ce taux par une attestation de son expert-comptable et de son commissaire aux comptes.
Quant à l'analyse émanant de M. B. effectuée pour le compte du Groupe Sober, elle repose sur une extrapolation du chiffre d'affaires que SM Europe aurait pu réaliser avec les produits Eazywrap sur les années 2016 à 2018, dont est tiré un pourcentage de 20'% pour calculer celui que Groupe Sober aurait pu réaliser compte tenu de 5 années dites nécessaires pour un nouveau distributeur afin de bénéficier du même chiffre d'affaires. Ainsi, l'expert chiffre à 2 943 770€ la perte de chiffre d'affaires du 1er avril au 31 décembre 2017 et à 1.743.219€ celle du 1er janvier au 31 mai 2018 (le rapport datant du 31 juillet 2018), d'où il déduit une perte de marge commerciale (sur le taux moyen précité de 57%) de 1 667 949€ pour ces 9 mois de 2017 et 993 635€ pour ces 5 mois de 2018. Il ajoute que le préjudice de Groupe Sober se poursuit mois par mois tant que SM Europe n'aura pas cessé l'ensemble de ses pratiques pour une marge perdue provisoirement chiffrée à 198 727€ sur la même base de chiffre d'affaires.
Il est observé que ce calcul est erroné en ce qu'il ne tient pas compte des ventes (des seuls produits Eazywrap) effectivement réalisées par Groupe Sober, même faibles, chiffrées à 142 751,67€ pour la période du 1er avril au 31 décembre 2017 et à 117 298,23€ pour la période du 1er janvier au 31 mai 2018. Leur montant doit être déduit pour conduire à la perte réelle de marge, sans compter que doit être considéré, comme rappelé précédemment, le taux de marge sur coûts variables.
De ces éléments conjugués, la cour retient au final que les actes concurrentiels ont nécessairement inféré un préjudice pour Groupe Sober, fondée à espérer profiter d'une croissance globale du marché, mentionnée par les deux experts, même s'il doit aussi être considéré d'une part, qu'en sa qualité de nouveau distributeur exclusif de PPI, l'intimée ne disposait pas de la même force de vente que SM Europe, distributeur de PPI depuis 14 ans et bien installée sur le marché, et d'autre part, qu'il doit être tenu compte de la multiplicité des modes de commandes, opérées en grand nombre sur la plateforme Pharma ML (avec usage des codes ACL), mais aussi par le biais des commerciaux en tournée des officines, et encore par fax ou téléphone auprès du distributeur.
Surtout, le préjudice subi par Groupe Sober s'analyse nécessairement, non pas en un gain manqué, qui devrait s'appuyer en tous cas sur la marge sur coûts variables comme déjà dit, mais en une perte de chance de réaliser plus de ventes de produits Eazywrap non atteints par la confusion et les détournements orchestrés par SM Europe, perte de chance à laquelle celle-ci conclut très subsidiairement dans les motifs de ses écritures.
Or, juridiquement, la perte de chance indemnisable consiste en la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procurée cette chance si elle s'était réalisée.
Eu égard à ces éléments d'appréciation, la cour fixe la perte de chance subie par Groupe Sober à la somme de 1,2 million d'€, somme au paiement de laquelle SM Europe est condamnée, étant précisé que la somme de 750 000€ versée par SM Europe auprès de la SCP Fradin Tronel & Associés huissiers de justice à Lyon sur prescription de la juridiction du premier président sera déconsignée et imputée sur la condamnation.
Les autres modalités de réparation
En premier lieu, alors que Groupe Sober ne démontre pas d'actes fautifs renouvelés de la part de SM Europe après le 31 mai 2018, Groupe Sober est déboutée de ses demandes d'interdictions sous astreinte majorée à l'égard de SM Europe, toujours susceptible de nouvelle poursuite en cas de récidive.
En second lieu, quant aux mesures de publicité et publication requises, alors qu'est clôturée la fixation du préjudice subi par Groupe Sober (il ne l'était pas en première instance, ce qui justifiait partie des mesures accessoires prises par le premier juge correspondant à celles que la juridiction du premier président a confirmées), il apparaît nécessaire de rétablir la confiance entre les acteurs du marché, également entre distributeurs, en évitant une escalade de mesures accessoires pour un coût disproportionné.
Par conséquent, Groupe Sober est déboutée de ses demandes de publicité par envoi de courriers, quels que soient leurs termes et destinataires proposés.
Elle est en revanche autorisée à faire publier l'extrait repris au dispositif du présent arrêt, dans 5 publications de son choix ainsi que sur son propre site internet et sur celui de SM Europe, pendant une durée limitée à 3 mois, aux frais de SM Europe, sans que chaque insertion papier ou numérique ne puisse excéder la somme de 2 000€ HT.
Sur les dommages-intérêts relatifs à l'exécution du jugement
SM Europe soutient que Groupe Sober lui est redevable de 300 000€ de dommages-intérêts dès lors que, par la faute de l'intimée, elle a subi une exécution brutale, précipitée et excessive des dispositions du jugement déféré assorti de l'exécution provisoire.
Une telle demande est infondée dès lors que preuve n'est pas apportée d'un abus de la part du Groupe Sober dans l'exécution de ces dispositions, par dénaturation ou dénigrement de l'adversaire, d'autant que SM Europe, par sa saisine de la juridiction du premier président, a obtenu la limitation de leurs effets. Ainsi, les mesures effectivement exécutées contre SM Europe l'ont été à bon droit, sans faute démontrée à l'encontre de Groupe Sober. De plus, l'exercice d'une saisie-attribution en exécution d'une condamnation judiciaire ne peut pas être fautive sans caractérisation d'abus, inexistant en l'espèce.
SM Europe est d'autant moins fondée à critiquer cette exécution du jugement par l'intimé qu'elle se voit condamnée par le présent arrêt qui confirme, même par motifs substitués, pour une large part, les actes fautifs imputés à SM Europe par le premier juge, auxquels sont ajoutés des griefs datant de la période postérieure au jugement.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Partie perdante, SM Europe supporte la charge des dépens de première instance et d'appel, ainsi que celle d'une indemnité de procédure au profit de Groupe Sober.
Pour plus de lisibilité du présent arrêt, le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Rejetant la demande de la société SM Europe tendant à l'annulation du jugement déféré fondée sur l'absence de réponse à ses conclusions en défense et de motivation des condamnations prononcées,
Jugeant la société SM Europe irrecevable, du chef du non-respect de son droit à un procès équitable, à soulever la nullité du jugement déféré en raison de la composition du tribunal,
Jugeant la société Groupe Sober recevable en ses demandes mais seulement pour les actes imputés à faute à l'encontre de la société SM Europe à compter du 1er avril 2017 et non inclus dans le second protocole transactionnel conclu entre les sociétés SM Europe et PPI le 28 juillet 2017,
Déboutant la société SM Europe de sa demande de voir écarter la pièce 44 de la société Groupe Sober,
Infirme le jugement déféré du 5 avril 2018, statuant à nouveau et ajoutant,
Juge que la société SM Europe a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société Groupe Sober par le chaînage des codes ACL destiné à semer la confusion entre les produits Ezywrap distribués par le seul Groupe Sober à compter du 1er avril 2017 (sauf produits existants jusqu'au 30 juin 2017) et ses produits Orliman, ainsi que, lors de la période postérieure au prononcé du jugement déféré, par l'utilisation frauduleuse d'un nom de domaine et de la dénomination Ezywrap pour désigner des produits Orliman,
Condamne la société SM Europe à verser à la société Groupe Sober une indemnisation de 1,2 million d'€ en réparation de son préjudice tiré de sa perte de chance corrélée aux actes précédemment imputés à la société SM Europe,
Dit que la somme de 750 000€ versée par SM Europe auprès de la SCP Fradin Tronel & Associés huissiers de justice à Lyon sur prescription de la juridiction du premier président sera déconsignée et imputée sur la condamnation,
Autorise la société Groupe Sober à publier dans 5 publications de son choix ainsi que sur son propre site internet et sur celui de la société SM Europe, pendant une durée limitée à 3 mois, aux frais de la société SM Europe, pour un coût maximum de chaque insertion papier ou numérique fixé à 2 000€ HT, l'extrait suivant :
« Par arrêt du 4 mars 2021, la cour d'appel de Lyon, statuant sur le recours formé par la société SM Europe à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne du 5 avril 2018 a, en substance, retenu à l'encontre de la société SM Europe des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société Groupe Sober par le chaînage des codes ACL destiné à semer la confusion entre les produits Ezywrap distribués par le seul Groupe Sober à compter du 1er avril 2017 (sauf produits existants jusqu'au 30 juin 2017) et ses produits Orliman, ainsi que, lors de la période postérieure au prononcé du jugement déféré, par l'utilisation frauduleuse d'un nom de domaine et de la dénomination Ezywrap pour désigner des produits Orliman.
L'arrêt a condamné la société SM Europe à verser à la société Groupe Sober une somme de 1,2 million d'euros, outre indemnité de procédure de 50 000 euros et charge des entiers dépens.
Il a en outre autorisé la publication du présent extrait dans 5 publications au choix de la société Groupe Sober ainsi que sur les sites internet des sociétés Groupe Sober et SM Europe, pendant une durée de 3 mois, aux frais de SM Europe »,
Déboute la société Groupe Sober de ses demandes d'interdictions sous astreinte et de plus amples publicités,
Juge que la société Groupe Sober n'a commis aucune faute dans l'exécution du jugement déféré et déboute la société SM Europe de sa demande de dommages-intérêts,
Condamne la société SM Europe à verser à la société Groupe Sober une indemnité de procédure globale de 50 000€,
Dit que les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la société SM Europe.