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Décisions

Cass. com., 9 février 1993, n° 91-12.026

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

OMF (sté)

Défendeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget, UDA, Imes (sté), Arodan (sté), Editions Prescript (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

Me Ryziger, Me Ricard

Paris, du 31 janv. 1991

31 janvier 1991

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 janvier 1991), le ministre de l'Economie, des Finances et du Budget a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques constatées dans le marché de l'édition des ordonnances médicales défini comme celui intéressant les ordonnances vendues par les éditeurs aux médecins généralistes et dont les blocs comportant de la publicité par les laboratoires pharmaceutiques ; que le Conseil, par une décision du 5 juin 1990 a condamné l'Union des Assurances (UDA) et le Syndicat National des éditeurs médicaux spécialisés (SNEMS) à des sanctions pécuniaires mais a estimé qu'il n'apparaissait pas que les éditeurs aient, en tant que tels, entrepris des actions propres distinctes de celle de leur syndicat ; que c'était à bon droit que les griefs et le rapport ne leur avaient pas été notifiés, ces éditeurs se trouvant, de ce fait, hors de cause ; que le ministre de l'Economie, des Finances et du Budget a formé un recours contre cette décision ; que la cour d'appel saisi de ce recours, après avoir relevé que les poursuites initialement engagées n'étaient pas exclusives de poursuites individuelles contre les éditeurs parmi lesquels se trouvait la société OMF appelée dans la cause, a renvoyé l'affaire devant le Conseil de la concurrence en l'invitant à reprendre l'instruction à l'égard des éditeurs pour être procédé conformément aux dispositions des articles 20, 21 et 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, afin que ces entreprises puissent répondre aux "faits dénoncés "par un rapporteur du conseil, éventuellement par le conseil lui-même" ; Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense :

Attendu que l'arrêt attaqué, qui invite le Conseil de la concurrence à instruire l'affaire à l'égard des sociétés, ne constitue pas une mesure d'administration judiciaire et peut donc être frappé de pourvoi en cassation ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir été rendu à l'audience du 13 décembre 1990 après que l'avocat général ait développé oralement ses observations écrites, alors que, selon le pourvoi, si le ministère public peut déposer des conclusions écrites, ces conclusions doivent impérativement être mises à la disposition des parties ; qu'il ne résulte pas de l'arrêt attaqué, qu'en l'espèce actuelle, le ministère public ait communiqué ses conclusions aux parties, de telle sorte que la Cour de Cassation, n'étant pas en mesure de s'assurer que les droits de la défense ont été respectés, l'arrêt est dépourvu de base légale au regard de l'article 431 du nouveau Code de procédure civile, de l'article 16 du même code et du principe général du respect des droits de la défense ; Mais attendu que, dès lors qu'il n'est pas allégué qu'une contestation à ce sujet ait été soulevée avant la clôture des débats devant la cour d'appel par la société OMF, à qui il appartenait éventuellement de faire état d'une violation des droits de la défense relative à ce grief, la cour d'appel n'était pas tenue de faire mention, dans son arrêt, du fait que les conclusions écrites du ministère public avaient été mises à la disposition des parties avant l'audience ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir renvoyé l'affaire devant le Conseil de la concurrence aux fins de reprise de l'instruction sur les pratiques dénoncées à l'encontre des sociétés d'édition, alors, d'une part, selon le pourvoi, que le recours formé par le ministre, en vertu de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne peut avoir pour objet la réformation de la décision du Conseil de la concurrence que dans la limite de la saisine de celui-ci ; que la cour d'appel ne peut être saisie par le ministre des griefs, ni même d'éléments nouveaux non compris dans la saisine du Conseil de la concurrence, sous peine d'aboutir à une extension de la saisine ; que, dans la mesure où la décision attaquée énonce que le ministre fournit dans son mémoire "des éléments circonstanciés suffisants pour justifier l'ouverture d'une instruction sur les pratiques qu'il dénonce comme prohibées des quatre éditions", elle laisse entendre que le ministre a fourni des éléments non soumis à l'appréciation du conseil de la concurrence ; qu'à défaut d'analyser ces éléments, elle met la Cour de Cassation dans l'impossibilité d'exercer son contrôle sur le point de savoir si ces éléments avaient été soumis au conseil de la concurrence ou s'il s'agit de nouveaux griefs par de nouveaux éléments ; que, dès lors, la décision attaquée est dépourvue de base légale au regard de l'article 15 de l'ordonnance n8 86-1243 du 1er décembre 1986 ; alors, d'autre part, que toute décision doit être motivée, que l'insuffisance de motifs équivaut au défaut de motif ; qu'en l'espèce actuelle, faute d'indiquer quels sont les éléments circonstanciés qui justifieraient l'ouverture d'une instruction, notamment à l'encontre de l'exposante, la décision attaquée est entachée d'une violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que les juges ne peuvent, sous peine de violer l'article 455 du Code de procédure civile, statuer en termes alternatifs ; que la décision attaquée a statué en termes alternatifs en décidant que les éléments fournis par le ministre suffisent pour justifier l'ouverture d'une instruction sur les pratiques qu'ils dénoncent comme prohibées et quatre sociétés d'édition, notamment pour l'une ou l'autre d'entre elles : une participation active à l'élaboration des prises de position du SNEMS ; l'application des décisions prises en commun ; une gestion directe de la politige des quotas par communication des prévisions de vente et du chiffre des ventes ;

Mais attendu qu'après avoir énuméré les griefs précis invoqués par le ministre à l'encontre des sociétés d'édition et dont elle n'avait pas à effectuer l'analyse motivée puisqu'ils n'avaient pas été notifiés aux éditeurs, la cour d'appel a pu estimer qu'ils pouvaient justifier le renvoi devant le Conseil de la concurrence aux fins de reprise de l'instruction par un rapporteur ;

que la cour d'appel, qui n'a pas statué en termes alternatifs, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE recevable le pourvoi de la société OMF ; LE REJETTE.