CJUE, 1re ch., 17 mars 2021, n° C-64/20
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
UH
Défendeur :
An tAire Talmhaíochta, Bia agus Mara, Éire, An tArd-Aighne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Bonichot
Juges :
M. Bay Larsen, Mme Toader, M. Safjan (rapporteur), M. Jääskinen
Avocat général :
M. Bobek
Avocats :
Me Mac Cárthaigh, Me Tuathail, Me Ó hOisín, Me O’Malley
LA COUR (première chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 288 TFUE ainsi que de l’article 58, paragraphe 4, de l’article 59, paragraphe 3, et de l’article 61, paragraphe 1, de la directive 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires (JO 2001, L 311, p. 1), telle que modifiée par la directive 2004/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004 (JO 2004, L 136, p. 58) (ci-après la « directive 2001/82 »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant UH au Aire Talmhaíochta, Bia agus Mara (ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires maritimes, Irlande), à l’Éire (Irlande) et au Ard-Aighne (Procureur général, Irlande) au sujet de la compatibilité avec les exigences linguistiques prescrites par la directive 2001/82 de la législation irlandaise concernant l’étiquetage et la notice des médicaments vétérinaires.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2001/82
3 Le titre V de la directive 2001/82, intitulé « Étiquetage et notice », comprend, notamment, les articles 58, 59 et 61 de celle-ci.
4 L’article 58 de ladite directive dispose, à ses paragraphes 1 et 4 :
« 1. Sauf dans le cas des médicaments visés à l’article 17, paragraphe 1, l’autorité compétente approuve les conditionnements primaires et les emballages extérieurs des médicaments vétérinaires. Les emballages doivent porter en caractères lisibles les informations suivantes, conformes aux renseignements et documents fournis en vertu des articles 12 à 13 quinquies et au résumé des caractéristiques du produit :
a) le nom du médicament suivi du dosage et de la forme pharmaceutique. La dénomination commune est mentionnée lorsque le médicament ne contient qu’une seule substance active et qu’il porte un nom de fantaisie ;
b) la composition qualitative et quantitative en substances actives par unité de prise ou, selon la forme d’administration, pour un volume ou un poids déterminé, en utilisant les dénominations communes ;
c) le numéro du lot de fabrication ;
d) le numéro de l’autorisation de mise sur le marché ;
e) le nom ou la raison sociale et le domicile ou le siège social du titulaire de l’autorisation de mise sur le marché et, le cas échéant, du représentant du titulaire désigné par ce dernier ;
f) l’espèce animale à laquelle le médicament vétérinaire est destiné ; le mode et, si nécessaire, la voie d’administration. Un espace est prévu pour indiquer la posologie prescrite ;
g) le temps d’attente pour les médicaments vétérinaires destinés à des espèces productrices de denrées alimentaires, pour toutes les espèces concernées et pour les différentes denrées alimentaires concernées (viande et abats, œufs, lait, miel), y compris celles pour lesquelles le temps d’attente est nul ;
h) la date de péremption en clair ;
i) les précautions particulières de conservation, s’il y a lieu ;
j) les précautions particulières relatives à l’élimination des médicaments non utilisés ou des déchets dérivés de médicaments vétérinaires, le cas échéant, ainsi qu’une référence à tout système de collecte approprié mis en place ;
k) les informations imposées en vertu de l’article 26, paragraphe 1, s’il y a lieu ;
l) la mention “à usage vétérinaire”, ou, dans le cas des médicaments visés à l’article 67, la mention “à usage vétérinaire – à ne délivrer que sur ordonnance vétérinaire”.
[...]
4. Les informations prévues au paragraphe 1, points f) à l), doivent être rédigées sur l’emballage extérieur et sur le récipient des médicaments dans la ou les langues du pays de mise sur le marché. »
5 Aux termes de l’article 59 de la directive 2001/82 :
« 1. Lorsqu’il s’agit d’ampoules, les informations visées à l’article 58, paragraphe 1, premier alinéa, sont à mentionner sur les emballages extérieurs. Par contre, sur les conditionnements primaires, seules les informations suivantes sont nécessaires :
– la dénomination du médicament vétérinaire,
– la quantité des substances actives,
– la voie d’administration,
– le numéro du lot de fabrication,
– la date de péremption,
– la mention “à usage vétérinaire”.
2. En ce qui concerne les conditionnements primaires de petite taille, autres que les ampoules, ne contenant qu’une dose d’utilisation et sur lesquels il est impossible de mentionner les informations prévues au paragraphe 1, les exigences de l’article 58, paragraphes 1, 2 et 3, sont applicables au seul emballage extérieur.
3. Les informations prévues au paragraphe 1, troisième et sixième tirets, doivent figurer sur l’emballage extérieur et sur le conditionnement primaire des médicaments dans la ou les langues du pays de mise sur le marché. »
6 L’article 61, paragraphe 1, de cette directive prévoit :
« Il est obligatoire de joindre une notice au conditionnement du médicament vétérinaire, à moins que tous les renseignements exigés en vertu du présent article figurent sur le conditionnement primaire et l’emballage extérieur. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour que la notice ne concerne que le médicament vétérinaire auquel elle est jointe. La notice doit être rédigée dans un langage compréhensible par le grand public et dans la ou les langues officielles de l’État membre dans lequel le médicament est mis sur le marché. »
7 Les informations devant figurer sur cette notice sont énumérées à l’article 61, paragraphe 2, sous a) à i), de ladite directive.
Le règlement (UE) 2019/6
8 Les considérants 52, 53 et 96 du règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82 (JO 2019, L 4, p. 43), énoncent :
« (52) Afin de réduire la charge administrative et de maximiser la disponibilité des médicaments vétérinaires dans les États membres, il y a lieu de fixer des règles simplifiées en ce qui concerne le mode de présentation de leur emballage et étiquetage. Les informations textuelles fournies devraient être réduites [...]. Il convient toutefois de s’assurer que ces règles ne mettent pas en péril la santé publique ou animale ou la sécurité de l’environnement.
(53) En outre, les États membres devraient pouvoir choisir la langue du texte utilisé pour le résumé des caractéristiques du produit, l’étiquetage et la notice des médicaments vétérinaires autorisés sur leur territoire.
[...]
(96) Compte tenu des principales modifications qui devraient être apportées à la réglementation existante, et afin d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur, un règlement est l’instrument juridique approprié pour remplacer la directive 2001/82/CE par des règles claires, détaillées et directement applicables. De plus, le règlement garantit que les dispositions juridiques sont appliquées au même moment et de façon harmonisée dans l’ensemble de l’Union. »
9 L’article 7 de ce règlement, intitulé « Langues », dispose :
« 1. La ou les langues dans laquelle ou lesquelles est rédigé le résumé des caractéristiques du produit et les informations figurant sur l’étiquetage et dans la notice sont, sauf indication contraire de l’État membre, une ou des langues officielles de l’État membre dans lequel le médicament vétérinaire est mis à disposition sur le marché.
2. L’étiquetage des médicaments vétérinaires peut être multilingue. »
10 L’article 149, premier alinéa, dudit règlement énonce :
« La directive 2001/82/CE est abrogée. »
11 Aux termes de l’article 160 du même règlement, intitulé « Entrée en vigueur et application » :
« Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.
Il est applicable à partir du 28 janvier 2022. »
Le droit irlandais
12 La directive 2001/82 a été transposée dans l’ordre juridique irlandais par les Rialacháin na gComhphobal Eorpach (Leigheasanna Ainmhithe), 2007 (I. R. Uimh 144 de 2007) [règlement de 2007 des Communautés européennes (médicaments vétérinaires) (S. I. no 144/2007)], puis, après abrogation de ce règlement, par les Rialacháin na gComhphobal Eorpach (Leigheasanna Ainmhithe) (Uimh. 2), 2007 (I. R. Uimh. 786 de 2007) [règlement de 2007 des Communautés européennes (médicaments vétérinaires) (no 2) (S. I. no 786/2007)].
13 Ce dernier règlement prévoit que les informations devant figurer sur les emballages extérieurs, les conditionnements primaires et les notices des médicaments vétérinaires « sont rédigées en langue anglaise ou irlandaise ».
Le litige au principal et les questions préjudicielles
14 Le requérant au principal est un ressortissant irlandais de langue maternelle irlandaise et originaire de la Gaeltacht de Galway (région de Galway, Irlande). Il parle l’irlandais à la maison et au travail. Il exerce toutes ses activités officielles en langue irlandaise, dans la mesure où les ressources sont disponibles à cet effet. Il a un chien et a, de ce fait, besoin de médicaments vétérinaires. Son grief est que les informations accompagnant les médicaments vétérinaires sont exclusivement rédigées en langue anglaise et non, comme l’impose la directive 2001/82, dans les deux langues officielles de l’Irlande, à savoir les langues anglaise et irlandaise.
15 À la suite d’un échange de correspondance entre les parties au principal, le requérant au principal a, le 14 novembre 2016, introduit une requête devant l’Ard-Chúirt (Haute Cour, Irlande), tendant à obtenir l’autorisation d’exercer un recours juridictionnel (judicial review) concernant la transposition incorrecte par le ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires maritimes de la directive 2001/82 au regard des exigences linguistiques prévues par cette directive. Cette autorisation lui a été accordée et l’affaire a été entendue devant la juridiction de renvoi les 24 et 25 juillet 2018.
16 Le requérant au principal a demandé à cette juridiction, en particulier, de constater la transposition incorrecte de la directive 2001/82 dans l’ordre juridique irlandais ainsi que l’obligation pour l’Irlande de modifier sa législation nationale afin que les informations visées par cette directive soient rédigées dans les deux langues officielles de l’État, c’est-à-dire aussi bien en langue anglaise qu’en langue irlandaise, pour les médicaments vétérinaires mis sur le marché de l’État, les deux versions linguistiques devant avoir la même police de caractères, en accordant clairement la priorité à la version en langue irlandaise, puisqu’il s’agit de la langue nationale et de la première langue officielle.
17 Après avoir, le 26 juillet 2019, admis l’intérêt à agir du requérant au principal, au motif que les dispositions de la directive 2001/82 en matière linguistique étaient claires, précises et inconditionnelles, et constaté que la législation nationale n’était pas conforme à ces dispositions, la juridiction de renvoi a toutefois fait remarquer que, à compter du 28 janvier 2022, date d’entrée en application du règlement 2019/6, conformément à l’article 160 de celui-ci, les informations devant figurer sur les emballages extérieurs, les conditionnements internes et les notices des médicaments vétérinaires pourraient être rédigées en langue anglaise ou en langue irlandaise. Ladite juridiction s’est donc demandée si, nonobstant la violation du droit de l’Union en l’occurrence, elle disposait d’un pouvoir discrétionnaire lui permettant, en opportunité, de ne pas faire droit aux conclusions du recours, à l’instar de ce qu’une juridiction nationale est autorisée à faire en cas de violation du droit national, et a invité les parties au principal à formuler toute observation à cet égard.
18 Le requérant au principal a fait valoir qu’un tel pouvoir discrétionnaire ne pouvait être admis en cas de violation du droit de l’Union, en raison des principes de l’effet direct et de primauté, du droit à une protection juridictionnelle effective, prévu à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et du respect de l’État de droit.
19 De leur côté, l’Aire Talmhaíochta, Bia agus Mara, Éire (ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires maritimes, Irlande), l’Éire (Irlande) et l’Ard-Aighne (Procureur général, Irlande), parties défenderesses au principal, ont rappelé que, même quand un requérant conteste avec succès la décision d’une autorité publique par la voie d’un contrôle juridictionnel, la juridiction saisie peut, de manière discrétionnaire, refuser de faire droit aux mesures demandées par ce requérant en considération de certaines circonstances, telles que l’absence d’utilité des mesures ou l’existence d’un préjudice pour les tiers.
20 Or, en l’occurrence, le bénéfice que le requérant au principal pourrait recueillir des mesures demandées serait très limité en raison de l’entrée en application du règlement 2019/6 dès le 28 janvier 2022. En outre, l’octroi de ces mesures pourrait conduire les fournisseurs et les distributeurs de médicaments vétérinaires à se retirer du marché irlandais compte tenu des contraintes qu’implique l’obligation de rédiger les informations en langues anglaise et irlandaise, ce qui entraînerait des conséquences graves sur la santé animale ainsi que sur la situation économique et sociale.
21 Au vu des arguments ainsi présentés devant elle, la juridiction de renvoi souhaite vérifier qu’un refus d’accorder les mesures demandées par le requérant au principal ne porterait pas atteinte au droit de l’Union.
22 Dans ces conditions, l’Ard-Chúirt (Haute Cour) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Une juridiction nationale dispose-t-elle du pouvoir discrétionnaire de refuser l’octroi d’une mesure malgré sa décision selon laquelle le droit national n’a pas transposé un élément particulier d’une directive de l’Union européenne et, dans l’hypothèse où la juridiction dispose d’un tel pouvoir discrétionnaire, quels sont les facteurs appropriés qu’il convient de prendre en considération en ce qui concerne ce pouvoir discrétionnaire et/ou la juridiction nationale est-elle autorisée à prendre en compte les mêmes facteurs dont elle tiendrait compte si elle devait examiner une violation du droit national ?
2) Serait-il porté atteinte au principe de l’effet direct du droit de l’Union si la juridiction nationale refusait d’accorder la mesure demandée dans la présente affaire en raison de l’entrée en vigueur de l’article 7 du règlement [2019/6] (dont l’application est reportée jusqu’au 28 janvier 2022), alors même qu’elle a jugé que le droit national n’avait pas mis en œuvre l’obligation prévue à l’article 61, paragraphe 1, à l’article 58, paragraphe 4, et à l’article 59, paragraphe 3, de la directive [2001/82], selon laquelle l’emballage et l’étiquetage des médicaments vétérinaires doivent être fournis dans les langues officielles de l’État membre, à savoir, en Irlande, aussi bien en [langue anglaise qu’en langue irlandaise] ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la recevabilité
23 Dans leurs observations écrites, l’Irlande et le gouvernement polonais mettent en cause la recevabilité des questions préjudicielles.
24 L’Irlande soutient, d’une part, qu’elle a dûment transposé les dispositions de la directive 2001/82 en cause au principal, dont le texte serait équivoque, si bien que la décision de cet État membre de les mettre en œuvre d’une manière permettant l’emploi de seulement l’une de ses langues officielles relèverait de sa marge d’appréciation.
25 D’autre part, il ressortirait de la finalité expresse de cette directive que les droits qui en découlent constituent non pas des droits linguistiques ou culturels, mais plutôt des droits concernant l’accès à l’information sur les médicaments vétérinaires. De tels droits ne seraient méconnus que si un consommateur est en possession d’un emballage ou d’un étiquetage qu’elle ne pourrait pas pleinement comprendre. Or, le requérant dans l’affaire au principal ne prétendrait pas qu’il a été confronté à un emballage ou un étiquetage qu’il ne pouvait pas pleinement comprendre.
26 Selon le gouvernement polonais, le droit de l’Union n’impose pas aux juridictions nationales d’accorder des mesures qui consisteraient à ordonner aux autorités nationales compétentes de modifier le droit national afin de le rendre conforme au droit de l’Union. En tout état de cause, le recours au principal ne saurait prospérer. En effet, à supposer même que le droit de disposer des informations accompagnant les médicaments vétérinaires en langue irlandaise résulte de dispositions inconditionnelles et suffisamment précises de la directive 2001/82, il ne s’agirait pas d’un droit qui peut être invoqué à l’encontre des autorités irlandaises, eu égard à sa nature. L’obligation d’étiqueter ces produits en langue irlandaise reposerait sur des entités privées, à savoir les producteurs et les distributeurs de ces produits, à l’encontre desquelles le requérant ne saurait invoquer les dispositions d’une directive.
27 À cet égard, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 26 de ses conclusions, les arguments soulevés tant par l’Irlande que par le gouvernement polonais se rapportent au fond du recours au principal. Or, des éléments qui ont trait à des aspects de fond d’un recours ne sont aucunement de nature à affecter la recevabilité des questions posées [voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 111].
28 Par ailleurs, selon une jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence (arrêt du 2 février 2021, Consob, C‑481/19, EU:C:2021:84, point 29). Cette présomption de pertinence ne saurait être renversée par l’éventualité que, au final, le requérant succombe dans le litige dont la juridiction nationale est saisie, en particulier sur la base d’une interprétation du droit de l’Union adoptée par la Cour.
29 Au vu de ce qui précède, les questions préjudicielles doivent être déclarées recevables.
Sur le fond
30 Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner de manière conjointe, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si l’article 288 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une juridiction nationale qui, dans le cadre d’une procédure prévue à cette fin par le droit interne, constate que l’État membre dont elle relève n’a pas rempli son obligation de transposer correctement la directive 2001/82 refuse d’adopter, au motif que la législation nationale lui paraît conforme au règlement 2019/6, qui abroge cette directive et sera applicable à partir du 28 janvier 2022, une déclaration juridictionnelle selon laquelle cet État membre n’a pas correctement transposé ladite directive et est tenu d’y remédier.
31 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’obligation des États membres découlant d’une directive d’atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE et de l’article 288 TFUE, de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation s’imposent à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, aux autorités juridictionnelles (arrêts du 19 avril 2016, DI, C‑441/14, EU:C:2016:278, point 30 et jurisprudence citée ; du 4 octobre 2018, Link Logistik N&N, C‑384/17, EU:C:2018:810, point 57, ainsi que du 13 décembre 2018, Hein, C‑385/17, EU:C:2018:1018, point 49).
32 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le droit irlandais permet aux particuliers d’obtenir une déclaration juridictionnelle selon laquelle l’Irlande n’a pas correctement transposé une directive de l’Union et est tenue de procéder à la transposition de celle-ci, tout en laissant la possibilité aux juridictions nationales de refuser la délivrance d’une telle déclaration, aux motifs établis par ce droit.
33 À cet égard, il y a néanmoins lieu de rappeler que, dès lors que la juridiction de renvoi a constaté la transposition incorrecte de la directive 2001/82, elle doit prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer que le résultat prescrit par cette directive soit atteint (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a., C‑72/95, EU:C:1996:404, point 55).
34 La circonstance que la législation irlandaise s’avère d’ores et déjà compatible avec le règlement 2019/6, qui s’appliquera à partir du 28 janvier 2022, ne saurait remettre en cause le constat d’incompatibilité de cette législation avec le droit de l’Union jusqu’à cette date ni a fortiori justifier une telle incompatibilité.
35 En effet, jusqu’au moment de l’abrogation de la directive 2001/82 par ce règlement, les dispositions de celle-ci préservent leur caractère contraignant, tant que leur invalidité n’a pas été établie par la Cour (voir, en ce sens, arrêts du 13 février 1979, Granaria, 101/78, EU:C:1979:38, point 5, ainsi que du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46/87 et 227/88, EU:C:1989:337, point 64).
36 Aussi seule la Cour peut-elle, à titre exceptionnel et pour des considérations impérieuses de sécurité juridique, accorder une suspension provisoire des effets d’une règle du droit de l’Union à l’égard du droit national contraire à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, C‑379/15, EU:C:2016:603, point 33 et jurisprudence citée).
37 Dans ces conditions, l’article 288 TFUE fait obstacle à ce qu’une juridiction nationale puisse faire abstraction de l’obligation mise à la charge de l’État membre dont elle relève de transposer une directive au motif du caractère prétendument disproportionné de cette transposition en ce que celle-ci pourrait s’avérer coûteuse ou inutile en raison de l’application prochaine d’un règlement destiné à remplacer cette directive et avec lequel est pleinement compatible le droit de cet État membre.
38 Il s’ensuit que, en vertu de l’article 288 TFUE, la juridiction de renvoi, qui a constaté l’incompatibilité de la législation nationale avec la directive 2001/82, est tenue de faire droit à la demande tendant à ce qu’il soit constaté l’existence pour l’Irlande d’une obligation de remédier à la transposition incorrecte de cette directive.
39 Il résulte de tout ce qui précède que l’article 288 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une juridiction nationale qui, dans le cadre d’une procédure prévue à cette fin par le droit interne, constate que l’État membre dont elle relève n’a pas rempli son obligation de transposer correctement la directive 2001/82 refuse d’adopter, au motif que la législation nationale lui paraît conforme au règlement 2019/6, qui abroge cette directive et sera applicable à partir du 28 janvier 2022, une déclaration juridictionnelle selon laquelle cet État membre n’a pas correctement transposé ladite directive et est tenu d’y remédier.
Sur les dépens
40 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
L’article 288 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une juridiction nationale qui, dans le cadre d’une procédure prévue à cette fin par le droit interne, constate que l’État membre dont elle relève n’a pas rempli son obligation de transposer correctement la directive 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires, telle que modifiée par la directive 2004/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, refuse d’adopter, au motif que la législation nationale lui paraît conforme au règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82, qui abroge cette directive et sera applicable à partir du 28 janvier 2022, une déclaration juridictionnelle selon laquelle cet État membre n’a pas correctement transposé ladite directive et est tenu d’y remédier.