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Commission, 17 décembre 2020, n° M.9969

COMMISSION EUROPÉENNE

Décision

VEOLIA/SUEZ

Commission n° M.9969

17 décembre 2020

Mesdames, Messieurs,

Objet : Affaire M.9969 – Veolia / Suez

Décision de la Commission rejetant la demande de Suez concernant une prétendue violation de l’article 7, paragraphe 1, du Règlement du Conseil No 139/2004.

 

1.  FAITS ET PROCÉDURES

(1)    Le 30 août 2020, Veolia Environnement S.A. (« Veolia ») a annoncé son intention  de prendre le contrôle exclusif de Suez S.A. (« Suez »). Cette prise de contrôle         (« l’Opération ») devait se réaliser en deux étapes :-   l’acquisition d’une participation minoritaire non-contrôlante de 29,9 % dans  Suez auprès d’Engie S.A. (« Engie »), acquisition réalisée le 6 octobre 2020 selon les termes d’un accord conclu entre Veolia et Engie le 5 octobre 2020 ; et-   le lancement d’une offre publique d’achat (« OPA ») portant sur le solde des actions de Suez. (2) Le 16 octobre 2020, la Commission a reçu une lettre de Suez concernant l’affaire M.9969 - Veolia/Suez. Par cette lettre, Suez a formellement demandé à la Commission sur le fondement de l’article 265 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE ») : (a) de constater qu’en acquérant une participation minoritaire et non- contrôlante de 29,9 % du capital de Suez dès le 5 octobre 2020,    Veolia aurait enfreint l’article  7,  paragraphe  1,  du  Règlement  du  Conseil  No 139/2004 (le « Règlement »)1 ;(b)    d’adopter, en vertu de l’article 8, paragraphe 5, a), du Règlement, des mesures provisoires à l’encontre de l’acquisition par Veolia de 29,9 % des titres de Suez précédemment détenus par Engie, ainsi que d’ouvrir une procédure à l’encontre de Veolia en vue de lui infliger une amende, au titre de l’article 14, paragraphe 2, a) et b), du Règlement.

(3)    Par courrier du 19 novembre 2020, l’équipe en charge du dossier a communiqué son évaluation préliminaire à Suez et a invité Suez à communiquer toute observation supplémentaire dans un délai de cinq jours ouvrés.

(4)    Par courrier du 26 novembre 2020, Suez a communiqué ses observations supplémentaires en réponse à l’évaluation préliminaire des services.

(5)   La Commission considère qu’elle n’est pas juridiquement tenue de statuer sur la demande de Suez concernant une prétendue violation de l’article 7, paragraphe 1, du Règlement. Néanmoins, la présente décision est adoptée dans un souci de clarté dans le cadre de la procédure d’examen de l’Opération.

 

2. LE CARACTÈRE UNIQUE DE L’OPÉRATION

2.1.Rappel des dispositions applicables

(6)     Le considérant 20 du Règlement stipule qu’« [i]l convient (…) de traiter comme une concentration unique des opérations qui sont étroitement liées en ce qu'elles font l'objet d'un lien conditionnel ou prennent la forme d'une série de transactions sur titres effectuées dans un délai raisonnablement bref ».

(7)     Les critères d’appréciation de l’existence d’une concentration unique, au sens de l’article 3 du Règlement, ont été précisés par le Tribunal dans l’arrêt Cementbouw2, qui souligne que la Commission doit tenir compte de toutes circonstances  spécifiques de fait et de droit « dans un souci de rechercher la réalité économique qui sous-tend les opérations, la finalité économique poursuivie par les parties »3. En particulier, le Tribunal a précisé qu’« en présence de plusieurs transactions juridiquement distinctes » la Commission doit identifier « si les entreprises concernées auraient été disposées à conclure chaque transaction prise isolément ou si, au contraire, chaque transaction ne constitue qu'un élément d'une opération plus complexe, sans laquelle elle n'aurait pas été conclue par les parties. En d'autres termes, afin de déterminer le caractère unitaire des transactions en cause, il s'agit, dans chaque cas d'espèce, d'apprécier si ces transactions sont interdépendantes de sorte que l'une n'aurait pas été réalisée sans l'autre »4.

(8)     La Communication Consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du Règlement (la « Communication Consolidée »)5 relève en particulier que le lien conditionnel peut être « de jure » ou « de facto ». Afin de déterminer une conditionnalité de facto, « il convient d'évaluer, sur le plan économique, si chacune des opérations dépend de la réalisation des autres. L'interdépendance d'opérations multiples peut apparaître au vu des déclarations faites par les parties elles-mêmes  ou de la conclusion simultanée des accords en cause; en l'absence de cette simultanéité, il sera difficile de conclure à l'inter-conditionnalité de fait d'opérations multiples. Une absence manifeste de simultanéité pour des opérations faisant juridiquement l'objet d'un lien conditionnel sera, elle aussi, de nature à susciter le doute quant à leur véritable interdépendance »6.

2.2. Arguments de Suez

(9)      Dans ses observations, Suez affirme que les deux étapes de l’Opération décrites ci- dessus constituent ensemble une opération de concentration unique, soumise dans son entièreté au principe de l’effet suspensif du contrôle des concentrations prévu  par l’article 7, paragraphe 1, du Règlement. Ainsi, la mise en œuvre de la première étape intervenue le 5 octobre dernier constituerait une violation manifeste de cette disposition.

(10)    Selon Suez, les deux étapes de l’Opération ne seraient pas réalisées l’une sans l’autre et poursuivent un même objectif économique, c’est-à-dire la prise de contrôle de Suez en vue de créer « le grand champion mondial français de la transformation écologique »7.

2.3. Appréciation de la Commission

(11)    Au cas présent, les deux étapes de l’Opération décrites au paragraphe (1) ont été conçues et planifiées simultanément par Veolia pour atteindre le même objectif économique, à savoir l’acquisition du contrôle de Suez. Il ressort en effet des déclarations publiques et des présentations internes, dont la Commission a pu  prendre connaissance, de Veolia que cette dernière avait l’intention de réaliser la première étape de l’Opération exclusivement en vue de l’acquisition du contrôle de Suez, dans le but de créer une entreprise intégrée permettant d’importantes  synergies. Même si l’OPA de Suez (i.e., la deuxième étape de l’Opération) devait échouer, l’acquisition préalable de 29,9 % des titres de Suez a eu pour effet d’augmenter significativement les chances de succès d’une telle offre et il découle de ses propres déclarations que Veolia n’aurait pas cherché à acquérir une participation de 29,9 % dans Suez si elle n’avait pas l’intention d’en acquérir le contrôle. Il serait donc artificiel de considérer cette acquisition préalable comme économiquement autonome.

(12)    De même, tandis que Veolia pouvait théoriquement lancer l’OPA sans l’acquisition préalable de la participation de 29,9 % auprès d’Engie, elle n’a pas décidé de le faire et n’a pas exprimé une telle intention. De fait, l’Autorité française des marchés financiers a souligné que Veolia a exprimé « l’intention de déposer un projet d’offre publique dans l’hypothèse où la proposition qu’elle a adressée à la société Engie d’acquérir 29,9 % du capital de Suez serait acceptée ».8

(13)   Par conséquent, la Commission estime que les deux étapes de l’Opération sont interdépendantes au sens de la Communication Consolidée et du jugement Cementbouw et constituent une concentration unique.

 

3.   L’APPLICABILITÉ DE LA DÉROGATION À L’OBLIGATION SUSPENSIVE AU TITRE DE L’ARTICLE 7, PARAGRAPHE 2, DU RÈGLEMENT

3.1.Rappel des dispositions applicables

(14)   L’article 7, paragraphe 2, du Règlement dispose que l’obligation suspensive prévue au premier paragraphe de cet article « ne fait pas obstacle à la réalisation d'une offre publique d'achat ou d'échange ou d'opérations par lesquelles le contrôle au sens de l'article 3 est acquis par l'intermédiaire de plusieurs vendeurs au moyen d'une série de transactions sur titres, y compris sur ceux qui sont convertibles en d'autres titres admis à être négociés sur un marché tel qu'une bourse de valeurs pour autant : (a) que la concentration soit notifiée sans délai à la Commission conformément à l'article 4, et (b)  que l'acquéreur n'exerce pas les droits de vote attachés aux participations concernées ou ne les exerce qu'en vue de sauvegarder la pleine valeur de son investissement et sur la base d'une dérogation octroyée par la Commission conformément au paragraphe 3. »

3.2.Arguments de Suez

(15)   Suez considère que Veolia ne pouvait se prévaloir d’aucune dérogation au principe de l’effet suspensif du contrôle des concentrations.

(16)   En particulier, Suez estime que la dérogation à l’effet suspensif prévue à l’article 7, paragraphe 2, du Règlement n’était pas applicable à la première étape de l’Opération envisagée par Veolia (c’est-à-dire l’acquisition d’un bloc de 29,9 % des titres de Suez auprès d’Engie), et ne serait pas non plus applicable aux deux étapes de l’Opération envisagées ensemble. Suez soutient qu’une telle dérogation doit être d’interprétation stricte.

(17)    Premièrement, Suez considère que l’acquisition du bloc de 29,9 % des titres de Suez auprès d’Engie ne correspondrait à aucun des cas de figure permettant à Veolia de bénéficier de la dérogation à l’effet suspensif prévue à l’article 7, paragraphe 2, du Règlement. Selon Suez, l’acquisition de gré à gré d’un bloc de titres auprès d’un seul actionnaire n’étant ni une offre publique d’achat, ni une série de transactions sur titres  auprès  de  plusieurs  vendeurs,  la  dérogation  ne  serait  pas  applicable. Suez considère qu’une telle interprétation du Règlement a été validée par le Tribunal de l’Union européenne dans l’affaire Marine Harvest9.

(18)    Suez soutient par ailleurs que les deux étapes combinées de l’Opération,  c’est-à-dire (i)   l’acquisition d’un bloc dans le cadre d’une transaction de gré à gré avec Engie   et (ii)   réalisation d’une offre publique, ne peuvent pas davantage être qualifiées de « série de transactions sur titres » au sens de l’article 7, paragraphe 2, du  Règlement. L’Opération, vue dans son ensemble, ne pourrait donc pas non plus bénéficier de la dérogation à l’effet suspensif.

(19)   Selon Suez, une interprétation permettant à Veolia de bénéficier de la dérogation dans le cas présent serait contraire à l’intention du législateur. La référence à une « série  de  transactions  sur  titres »  dans  le  Règlement  viserait  les  reprises dites « rampantes » par l’intermédiaire de la bourse, c’est-à-dire l’acquisition du contrôle par le rachat progressif de titres de la cible sur le marché auprès de différents  porteurs de titres. Cette hypothèse ne viserait donc pas l’achat d’un bloc de gré à gré à un tiers identifié suivi d’une offre publique réglementés sur le reste des titres, ni l’intervention d’une offre publique après l’obtention de l’autorisation de la prise de contrôle.

(20)    Par ailleurs, Suez soutient que Veolia ne pourrait pas non plus se prévaloir de la dérogation relative à la réalisation d’une offre publique, dans la mesure où Veolia n’envisagerait de lancer son offre publique qu’après la décision d’autorisation de la Commission. La dérogation à l’effet suspensif serait donc sans objet et inapplicable, dans la mesure où Veolia n’entendrait acquérir le contrôle de Suez qu’après l’autorisation de la Commission.

(21)    Deuxièmement, Suez soutient que l’objectif de protection de la sécurité juridique,  qui fonde le mécanisme de dérogation prévu à l’article 7, paragraphe 2, du Règlement, n’est pas en jeu dans le cadre de l’Opération. Selon Suez, la dérogation a pour objectif d’éviter que des acquéreurs puissent se trouver involontairement en situation de violation de l’article 7, paragraphe 1, du Règlement, en acquérant le contrôle de droit ou de fait avant une décision d’autorisation de la Commission. Or, au cas d’espèce, Veolia aurait structuré l’Opération de sorte à ne pas acquérir le contrôle de Suez au sens du droit de la concurrence avant d’avoir obtenu l’autorisation de la Commission. Il en résulte que la réalisation de l’Opération ne serait aucunement susceptible de donner lieu à un risque d’insécurité juridique.

(22)    Troisièmement, selon Suez, accorder à l’Opération le bénéfice d’une dérogation à l’effet suspensif reviendrait à élargir le champ d’application de l’article  7, paragraphe 2, du Règlement. Or, la dérogation constituant une exception au principe général de l’obligation suspensive, elle doit être d’interprétation stricte, ainsi que l’a rappelé le Tribunal dans l’affaire Marine Harvest.

(23)     Enfin, quatrièmement, Suez rappelle que la dérogation accordée au terme  de  l’article 7, paragraphe 2, du Règlement est conditionnée à l’obligation de notifier la concentration  à  la  Commission  « sans  délai ».  Selon  Suez,  cette  condition    n’a manifestement pas été remplie, au vu des déclarations de Veolia selon lesquelles celle-ci envisage d’obtenir une décision d’autorisation dans un délai de 12 mois.

3.3. Appréciation de la Commission

(24)    Ayant conclu que les deux étapes de l’Opération formaient une concentration  unique, la Commission estime que l’entièreté de celle-ci bénéficie de la dérogation au titre de l’article 7, paragraphe 2, du Règlement. Les arguments présentés par Suez au soutien de sa requête ne peuvent donc être accueillis, au regard des éléments suivants.

(25)    En premier lieu, l’article 7, paragraphe 2, du Règlement s’applique aux situations dans lesquelles le contrôle est acquis auprès de plusieurs vendeurs tant dans le cadre d’une « série de transactions sur titre » que dans celui d’une « offre publique  d’achat ». Aucune raison ne justifie donc d’exclure du champ d’application de cette disposition une situation dans laquelle le contrôle est acquis auprès de différents vendeurs à la fois par le biais d’une transaction privée sur titres, et par l’acquisition des actions restantes dans le cadre d’une offre publique d’achat ultérieure. À l’avis de la Commission, les deux étapes de l’Opération constituent une série de transactions sur titre conduisant à l’acquisition de contrôle auprès de plusieurs vendeurs.

(26)     En deuxième lieu, le motif de l’article 7, paragraphe 2, du Règlement – à savoir le besoin de garantir la sécurité juridique dans le contexte des transactions portant sur des titres cotés – est également pertinent dans un scénario hybride tel que celui de l’Opération. Il n’y a en effet aucune raison pour que le besoin de sécurité juridique ne soit pertinent que pour, d’une part, une série de transactions privées sur titres (entreprises en vue de réaliser une acquisition rampante) ou, d’autre part, une simple offre publique d’achat, mais qu’il ne s’applique pas également à la combinaison d’une opération privée et d’une offre publique d’achat.

(27)    Suez argue cependant que les deux étapes de l’Opération devraient être appréciées  de manière distincte puisque, selon elle, Veolia n’envisagerait pas de procéder à la deuxième étape de l’Opération (i.e., l’OPA ou, à tout le moins, la réalisation  effective de l’acquisition des titres) avant d’obtenir l’autorisation de la Commission au titre du contrôle des concentrations.

(28)    Même en supposant que cette hypothèse factuelle soit fondée,10 la Commission ne saurait, sans contradiction, constater à la fois l’existence d’une concentration unique et priver la première étape de cette concentration du bénéfice de la dérogation de l’article 7, paragraphe 2, du Règlement, considérant que les deux étapes de l’Opération devraient s’analyser d’une manière distincte. En effet, la définition même d’une concentration unique au sens du Règlement aboutit à considérer que « des opérations multiples constituent une seule et même opération de concentration aux fins de l’article 3 dès lors qu’elles sont par essence unitaires »,11 évaluation que ne  conteste  nullement  Suez  au  cas  d’espèce.  Par  conséquent,  l’ensemble      des opérations contribuant à la prise de contrôle12 sont soumises au même régime juridique et bénéficient de la dérogation prévue à l’article 7, paragraphe 2, du Règlement.

(29)    De surcroit, une interprétation contraire reviendrait à considérer que seule la  première étape de l’Opération, à savoir l’acquisition de 29,9 % des actions de Suez auprès d’Engie, serait soumise, sans dérogation, à l’effet suspensif, alors même que cette prise de participation minoritaire, considérée isolément, n’entraînera aucun changement du contrôle de Suez. Une telle conclusion contreviendrait donc aux dispositions de l’article 7, paragraphe 1, du Règlement, en étendant le champ de l’obligation suspensive à une opération n’entraînant aucun changement de contrôle, tout en faisant bénéficier l’opération subséquente, qui entraînerait un tel changement, de la dérogation prévue à l’article 7, paragraphe 2, du Règlement.

(30)   Il s’ensuit que, au cas d’espèce, dès lors que les deux étapes de l’Opération considérée constituent une concentration unique, le bénéfice de la dérogation prévue à l’article 7, paragraphe 2, du Règlement bénéficie à la première étape de celle-ci.

(31)    En troisième lieu, l’appréciation exposée ci-dessus résulte également de la jurisprudence des juridictions européennes. Le Tribunal de l’Union européenne a d’ailleurs précisé, dans l’arrêt Marine Harvest qu’« il est possible que l’acquisition d’une participation minoritaire, qui ne confère pas le contrôle de l’entreprise cible, suivie d’une offre publique d’achat, puisse faire partie d’une concentration unique qui relève du champ  d’application  de  l’article  7,  paragraphe  2,  du  règlement  no 139/2004 »13.

(32)    Suez   relève   que   le  Tribunal,  s’étant   borné   à  considérer  cette   interprétation de « possible », n’a pas conclu de manière définitive dans l’affaire Marine Harvest que la dérogation serait applicable à une situation similaire au cas présent.

(33)   Toutefois, Suez adopte une interprétation erronée du point 191 de l’arrêt Marine Harvest. En effet, ce point considère « possible » le fait que l’acquisition d’une participation minoritaire et une successive offre publique d’achat fassent « partie d’une concentration unique ». Cela dépend des circonstances du cas d’espèce. Toutefois, si dans un cas particulier ces deux étapes font partie d’une concentration unique, ce considérant de l’arrêt Marine Harvest implique que la dérogation prévue par l’article 7, paragraphe 2, du Règlement s’applique à l’ensemble de cette concentration unique, et non seulement à la deuxième étape de celle-ci. En effet, en considérant « possible » que ces deux étapes fassent « partie d’une concentration unique qui relève du champ d’application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 », le Tribunal a jugé, par implication, qu’une application de la dérogation à l’ensemble de la concentration unique ne contrevenait pas au principe d’interprétation stricte auquel son arrêt fait également référence14.

(34)    En quatrième lieu, aucun élément ne permet de constater un manque de célérité de la part de Veolia dans la notification de l’Opération. La pratique de la Commission est par ailleurs d’encourager les parties notifiantes à établir des contacts préliminaires avec la Commission dans une période dites de « prénotification »15, ce qui peut avoir comme effet de retarder la notification formelle. La Commission est soumise à un devoir de confidentialité concernant ces contacts.

(35)   Pour ces motifs, la Commission estime que l’Opération constitue une concentration unique et que chaque étape de celle-ci bénéficie de la dérogation à l’obligation de suspension prévue à l’article 7, paragraphe 2, du Règlement.

 

4.  CONCLUSION

(36)    Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission rejette la demande de Suez de constater que Veolia aurait enfreint l’article 7, paragraphe 1, du Règlement en acquérant une participation minoritaire de 29,9 % dans Suez, et d’adopter, en vertu de l’article 8, paragraphe 5, a) du Règlement, des mesures provisoires à l’encontre de Veolia.

(37)     La Commission enverra une copie de cette décision à Veolia, qui est directement concerné par cette affaire.

 

 

 

 

 

 

1      OJ L 24, 29.1.2004, p.1.

2      T‑282/02, Cementbouw Handel & Industrie v Commission, EU:T:2006:64.

3      T‑282/02, Cementbouw Handel & Industrie v Commission, EU:T:2006:64, point 106.

4      T‑282/02, Cementbouw Handel & Industrie v Commission, EU:T:2006:64, points 106-107.

5      OJ C 95, 16.4.2008, p. 1.

6      Communication Consolidée, para. 43.

7      Communiqué de presse de Veolia du 30 août 2020.

8     Veolia/Suez : l'AMF considère qu’il n’y a pas lieu de constater l’ouverture d’une préoffre sur les titres de la société Suez, Communiqué de l’Autorité des marchés financiers, 24 septembre 2020.

9     T-704/14, Marine Harvest ASA v Commission, EU:T:2017:753, points 201 et s.

10   Dans ses déclarations publiques cependant, Veolia s’est réservée la possibilité de déposer une offre publique à tout moment avant l’obtention des autorisations règlementaires de concurrence. Voir le Communiqué de presse de Veolia du 30 août 2020.

11   Communication juridictionnelle consolidée, paragraphe 38.

12   Suez elle-même a souligné dans une note du 6 septembre 2020 adressée à la Commission que « dans l’hypothèse où Veolia n’acquerrait pas le bloc de titres de 29,9% avant le lancement de son OPA, les chances de succès de son OPA seraient extrêmement limitées. Dans une telle hypothèse, en effet, il serait difficile pour Veolia d’espérer détenir à l’issue de son OPA au moins 50% des actions de Suez, soit le seuil en deçà duquel son offre deviendrait automatiquement caduque ». En effet, dans le cas où il y aurait un apport inférieur à 50 % des actions de Suez dans le cadre de l’OPA, l’acquisition préalable du bloc de 29,9 % pourrait significativement contribuer au franchissement du seuil de caducité, et donc au succès de l’Opération.

13   T-704/14, Marine Harvest ASA v Commission, EU:T:2017:753, point 191, dans lequel le Tribunal  a clarifié la signification de son précédent arrêt T-411/07, Aer Lingus Group v Commission,  EU:T:2010:281, point 83.

14   T-704/14, Marine Harvest ASA v Commission, EU:T:2017:753, point 201.

15   Voir le Règlement (CE) n° 802/2004 de la Commission du 7 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, OJ L 133, 30.4.2004, p. 1, Annexe I, section 1.2.