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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 11 mars 2021, n° 18/08014

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Air Way Connect (SARL)

Défendeur :

Houra (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Lignières

Avocats :

Me Bouzidi Fabre, Me Salgado, Me Boubée, Me Coulibaly

T. com. Paris, du 3 avr. 2018

3 avril 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Air Way Connect est une société spécialisée dans le transport.

La société Houra a pour activité la vente sur internet et la livraison à domicile de produits de grande consommation à prédominance alimentaire.

Le 14 septembre 2011, les sociétés Air Way Connect et Houra ont conclu un « contrat de prestations IDF de services transport » pour une durée de trois mois. Aux termes de ce contrat, la société Air Way Connect avait pour mission d'assurer le transport routier et la livraison des produits de la société Houra auprès de ses clients.

Ce contrat a été prorogé par avenants successifs. Le dernier avenant daté du 15 juin 2014 prorogeait le contrat pour une durée d'un an jusqu'au 15 juin 2015.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 mars 2016, la société Air Way Connect a mis en demeure la société Houra de lui régler la somme de 323 815,16 euros en réparation du préjudice subi résultant d'une rupture brutale des relations commerciales au mois de juin 2015 et en remboursement de retenues au titre de pénalités contractuelles injustifiées.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 mars 2016, la société Houra a contesté être à l'origine de la rupture des relations.

Par acte du 18 juillet 2016, la société Air Way Connect a assigné la société Houra devant le tribunal de commerce de Paris, aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 270 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies, ainsi que la somme de 28 815,16 euros en remboursement des sommes déduites de manière injustifiée et la somme de 25 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait desdites déductions systématiques opérées.

Par jugement du 3 avril 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Air Way Connect de sa demande de 270 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales,

- dit la société Air Way Connect irrecevable en sa demande de remboursement des déductions et refacturations et l'en a déboutée,

- débouté la société Houra de sa demande de dommages et intérêts et d'amende civile,

- condamné la société Air Way Connect à payer à la société Houra la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- condamné la société Air Way Connect aux dépens.

Par déclaration du 16 avril 2018, la société Air Way Connect a interjeté appel contre ce jugement en ce qu'il a :

- débouté la société Air Way Connect de sa demande de 270 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales ;

- dit la société Air Way Connect irrecevable en sa demande de remboursement des déductions et refacturations et l'en a déboutée ;

- débouté la société Air Way Connect de sa demande de condamnation de la société Houra à payer à la somme de 28 815,16 euros en remboursement des sommes déduites de manière injustifiée ;

- débouté la société Air Way Connect de sa demande de condamnation de la société Houra à payer à la somme de 25 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des difficultés de trésorerie découlant des retenues indues ;

- condamné la société Air Way Connect à payer à la société Houra la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté la société Air Way Connect de sa demande de condamnation de la société Houra à payer la somme de 5 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Air Way Connect aux dépens.

La société Houra a soulevé un incident, par conclusions du 22 mai 2019 adressées au conseiller de la mise en état, tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions notifiées par la société Air Way Connect le 11 janvier 2019.

Par ordonnance du 24 octobre 2019, le conseiller de la mise en état a dit que la demande de la société Houra tendant à l'irrecevabilité de conclusions signifiées par la société Air Way Connect le 11 janvier 2019 excédait ses pouvoirs, au visa des articles 910-4 et 914 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions du 11 janvier 2019, la société Air Way Connect demande à la cour de :

Vu l'article L. 442-6- I 5° du code de commerce,

Vu L'article L. 44-6- I-2° du code de commerce,

Vu L'article L. 442-6- I-8° du code de commerce,

L'article L. 324-14 du code du travail,

- dire et juger la société Air Way Connect recevable et bien fondée en ses demandes,

En conséquence,

- constater l'absence de préavis caractérisant la rupture brutale des relations commerciales par la société Houra au préjudice de la société Air Way Connect,

- condamner la société Houra à payer à la société Air Way Connect la somme de 270 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales sans octroi de préavis, ayant eu pour conséquence une cessation d'activité,

- condamner la société Houra à payer à la société Air Way Connect une indemnité de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts et de répétition de l'indu. En remboursement des sommes déduites de manière injustifiée et déterminées par l'expert-comptable. Ainsi que le rétablissement du paiement des prestations facturées, sur la base du prix convenu, sans application du coefficient malus/bonus,

- requalifier le contrat de sous-traitance entre la société Air Way Connect et la société Houra en contrat de travail, et de condamner la société Houra a une solidarité de paiement des contributions sociales et fiscales non réglées ainsi qu'à une somme de 54 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouter la société Houra de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société Houra à payer à la société Air Way Connect la somme de 5 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions du 11 septembre 2020, la société Houra demande à la cour de :

Vu les articles 564, 908 et 910-4 du code de procédure civile,

Vu les articles 1134, 1147 anciens et suivants du code civil,

Vu l'article L. 442-6- I 5° et L. 133-6 du code de commerce,

Vu les articles 32-1, 699 et 700 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 1411-1 et suivants du code du travail,

In limine litis :

- déclarer irrecevables les conclusions signifiées et pièces nouvelles (pièces 31 à 64) communiquées par la société Air Way Connect le 11 janvier 2019,

- se déclarer incompétente pour connaître des demandes de requalification du contrat de sous-traitance liant la société Air Way Connect à la société Houra en contrat de travail,

En tout état de cause :

- recevoir la société Houra en ses conclusions et la déclarer bien fondée,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 03 avril 2018 en ce qu'il a débouté la société Air Way Connect de sa demande de 270 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 03 avril 2018 en ce qu'il a dit la société Air Way Connect irrecevable et débouté la société Air Way Connect en sa demande de remboursement des déductions et refacturations,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 03 avril 2018 en ce qu'il a débouté la société Houra de sa demande de dommages et intérêts et d'amende civile,

Statuant à nouveau,

- constater qu'en soumettant tardivement, dans le cadre de la présente action, et sur la base d'assertions gravement mensongères, des demandes totalement infondées, la société Air Way Connect a fait dégénérer le droit d'agir en justice en abus, au sens de l'article 32-1 du code de procédure civile,

En conséquence,

- condamner la société Air Way Connect au paiement d'une amende civile d'un montant de 3 000 euros,

- condamner la société Air Way Connect à payer à la société Houra la somme de 100 000 euros au titre de dommages intérêts,

- condamner la société Air Way Connect à payer à la société Houra la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Air Way Connect aux entiers dépens.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 septembre 2020.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour observera que l'ensemble des pièces énumérées au bordereau annexé aux conclusions du 11 janvier 2019 de la société Air Way Connect ne lui a pas été transmis.

Par message adressé le 18 février 2021 par le RPVA, la cour a donc sollicité du conseil de la société Air Way Connect la transmission des pièces n° 15 à 23 et 28 à 30 et n° 31 à 64 énumérées dans le bordereau de communication de pièces annexé à ses conclusions du 11 janvier 2019 mais ne figurant pas dans le dossier de plaidoiries remis.

Il n'a pas été répondu à ce message. Toutefois, dans une lettre du 21 octobre 2020, Me Nadia Bouzidi Fabre, avocat postulant de la société Air Way Connect, a indiqué être sans nouvelle de cette dernière et avoir dégagé sa responsabilité. Elle a précisé avoir déposé le dossier de plaidoiries en l'état malgré les pièces manquantes.

Dans ces conditions, la cour statuera au vu des seules pièces n° 1 à 14 et 24 à 27 qui lui ont été remises par la société Air Way Connect.

Sur la recevabilité des conclusions de la société Air Way Connect du 11 janvier 2019 et des pièces n° 31 à 64

En vertu de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer une compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

En application de l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Par ailleurs, l'article 910-4 de ce code dispose que : « A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »

La société Houra conclut à l'irrecevabilité des conclusions de la société Air Way Connect du 11 janvier 2019 et des pièces n° 31 à 64 communiquées par cette dernière à l'appui desdites conclusions. Elle fait en effet valoir que ces conclusions contiennent des prétentions nouvelles de la société Air Way Connect par rapport à celles formulées devant les premiers juges ainsi que par rapport à celles figurant dans ses premières conclusions devant la cour du 12 juillet 2018, en ce qu'elle y revendique une condamnation au titre d'une répétition de l'indu, la requalification du contrat de sous-traitance en contrat de travail ainsi qu'une condamnation à une solidarité au titre du paiement des contributions sociales et fiscales non réglées ainsi qu'à des dommages et intérêts.

La société Air Way Connect n'a pas répliqué sur ce point.

Contrairement à ce que prétend la société Houra, la sanction prévue par les textes précités est uniquement l'irrecevabilité des prétentions nouvelles et en aucun cas l'irrecevabilité de l'ensemble des conclusions ainsi que des pièces annexées.

Il sera relevé que devant le tribunal de commerce de Paris et dans ses premières conclusions du 12 juillet 2018 devant la cour, la société Air Way Connect a formulé les prétentions suivantes :

- la condamnation de la société Houra à lui payer la somme de 270 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies,

- la condamnation de la société Houra à lui payer la somme de 28 815,16 euros en remboursement des sommes déduites de manière injustifiée,

- la condamnation de la société Houra à lui payer la somme de 25 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des difficultés de trésorerie découlant des retenues indues.

La demande de requalification du contrat de sous-traitance en contrat de travail ainsi que la demande de condamnation de la société Houra à une solidarité au titre du paiement des contributions sociales et fiscales non réglées et au paiement d'une somme de 54 000 euros à titre de dommages et intérêts, qui n'ont été formulées ni devant les premiers juges ni dans les premières conclusions en appel du 12 juillet 2018, seront déclarées irrecevables.

Il sera relevé qu'à la demande de condamnation au remboursement des retenues injustifiées d'un montant de 28 815,16 euros et au paiement de dommages et intérêts au titre de ces retenues injustifiées d'un montant de 25 000 euros, la société Air Way Connect a substitué, dans ses conclusions du 11 janvier 2019, une demande globale de condamnation au paiement de 50 000 euros de dommages et intérêts et de « répétition de l'indu ». Il convient de constater qu'il s'agit en réalité de la même prétention que celle formulée devant les premiers juges et dans les premières conclusions d'appel du 12 juillet 2018 avec un fondement différent, ce qui est autorisé par les articles précités. Cette demande sera donc déclarée recevable.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

En application de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

La société Air Way Connect prétend que la société Houra aurait rompu brutalement, le 24 juin 2015, les relations commerciales entretenues depuis le 15 septembre 2011. Elle soutient qu'en l'absence de tout préavis précédant cette rupture, la responsabilité de la société Houra est engagée. Elle dément les allégations de la société Houra selon lesquelles elle aurait souhaité interrompre ses prestations. Elle explique que la société Houra aurait cessé les relations à la suite d'un différend au sujet d'une demande d'avance sur facture. Elle indique qu'à la suite de ce différend, la société Houra ne lui aurait plus transmis de courriel pour lui attribuer des tournées. Elle considère qu'au vu de l'ancienneté des relations, 3 ans, de sa situation de dépendance économique à l'égard de la société Houra, qui était son unique client, et des circonstances vexatoires de la rupture, le préavis qui aurait dû être observé doit être fixé à 8 mois.

La société Houra affirme quant à elle que c'est la société Air Way Connect qui a souhaité interrompre les relations au terme de la dernière prorogation, le 15 juin 2015, pour se consacrer à une nouvelle activité de location de véhicules. Elle conteste en tout état de cause toute responsabilité dès lors que la relation entretenue avec la société Air Way Connect ne pouvait être considérée comme établie. Elle considère en effet que les durées très courtes des avenants au contrat conclu avec la société Air Way Connect manifestaient la volonté des parties de ne pas s'engager de manière pérenne.

Il ressort des nombreuses attestations précises et concordantes produites par la société Houra que le gérant de la société Air Way Connect, M. X, a annoncé en début d'année 2015 qu'il ne souhaitait plus poursuivre son activité de livraison pour la société Houra au-delà du mois de juin 2015. Il sera relevé que la seule attestation de M. A, qui soutient avoir subi des pressions pour témoigner en faveur de la société Houra, ne permet pas de remettre en cause ces témoignages. En effet, il sera relevé que M. A venait d'être licencié pour faute par la société Lina Transport, et que sa version des faits n'est corroborée par aucun autre élément de preuve et est démentie par les attestations concordantes de la société Houra.

Il résulte en outre des extraits du site internet Infogreffe versés aux débats que la société Air Way Connect a transféré son siège social le 4 mai 2015 et changé son objet social le 28 septembre 2015 et exerce désormais une activité de location de véhicules.

Par ailleurs, le récapitulatif des véhicules frigorifiques pris en location par la société Air Way Connect montre que cette dernière avait commencé à restituer les véhicules loués auprès de la société Le Petit Forestier dès le mois de février 2015 puis au mois de juin 2015, ce qui témoigne du fait que la société Air Way Connect avait anticipé la fin des relations avec la société Houra.

Dans ces conditions, il est établi que la rupture des relations est imputable à la société Air Way Connect. La responsabilité de la société Houra ne peut donc être engagée de ce chef et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur l'application des pénalités contractuelles

Selon l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

En vertu de l'article L. 442-6 I 8° du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non respect d'une date de livraison, à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant.

La société Air Way Connect soutient que la société Houra lui a imposé des clauses contractuelles, annexes 9 et 10 du contrat du 14 septembre 2011, qui caractérisent une violation des articles L. 442-6 I 2° et 8° du code de commerce dans leur version applicable au litige et revendique la condamnation de la société Houra à lui payer une somme de 50 000 euros de dommages et intérêts à ce titre. Elle explique que la société Houra lui a ainsi refacturé un montant de 28 815,16 euros à titre de pénalités pour avaries ou pertes, retards, comportement ou tenue de ses chauffeurs, rupture de la chaîne de froid et au titre d'un système de bonus/malus majorant ou minorant le prix de la prestation en fonction de la réalisation ou non d'objectifs de qualité.

La société Houra invoque la prescription de l'action en vertu de l'article L. 133-6 du code de commerce. Sur le fond, elle prétend que les sommes déduites des factures de la société Air Way Connect l'ont été en application du contrat conclu avec elle. Elle explique qu'avant d'appliquer les pénalités prévues, elle communiquait à la société prestataire un relevé pour le mois en cours afin qu'elle puisse les vérifier et les intégrer dans ses factures sous forme de moins-values.

Sur la prescription

Selon l'article L. 133-6 du code de commerce, les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité.

Toutes les autres actions auxquelles ce contrat peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l'expéditeur ou le destinataire, aussi bien que celles qui naissent des dispositions de l'article 1269 du code de procédure civile, sont prescrites dans le délai d'un an.

Le délai de ces prescriptions est compté, dans le cas de perte totale, du jour où la remise de la marchandise aurait dû être effectuée, et, dans tous les autres cas, du jour où la marchandise aura été remise ou offerte au destinataire.

Le délai pour intenter chaque action récursoire est d'un mois. Cette prescription ne court que du jour de l'exercice de l'action contre le garanti.

Dans le cas de transports faits pour le compte de l'Etat, la prescription ne commence à courir que du jour de la notification de la décision ministérielle emportant liquidation ou ordonnancement définitif.

Il ressort de ce texte que la prescription annale qui y est édictée ne concerne que les actions relatives au contrat de transport et ne peut en aucun cas viser l'action en responsabilité délictuelle fondée sur l'article L. 442-6 I 2° et 8° du code de commerce.

L'action de la société Air Way Connect relève donc de la prescription quinquennale de droit commun.

Il convient de relever qu'en ce qui concerne le déséquilibre significatif, l'action en responsabilité devait être engagée dans les cinq ans de la soumission ou de la tentative de soumission alléguée.

Or l'action de la société Air Way Connect, a été engagée par acte du 18 juillet 2016, soit dans les cinq ans de la conclusion du contrat du 14 septembre 2011, et n'est donc pas prescrite.

En ce qui concerne les pénalités, l'action en responsabilité devait être engagée dans les cinq ans de l'application des pénalités critiquées. L'action de la société Air Way Connect, ayant été introduite par acte du 18 juillet 2016, soit dans les cinq ans de l'application des pénalités, sera déclarée recevable.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur le déséquilibre significatif

La caractérisation de la pratique prohibée par les dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce suppose d'une part, d'établir une tentative de soumission ou une soumission du partenaire commercial à une clause et d'autre part, de démontrer que cette clause est constitutive de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Tout d'abord, l'élément de soumission ou de tentative de soumission de la pratique de déséquilibre significatif implique la démonstration de l'absence de négociation effective.

Contrairement à ce que soutient la société Air Way Connect, il ne peut être inféré du seul contenu des clauses ou du contexte économique caractérisé par une forte asymétrie du rapport de force en faveur d'un des partenaires, la caractérisation de la soumission ou tentative de soumission exigée par le législateur.

Or la société Air Way connect, qui qualifie le contrat litigieux de contrat d'adhésion, n'apporte aucun élément de contexte sur les conditions de sa négociation ni ne justifie avoir tenté de faire supprimer les annexes critiquées.

Elle succombe donc à la charge de la preuve qui lui incombe et son action en responsabilité sur ce fondement sera écartée.

Sur les pénalités pour non-conformité

En vertu de l'article L. 442-6 I 8° du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d'une date de livraison, à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant.

La société Houra établit qu'elle adressait à la société Air Way Connect chaque mois un relevé des refacturations qu'elle effectuait au titre des pénalités qui était approuvé par M. X qui démontre encore qu'en cas de contestation par ce dernier, elle était en mesure d'apporter les explications complémentaires justifiant l'application de la pénalité. En conséquence, la société appelante ne peut prétendre ne pas avoir été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant à l'application des pénalités facturées par la société Houra. Son action en responsabilité de ce chef sera également rejetée.

Sur la procédure abusive

L'article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages intérêts qui seraient réclamés.

Il résulte de ce qui précède que la société Air Way Connect a prétendu être victime d'une rupture brutale des relations commerciales entretenues avec la société Houra alors même qu'elle était à l'origine de cette rupture.

Toutefois, ce fait ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi de la société Air Way Connect dans l'exercice de l'action intentée contre la société Houra. Sa demande de dommages et intérêts ne peut donc prospérer.

Il n'y a pas lieu d'appliquer une amende civile.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Air Way Connect succombe à l'instance. Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées. La société Air Way Connect supportera les dépens d'appel et sera condamnée à verser à la société Houra une somme complémentaire de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La société Air Way Connect sera déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONSTATE à titre liminaire que malgré une demande adressée le 18 février 2021, la société Air Way Connect n'a pas transmis les pièces n° 15 à 23 et 28 à 30 et n° 31 à 64 énumérées dans son bordereau de communication de pièces annexé à ses conclusions du 11 janvier 2019 ;

REJETTE la demande de la société Houra tendant à l'irrecevabilité des conclusions du 11 janvier 2019 et des pièces n° 31 à 64 de la société Air Way Connect ;

DÉCLARE irrecevable la demande de requalification du contrat de sous-traitance en contrat de travail ainsi que la demande de condamnation de la société Houra à une solidarité au titre du paiement des contributions sociales et fiscales non réglées et au paiement d'une somme de 54 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

DÉCLARE recevable la demande de la société Air Way Connect tendant à la condamnation de la société Houra lui à payer une indemnité de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts et de répétition de l'indu ;

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société Air Way Connect au titre des déductions et refacturations ;

Statuant à nouveau de ce chef,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société Houra tirée de la prescription et déclare recevable l'action de la société Air Way Connect en responsabilité délictuelle fondée sur l'article L. 442-6 I 2° et 8° du code de commerce ;

DÉBOUTE la société Air Way Connect de son action en responsabilité délictuelle fondée sur l'article L. 442-6 I 2° et 8° du code de commerce ;

CONDAMNE la société Air Way Connect à payer à la société Houra une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Air Way Connect de sa demande de ce chef ;

CONDAMNE la société Air Way Connect aux dépens de l'instance d'appel.