CA Poitiers, 1re ch. civ., 9 mars 2021, n° 19/01185
POITIERS
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monge
Conseillers :
Mme Verrier, M. Maury
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Selon contrat en date du 25 mars 2014, M. Antoine M. et Mme Marie-Rose L. épouse M. ont acquis un navire d'occasion de marque ST BOAT 840 PRESTIGE, moyennant le prix de 48 000 €.
Préalablement, Claude S., précédent propriétaire, avait acquis le navire le 26 mai 2012 de la société SEUDRIMMO.
Se plaignant de la panne de l'un des deux moteurs et après réalisation d'une expertise amiable, M. et Mme M. ont obtenu du juge des référés du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX, par ordonnance en date du 19 janvier 2015, la désignation d’un expert, M. V., lequel a déposé son rapport le 9 avril 2016.
Il avait été préalablement fait droit à la demande de Monsieur S. tendant à voir déclarer communes les opérations d'expertise à la Société SEUDRIMMO, auprès de laquelle il avait acquis le navire en date du 26 mai 2012.
S'estimant fondés à agir en résolution de la vente et en réparation de leur préjudice, M. et Mme M. ont, par acte d'huissier en date du 12 octobre 2016, fait assigner devant le tribunal de grande instance de LA ROCHELLE M. Claude S. qu'ils considèrent comme leur vendeur et la société KWBOAT FISHING son mandataire.
Le 23 novembre 2016, Claude S. a appelé en la cause son vendeur, la société SEUDRIMMO.
Par jugement en date du 3 octobre 2017, le Tribunal de Commerce de LA ROCHELLE a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société KW BOAT FISHING.
Le 13 décembre 2017, M. et Mme M. ont appelé en intervention forcée la SCP R., ès-qualités de liquidateur de la société KW BOAT FISHING.
Les 15 décembre 2016 et 18 janvier 2018, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des instances enrôlées sous les n° 16/2925, 16/3120 et 17/2870.
M. et Mme M. demandaient au tribunal de :
- les déclarer recevables et bien fondées en leurs assignations ainsi qu'en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- débouter les défendeurs de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- ordonner la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés due par Claude S.,
- dire que la société KW BOAT FISHING, intermédiaire à la vente, a commis une faute délictuelle,
En conséquence,
- condamner Claude S. à leur rembourser le prix de vente, soit la somme de 48 000 €,
- dire qu'après remboursement du prix de 48 000 €, Claude S. devra procéder à la reprise du navire, à ses frais exclusifs et à ses risques et périls,
- condamner Claude S. à leur payer les sommes de 31 559,49 € à titre de dommages-intérêts, en réparation de leur préjudice financier et en remboursement des frais occasionnés par la vente, de 4 500 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance, de 2 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, de 2 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- fixer au passif de la société KW BOAT FISHING la créance suivante : 31 559,49 € à titre de dommages-intérêts, en réparation de leur préjudice financier et en remboursement des frais occasionnés par la vente, 4 500 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance, 2 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, 2 500 € en application de l°article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l`article 1154 du Code civil,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement.
La société KW BOAT FISHING demandait au tribunal, à titre principal, de dire les époux M. mal fondés en leur action dirigée contre elle, en conséquence, débouter les époux M. de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre elle, les condamner à lui verser la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, à titre subsidiaire, condamner Claude S. à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre sur la demande des époux M. et à lui verser une indemnité de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCP R., ès-qualités de liquidateur de la société KW BOAT FISHING, demandait au tribunal de statuer ce que de droit sur la demande principale en résolution de la vente et sur ses conséquences, débouter les époux M. de toutes leurs demandes, fins et conclusions contre elle, en toute hypothèse, débouter Claude S. de toutes éventuelles demandes de fixation de créances au passif de la société KW BOAT FISHING, condamner qui il appartiendra à régler la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.
M. Claude S. demandait au tribunal de dire qu'il n'a effectué aucune opération de vente avec Monsieur M., le mettre purement et simplement hors de cause relativement à la demande présentée au titre de la résolution de la vente par Monsieur M., à titre infiniment subsidiaire, dire recevable et bien-fondé l'appel en garantie formé à l’encontre de la S.A.R.L. SEUDRIMMO, la condamner à le relever et le garantir de toutes condamnations, ordonner la résolution de la vente et le remboursement par la S.A.R.L. SEUDRIMMO du prix de vente, la condamner à lui payer la somme de 65 000 €, condamner tous succombants au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La société SEUDRIMMO demandait au tribunal de déclarer recevables mais mal fondées les demandes présentées par M. Claude S. vu les éléments du dossier, en conséquence, débouter M. Claude S. des demandes formulées par ce dernier à son encontre, le condamner à lui verser la somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de L'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par jugement contradictoire en date du 15/01/2019, le tribunal de grande instance de LA ROCHELLE a statué comme suit :
« Prononce la résolution de la vente du navire de marque ST BOAT 840 PRESTIGE conclue le 25 mars 2014, entre Claude S. et les époux M. ;
Condamne Claude S. à rembourser aux époux M. le prix de vente, soit la somme de 48 000 € ;
Dit qu'après remboursement du prix de vente, Claude S. devra procéder à la reprise du navire, à ses frais exclusifs ;
Condamne Claude S. à rembourser aux époux M. la somme de 18 989,49 € au titre des frais occasionnés par la vente et à leur payer la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles
Fixe au passif de la société KW BOAT FISHING in solidum avec Claude S. la créance suivante : 4 747,37 € en remboursement des frais occasionnés par la vente, 625 € en application de L'article 700 du Code de procédure civile et le quart des dépens ;
Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du Code Civil ;
Déboute les époux M. de leurs autres demandes ;
Déboute Claude S. de ses demandes à l'encontre de la société SEUDRIMMO ;
Déboute la société SEUDRIMMO de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Condamne Claude S. aux dépens, en ce compris les frais d'expertise et autorise maître B. à recouvrer ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision ;
Ordonne l'exécution provisoire du jugement.
Le premier juge a notamment retenu que :
- Il résulte du rapport d'expertise que le moteur du navire d'occasion acquis le 25 mars 2014par les époux M. présentait lors de l'acquisition une imperfection du pouliage d'entraînement, des auxiliaires du moteur tribord et une déficience d'un joint interne au réfrigérant d'air, ayant généré une usure prématurée du moteur par corrosions et entraînements de métal.
- selon l'expert, ces vices cachés, non décelables par un examen visuel, rendent le navire impropre à l'usage auquel il était destiné, le moteur tribord étant hors service.
- le vendeur du navire est M. Claude S., aux termes de l'acte de vente qu'il a signé le 23 mars 2014.
- il convient de prononcer la résolution de la vente et de condamner Claude S. à rembourser aux époux M. le prix de vente, à charge pour lui de reprendre le navire, à ses frais exclusifs.
- Il ne résulte pas des explications techniques de l'expert, que M. S. qui n'est pas un vendeur professionnel, connaissait les vices de la chose vendue. Il doit être uniquement tenu, outre la restitution du prix de vente, de rembourser les frais occasionnés par la vente.
- il y a lieu d'allouer à M. et Mme M. le coût des frais de déplacement pour l'essai du bateau le 11 mars 2014, du transport du bateau depuis le Port de l'Estaque en date du 2 avril 2014, de l'assurance du bateau au titre des années 2014 à 2017, de la place de port au titre des années 2014 à 2018, de la taxe de francisation du bateau au titre des années 2015 à 2018, des factures d'entretien ou de location d`emplacement de la société MEDOC MECA PLAISANCE en date des 22 avril, 7 août 2014, 30 janvier 2016 et 10 janvier 2018, de la société ACCASTILLAGE DIFFUSION en date des 29 mars et 15 avril 2014, soit au total la somme de 18 989,49 €.
- leurs autres demandes ne sont pas justifiées ou doivent être écartées par application des dispositions de l'article 1646 du code civil.
- la société KW BOAT FISHING a procédé à la vente du navire en sa qualité de mandataire professionnel. Selon l'expert, le professionnel intermédiaire ne s'est pas assuré de la parfaite maintenance de ce navire et de son état technique lors de la vente, en outre, aux termes du contrat de vente, elle offrait sa garantie pour une durée de 6 mois.
Cette société a donc manqué à ses obligations de mandataire à l'égard de M. et Mme M. et doit en conséquence être tenue in solidum avec M. Claude S. au paiement du quart des condamnations mises à sa charge.
Il y a donc lieu de fixer à ce montant, la créance de M. Et Mme M. au passif de la liquidation judiciaire de la société KW BOAT FISHING.
- les désordres relevés par l'expert sont sans lien avec les réparations effectuées avant la vente et notamment avec les travaux réalisés en juillet 2011.
De plus, la preuve que les vices cachés relevés par l'expert et pouvant exister à l'état de germe lors de la vente du navire le 26 mai 2012 par la société SEUDRIMMO à Claude S. n'est pas rapportée.
LA COUR
Vu l'appel en date du 29/03/2019 interjeté par M. Claude S.
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 08/12/2020, M. Claude S. a présenté les demandes suivantes :
« Dire et juger que l'expert judiciaire, Monsieur V., a manqué à son devoir d'objectivité en prenant pour « argent comptant » toutes les affirmations de Monsieur M. et de la société Médoc Méca Plaisance qu'il considérera comme « sachant » alors que d'une part les affirmations de Monsieur M. sont contredites par les faits, notamment sur la durée d'utilisation du bateau et d'autre part que la société Médoc Méca Plaisance est le dernier intervenant qui d'une part n'a de toute évidence pas suivi les préconisations Volvo et qui, d'autre part, peut parfaitement être à l'origine du désordre ayant entraîné la casse du moteur, ne pouvant dès lors être qualifié de « sachant ».
Dire et juger que la société KW Boat Fishing était bien le vendeur et devait une garantie comme elle s'y était engagée.
Dire et juger en conséquence Monsieur Claude S. bien fondé en son appel et l'y accueillant :
Réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Débouter les époux M. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre du concluant et les condamner à payer à Monsieur S. une somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
A titre subsidiaire, dire et juger que le vendeur étant bien la société KW Boat Fishing qui devait sa garantie, c'est elle seule qui doit être dès lors être condamnée, si, par extrême impossible, une condamnation devait être prononcée.
Condamner tout succombant aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Jacques V., avocat postulant, sur son affirmation de droit. »
A l'appui de ses prétentions, M. Claude S. soutient notamment que :
- le jugement retient qu'il est établi aux débats que le vendeur du navire est Claude S., aux termes de l'acte de vente qu'il a signé le 23 mars 2014.
S'il est exact que le concluant a effectivement signé cet acte de vente, c'est uniquement pour des questions administratives alors que M. et Mme M. savaient parfaitement qu'il n'en était plus le propriétaire.
En effet, ce navire avait fait l'objet d'une reprise par la société KW Boat Fishing dans le cadre du rachat par le concluant d'un nouveau navire.
Cette reprise apparaît très clairement dans la propre facture émise par cette même société KW Boat Fhishing du 30 avril 2014 puisqu'il y est indiqué : « Reprise ST boat à MR S. 8,40 n° SERIE 8777 ».
- l'annonce a bien été passée par la société KW Boat Fishing et M. et Mme M. ont réglé directement entre les mains de cette même société un acompte de 5 000 € puis l'intégralité du prix de vente.
Leur seul interlocuteur a donc été la société KW Boat Fishing.
- cette même société, lors de la reprise du bateau litigieux, n'avait pas fait le nécessaire administrativement pour que l'acte de vente soit réalisé entre elle et Monsieur S., raison de sa signature.
- il n'existe strictement aucun mandat signé entre les parties alors qu'il existe la preuve d'une reprise du bateau.
- en sa qualité de professionnel, la société KW Boat Fishing se devait de vérifier le parfait état de fonctionnement de ce navire alors même qu'elle en a garanti le bon fonctionnement pendant une durée de 6 mois.
- M. M. enverra le 18 juin 2014 une mise en demeure à la société KW BOAT FISHING retraçant de manière extrêmement précise et ne laissant aucun doute quant à la connaissance, par M. M., que le propriétaire du bateau, et donc son vendeur, était bien la société KW BOAT Fishing.
- l'argent ayant été versé par Monsieur M. à la société KW BOAT FISHING, argent qu'elle a gardé puisqu'elle a vendu son bateau.
- ce n'est que par opportunité suite à la liquidation judiciaire de cette société, que Monsieur M. a imaginé tout à coup que son vendeur n'était plus cette société KW BOAT FISHING mais Monsieur S..
Cependant, si Monsieur S. a signé l'acte administratif, Monsieur M. n'ignorait pas que le véritable vendeur était bien la société KW BOAT FISHING qui n'avait pas fait les démarches administratives mais fournissait la garantie.
- il se peut, très fortement, que Monsieur M. soit en réalité un faux particulier et qu'il exerce, de fait, l'activité d'achat et de revente de bateaux de plaisance.
- sur le rapport d'expertise, celle-ci se déroulera avec un manquement flagrant par l'expert de son obligation d'objectivité. Il prendra pour « argent comptant » toute une série d'affirmations à charge de M. S..
Il fait alors valoir les observations de Monsieur J., expert maritime, qui a l'assisté pendant toute l'expertise judiciaire.
- l'expert ne relèvera pas en outre les contrevérités de M. M. qui a prétendu que le sinistre est intervenu lors de la première sortie, ce qui est totalement impossible puisque l'expert relève lui-même que le bateau a été utilisé par Monsieur M. pendant 25 heures avant l'apparition du dommage.
- il est reproché à Monsieur S. de ne pas avoir suivi les préconisations du motoriste Volvo mais la société Médoc Méca Plaisance est bien un professionnel qui a eu en main le bateau juste après l'acquisition par Monsieur M..
Or, l'expert dira de manière pour le moins péremptoire que les désordres constatés ne sont pas en lien avec les réparations effectuées après la vente.
Il est au contraire tout à fait probable que ce soit bien Médoc Méca Plaisance qui soit à l'origine de ce désordre, soit en n'effectuant pas les opérations préconisées par Volvo, soit en effectuant mal certaines opérations et en les cachant par la suite.
Les courroies seront enlevées par Médoc Méca Plaisance et n'ont jamais pu être examinées par qui que ce soit. Il est tout à fait plausible qu'une courroie ait pu lâcher et casser le moteur.
L'expert judiciaire ne daignera examiner une telle hypothèse, manquant ainsi de manière flagrante à son devoir d'objectivité. Il ne cherchera pas à savoir si un tel défaut aurait permis d'utiliser le bateau pendant 25 heures, durée d'utilisation par Monsieur M..
- le rapport d'expertise déposé par Monsieur V. ne pourra en aucun cas être homologué et le jugement de première instance se devra d'être réformé.
Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du, M. Antoine M. et Mme Marie-Rose L. épouse M. ont présenté les demandes suivantes :
« Vu les articles 1641 et suivants du Code civil, Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil,
CONFIRMER le jugement déféré rendu le 15 janvier 2019 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté les époux M. de leurs demandes indemnitaires, limité les sommes allouées au visa de l'article 700 du Code de Procédure Civile à 2 500 € et n'a pas statué sur la prise en charge des dépens de référé ;
Statuant à nouveau
DEBOUTER Monsieur S. de l'ensemble de ses demandes,fins conclusions, Sur l'appel incident,
INFIRMER le Jugement rendu le 15 janvier 2019 en ce qu'il a débouté les époux M. de leurs demandes indemnitaires ;
REFORMER le jugement entrepris et CONDAMNER Monsieur S. à payer à Monsieur et Madame M. :
- 31 559,49 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de leur préjudice
Financier et en remboursement des frais occasionnés par la vente,
- 4 500 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance,
- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral,
- 7 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
FIXER au passif de la société KW BOAT FISHING, en sus des condamnations fixées par le Jugement du 15 janvier 2019, la créance suivante :
- 31 559,49 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de leur préjudice financier et en remboursement des frais occasionnés par la vente,
- 4 500 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance,
- 7 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER Monsieur S. à supporter les entiers dépens d'appel en sus de ceux afférents à l'instance de référé ayant aboutie au prononcé de l'ordonnance du 19 janvier 2015, de l'instance au fond, les frais d'Expertise judiciaire d'un montant de 4 190,72 euros TTC dont distraction au profit de Maître Delphine B.-M. ».
A l'appui de leurs prétentions, M. Antoine M. et Mme Marie-Rose L. épouse M. soutiennent notamment que :
- par le biais de son site internet, la Société KW BOAT FISCHING a proposé à la vente un navire d'occasion ST BOAT 840 PRESTIGE avec deux moteurs VOLVO totalisant 400 heures, pour un montant de 55 000 euros, et la vente était assortie d'une garantie de six mois.
Par l'intermédiaire de la Société KW BOAT FISHING, un rendez-vous a ainsi été convenu le 11 mars 2014 en présence de l'ancien propriétaire du navire, Monsieur S..
- Monsieur M. a laissé un chèque de d'acompte de 5 000 euros à l'ordre de la Société KW BOAT FISHING.
Un second rendez-vous a été fixé le 25 mars 2014 pour concrétisation de la vente.
A cette occasion, la Société KW BOAT FISHING a présenté un acte de vente. Monsieur M. a alors découvert que ledit acte avait été pré-rempli, et que Monsieur S. y apparaissait comme étant le vendeur du navire.
La Société KW BOAT FISHING a rassuré Monsieur M. en lui indiquant qu'il s'agissait uniquement de faciliter la mutation du bateau, et qu'il n'était bien entendu pas question de vendre le bien d'autrui.
- la Société KW BOAT FISHING a ensuite établi une facture en date du 30 avril 2014, pour le prix de vente de 48 000 euros.
Cette facture comportait l'indication suivante :
« Reprise ST BOAT à MR S. 8.40 N° SERIE 8777 »
- dès le 31 mai 2014, date de la première sortie en mer de Monsieur M. avec le navire, le moteur de gauche s'est mis en alarme à 3 400 tours, l'ordinateur indiquant par ailleurs la mention « alimentation entretien régulier » et il n'a pu que déplorer la panne du second moteur, la courroie étant totalement déchiquetée…
- Monsieur M. a contacté la Société KW BOAT FISHING afin qu'elle remédie à ses frais aux désordres mais cette dernière est demeurée totalement passive, en dépit de sa « garantie commerciale de 6 mois ».
- le cabinet MARINE EXPERTISE a déposé son rapport d'expertise amiable contradictoire le 24 septembre 2014, au terme duquel il a évalué le montant des travaux réparatoires à la somme de 16 675,81 €.
L'expert en a conclu que le moteur avait dû subir un grave incident, et avait fait l'objet de réparations non conformes aux règles de l'art et ce, antérieurement à la vente intervenue entre Monsieur S. et Monsieur M.
- M. et Mme M. sont bien fondés à rechercher la responsabilité de Monsieur S. et de son mandataire, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code Civil et de l'article 1382 du Code Civil.
- M. S. n'avait formé aucune critique en cours d'expertise verbalement ou par voie de dire, concernant l'impartialité de l'expert, ni critiqué le rapport d'expertise en 1ère instance,
- il résulte du rapport d'expertise judiciaire qu'antérieurement à la vente en date du 30 avril 2014, le bateau litigieux présentait de nombreux vices, lesquels étaient totalement ignorés des acquéreurs.
- l'expert a relevé que « le navire est actuellement impropre à l'usage auquel il est destiné, le moteur tribord est hors service... »
- si M. M. s'est d'abord adressé à son interlocuteur direct, il est vain pour Monsieur S. de prétendre qu'il ne serait pas vendeur du navire, dès lors que l'acte de vente fait apparaître clairement et expressément sa qualité de vendeur du navire litigieux, ce que l'expert judiciaire a retenu.
- sur la réparation des préjudices subis, il apparaît inconcevable que Monsieur S. n'ait pas eu connaissance des désordres viciant le navire avant la conclusion de la vente en date du 25 mars 2014.
Le navire avait déjà subi une avarie similaire, en juillet 2011, laquelle n'a jamais été portée à la connaissance de Monsieur et Madame M..
- si M. S. affirmait n'avoir effectué aucune intervention ni réparation sur le bateau, M. V. a mis en évidence la réalisation de travaux sur l'intercooler, travaux de surcroît mal exécutés et à l'origine d'un problème d'étanchéité et de corrosion, et l'achat, en décembre 2012, de deux turbines de pompe eau de mer.
- Monsieur S., qui a manqué à son obligation de renseignements, sera donc tenu de réparer les dommages subis par M. Et Mme M., outre le remboursement des frais accessoires à la vente.
- sur la responsabilité de la Société KW BOAT FISHING, Monsieur S. était assisté par cette société, professionnelle de la réparation et de la maintenance navale, laquelle offrait au demeurant une garantie de six mois.
La société SAS KW BOAT FISHING a commis une faute délictuelle, soit une faute de négligence pour ne pas avoir procédé aux vérifications qui s'imposaient.
Le mandataire judiciaire ne saurait valablement contester la responsabilité délictuelle de la société KW BOAT FISHING alors que son rôle d'intermédiaire est démontré et établi.
- M. et Mme M. forment appel incident du dispositif et des motifs du Jugement entrepris qui les a déboutés de leurs demandes.
- M. et Mme M. n'ont jamais pu profiter du bateau qu'ils ont acquis, l'avarie du moteur s'étant produite dès le 1er juin 2014.
Leur préjudice de jouissance doit donc être fixé à la somme de : 45 mois x 100 euros = 4 500 euros, sauf à parfaire et M. S. sera condamné à payer cette somme à titre de dommages-intérêts, cette créance devant en outre être fixée au passif de la Société KW BOAT FISHING.
Une somme de 2 000 € est en outre réclamée au titre de leur préjudice moral.
- M. et Mme M. sollicitent en outre le paiement de diverses sommes au titre de leur préjudice financier et le remboursement des frais occasionnés par la vente pour un total de 31 559,49 €.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Il y a lieu de relever que ni la SCP DELPHINE R. es-qualité de liquidateur judiciaire de la société KW BOAT FISHING ni la société KW BOAT FISHING, ni la société SARL SEUDRIMMO n'ont été régulièrement intimés.
Elles ne sont donc pas présentes en cause d'appel.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 17/12/2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le rapport d'expertise judiciaire :
M. S. fait état de ce que l'art. 237 du code de procédure civile, dispose que le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité.
Il rappelle que l'art. 238 de ce même code dispose, en son dernier alinéa, que l'expert ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique, alors que le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien.
Toutefois, s'il soutient le défaut d'objectivité de l'expert et ses erreurs d'appréciation, d'autant qu'il aurait pris comme sachant la société Médoc Méca Plaisance, elle-même intervenue sur le navire, il ne sollicite pas expressément dans le dispositif de ses écritures que le rapport d'expertise judiciaire soit annulé ou écarté des débats.
En tout état de cause, M. S. fonde ses critiques sur les dires de Monsieur J. qui l'a assisté durant l'expertise, celui-ci mettant également en cause M. R., expert amiable.
Il ne ressort toutefois pas de ces éléments que l'expert judiciaire ait manqué à sa mission et qu'un défaut d'objectivité de sa part puisse être retenu, alors que ses constatations sont précises et ses analyses techniquement argumentées et qu'il a pris en considération les informations et l'argumentation de toutes les parties.
La recevabilité aux débats du rapport d'expertise judiciaire déposée le 9 avril 2016 par M. V. n'a pas lieu d'être remise en cause.
Sur la qualité de vendeur :
M. S. soutient que la société KW Boat Fishing était bien le vendeur et devait une garantie comme elle s'y était engagée.
Il ressort de l'examen de l'acte de vente du bateau que celui-ci, établi le 25 mars 2014 porte effectivement la mention du nom de M. Claude S., M. M. étant acquéreur, cet acte portant la signature effective de M. S..
En outre, quand bien même la société KW Boat Fishing serait intervenue dans le cadre d'une opération de reprise du navire de M. S. et aurait perçu le prix versé par M. Et Mme M., l'expert judiciaire a pu relever que la transaction a été menée par SAS KW BOAT FISHING mais qu'un essai du bateau en temps limité avant la transaction fut réalisé en rade de Marseille par Mr S. en présence de Mr M., ce qui ne se comprendrait pas s'il n'était pas le propriétaire vendeur.
L'expert indique également qu'il s'avère que KW BOAT FISHING n'était pas administrativement le propriétaire.
Il ne peut être reproché à M. Et Mme M. d'avoir dans un premier sollicité cette société qui entendait garantir le navire pour 6 mois,
M. S. ne peut valablement soutenir avoir effectivement signé cet acte de vente, mais uniquement pour des questions administratives, le transfert de propriété à la société SAS KW BOAT FISHING n'étant pas dans ces conditions avérées, cette société ayant qualité de mandataire professionnel et intervenant à la vente en cette qualité comme retenu par le tribunal.
Il convient de retenir en conséquence et par confirmation du jugement rendu que M. S. avait qualité de vendeur du navire en cause.
Sur l'existence d'un vice caché :
L'article 1641 du Code civil dispose que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».
L'article 1644 du Code civil dispose : « Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ».
L'article 1645 du même code précise : « si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. »
L'article 1646 du code civil dispose que « si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente ».
En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que :
« L'imparfait technique du pouliage d'entrainement des auxiliaires était présent lors de la vente du 25 mars 2014.
L'anomalie de montage d'un joint au niveau de l'intercooler était également présente lors de la transaction.
Les contrôles effectués par MEDOC MECA PLAISANCE dont le relevé VODIA ne pouvaient permettre d'apprécier si le lignage du pouliage de la courroie rainurée... des travaux non référencés ont été effectués concernant ce pouliage d'entrainement des auxiliaires, comme furent également effectués des travaux sur l'intercooler.
Les travaux sur l'intercooler référencé « refroidissement d'air de suralimentation » ont entraîné comme décrit dans la note n°2 la pollution du circuit de lubrification par l'eau de mer : corrosions et usures anormales de la mécanique.
La facture des Ets G. fait état de l'achat de « turbine » pour la pompe eau de mer. Des travaux ont ainsi été réalisés lorsque Monsieur S. était le propriétaire du navire.
Le navire est actuellement impropre à l'usage auquel il est destiné, le moteur tribord est hors service.
En l'état, la ligne de propulsion tribord est absente, ce moteur, comme mentionné en la note aux parties n°2, ne peut être réparé. Corrosion importante affectant l'ensemble du moteur
... Concernant le réfrigérant INTERCOOLER [...] un de ces joints fut trouvé « mal monté » lors de l'expertise du 06 août 2014...Le réfrigérant Intercooler présentait le 6 août 2014 un défaut d'étanchéité dû au mauvais positionnement d'un joint annulaire.
Origine de la présence de chlorure de sodium et d'eau dans l'huile AVIS : Défaut d'étanchéité du réfrigérant d'air (intercooler) du compresseur d'air.
Les rapports d'expertise de juin/août 2014 mentionnent un juin de ce réfrigérant d'air mal monté. L'analyse résultante est révélatrice: [ ...] De l'origine de corrosions présentes irréversibles, qui ne permettront pas une réutilisation de ce bloc moteur (présence de sel et d'eau dans l'huile).
Monsieur S. a acheté aux Etablissements G. en décembre 2012 deux turbines (rouet caoutchouc) de pompe eau de mer ».
L'expert a également retenu que l'entretien et la maintenance du navire n'ont pas été réalisés suivant les préconisations du motoriste VOLVO PENTA.
Il résulte de l'ensemble de ces constatations que le navire était affecté, préalablement à la vente intervenue le 23 mars 2014, d'un défaut du pouliage d'entraînement des auxiliaires du moteur tribord et une déficience d'un joint interne au réfrigérant d’air, ayant généré une usure prématurée du moteur par corrosions et entraînements de métal.
Ces vices étaient cachés aux yeux des acquéreurs non professionnels, faute de la démonstration contraire de la part de M. S., et leurs effets sont apparus très peu de temps après la vente.
M. S. ne démontre pas, au regard des pièces versées, que les vices aient pu trouver leur origine dans l'intervention postérieurement à la vente de la société Médoc Méca Plaisance qui n'est pas dans la cause, pas plus qu'il ne démontrait en première instance que les vices pouvaient exister à l'état de germe lors de son propre achat du navire le 26 mai 2012 auprès de la société SEUDRIMMO.
Leur importance rendait le navire impropre à sa destination, et le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente intervenue, et condamné l'appelant au remboursement du prix de la vente, à charge pour lui de procéder à ses frais exclusifs à la reprise du navire.
Comme retenu par le tribunal, la société KW BOAT FISHING a procédé à la vente du navire en sa qualité de mandataire professionnel mais ne s'est pas assurée, ainsi que le retient l'expert de la parfaite maintenance de ce navire et de son état technique du navire lors de la vente.
Le tribunal a retenu à bon droit que la société KW BOAT FISHING a manqué à ses obligations de mandataire et doit en conséquence être tenue in solidum avec Claude S. au paiement du quart des condamnations mises à sa charge, la somme due à ce titre étant fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société.
Sur les demandes de remboursement et indemnitaires :
Il y a lieu de retenir au regard des conclusions du rapport d'expertise judiciaire que M. S. qui a conservé le navire durant 2 années pour 80 heures d'utilisation n'a pas la qualité de vendeur professionnel, aucun élément des débats ne permettant de retenir cette qualité.
Il n'est pas en outre démontré qu'il ait pu avoir en sa qualité de profane la connaissance des vices présents sur son navire et qui n'étaient pas apparents.
En conséquence, il ne peut lui être réclamé de dommages et intérêts mais seulement, par application des dispositions des articles 1645 et 1646 du code civil, le remboursement des frais occasionnés par la vente.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme M. de leurs demandes de dommages et intérêt au titre des préjudices de jouissance et moral qu'ils invoquent.
M. et Mme M. sollicitent en outre le paiement de diverses sommes au titre de leur préjudice financier et le remboursement des frais occasionnés par la vente.
Leurs demandes seront accueillies par confirmation du jugement rendu s'agissant :
- des frais de déplacement pour l'essai du bateau le 11 mars 2014 (péage) : 51,70 €
- du coût du transport du bateau depuis le Port de l'Estaque en date du 02 avril 2014 : 1 900,00 €
- de l'assurance du bateau au titre des années 2014 à 2017 incluse : 2 283,48 €
- du coût de la place de port au titre des années 2014 à 2018 incluse (5 x 930 euros) : 4 670 €
- de la taxe de francisation du bateau au titre des années 2015 à 2018 incluse (4 x 532,00 euros) : 2 128 €
- de la facture MEDOC MECA PLAISANCE en date du 22 avril 2014
- de la facture MEDOC MECA PLAISANCE en date du 7 août 2014
- de la facture MEDOC MECA PLAISANCE (Location emplacement) en date du 10 janvier 2018
- de la facture ACCASTILLAGE DIFFUSION en date du 29 mars 2014 (sonde traversante)
- de la facture ACCASTILLAGE DIFFUSION en date des 5 et 15 avril 2014 (achat de survie à réviser à la fin de l'année)
- de la facture de gardiennage MEDOC MECA PLAISANCE du 30 janvier 2016 : 2 016,00 €
Soit une somme totale de 18 989,49 €, le jugement devant être confirmé en ce qu'il a condamné M. Claude S. à rembourser aux époux M. la somme de 18 989,49 € au titre des frais occasionnés par la vente et fixé au passif de la société KW BOAT FISHING in solidum avec Claude S. la créance de 4 747,37 €.
Par contre, les frais de location d'emplacement d'un mobil-home au Camping Les Oyats : 12 550 euros (5 saisons) ne sont pas en relation directe et suffisante avec ceux occasionnés par la vente du navire, et cette demande a été justement écartée par le tribunal.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts telle que sollicitée.
Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile :
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...). »
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge in solidum de M. Claude S..
Il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Delphine B.-M., avocat.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de condamner M. Claude S. à payer à M. Antoine M. et Mme Marie-Rose L. épouse M. la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Les sommes allouées au titre des frais de première instance ont été justement appréciées, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
CONDAMNE M. Claude S. à payer à M. Antoine M. et Mme Marie-Rose L. épouse M. la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
CONDAMNE M. Claude S. aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Maître Delphine B.-M., avocat, étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.