ADLC, 12 février 2021, n° 21-DCC-25
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Paris Turf par NJJ Holding
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme de Silva
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 12 juin 2020, et déclaré complet le 30 septembre 2020, relatif à la prise de contrôle exclusif des activités du groupe Paris Turf par NJJ Holding, formalisée par une offre de reprise globale en date du 17 juin 2020 déposée auprès du tribunal de commerce de Bobigny dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire à l’encontre des sociétés du groupe Paris Turf ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l’instruction ; Vu les autres pièces du dossier ;
Adopte la décision suivante :
Résumé1
L’opération consiste en l’acquisition par la société NJJ Holding (ci-après « NJJ »), active notamment dans les secteurs de la presse, des médias et des télécommunications, de certaines sociétés du Groupe Paris Turf (ci-après « GPT »), actif dans le secteur de la presse hippique.
L’Autorité de la concurrence a procédé à une délimitation des marchés pertinents et à l’analyse des effets de l’opération sur la structure de ces marchés, en se fondant notamment sur sa pratique décisionnelle, sur des études fournies par la partie notifiante, ainsi que sur les informations récoltées par le biais de tests de marché et d’entretiens réalisés auprès des concurrents des parties. Une analyse successive des effets horizontaux, verticaux et congloméraux qu’entraîne l’opération a été menée.
Les activités des parties entraînent des chevauchements sur les marchés suivants :
- marché global du lectorat de la presse quotidienne nationale ;
- marché global du lectorat de la presse magazine ;
- marché global de la vente d’espaces publicitaires dans la presse quotidienne nationale ;
- marché global de la vente d’espaces publicitaires dans la presse magazine ;
- marché global des petites annonces dans la presse quotidienne nationale ;
- marché de l’exploitation de sites éditoriaux en ligne ;
- marché de la publicité en ligne non liée aux recherches ;
- marché national des régies publicitaires ;
- marché aval de l’information hippique à destination du grand public.
Au regard des parts de marché des parties et/ou de l’incrément de parts de marché associé à l’opération, l’Autorité a considéré que l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur ces marchés.
L’Autorité a également analysé plusieurs liens verticaux créés par l’opération et devant faire l’objet d’une analyse concurrentielle.
S’agissant du lien créé par l’opération entre les marchés du lectorat de la presse écrite et les marchés de l’impression de titres de presse pour compte de tiers, l’Autorité a considéré que l’existence de nombreux sites d’imprimerie alternatifs à ceux de NJJ permet de limiter l’incitation de la nouvelle entité à mettre en œuvre une stratégie de verrouillage au détriment de titres de presse écrite concurrents de ceux de GPT. Par ailleurs, le faible volume représenté par les titres de GPT dans le volume total de titres imprimés chaque jour en France permet également d’écarter le risque d’éviction des imprimeurs tiers. Pour des raisons similaires, le risque d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux entre les marchés du lectorat de la presse écrite et les marchés de la distribution de titres de presse pour compte de tiers a également pu être écarté.
S’agissant du lien créé par l’opération entre les marchés amont de la diffusion d’informations hippiques aux professionnels, et le marché aval de la diffusion d’informations hippiques par le biais de la presse écrite, l’Autorité a pu écarter le risque de mise en place de stratégies de verrouillage de l’information en amont, ou de la clientèle en aval, compte tenu notamment de la capacité de réaction du principal concurrent de GPT en matière de fourniture d’informations hippiques à destination de la presse écrite.
L’Autorité a enfin écarté les risques d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets congloméraux sur les marchés du lectorat, de l’exploitation de sites éditoriaux en ligne ou de la vente d’espaces publicitaires dans la presse. Pour ce faire, les différences entre les lectorats des titres de NJJ et de GPT, ainsi que les bases d’annonceurs communs entre les titres des parties ont notamment été étudiées. Cette analyse a permis de mettre en évidence le fait qu’une offre couplée sur ces marchés ne présentait pas un réel intérêt pour le consommateur.
L’opération a dès lors été autorisée sans conditions.
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. NJJ Holding (ci-après « NJJ ») est une société holding dont le capital est détenu exclusivement par M. Xavier Niel. Via sa filiale NJJ Presse, NJJ détient le contrôle conjoint avec M. Mathieu Pigasse (et la société Les Nouvelles Éditions Indépendantes « LNEI » de ce dernier), du groupe Le Monde et la société le Nouvel Observateur du Monde. Ces sociétés sont actives, notamment, dans le secteur de la presse nationale. NJJ détient par ailleurs, via sa filiale NJJ Médias, le contrôle du groupe France-Antilles (ci-après « GFA ») ainsi que du groupe Nice Matin (ci-après « GNM ») actifs en matière de presse régionale. NJJ contrôle exclusivement le groupe Iliad, actif dans la fourniture de services de télécommunications fixes et mobiles. Enfin, NJJ contrôle le groupe Mediawan, actif dans la production de contenus audiovisuels et l’édition de chaînes, conjointement avec LNEI et le groupe Troisième Œil.
2. Le groupe Paris Turf (ci-après « GPT ») est actif dans le secteur de la presse hippique en France à destination des professionnels et parieurs. Il édite plusieurs quotidiens nationaux ainsi que des magazines au niveau national2. Avant l’opération, GPT est contrôlée par M. Jacques-Henri Eyraud.
3. L’opération consiste en l’acquisition par NJJ Holding des activités des sociétés de GPT.
4. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif par NJJ des activités de GPT, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (NJJ : [> 150] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2019 ; GPT : [>50] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2019). Ces entreprises réalisent chacune, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (NJJ : [> 50] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2019 ; GPT : [> 50] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2019). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce, relatives à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. L’examen de la présente opération, au regard de l’activité de la cible, conduit à procéder à la définition des marchés suivants3 : les marchés de la presse écrite, les marchés connexes à ceux de la presse et les marchés de la diffusion d’informations hippiques.
A. LES MARCHES DE LA PRESSE ECRITE
7. Les autorités de concurrence considèrent que la presse écrite constitue un marché distinct des autres médias traditionnels (télévision, radio, etc.), en particulier parce que ces derniers n’offrent pas une analyse de l’information aussi large et approfondie que la presse écrite. Au regard de l’évolution du secteur, l’Autorité a envisagé d’élargir la définition de ce marché pour y intégrer les sites internet des titres de presse, ainsi que les acteurs spécialisés en ligne (comme, par exemple, Mediapart ou Huffington Post) et les « agrégateurs d’informations » (comme, par exemple, Google News)4.
8. Au sein du secteur de la presse écrite, l’Autorité opère une distinction entre la presse quotidienne nationale (ci-après, « PQN »), la presse régionale, la presse magazine, la presse gratuite et la presse spécialisée5.
9. Pour chaque type de presse, trois marchés sont distingués6 : le lectorat, la vente d’espaces publicitaires et la vente de petites annonces.
1. LES MARCHES DE PRODUITS
a) Les marchés du lectorat
10. Les autorités de concurrence distinguent différents marchés en se fondant sur le type d’informations mises en valeur, le style, la présentation, la périodicité, la politique commerciale (vente par abonnement ou au numéro), le prix et les caractéristiques des lecteurs (sexe, âge, catégories socio-professionnelles, revenus et domicile)7. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces distinctions des marchés du lectorat à l’occasion de la présente décision.
11. En ce qui concerne le marché du lectorat de la PQN, la pratique décisionnelle a envisagé l’existence de marchés distincts pour les quotidiens d’information générale, les quotidiens économiques et financiers et les quotidiens sportifs dans la mesure où ils répondent à des besoins différents des consommateurs8.
12. Au cas d’espèce, NJJ est actif sur le marché du lectorat des quotidiens d’information générale via le titre Le Monde.
13. La partie notifiante souligne que les titres de PQN de GPT Paris Turf, Paris Courses, Week- End, La Gazette des Courses, Tiercé Magazine et Bilto, sont consacrés au monde hippique. Ces publications fournissent quasi-exclusivement des informations sur les courses hippiques assées ou à venir destinées aux parieurs ou « turfistes ». Elles répondent à un besoin spécifique émanant d’un public particulier.
14. Pour la partie notifiante, ces titres dédiés au monde hippique relèvent d’un marché du lectorat de la PQN spécifique.
15. L’instruction a montré à cet égard que les différences de thématiques abordées par les titres de GPT et de NJJ sont également constatées en ce qui concerne les caractéristiques socio- démographiques des lectorats respectifs de GPT et de NJJ. L’analyse d’études fournies par la partie notifiante a montré que le lectorat des titres de GPT est très majoritairement masculin (83 %), alors que celui de titres phares du groupe NJJ9 est, en moyenne, plus mixte (52 % masculin). Du point de vue des catégories socio-professionnelles, des différences sont également observées : le lectorat de GPT est composé de seulement 22 % de CSP+, contre
36 % en moyenne pour les titres édités par NJJ. En outre, l’étude interne fournie par la partie notifiante concernant GPT montre que le lectorat de la presse quotidienne hippique présente, en moyenne, une appétence plus importante pour certaines thématiques – comme le sport, la chasse et la pêche – que le lectorat issu d’autres univers de la presse.
16. Il n’y a néanmoins pas lieu de se prononcer sur la délimitation précise d’un marché du lectorat de la PQN consacrée au monde hippique, en l’espèce, dès lors que cette question est sans incidence sur les résultats de l’analyse concurrentielle.
17. En ce qui concerne le marché du lectorat de la presse régionale, la pratique décisionnelle distingue, en raison de la périodicité différente des titres, le marché de la presse quotidienne régionale (ci-après « PQR ») de celui de la presse hebdomadaire régionale10.
18. Au cas d’espèce, seul NJJ est présent sur le marché de la PQR, au travers des titres Nice Matin et Var Matin, édités par GNM, et France-Antilles Guadeloupe, France-Antilles Martinique et France Guyane, édités par GFA.
19. Au sein de la presse magazine, les autorités de concurrence distinguent notamment les hebdomadaires d’actualité politique et générale, les hebdomadaires de télévision, les journaux féminins, les magazines économiques et financiers, les publications spécialisées grand public et les publications spécialisées professionnelles11.
20. La presse spécialisée grand public peut être à vocation nationale ou à vocation locale. Différents segments ont été identifiés en fonction du contenu éditorial, de la présentation, de la périodicité, de la politique commerciale et des caractéristiques des lecteurs12. Les autorités ont ainsi pu distinguer les magazines consacrés à la maison13, ceux consacrés à la musique14 et ceux consacrés à l’informatique15 A également été distingué un marché de la presse magazine automobile16.
21. L’Autorité a par ailleurs envisagé l’existence de marchés distincts des magazines consacrés au sport17 et des magazines pour enfants18.
22. NJJ édite les titres hebdomadaires suivants : M Le magazine du Monde, Courrier International, Télérama, La Vie, La Sélection Hebdomadaire, et L’Obs. Certains de ces titres ont déjà été qualifiés par les autorités de concurrence de titres d’actualité politique et générale19.
23. NJJ édite également des titres mensuels (Le Monde Diplomatique et Prier), bimestriels (Manières de Voir, Le Monde des Religions) et annuels (L’Atlas des Civilisations et Le Guide Saint Christophe).
24. GPT est actif sur le marché du lectorat de la presse magazine, via le titre hebdomadaire Lotofoot Magazine, dédié aux paris sportifs20. Au vu de leurs contenus éditoriaux distincts, les activités des parties ne se chevauchent dès lors que si des marchés globaux du lectorat de la presse quotidienne nationale et de la presse magazine, toutes thématiques confondues, sont considérés.
b) Les marchés de la vente d’espaces publicitaires
25. La pratique décisionnelle considère qu’en matière de vente d’espaces publicitaires, la presse quotidienne n’est pas substituable à la presse magazine, dès lors que ces deux types de presse, compte tenu de leur périodicité, ne remplissent pas les mêmes fonctions vis-à-vis des lecteurs21. La pratique décisionnelle a également envisagé de distinguer un marché de la publicité financière et un marché de la publicité commerciale22.
26. En ce qui concerne le marché de la publicité commerciale dans les quotidiens nationaux, la pratique décisionnelle a envisagé de définir un marché recouvrant l’ensemble des quotidiens nationaux d’une part, et un marché limité aux quotidiens économiques et financiers d’autre part23.
27. En ce qui concerne la presse quotidienne régionale, une distinction peut être envisagée entre la publicité locale et la publicité extra-locale24.
28. En ce qui concerne la presse magazine, les autorités de concurrence ont envisagé différentes approches aux fins de délimiter les marchés25 :
- la première consiste à considérer que le marché de la vente d’espaces publicitaires peut être déterminé d’une manière similaire au marché du lectorat, notamment dans la mesure où les magazines traitant de la même thématique s’adressent à des lecteurs ayant des caractéristiques socio-professionnelles proches et permettent aux annonceurs de toucher les mêmes cibles publicitaires ;
- la deuxième consiste à regrouper l’ensemble des magazines ayant au moins 25 % d’annonceurs en commun avec un magazine de référence. De tels magazines seraient ainsi considérés comme substituables du point de vue des annonceurs ;
- la troisième méthode consiste à segmenter le marché en fonction du secteur d’activité des annonceurs.
29. En l’espèce, la partie notifiante considère qu’il convient de segmenter les marchés de la vente d’espaces publicitaires de façon similaire aux marchés du lectorat, en identifiant spécifiquement un marché de la vente d’espaces publicitaires dans la presse quotidienne nationale hippique et dans la presse magazine hippique.
30. L’instruction a fait apparaître que les encarts publicitaires présents dans les titres de GPT sont majoritairement dédiés au monde hippique, et plus particulièrement aux sites de paris hippiques. Ils se distinguent de ceux qui sont diffusés sur les titres de presse de NJJ, qui sont beaucoup plus diversifiés et concernent, en majorité, les grandes marques de l’industrie du luxe, des télécommunications, de l’automobile ou encore de la distribution.
31. Ces constats ont pu être confirmés dans le cadre de l’instruction, au moyen d’une étude des principaux annonceurs de NJJ et de GPT fournie par la partie notifiante. Seuls [0-5] annonceurs sont communs, en 2019, aux titres de NJJ et de GPT : il s’agit de […]. Ces [0-5] annonceurs représentent [20-30]% des revenus publicitaires totaux de GPT, mais seulement [0-5] % des revenus publicitaires totaux de NJJ. Il peut donc être considéré, comme le soutient la partie notifiante, que NJJ et GPT ne ciblent pas les mêmes annonceurs sur les marchés de la vente d’espaces publicitaires, et qu’ils sont donc actifs sur des marchés distincts.
32. Il n’y a toutefois pas lieu de conclure sur la délimitation précise de ces marchés en l’espèce, l’analyse concurrentielle demeurant inchangée, quelle que soit l’hypothèse retenue.
33. GPT est actif dans le domaine de la vente d’espaces publicitaires dans la presse quotidienne nationale hippique et dans la presse magazine, via Lotofoot Magazine. NJJ est actif sur les marchés de la vente d’espaces publicitaires dans la PQN d’informations générales, la PQR et la presse magazine d’information générale. Les activités des parties ne se chevauchent dès lors que si des marchés globaux de la vente d’espaces publicitaires dans la presse quotidienne nationale toutes thématiques confondues, sont considérés.
c) Les marchés des petites annonces
34. La pratique décisionnelle opère une distinction entre les petites annonces portant sur le secteur de l’automobile, de l’immobilier et de l’emploi26.
35. Par ailleurs, une distinction additionnelle peut être envisagée entre (i) le marché « particulier » - lui-même séparé entre « petites annonces » et « carnet » -, (ii) le marché « professionnel » - distinguant en son sein les petites annonces « immobilier », « emploi » et « automobile » -, et (iii) le marché des « annonces légales »27.
36. Au cas d’espèce, NJJ est actif sur l’ensemble des marchés identifiés ci-dessus, principalement au travers des titres de PQR qu’elle contrôle.
37. La partie notifiante relève que l’activité de GPT sur les marchés des petites annonces dans la presse écrite est circonscrite au quotidien Paris Turf. Les annonces publiées concernent essentiellement l’élevage, la vente ou les saillies de chevaux, ainsi que la vente de matériels et d’équipements équestres. Des annonces d’emplois dans le secteur du cheval peuvent également être publiées. GPT opérerait ainsi sur un marché distinct des petites annonces liées au monde du cheval.
38. En tout état de cause, il n’y a pas lieu de conclure sur la délimitation précise de ces marchés en l’espèce, l’analyse concurrentielle demeurant inchangée quelle que soit l’hypothèse retenue.
2. LES MARCHES GEOGRAPHIQUES
39. Selon une pratique décisionnelle constante, la dimension géographique des marchés de la presse écrite correspond à leur zone de diffusion, qui peut être de dimension nationale, régionale, départementale ou infra-départementale28.
B. LES MARCHES CONNEXES A CEUX DE LA PRESSE
1. LE MARCHE DE L’EXPLOITATION DE SITES EDITORIAUX EN LIGNE
40. L’Autorité considère que les sites éditoriaux, qui constituent le prolongement de la version papier des titres de presse (ou « sites compagnons »), forment un marché distinct des sites dédiés à des thèmes spécifiques, tels que les sites de petites annonces (annonces généralistes, immobilier, emploi)29.
41. Les sites éditoriaux adossés à un titre de presse écrite sont toutefois en concurrence avec les sites internet liés à d’autres médias (télévision ou radio) et les sites d’acteurs spécialisés de la presse en ligne30.
42. Au sein de la catégorie des sites « compagnons », une segmentation a été envisagée selon le type d’information publiée sur les sites (information d’actualité politique et générale ou information économique et financière) ou la thématique abordée31.
43. Le marché de l’exploitation de sites éditoriaux en ligne est considéré par l’Autorité comme étant de dimension au moins nationale32.
44. La partie notifiante considère que les parties sont actives sur des marchés distincts, à savoir l’exploitation de sites éditoriaux d’information d’actualité politique et générale pour NJJ et l’exploitation de sites éditoriaux consacrés au monde hippique pour GPT. La partie notifiante considère, à ce titre, que les différences importantes qui existent entre le lectorat des titres de NJJ d’une part et le lectorat des titres de GPT d’autre part, se retrouvent mutatis mutandis au niveau des sites éditoriaux en ligne des parties.
45. Il n’y a toutefois pas lieu de conclure sur la délimitation exacte de ces marchés, l’analyse concurrentielle demeurant inchangée quelle que soit l’hypothèse retenue.
46. En l’espèce, GPT et NJJ sont tous deux actifs sur le marché de l’exploitation de sites éditoriaux en ligne, bien que les thématiques abordées par les sites détenus par les parties divergent. Les activités des parties ne se chevauchent dès lors, que si des marchés globaux de l’exploitation de sites éditoriaux en ligne, toutes thématiques confondues, sont considérés.
2. LE MARCHE DE LA PUBLICITE EN LIGNE
47. Les autorités de concurrence considèrent que le marché de la publicité en ligne est distinct des autres modes de publicité33.
48. Elles ont par ailleurs envisagé de distinguer la vente d'espaces publicitaires en ligne selon leur mode de sélection (annonces liées aux recherches ou non) et selon leur apparence visuelle (annonces textuelles ou autres formats, comme les affichages graphiques ou les annonces en « display »).
49. La Commission a également envisagé de distinguer la publicité en ligne destinée aux terminaux fixes (ordinateurs) et celle destinée aux terminaux mobiles (téléphone, tablettes)34.
50. Les autorités de concurrence considèrent que la dimension géographique du marché de la publicité en ligne est nationale, pour des raisons principalement liées aux barrières culturelles et linguistiques35.
51. Il n’y a pas lieu de conclure sur la délimitation exacte des marchés de la publicité en ligne, l’analyse concurrentielle demeurant inchangée, quelle que soit l’hypothèse retenue.
52. En l'espèce, GPT et NJJ sont tous deux actifs sur les marchés de la publicité en ligne et plus particulièrement sur les marchés de la publicité en ligne non liée aux recherches.
3. LE MARCHE DE L’IMPRESSION DE TITRES DE PRESSE POUR COMPTE DE TIERS
53. La pratique décisionnelle a précisé qu’il y avait lieu de distinguer l’impression de titres de presse, d’une part, de l’activité d’impression de documents administratifs et publicitaires et d’impression de livres, d’autre part, en raison de la nature des prestations concernées (quantités à imprimer, fréquence, contraintes horaires, qualité du papier, type d’impression couleur, etc.) et des outils de production utilisés (une simple imprimante suffit à imprimer des prospectus publicitaires alors que des rotatives très spécifiques sont utilisées pour l’impression de quotidiens)36.
54. Les marchés de l’impression pour compte de tiers ont été analysés par la pratique décisionnelle au niveau national mais également au niveau local « compte tenu d’une certaine nécessité pour les titres de presse régionaux d’être imprimés aux alentours de leur zone de diffusion »37.
55. En l’espèce, seul NJJ est actif sur ces marchés. GNM détient un site d’impression situé dans les Alpes-Maritimes, avec une activité marginale d’impression de titres de presse pour des tiers (OGC Nice Mag, Le petit niçois, magazines mensuels d’associations). GFA dispose d’un site d’impression situé en Guadeloupe. Jusqu’à fin janvier 2020, les seuls titres d’éditeurs tiers qu’elle imprimait étaient ceux de GPT. Aujourd’hui, elle n’imprime que ses propres titres.
56. Ces marchés sont délimités au titre des effets verticaux de l’opération.
4. LE MARCHE DE LA DISTRIBUTION DE TITRES DE PRESSE POUR COMPTE DE TIERS
57. La pratique décisionnelle nationale identifie un marché de la distribution de prospectus et de journaux pour compte de tiers38.
58. La distribution de la presse peut être effectuée par deux canaux : la vente par abonnement et la vente au numéro. Il ressort d’une pratique décisionnelle constante que la vente au numéro constitue un marché distinct39.
59. La délimitation géographique du marché de la distribution de journaux pour compte de tiers n’a pas été précisément définie par l’Autorité. La partie notifiante considère à cet égard que le marché a une dimension à la fois nationale et régionale, compte tenu de la présence d’acteurs à la fois nationaux (France Messagerie40, Messageries Lyonnaise de Presse (MLP)), régionaux (dépositaires de presse, acteurs de la PQR) ou multi-régionaux (entreprises de portage comme Proximy).
60. Il n’y a pas lieu de conclure sur la délimitation exacte des marchés de la distribution de titres de presse pour compte de tiers, l’analyse concurrentielle demeurant inchangée, quelle que soit l’hypothèse retenue.
61. En l’espèce, seul NJJ est actif sur ces marchés, notamment au niveau régional au travers de GNM. GFA, qui distribuait auparavant les titres de GPT dans les Antilles, a depuis cessé cette activité.
62. Ces marchés sont délimités au titre des effets verticaux de l’opération.
5. LE MARCHE DES REGIES PUBLICITAIRES
63. La vente d’espaces publicitaires se réalise soit directement, soit par l’intermédiaire d’une régie publicitaire. Les autorités de concurrence ont retenu l’existence d’un marché de la régie publicitaire41. L’offre fait intervenir une société de régie à laquelle les supports médias confient la gestion de leurs espaces publicitaires, par un contrat de mandat dans lequel le support est le mandant et le régisseur le mandataire. Le rôle de ces régies consiste à commercialiser, auprès des demandeurs, annonceurs et agences, les espaces dont dispose le support.
64. À l’instar de la segmentation établie pour les marchés de la vente d’espaces publicitaires, il existe autant de marchés de régie publicitaire que de supports médias.
65. Selon la pratique des autorités de concurrence, la dimension géographique des médias et de la publicité de ces médias correspond à leur zone de diffusion. Il en va donc de même pour les marchés de la régie publicitaire.
66. Il n’y a pas lieu de conclure sur la délimitation exacte des marchés des régies publicitaires, l’analyse concurrentielle demeurant inchangée, quelle que soit l’hypothèse retenue.
67. En l’espèce, NJJ est actif sur ce marché, pour compte de tiers, via la SEM (pour Radio France) et via GNM (pour la radio locale Mistral FM). GPT est également actif sur ce marché au niveau national.
C. LES MARCHES DE LA DIFFUSION D’INFORMATIONS HIPPIQUES
68. Afin d’effectuer ses paris, un parieur doit bénéficier d’un ensemble d’informations : programme des courses, types de paris offerts, résultats des courses et de ses paris.
1. LES MARCHES DE PRODUITS
69. Il existe selon la pratique décisionnelle42 un marché amont de la diffusion d’informations hippiques aux professionnels (agences de presse, fournisseurs de contenus et médias), et un marché aval de la diffusion d’informations hippiques au grand public.
a) Le marché amont de la diffusion d’informations hippiques aux professionnels
70. Les informations hippiques à destination des professionnels peuvent se décomposer en deux catégories d’informations : les informations brutes et celles à valeur ajoutée43.
71. Les informations brutes concernent les programmes et résultats des courses et des paris, tandis que les informations à valeur ajoutée sont des informations centralisées, contrôlées, retraitées et enrichies.
72. Il n’y a pas lieu de conclure sur la délimitation exacte des marchés amont de la diffusion d’informations hippiques aux professionnels, l’analyse concurrentielle demeurant inchangée, quelle que soit l’hypothèse retenue.
73. Au cas d’espèce, seul GPT est présent sur ces marchés. Ces marchés sont néanmoins délimités en vue d’évaluer les éventuels effets verticaux de l’opération.
b) Le marché aval de la diffusion d’informations hippiques au grand public
74. Le marché aval de la diffusion d’informations hippiques à destination du grand public comprend les informations permettant de préparer la prise de paris, celles relatives aux résultats des courses et enfin celles relatives aux éventuels gains.
75. La pratique décisionnelle française44 a envisagé de distinguer au sein de ce marché les différents canaux permettant de véhiculer l’information hippique au grand public : l’internet, la télévision et la presse écrite.
76. Il n’y a pas lieu de conclure sur la délimitation exacte des marchés avals de la diffusion d’informations hippiques au grand public, l’analyse concurrentielle demeurant inchangée quelle que soit l’hypothèse retenue.
77. Au cas d’espèce, GPT est actif sur ces marchés qui constituent son cœur de métier. NJJ est également actif sur ces marchés, au travers notamment de ses titres de PQR, lesquels diffusent entre autres, de l’information hippique.
2. LES MARCHES GEOGRAPHIQUES
78. Il ressort de la pratique décisionnelle que les marchés de la diffusion d’informations hippiques amont (à destination des professionnels) et aval (à destination du grand public) sont de dimension nationale45.
III. Analyse concurrentielle
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
79. Les parties sont simultanément présentes sur les marchés de la PQN et de la presse magazine. Elles sont également présentes simultanément sur les marchés de l’exploitation de sites éditoriaux en ligne, des espaces publicitaires en ligne, de la régie publicitaire pour compte de tiers, et sur le marché aval de la diffusion d’information hippique.
80. S’agissant des marchés du lectorat de la PQN, du lectorat de la presse magazine, de la vente d’espaces publicitaires dans la PQN, de la vente d’espaces publicitaires dans la presse magazine, et des petites annonces dans la PQN, les activités des parties ne se chevauchent que si des marchés globaux, toutes thématiques confondues, sont envisagés. Dans cette hypothèse, les parts de marché cumulées des parties sont inférieures à 25 % sur chacun de ces marchés.
81. Sur le marché de la publicité en ligne non liée aux recherches, sur lequel les deux parties sont actives, les parts de marché cumulées des parties sont inférieures à 1 %, quelle que soit la segmentation envisagée.
82. S’agissant des marchés des régies publicitaires, les activités des parties se chevauchent uniquement au niveau national. Les parts de marché cumulées des parties sont inférieures à 25 % quelle que soit la segmentation envisagée.
83. Par ailleurs, NJJ véhiculant, par le biais des titres de PQR qu’il possède, de l’information hippique, il est considéré que les activités des parties se chevauchent sur le marché aval de l’information hippique à destination du grand public, lequel est analysé, selon la pratique décisionnelle, au niveau national. Or, sur le seul canal de la presse sur lequel les activités des parties se superposent, la part de marché des parties est inférieure à 50 % et l’incrément de parts de marché est inférieur à 2 points. Cet incrément est nécessairement encore plus faible dès lors que l’ensemble des canaux par lesquels l’information hippique peut être diffusée est considéré.
84. En conséquence, au vu de l’incrément de parts de marché limité résultant de l’opération, celle- ci n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux.
B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX
85. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux.
86. Cependant, la pratique décisionnelle considère, en principe, qu’il est peu probable qu’une entreprise ayant une part de marché inférieure à 30 % sur un marché concerné puisse verrouiller un marché en aval ou en amont de celui-ci46.
87. L’opération entraîne la création de plusieurs liens verticaux qui doivent donc faire l’objet d’une analyse concurrentielle.
Entre les marchés de l’impression de titres de presse pour compte de tiers et les marchés du lectorat de la presse écrite
88. Tout d’abord, l’opération créé un lien vertical entre les marchés de l’impression de titres de presse pour compte de tiers sur lesquels est actif NJJ, via ses entités GNM et GFA, et ceux du lectorat de la presse écrite sur lesquels est actif GPT. NJJ pourrait décider d’internaliser l’impression des titres de GPT et refuser d’imprimer les titres de ses concurrents, afin de les évincer du marché. Par ailleurs, la perte de la clientèle de GPT pourrait avoir un effet d’éviction sur les imprimeurs tiers.
89. NJJ est présent de façon marginale sur le marché de l’impression pour compte de tiers. Sa filiale GNM imprime un nombre limité de titres de tiers, avec deux rotatives situées à Nice. Jusqu’à fin janvier 2020, GFA imprimait à partir des Antilles les titres de GPT destinés aux lecteurs situés en Martinique, Guadeloupe et Guyane. Depuis, GFA n’imprime plus de titres pour le compte de tiers à partir de sa seule rotative située en Guadeloupe.
90. Au niveau national, la partie notifiante estime la part de marché de NJJ inférieure à 1 %. Sur un marché régional circonscrit à la région PACA, la part de marché de NJJ, via GNM, est estimée inférieure à 25 %. Sur la base d’une définition de marché circonscrite à la zone regroupant la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, NJJ, via GFA, n’est plus actif sur le marché de l’impression pour compte de tiers. En tenant compte de son activité d’impression des titres de GPT avant février 2020, sa part de marché est estimée inférieure à 25 %.
91. Les titres de NJJ, imprimés au sein du groupe, représentent [5-10] du volume total des titres de presse imprimés en France. Il existe par ailleurs un nombre important d’imprimeurs, autres que NJJ, capables de proposer des prestations d’impression à des éditeurs de titres de presse, et en particulier aux concurrents de GPT. En zone PACA, outre le site d’impression de GNM à Nice et le site de Méditerranée Offset Presse à Vitrolles, on dénombre le site du groupe La Provence à Marseille. À proximité de la région PACA, le groupe Riccobono dispose d’une imprimerie à Gallargues dans le Gard, et La Dépêche dispose d’un site d’impression à Montpellier. Dans les Antilles, seuls les titres de GFA sont imprimés localement. Tous les autres titres distribués sur place sont imprimés en métropole et acheminés par avion. C’est notamment le cas des titres de GPT actuellement. Un concurrent souhaitant être distribué aux Antilles peut ainsi recourir aux imprimeurs présents en métropole.
92. Ainsi, dans l’hypothèse où NJJ mettrait en œuvre une stratégie de verrouillage vis-à-vis des concurrents de GPT, ces derniers disposeraient d’autres débouchés pour faire imprimer leurs titres, de sorte qu’une telle stratégie aurait un effet limité.
93. Il n’y aurait en outre pas de risque d’éviction des imprimeurs tiers, privés de la possibilité d’imprimer les titres de GPT, compte tenu du faible volume que représentent les titres de presse de GPT par rapport au volume total des titres imprimés en France chaque année. Selon la partie notifiante, ce volume est estimé à [0-5]%.
94. Au vu de ces éléments, l’opération n’est pas de nature à générer des effets verticaux sur les marchés susmentionnés.
Entre le marché de la distribution de titres de presse pour compte de tiers et les marchés du lectorat de la presse écrite
95. Un lien vertical est également créé par l’opération entre les marchés de la distribution de titres de presse pour compte de tiers, sur lesquels est actif NJJ, et ceux du lectorat de la presse écrite, sur lesquels est actif GPT. NJJ pourrait décider d’internaliser la distribution des titres de GPT et refuser de distribuer les titres de ses concurrents, afin de les évincer du marché. Par ailleurs, la perte de la clientèle de GPT pourrait avoir un effet d’éviction sur les distributeurs tiers.
96. NJJ est présent sur le marché via GNM, qui distribue de façon marginale des titres pour compte de tiers en région PACA. À ce titre, GNM distribue […] titres de presse par portage (dont Le Monde). Il assure également, pour le compte de la société France Messagerie, la distribution de magazines dans la région. Depuis fin janvier 2020, GFA ne distribue plus de titres pour compte de tiers en Martinique, Guadeloupe et Guyane. Antérieurement à cette date, elle distribuait les seuls titres de GPT.
97. Sur le marché national de la distribution pour compte de tiers, la part de marché de NJJ est estimée à [10-20] %. En région PACA la part de marché de GNM est inférieure à 30 %. Avec la distribution des titres de GPT dans les DROM, la part de marché de GFA était également estimée inférieure à 30 % dans cette zone, avant la cessation de toute activité sur ce marché.
98. Il existe un nombre important d’acteurs actifs sur les différents marchés de la distribution de la presse. Ainsi, dans l’hypothèse où NJJ mettrait en œuvre une stratégie de verrouillage des concurrents de GPT, ces derniers disposeraient d’autres débouchés pour faire distribuer leurs titres, de sorte qu’une telle stratégie aurait un effet limité.
99. Il n’y aurait en outre pas de risque d’éviction des distributeurs tiers, privés de la possibilité de distribuer les titres de GPT, compte tenu du faible volume que représentent les titres de presse de GPT par rapport au volume total des titres imprimés en France chaque année, estimé à [0-5]
100. Compte tenu de ces éléments, l’opération n’est pas de nature à générer des effets verticaux sur les marchés susmentionnés.
Entre le marché amont de la diffusion d’informations hippiques aux professionnels et le marché aval de la diffusion d’informations hippiques par le biais de la presse écrite
101. Un autre lien vertical est créé par l’opération entre les marchés amont de la diffusion d’informations hippiques sur lesquels est actif GPT et le marché aval de la diffusion d’informations hippiques par le biais de la presse écrite, sur lequel est actif GNM, via son titre de PQR. La partie notifiante estime que la part de marché de GPT sur le marché amont de la diffusion d’informations hippiques aux professionnels est supérieure à 30 %.
102. Dans l’hypothèse où GNM déciderait de se fournir en données hippiques exclusivement auprès de GPT, les concurrents de ce dernier, et en particulier la société Infos Presse dont l’activité de diffusion d’informations hippiques s’adresse à des professionnels de la presse écrite et qui fournit actuellement GNM pour son titre Nice Matin, disposeraient de débouchés alternatifs auprès d’autres professionnels intéressés par les informations hippiques, notamment d’autres éditeurs de la PQR actifs en France. Au surplus, l’instruction a fait apparaître que la perte du contrat de GNM n’était pas de nature à affecter la compétitivité d’Infos Presse, cet acteur étant un concurrent crédible implanté durablement sur le marché de la diffusion d’informations hippiques aux professionnels, et susceptible de concurrencer la nouvelle entité par le biais de la conquête de nouveaux clients.
103. Compte tenu de ces éléments, l’opération n’est pas de nature à générer des effets verticaux sur les marchés susmentionnés.
C. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMERAUX
104. Une concentration produit des effets congloméraux non-coordonnés lorsqu’elle permet à la nouvelle entité de restreindre ou d’empêcher l’accès à un ou plusieurs marchés. En effet, une entreprise qui bénéficie ou renforce une position forte sur un marché peut être en mesure de verrouiller l’accès à un ou plusieurs marchés connexes en exploitant un effet de levier, c’est-à- dire, notamment, la capacité pour une entreprise d’augmenter les ventes d’un produit ou d’un service sur un marché en exploitant la forte position sur le marché d’un autre produit ou service auquel le premier produit ou service est lié, connexe ou groupé.
105. L’Autorité de la concurrence considère qu’il est peu probable qu’une entreprise ayant une part de marché inférieure à 30 % sur un marché donné puisse verrouiller un marché connexe. Si ce seuil est franchi, elle examine si l’entité fusionnée aurait (i) la capacité de verrouiller ce marché connexe, (ii) l’incitation à adopter une telle stratégie et (iii) si cette dernière est susceptible de porter atteinte de manière significative à la concurrence sur les marchés concernés par des ventes couplées.
106. Plusieurs marchés concernés par l’opération présentent des liens de connexité qui doivent donc faire l’objet d’une analyse concurrentielle.
Sur les marchés du lectorat
107. Tout d’abord, l’opération crée un lien de connexité entre les activités respectives de NJJ et GPT sur les marchés du lectorat. NJJ est plus particulièrement actif sur les marchés du lectorat de la presse quotidienne nationale d’information générale, de la PQR, et de la presse magazine d’actualité politique et générale. La partie notifiante estime toutefois que la part de marché de NJJ dépasse 30 % uniquement sur les marchés de la PQR concernés47. GPT est actif sur les marchés du lectorat de la presse quotidienne nationale hippique, avec une part de marché de [80-90] %. À l’issue de l’opération, la nouvelle entité serait donc, a minima, en mesure d’exploiter des liens de connexité entre ces marchés, sur lesquels elle détiendra une position forte, notamment par la commercialisation d’offres groupées impliquant un des titres de PQR de NJJ et certains des titres de presse hippique édités par GPT. Ce recours à des offres groupées pourrait par exemple permettre à la nouvelle entité d’exploiter la forte position qu’elle occupe sur les marchés de la PQR dans la région PACA et les DROM pour évincer les concurrents des titres de presse hippique de NJJ dans ces zones.
108. Conformément aux lignes directrices de l’Autorité, une offre groupée ou liée ne peut avoir un effet sur la concurrence sur les marchés concernés que si une part suffisante des acheteurs est susceptible d’être intéressée par l’achat simultané des produits en cause48. En l’espèce, comme cela a été exposé supra au point 15 , il apparaît que les lectorats des titres de NJJ et des titres de presse hippique de GPT sont trop différents pour qu’une offre couplée présente un réel intérêt. Il convient en outre de rappeler que les titres de PQR contiennent généralement de l’information hippique, susceptible de satisfaire en partie les besoins du lectorat de la PQR présentant de l’appétence pour cette thématique. L’opération n’est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets congloméraux sur les marchés du lectorat.
Sur les marchés de l’exploitation de sites éditoriaux en ligne
109. Un lien de connexité existe aussi entre les activités de NJJ et de GPT en matière d’exploitation de sites éditoriaux en ligne. NJJ est plus particulièrement actif sur la thématique de l’actualité politique et générale, tandis que GPT consacre ses sites à l’univers et à l’information hippiques. NJJ présente une part de marché inférieure à 30 % sur le marché de l’exploitation de sites éditoriaux en ligne d’actualité politique et générale. La part de marché de GPT sur le marché de l’exploitation de sites éditoriaux en ligne dédiés aux courses hippiques est estimée par la partie notifiante à [30-40] %. Néanmoins, la prise en compte des différences de lectorat des titres de GPT et de NJJ, exposées ci-dessus, conduit également, mutatis mutandis, à écarter les effets congloméraux entre les marchés d’exploitation de sites éditoriaux en ligne. Au surplus, la nouvelle entité continuera de faire face à la concurrence de l’ensemble des sites éditoriaux adossés à d’autres titres de presse (y compris presse hippique) et des sites internet liés à d’autres médias (télévision, radio), ainsi que des « pure players ». Ce constat est valable tant au niveau national qu’au niveau local. Pour ces raisons, l’opération n’est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets congloméraux sur les marchés de l’exploitation de sites éditoriaux en ligne.
Sur les marchés de la vente d’espaces publicitaires dans la presse
110. Un lien de connexité existe également entre les activités de vente d’espaces publicitaires de NJJ sur les différents canaux sur lesquels il est présent (PQN, PQR, presse magazine notamment49) et les activités de GPT en matière de vente d’espaces publicitaires dans la presse. La partie notifiante relève en particulier que la part de marché de NJJ est supérieure à 30 % en matière de vente d’espaces publicitaires dans la PQR. S’agissant de GPT, la partie notifiante estime que ses parts de marché en matière de ventes d’espaces publicitaires dans la presse quotidienne hippique est similaire à celle que GPT possède sur les marchés du lectorat. Ces parts sont donc supérieures à 30 %. Néanmoins, les risques d’effets congloméraux peuvent être écartés, pour plusieurs raisons énumérées ci-après.
111. En premier lieu, l’Autorité a relevé à plusieurs reprises dans le cadre du traitement des effets congloméraux liés à des opérations dans le secteur de la presse que l’attractivité d’accords de couplage publicitaires vis-à-vis des annonceurs n’était pas démontrée lorsque les profils des lectorats des deux types de presse sont relativement éloignés50. Ce constat est également valable dans le cas d’espèce, comme exposé supra51.
112. En deuxième lieu, l’Autorité a également relevé que le risque de verrouillage des marchés de la vente d’espaces publicitaires dépendait notamment de la base commune d’annonceurs dont disposent les titres concernés, et susceptibles d’être intéressés par des offres couplées52. En l’espèce, comme exposé supra53, les annonceurs communs aux titres édités par les parties sont au nombre de [0-5] seulement. Cette base commune d’annonceurs représente environ [20-30]% des recettes publicitaires de GPT, mais seulement [0-5] % des recettes publicitaires de NJJ.
113. En troisième lieu, conformément aux lignes directrices de l’Autorité54, la crédibilité d’un scénario de ventes liées s’examine notamment sur la base des comportements passés, qui peuvent illustrer l’intérêt ou non des entreprises concernées pour des ventes groupées. En l’espèce, NJJ ne propose ni de vente groupée d’espaces publicitaires entre plusieurs de ses titres, ni entre un de ses titres et un ou des titres extérieurs au groupe. S’agissant de GPT, il propose systématiquement aux annonceurs deux types d’offres de vente d’espaces publicitaires : la première permet la diffusion de publicités uniquement dans le titre Paris Turf, la seconde propose la diffusion de publicités dans l’ensemble des titres de GPT. Seule la société […] a opté pour l’offre globale parmi l’ensemble des annonceurs de GPT, ce qui témoigne du faible intérêt des annonceurs pour des ventes couplées d’espaces publicitaires intégrant les titres de GPT. Cet intérêt serait vraisemblablement encore plus faible pour des titres s’adressant à des lectorats distincts, comme c’est le cas des titres de NJJ et GPT.
114. En quatrième lieu, comme relevé à plusieurs reprises par la pratique décisionnelle, les agences médias, par lesquelles passe l’essentiel des achats d’espaces publicitaires, disposent dans le secteur d’un fort pouvoir de négociation, et représenteront un contrepoids important face à la nouvelle entité à l’issue de l’opération55. Les parties précisent à cet égard que les ventes via ces agences représentent environ [50-60] % du chiffre d’affaires publicitaire de NJJ, et environ [20- 30] % du chiffre d’affaires publicitaire de GPT. Elles ajoutent que les achats publicitaires continueront à passer, au moins pour moitié, par des agences médias pour le nouvel ensemble.
115. Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’opération n’est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets congloméraux sur les marchés de la vente d’espaces publicitaires.
DÉCIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 20-081 est autorisée.
NOTES :
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Les titres de GPT concernés par l’opération sont Paris Turf, Paris Courses, Week-End, Tiercé Magazine, La Gazette des Courses, Bilto, Stato et Lotofoot Magazine
3 Au travers du contrôle conjoint qu’il exerce sur Mediawan ou du contrôle exclusif qu’il détient sur Iliad, NJJ est actif sur des marchés qui peuvent entretenir des liens, verticaux ou congloméraux, avec ceux sur lesquels GPT est actif. Il s’agit des marchés de la vente d’espaces publicitaires télévisuels, des marchés relatifs à l’édition et à la commercialisation de chaînes de télévision, des marchés relatifs aux droits de diffusion de programmes audiovisuels, du marché aval de la distribution de services de télévision, du marché de la fourniture d’accès internet et du marché de détail de la téléphonie mobile. Néanmoins, ces effets verticaux ou congloméraux sont très marginaux au regard de l’activité des parties. De même, GPT est seul actif sur le marché de la prise de paris hippiques en ligne et tout effet de l’opération lié à cette activité peut être écarté.
4 Décisions n° 10-DCC-129 du 30 septembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Le Monde SA par Messieurs Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, via la société Le Monde Libre, n° 13-DCC-46 du 16 avril 2013 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe Rossel des sociétés du Pôle « Champagne Ardennes Picardie » du groupe Hersant Média, n° 14-DCC-76 du 5 juin 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Le Nouvel Observateur du Monde par la société Le Monde Libre, n° 15-DCC-66 du 3 juin 2015 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés NewsCo Group, PMP Holding, Group Express Roularta et A Nous Paris par la société Altice IV, n° 15-DCC-139 du 20 octobre 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de l’activité d’édition et de commercialisation des journaux Le Parisien et Aujourd’hui en France par le groupe LVMH – Moët Hennessy – Louis Vuitton, n° 15-DCC-189 du 23 décembre 2015 relative à la prise de contrôle conjoint de la société 20 Minutes France par la société Rossel & Cie aux côtés de SIPA, n° 19-DCC-141 du 24 juillet 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Mondadori France par la société Reworld Media et n° 20-DCC-09 du 17 janvier 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Groupe Nice-Matin par la société NJJ, n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 relative à des demandes de mesures conservatoires présentées par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l’Alliance de la presse d’information générale e.a. et l’Agence France Presse.
5 Ibid.
6 Ibid.
7 Décisions n° 14-DCC-76, n° 15-DCC-66, n° 19-DCC-141 précitées.
8 Décisions n° 15-DCC-66, n° 15-DCC-139 précitées.
9 Les titres de NJJ considérés dans l’étude fournie par la partie notifiante sont Courrier International, L’Obs, M le Magazine du Monde et Télérama.
10 Décisions n° 13-DCC-46, n° 15-DCC-139, n° 15-DCC-189 précitées.
11 Décisions n° 10-DCC-129, n° 14-DCC-76, n° 15-DCC-66, n° 15-DCC-139 et n° 19-DCC-141 précitées.
12 Décisions n° 13-DCC-46, n° 15-DCC-139, n° 15-DCC-189 précitée.
13 Lettre du ministre C 2002-94 du 31 décembre 2002 au conseil de la société Socpresse.
14 Lettre du ministre C 2006-86 du 19 septembre 2006, au conseil de la société Roulerta Média Group, relative à une concentration dans le secteur de la presse magazine.
15 Lettre du ministre C 2003-173 du 17 avril 2003.
16 Décision n° 19-DCC-141 du 24 juillet 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Mondadori France par la société Reworld Media.
17 Décision n°°15-DCC-189 précitée.
18 Lettre du ministre de l’économie aux conseils de la société Bayard Presse du 11 février 2004, relative à une concentration dans le secteur de la presse pour la jeunesse.
19 Décision n°°10-DCC-129 du 30 septembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Le Monde SA par Messieurs Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse ; Décision n°°14-DCC-76 du 5 juin 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Le Nouvel Observateur du Monde par la société Le Monde Libre.
20 Le magazine Stato édité par GPT et repris par NJJ par l’effet du jugement du tribunal de commerce de Bobigny n’est plus publié depuis l’été 2020.
21 Décisions n° 15-DCC-66, n° 15-DCC-139, n° 15-DCC-189 précitées.
22 Décisions n° 15-DCC-139, n° 15-DCC-189 précitées.
23 Décision n° 15-DCC-139 précitée.
24 Décisions n° 15-DCC-139, n° 15-DCC-189 précitées.
25 Décisions n° 15-DCC-139, n° 15-DCC-189, n° 19-DCC-141 précitées.
26 Décisions n° 15-DCC-139 et n° 15-DCC-189 précitées.
27 Ibid.
28 Décisions n° 15-DCC-66, n° 15-DCC-139 et n° 19-DCC-141 précitées,
29 Décisions n° 10-DCC-129, n° 13-DCC-46, n° 14-DCC-76, n° 15-DCC-66, n° 15-DCC-139, n° 15-DCC-189, n° 19-DCC-141 et n° 20-DCC-
09 précitées.
30 Décisions n° 15-DCC-139, n° 19-DCC-141 et n° 20-DCC-09 précitées.
31 Décisions n° 10-DCC-129, n° 15-DCC-66, n° 15-DCC-139, n° 19-DCC-141 et n° 20-DCC-09 précitées.
32 Décisions n° 10-DCC-129, n° 15-DCC-66, n° 15-DCC-139, n° 19-DCC-141 et n° 20-DCC-09 précitées.
33 Décisions de l’Autorité n° 18-DCC-18 du 1er février 2018 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Concept Multimédia par le groupe Axel Springer, n° 19-DCC-141 et n° 20-DCC-09 précitées, et décisions de la Commission M.5727 du 18 février 2010 Microsoft/Yahoo! Search Business, M.7217 du 3 octobre 2014 Facebook/WhatsApp, COMP/M.7288 du 9 septembre 2014 Viacom/Channel 5 Broadcasting, M.4731 et M.8392 précitées.
34 Décisions M.5727 et M.7217 précitées.
35 Décisions n° 10-DCC-11 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1 des sociétés NT1 et Monte-Carlo Participations (groupe AB) et décisions n° 19-DCC-141 et n° 20-DCC-09 précitées, M.5727, M.7217 et M.8392 précitées.
36 Lettres du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi n° C2007-27 du 28 août 2007, au conseil de la BFCM et de l’Est Républicain, relative à une concentration dans le secteur de l’édition, n° C2007-127 du 25 janvier 2008, aux conseils de la société Groupe Hersant Média, relative à une concentration dans le secteur de la presse régionale écrite, décision n° 09-DCC-72 du 14 décembre 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société EBRA par la Banque Fédérative du Crédit Mutuel, ainsi que les décisions n° 13-DCC-46, n° 15-DCC-63 et n° 20-DCC-09 précitées.
37 C2007-127 / Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 7 décembre 2007 aux conseils de la société Groupe Hersant Média, relative à une concentration dans le secteur de la presse régionale écrite, page 6.
38 Décision n° 20-DCC-09 précitée.
39 Décision n° 12-D-16 du 12 juillet 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de la presse.
40 France Messagerie s’est substitué au groupe Presstalis qui a été liquidé le 1er juillet 2020.
41 Décisions n° 15-DCC-139 et n° 20-DCC-09 précitées.
42 Lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi n° C2008-39 du 16 juillet 2008 aux conseils des sociétés PMU et Serendipity Investment, relative à une concentration dans le secteur de la production de contenus d’information hippique à destination des professionnels.
43 Ibid.
44 Ibid.
45 Ibid.
46 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, point 678.
47 En matière de PQN d’informations générales, la part de marché de NJJ estimée par la partie notifiante est de [20-30] %. En matière de presse magazine hebdomadaire d’actualité politique et générale, la part de marché de NJJ estimée par la partie notifiante est de [20-30] %.
48 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, §722.
49 La vente d’espaces publicitaires en ligne a été traitée au stade des effets horizontaux.
50 Voir les décisions n° 15-DCC-139 et n° 15-DCC-189 précitées.
51 Voir le point 5.
52 Voir les décisions n° 15-DCC-66, n° 15-DCC-139 et n° 15-DCC-189 précitées.
53 Voir le point 1.
54 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, §724.
55 Voir les décisions n° 15-DCC-66, n° 15-DCC-139 et n° 15-DCC-189 précitées.